jeudi 31 décembre 2009

L'Ensemble



L'instant d'une pleine lune de nouvelle année. De l'artifice pour les cieux. De l'odeur pour les géraniums, restants vivants de l'été. De l'amour pour une chanson. De la lenteur pour les jours sans nom. Des lumières revenues du parc Belmont. La fragilité des bulles de savon. Il fût une fois ce jour. Une seule fois. Et la voix de China. Et « Toutes ces images que l’on garde en tête au cœur de nos voyages, qu’ils soient longs ou de courte durée. Toutes ces ambiances particulières qui font de vous un être unique au moment où tout cela doit se passer. Jamais je ne les oublierai…»Voici venue l'hiberté, la saison qui ne nous a jamais oubliés.



vendredi 25 décembre 2009

Il se souvient‏

Photo: Musée Canadien des Civilisations


Hier après-midi, dans ma boîte de courriel, un cadeau de Mononk Gilles...

Je Me Souviens‏
24 décembre 2009 17:33:52

Bonjour Louise,

Hier matin, j'avais composé toute une réponse à ton courriel du 5 décembre dernier, à propos de ton message intitulé "Pour toi mon petit frère..." J'avais presque terminé quand tout-à-coup BANG, une panne de courant...et le tout était éffacé lorsque le courant est revenu...J'étais en..
&%$*/#@de%, tout était effacé et je ne savais pas que je pouvais préenrégistrer en cas de panne.
J'ai beaucoup apprécié ton talent pour la composition et ta mémoire pour décrire les anecdotes du passé. Comme toi, j'ai toujours aimé écrire, nous sommes probablement des "soul-mates" (âmes soeurs de l'écriture), et j'aimerais ajouter mes propres souvenirs.
JE ME SOUVIENS...que ton père et moi étions allés au Forum en septembre 1947, pour assister à un match de hockey pré-saison, entre les champions de la coupe Stanley, soit les Canadiens et une équipe composée de joueurs étoiles des autres clubs, il y en avait 6 dans la ligue à ce moment-là. Après la partie nous avions couru vers les portes de sortie pour obtenir le plus grand nombre d'autographes possible. Nous avions réussi à "accrocher" Emile "Butch" Bouchard avant qu'il s'engouffre dans un véhicule. Je me souviens que "Butch" était très élégant, nue-tête, les cheveux reluisants et qu'il arborait un foulard blanc. Il était très grand, "Butch"...pas le foulard.

JE ME SOUVIENS...que le même soir nous étions retournés à l'intérieur du Forum, sous les gradins, pour voir s'il n'y avait pas d'autres joueurs disponibles, ET c'est LÀ que André et moi avions rencontré nul autre que Maurice "Rocket" Richard en personne !!! Il était sur le point de quitter les lieux. Sa femme Lucille l'attendait avec impatience et lui a dit: "Maurice,nous allons être en retard..." et celui-ci a répondu: "Attends encore un peu, j'ai des autographes à signer..." et il s'est exécuté avec patience et dignité, jusqu'à il ne reste plus personne. Il était grand et humble en même temps.

JE ME SOUVIENS...que dans les années '40, ton père et moi sommes allés au Forum le dimanche après-midi, voir les "Royaux de Montréal" qui jouaient dans la ligue Sénior. Nous y allions souvent dans la voiture de Denis Casavant, joueur vedette des Royaux et qui ramassait les ti-culs voisins, lorsqu'il y avait de la place dans son Studebaker '47. Il habitait sur la même rue que nous, soit la rue Louis-Hébert. Il y avait beaucoup d'ambiance au Forum à cette période-là. Avant la partie et durant les intermissions il y avait une FANFARE qui jouait de la musique militaire et populaire, genre Alys Robi avec la chanson"Symphonie" par exemple. Les yeux d'André brillaient de bonheur à l'écoute de cette musique, qui a peut-être donné le coup d'envoi à sa carrière musicale, c'est plus que probable..

Je dois te quitter maintenant car nous sommes le 24 décembre, date anniversaire du décès de notre petite Suzanne *, (elle aurait 52 ans) et qui sait si sa vie n'aurait pas apporté un changement radical dans l'histoire de notre famille...et de cela aussi JE ME SOUVIENS...

Joyeux Noël,
Mononk Gilles

***


Alys Robi à deux époques différentes, chantant SA symphonie. (Je vois les yeux de mon père briller). Merci mononk Gilles pour ses souvenirs que je ne connaissais pas.



* Suzanne, ma petite cousine, que je n'ai pu malheureusement connaître puisqu'elle n'était âgée que de 6 mois lorsqu'elle est devenue un petit ange et moi, que 6 de plus qu'elle. Aujourd'hui, c'est Noël, et nous pensons encore à cette triste veille de Noël 1957, comme il y a 52 ans...Et puis c'est vrai, que Mononk et moi écrivons semblable.



jeudi 24 décembre 2009

Everything is everything

Mémère dans sa cuisine sur le frigidaire de ma mère.
août 2009

Convaincus de l'importance de parler anglais « pour voyager et réussir dans la vie », nos quatre jeunes ont ouvert de grands yeux lorsqu'on leur a demandé ce qu'ils pensent de l'indépendance du Québec. « C'est quoi ça, l'indépendance ? lance Rose-Marie. » C'est la liberté au Québec ? » avance prudemment Jean-Christophe. Quand on leur explique que certains souhaitent que le Québec devienne un pays, indépendant du Canada, Étienne fronce les sourcils. « C'est bizarre, comme idée !»

Daphnée Dion-Viens
Les enfants de l'an 2000
LE SOLEIL, 24 décembre 2009


http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/dossiers/retour-sur-la-decennie/200912/23/01-933761-les-enfants-de-lan-2000.php


Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico hey hey hey hey noa..Depuis une semaine, je n'ai que cette chanson en tête, va savoir pourquoi. J'ai toujours aimé cet air indigène que Charlebois avait interprété en 73 sur son album SOLIDARITUDE. Mon frère D. et moi l'avions acheté ensemble et d'un commun accord lors des Fêtes de cette même année, dans le temps que nous allions encore réveillonné dans la maison de Mémère Charette, à Notre-Dame-de-la-Merci, dans le temps qu'il y avait encore à peu près 90 personnes qui y défilaient...On faisait jouer nos disques, y'en avait des plus ketaines, mais on s'accommodait...

ENTRE DEUX JOINTS, de Pierre Bourgault, LE RÉVOLTÉ, de Réjean Ducharme, VIVRE EN CE PAYS, de Pierre Calvé, AVRIL SUR MARS, de Charlebois lui-même, CAUCHEMAR de Michel Choquette, étaient nos préférées. C'est drôle, mais arrivés à WITCHI TAI TO, on levait le bras de la table, on n'était peut-être pas assez vieux pour la comprendre CELLE-LÀ...L'anglais, c'est qu on s'en foutait bien dans ce temps-là, NOUS, c'était la musique qui comptait...dans NOS propres buts.

Trop lâche pour sortir ma vieille galette de vinyle, je suis allée fouiller sur le Net pour l'écouter, mais pas trouvé la version de notre Garou national. Par contre, des versions de Witchi Tai To, en veux-tu en v'la. Celle de Jim Pepper *, son auteur, m'a particulièrement touchée, son histoire également. Le lien en dessous en parle...

http://jimpepperlives.wordpress.com/

J'ai donc écouté ce qu'il y avait à me mettre sous l'oreille, et comme dirait Mononc' Serge, y'en a des pas pires...

http://www.youtube.com/watch?v=S2YeEUlyhQw&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=Sg9LT4qR_Dw&NR=1


Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa
Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa
WATER spirit's feet are swinging round my head
Makes me feel glad that I'm not dead

Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa
Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa
Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa
Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa

WATER spirit's feet are swinging round my head
Makes me feel glad that I'm not dead

Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa
Witchi tai to kimera bulrunico bulrunico
Hey hey hey hey noa

Jim Pepper




La version de Ralph Towner, pour le son d'Oregon...

http://www.youtube.com/watch?v=r_13j5GoNDU
et puis celle de DJABE, pour la trompette, le jazz, et le reste...

http://www.youtube.com/watch?v=gvpoq6j0Pro

Et celle plus " disco "....pour la cassette... et la fille...

http://www.youtube.com/watch?v=gsHsPtX-1IQ

Pour le folk rock de Brewer & Shipley

http://www.youtube.com/watch?v=N3oHdlfoXio




mardi 22 décembre 2009

GOODREADS

Notre-Dame-de-la-Merci
LES POÈMES CANNIBALES
Jacques Desmarais
Août 2009


JOSÉ ACQUELIN-YANN ANDRÉA-ÉMILIE ANDREWES-HUBERT AQUIN-LOUIS ARAGON-REINALDO ARENAS-GUILLERMO ARRIAGA-MATHIEU ARSENAULT-ANTONIN ARTAUD-MARCELLE AUCLAIR-PAUL AUSTER-JEAN-FRANÇOIS BEAUCHEMIN-FRÉDÉRIC BEIGBEDER-ALAIN BEAULIEU-VICTOR-LÉVY BEAULIEU-TONINO BENACQUISTA-CHRISTIAN BOBIN-PASCAL BONAFOUX-HERVÉ BOUCHARD-MARC LOUIS BOURGEOIS-PATRICK BRISEBOIS-DAN BROWN-R.P. BURTIN omj-LEWIS CARROLL-SÉBASTIEN CHABOT-TRACY CHEVALIER-EMILE MICHEL CIORAN-ALAIN CLICHE-JEAN COCTEAU-LEONARD COHEN-CYRANO DE BERGERAC-JACQUES DESMARAIS-ALFRED DESROCHERS-PHILIP K. DICK-CHARLES DICKENS-NICOLAS DICKNER-XAVIER DOMINGO-STÉPHANE DOMPIERRE-MARGUERITE DURAS-TRISTAN EGOLF-JOHN FANTE-NICOLAS FARGUES-MADELEINE FERRON-F. SCOTT FITZGERALD-PIERRE FLYNN-GAËTAN GATIEN de CLÉRAMBAULT-LOUIS GAUTHIER-GÉRARD GENGEMBRE-ROLAND GIGUÈRE-TOM GILLING-DAVID GILMOUR-JACQUES GODBOUT-MARIO GROS-LOUIS-NICOLAS GUILLAUME-ROBERT GURIK-JONATHAN HARNOIS-JEAN-CLAUDE HARVEY-ANNE HÉBERT-GILLES HÉNAULT-MICHEL HOUELLEBECQ-VICTOR HUGO-GILLES JOBIDON-JOHN KENNEDY TOOLE-ANDREA KETTENMANN-GEORGETTE LACROIX-JEAN-MARC LA FRENIÈRE-GABRIEL LALONDE-ROBERT LALONDE-ALPHONSE DE LAMARTINE-GINA LAMBROSO-GILBERT LANGEVIN-PAUL-MARIE LAPOINTE-STÉPHANE LARUE-SUZANNE LASSEN-BERYTAN LEMOINE-LINO-ÉMILE LITTRÉ-CLAIRE MARTIN-ROBERT MERLE-MICHEL MÉTAYER-ROBERT MIGOT-CHRISTIAN MISTRAL-MOLIÈRE-ALBERT MONDOR-ALFRED de MUSSET-ROBERT McLIAM WILSON-DANAÉ NOURY-MARTIN OUELLET-Dr VICTOR PAUCHET-CHARLES PERREAULT-JEAN-GUY PILON-EDGAR ALLAN POE-MARIE-HÉLÈNE POITRAS-PHILIPPE JEAN POIRIER-JACQUES POULIN-JEAN RACINE-HUBERT REEVES-ALINA REYES-LYNE RICHARD-HENRI-PIERRE ROCHÉ-SAINT-AUGUSTIN-GILLES de SAINT-AVIT-SAINT-DENYS GARNEAU-MAURICIO SÉGURA-WILLIAM SHAKESPEAR-PATRICK STRARAM-ANNE TARDY-WILLIAM MAKEPEACE THACKEREY-LEON TOLSTOÏ-IVAN SERGUEÏEVITCH TOURGUENIEV-SYLVAIN TRUDEL-MARINA TSVETAÏEVA-WILLIAM VAUGHN-JEAN-FRANÇOIS VÉZINA-BORIS VIAN-GUILLAUME VIGNEAULT-LOUISE de VILMORIN-MARC VILROUGE-VOLTAIRE-TECIA WERBOWSKI-THOMAS WHARTON-

***

Au cours des dix dernières années, ce sont eux qui m'ont emportée le long de leurs pages blanches, écrues ou de couleurs plus éclatées, à bord de leurs ailes imaginaires, dans des semblants de mondes où le Lecteur qui les lit ressemble davantage à un homme qu'à une bête. Le bleu pour les auteur Québécois, non pas parce qu'ils sont différents des autres, mais simplement pour "cygnifier " leur présence plus qu'importante parmi les rêves qu'ils me donnent(ou les cauchemars, c'est selon), dans cette faune dévorée/dévorante qu'est notre littérature depuis les premiers arrivant en Kebek. Certains parmi eux n'ont pas encore été vraiment lus, mais leur tour viendra bien par un beau et long soir d'hiver de tempête, c'est qu'ils ont beaucoup de patience et d'endurance envers la mauvaise lectrice que je peux être à l'occasion, surtout lorsque je les abandonne en plein milieu de leur histoire, pour une autre qui me semble encorer plus passionnante...Et pour ceux-là qui n'ont pas encore été publiés officiellement, mais qui écrivent tout aussi bien mais autrement (je pense à tous ces blogueurs, poètes, prosateurs et bande de dessinateurs du dimanche), je leur dit merci, parce que je fais partie moi aussi de cette faune parallèle depuis quelques six ans. Voilà, je voulais nous souhaiter une belle, riche et fortifiante décennie pour les histoires à venir... Mais où en serons-nous avec les livres en 2020 ? Où se mettront-ils au monde ?


lundi 21 décembre 2009

La saignée des lettres attachées


Clôture
Octobre 2009
Photo: L.L.

Un tas de petits papiers, des bouts de phrases qui traînaient ici et là depuis des semaines. Des petites choses sans importance, mais qui une fois rapaillées et ajustées donnent ce que ça adonne...

Il y a des moments d’élévation dans le silence.
Fabrice "Robert " Lucchini
15-09-09


Décembre, sous l’effet du mois de décembre
au rythme plus lent en face du blanc
l’attente, enclenche l’attente
une toupie karmique
débobine sur le lieu
je rapaille tous les décembres de ma vie
et je tourne autour lentement

Gérald Leblanc
1945-2005


On fait ce qu’on peut durant la saison morte. Néanmoins nous ne valons rien de plus qu’une simple étincelle. C’est l’odyssée commencée à deux qui se multiplie jusque dans le lit de l’Infini. Mais cent ans, c’est long. Le rouge des sensations, le bleu de l’imagination, l’art des fugueurs.


Monsieur Partout, Madame Nulle Part, leur fille Le Loup, leur fils Renard, vos beaux ti-cœurs d’écoeurants, vous aviez pourtant tout le potentiel pour une vie qui NOUS concernait, celle que vous aviez fait monter à bord dans les trains d’unions libres alors que vous regardiez le canal des sports addict. Que des cravaches de mots sang ti-Nel. Que des dorénavant de nous serons crus et dévorants. Que dès que nous serons lus.
 
Il y a des je t’aime en ballade autour de votre épaule, ils ressemblent à des petits papillons, allez OUST !

JEJEJE
JEJEJE JE
JEJEJE
TU
TU
TU
TU
TU
TU IL

Une fleur en terre, c’est vivant, une femme sous terre, c’est mourant. Les carapaces de nos amis flottent flou dans le lit des hall d’entrée de centre d'achats. Ce sont des longs congés de parent mental qui créeront la palinodie de l’écrivain, qui récupéreront amèrement sa chair autour des corps gras de textes d’érudiants. Un nouveau seuil sera affranchi, celui de sa solitude avachie. Un petit pas dans l'amitié, la plus belle de toutes ses démarches. Comme une petite roche précambrienne qui tiTube jusqu'à sa main, libre, seule et sauvage, comme le sont les héros. Comme les aliens nés. Comme les TU à figures amicales. Comme des lecteurs à voix fraternelle. Comme le muet péril des épluchailles de mots développement inclus.

La tourista des tas de touristes en forme de virus informes à tics d'enfirouapés. Le grenouillage des fées trompées. Les je rapaille, je semaille, je détale, je détaille. Les j'éMAILle, les gémeaux, les contre plaque-art des complices de la fleur de lys.

You play Boy, with all of your toys
You play Boy, without all your joy
You play Boy, you’re so cute and coy


(SORRY, you could be a frog...)


On n’avance pas vite mais on ne recule jamais.
Richard Desjardins


Je n’ai plus qu’une seule phrase à la bouche: comprenez-NOUS.

samedi 19 décembre 2009

De la chambre de Juliette au Congrès...

Davis-Gréco-Vian
1949

Miles Davis, KIND OF BLUE, 50 ans de vie...déjà. Le Congrès américain l'honore pour sa contribution unique au jazz américain. Comme un drapeau bleu hissé dans le firmament rempli d'étoiles de Miles...Je pense à tous ces grands noms avec qui il a joué sur cet album mythique, il fallait que j'aille feuilleter quelques pages de sa biographie dans l'armoire des livres cachés pour lire quelque chose à propos de Coltrane, Adderley, Evans, Kelly, Cobb ou Chambers, mais je tombe sur l'un de ses épisodes Gréco...L'extrait choisi explique en partie le côté distant, pour ne pas dire sauvage, de cet artiste inévitable, comme le sont Vian, Gréco et Cocteau, et tant d'autres.

***

Cet été-là, Juliette Gréco * est venue à New-York pour discuter avec les producteurs du film inspiré de Le soleil se lève aussi, d'Ernest Hemingway. Ils voulaient qu'elle y participe. Elle était devenue la plus grande star féminine française --- ou presque ---, et avait une suite au Waldorf-Astoria, sur Park Avenue. Elle m'avait contacté. Nous ne nous étions pas vus depuis 1949, et beaucoup de choses s'étaient passées. Nous nous étions écrit une ou deux fois, nous avions échangé des messages par des amis communs, mais c'était tout. J'avais envie de voir mes réactions devant elle, et je suis sûre que c'était réciproque. Je ne savais pas si elle était au courant de la merde dans laquelle je m'étais retrouvé, et je brûlais de savoir si la nouvelle de mes problèmes d'héroïne était arrivée en Europe.


Elle m'avait invité à aller la voir. J'étais un peu méfiant, je m'en souviens, à cause de ce qui m'était arrivé quand j'avais quitté Paris, quand il n'y avait plus qu'elle dans ma tête, mon coeur, mon sang. Elle avait été la première femme que j'aie vraiment aimée, et cette séparation m'avait presque brisé le coeur, m'avait fait tomber dans le gouffre, dans l'héroïne. Au plus profond de mon coeur, je savais que je voulais--- que je devais ---la revoir. Mais au cas où... je me suis fait accompagner par un ami, le batteur Art Taylor. Comme ça je contrôlerais la situation, dans la mesure du possible.



On est arrivés au Waldorf dans ma petite voiture de sport, une MG d'occasion, dont j'ai emballé le moteur en entrant dans le garage. Fallait voir la tête de tous les Blancs: deux nègres bizarres arrivant au Waldorf en MG...On a traversé le hall jusqu'à la réception, tous les yeux rivés sur nous. Ça dérangeait leurs putains de têtes, de voir dans le grand hall deux nègres qui n'étaient pas des employés. J'ai demandé Juliette Gréco. « Juliette qui ? » m'a demandé le type derrière le comptoir. L'enfoiré avait l'air de se dire qu'il rêvait, que ce nègre devait être dingue. J'ai répété son nom et lui ai dit de la prévenir. Il l'a fait et, tout en composant le numéro, il me regardait avec l'air de celui qui n'en croit pas ses yeux. Quand elle lui a dit de nous faire monter, j'ai cru que le connard allait mourir sur place.

On a retraversé le hall, silencieux comme un mausolée, et on a pris l'ascenceur jusqu'à la chambre de Juliette. Elle nous a ouvert, m'a pris dans ses bras et m'a donné un grand baiser. Je l'ai présentée à Art, planté derrière moi avec un air choqué, et j'ai vu la joie s'évanouir de son visage. Un peu comme si elle n'avait pas voulu voir ce nègre à ce moment-là. Elle était vraiment déçue. On est entrés. Un sacré morceau. Elle était plus belle que dans mes souvenirs. Mon coeur battait fort, j'essayais de contrôler mes émotions, et j'ai réagi par la froideur. Je me suis remis à jouer le mac noir. Parce que j'avais peur, parce que j'avais piqué ce comportement pendant ma période junkie.

« Juliette, je lui dis, donne-moi de l'argent, j'en ai besoin tout de suite. »
Elle marche jusqu'à son sac, et en tire du fric qu'elle me donne. Mais elle a un air choqué, l'air de celle qui ne croit pas ce qui lui arrive. Je prends l'argent, et je me mets à tourner autour d'elle, à l'observer froidement --- alors que je n'ai qu'une envie, c'est de la prendre dans mes bras, de lui faire l'amour...Mais j'ai peur de ce que ça pourrait me faire, de ne pas être capable d'assumer mes émotions.
Au bout d'un quart d'heure, je lui dis qu'il faut que je parte, que j'ai quelque chose à faire. Elle me demande si elle me reverra, si je pourrai aller la voir en Espagne pendant le tournage. Je lui dis que je vais y réfléchir, que je la rappellerai. Je ne crois pas qu'elle avait jamais été traitée comme ça. Il y avait tant d'hommes qui la voulaient, la désiraient, qu'elle avait toujours eu ce qu'elle voulait. Au moment où je franchis la porte, elle me demande: » Miles, tu reviens vraiment ?

--- Oh, ta gueule ! Je t'ai dit que je t'appellerais plus tard !» Intérieurement, j'espérais qu'elle trouverait le moyen de me faire rester. Mais je l'avais tellement agressée, lors de ces retrouvailles, qu'elle était trop sous le choc pour ne pas me laisser partir. Puis je l'ai rappelée pour lui dire que j'étais trop occupé pour la suivre en Espagne, mais que je la rencontrerais plus tard, quand je viendrais en France. Elle était tellement choquée qu'elle ne savait que faire. Elle a pourtant accepté de me revoir si j'allais en France. Elle m'a donné son adresse et son numéro de téléphone puis a raccroché. C'est tout.



On a fini par se retrouver et on a été amants pendant de nombreuses années. Je lui ai dit le problème que j'avais eu quand je l'avais rencontrée au Waldorf. Elle a compris et m'a pardonné, mais m'a dit combien elle avait été décontenancée et déçue par la façon dont je l'avais traitée. Dans un de ses films postérieurs --- de Jean Cocteau je crois ---, Juliette place une photo de moi sur une table près de son lit. On la voit dans le film.


C'était l'une des choses qui avaient changé en moi depuis la drogue: je m'étais replié sur moi-même pour me protéger d'un monde que je pensais hostile. Parfois, comme dans le cas de Juliette Gréco, je ne savais pas distinguer ami et ennemi. Parfois aussi, je ne cherchais pas à savoir. J'étais froid avec pratiquement tout le monde. C'était ma façon de me protéger, en ne dévoilant pratiquement rien de mes sentiments ou émotions à qui que ce soit. Il en a été longtemps ainsi.


Miles Davis 1954 (p. 229-230-231-232)

MILES l'autobiographie(avec Quincy Troupe)
Presse de la Renaissance
traduit par Christian Gauffre
* Juliette parle du racisme, de cette renconte au Waldorf-Astoria

(avec deux charmants petits monstres à ses côtés)




mercredi 16 décembre 2009

Entracte

photo: Arold Blanchet, 1991



Enfin vu DÉDÉ À TRAVERS LES BRUMES hier après-midi, la fin m'a démolie, l'avant-dernière scène surtout. Brassage de vieilles angoisses qui en ont suscité de nouvelles. Sébastien Ricard, tellement beau-bon et si cher à mes yeux, quasiment plus vrai que le vrai Dédé. J'ai beaucoup aimé les liaisons entre les époques, le recul des années. Où étions-nous, que faisions-nous le 8 mai 2000 ? Ou en novembre 1995 ? Qu'est-ce que la mort d'un homme qu'on aimait bien parmi les autres, mais qu'on ne connaissait pas vraiment, peut bien nous avoir fait vivre, écrire ou mourir, nous, illustres inconnus de lui ?

La nuit dernière, Dédé est passé me voir dans ma chambre, je n'avais pas de réponse pour lui, je n'ai pas osé le déranger, il avait l'air si au-dessus de la situation. Juste une p'tite nuitte, qui m'a dit, t'as rien à me dire, ok, je r'pars en comète filante, on se r'verra...le 7 janvier...

***

Je pense aux années Fortin, à Dédé, au quai de ses brumes, aux référendum perdus, à Belzébuth, à la batterie de son cœur, au rocher percé du sang de sa douleur, à la grande gueule de Montréal qui l’avait avalé tout rond, à cette fin de siècle qui NOUS appartenait, à son indémodable gilet rayé et la tuque qui allait avec, à ses p’tites nuittes de doux malcommode, au bruit griot de ses casseroles, à ses pieds nus dans la neige, au filet gelé dans lequel il scorait ses buts, au petit Bouddha, à son répondeur muet, à son corps défendant qui surfait sur la vague de chair humaine qu’étaient ses fans finis, au cerf-volant de glace dans l’hiver de ses faibles forces, à ses âmes-frères, aux Félix de l’écho de la mort et à nos banlieues mortes…


L.Langlois
extrait de L'Admission





vendredi 11 décembre 2009

À cause d'Ève Cournoyer

Dans ma cour
octobre 2009


http://archives.radio-canada.ca/art_de_vivre/art_recevoir/clips/8144/

Envapement: évanouissement, quand on n'est pas dans son état naturel suite à un excès.

www.languefrancaise.net/

De Léopold Z à Psychocaravane, le twist de Roger, le twist de Yann, effets son-nord pour un hiver frett et blanc frett et blanc comme un lavabo, frimas d'état d'hibernation sur les lèvres bleuies d'un oiseau gelé, sacres dans le char qui parta pas...Mon pays, oui, mon pays, c'est l'hiver...sous le parasol d'un esquimau bronzé qui tricote des ceintures fléchées farcies, mon pays, c'est l'envapement du chant d'un enfant mort mangé par sa souffleuse de mots givrés...

De Léopold Z à Psychocaravane, pour twister sur le parquet collé du Cercle le 30 janvier prochain, pour l'ambiance des anciennes soirées passées dans le salon des deuils enfumés, pour les trente sous donnés aux plus cassés que nous, pour enrichir nos guignolées, pour l'enfantement d'un pays d'avortés, pour la clef des songes restée pognée dans la serrure des limbes, pour le gant perdu puis retrouvé, pour le foulard mouillé sur le front de la libération d'un peuple d'amour haché, pour son imaginaire, pour ses elfes forts et ses faibles, pour ses tunnels bloqués de lumières de Noël, pour ses bébelles à bon marché, pour ses batailles d'enfants emprisonnés dans l'eau floconneuse de leurs petites boules à neige, pour leurs tuques arrachées, leurs nez morveux et leur langue française collée sur le fer forgé d'une galerie rouillée. Pour les pouces gelés au bord des routes mal déglacées, pour le soleil des petits matins à dorer sur les sapins souls-pesants de blanc frais neigé, pour l'omniprésence des magiciens, pour les notes twistées d'un musicien. Pour la pelle et la gratte de l'entrée fraîche pelletée, pour le gaz échappé, pour la boucane avalée. Pour l'alcool, la cigarette, et leurs cendriers prohibés. Pour le coat de cuir à moitié ouvert en plein coeur de l'hiver, pour les tempêtes de jeunes cuisses à l'air, pour les têtes en feu et les coeurs en peine, pour les turn-over des lendemains de grosses brossées, pour la guimauve tendre des oreillers, pour la mauvaise haleine des fleurs fanées. Pour la liqueur et le café, pour les peanuts salées, les crottes de fromage et les chips en papier, pour le ragoût mal dégraissé aux pattes brisées, pour le ketchup trop sucré, pour les pickels et les oignons marinés, pour la tourtière à la pâte brisée, pour la chair à canon chassée par les gibiers, pour le ravage maison de nos songes de rapaillés, pour les fenêtres frostées de nos frigidaires pleins à craquer, pour le buffet de viandes froides étalées à côté de la pantry, pour les fondus au noir du cinéaste fantôme, pour les coulées de collant sharab sur le plancher de nos vaches de table....Ah! le shortcake des Fêtes...et des framboises. Pour le froid des pieds à plat sur la bavette de la chaleur du poêle à bois, pour les bas percés, les combines usées, pour la fève des rois et le pois des princesses, pour le rêve matelassé qui se cache en-dessous de leur maudite galette. Pour le 7 janvier...

À cause de Léopold Z, qui connaît Ève Cournoyer, qui connaît Roger Miron, qui connaît Caroline Caza, qui connaît qui ? À cause de Gilles Carles et de J.D., qui me parlent encore de ce NOUS.

Caroline Caza
http://www.youtube.com/watch?v=VL5HPNBMpv8

Psychocaravane: une musique sans langue, mais qui parle
http://www.myspace.com/psychocaravane

Léopold Z
http://www.youtube.com/watch?v=26_SCrpCVjk


mardi 8 décembre 2009

Multiplicande *





Le carnet rouge existe effectivement : il s'agit d'un bloc-notes où l'auteur consigne les anecdotes et autres événements bizarres recensés au cours de son existence. Treize brèves nouvelles placées sous le signe du hasard et du burlesque.

Evene.fr


LE CARNET ROUGE, un petit livre fait de coïncidences parfois si invraisemblables que l’on se demande si c’est réellement vrai tout ce que l’auteur nous raconte là-dedans. On s’amuse autant qu’on s’étonne à lire ces 62 pages. Après l'avoir lu, j’aurais voulu que tout le monde le lise, je le prêta donc pour la première fois à J.P., le plus grand ami d’enfance du plus jeune de mes trois frères. La vie, et ses multiples hasards, faisant qu’elle est parfois plus imprévisible que ses aléas, je ne revis J.P. que 10 ans plus tard. Il me le remit, il était toujours en aussi bon état. Et J.P. aussi. Ravie de le revoir ce petit, tout comme le Carnet, je le relu, avec autant d’intérêt que la première fois, comme si je ne l’avais jamais lu. Toujours aussi éblouissant, transportant, c’est un livre de gare, et c’est un peu pour cette raison que je décida de le prêter au Train de Nuit il y a quelques jours…

A. est la deuxième personne à qui je loua mon Carnet Rouge. A., qui aime beaucoup Paul Auster, qui lit beaucoup, qui étudie dans le cinéma...et la littérature, à qui j’avais tant louangé ce livre rempli d'inouï qu'il est apparu le matin du 1er janvier dernier, tout juste avant de partir pour Cuba, il était venu expressément ici pour me l’emprunter. L’idée de l’envoyer passer quelques jours au soleil dans le pays de Reinaldo Arenas me contenta et c’est avec grand plaisir que je le laissa s’envoler sous les palmiers. A. ne me le rendit que quelques huit mois plus tard alors qu’il devait encore une fois partir en voyage, en France et en Espagne ce coup-là. Le Carnet à nouveau revenu au bercail, pas trop magané, juste un peu basané. Je ne le relu pas cette fois, ni aujourd’hui. Mais avant de le remettre à J. chez Jules et Jim...

Lorsque j’en devint la détentrice, comme à l’habitude, j’inscrivis mon nom sur la première page avec la date, 1993, mais au plomb, ce qui est assez rare pour la grande scribouilleuse à l’encre que je suis. J’aime beaucoup travaillé dans MES livres, c’est pourquoi je n’aime pas tellement les prêter, le lecteur aurait passablement de difficulté à déchiffrer ce qui est écrit, et par l’auteur, et par moi; c’est qu’il faut faire se frayer les yeux à travers cette jungle de traits de différentes couleurs, de notes, de dessins, de barbots divers. Dans Le Carnet Rouge, il n’y a jamais eu absolument rien de souligné, pas même un simple trait au crayon à la mine comme je le fais pour les ouvrages plus dispendieux, ou plus rares, comme cette édition limitée à cent copies du substantiel James Joyce de Victor-Lévy Beaulieu ou du non moins substantiel Oeuvres d’Antonin Artaud. Non, rien de souligné, rien d'annoté, que les mots de l'auteur, probablement parce que ce " bloc-note ", comme le qualifie certains, se lit en une seule traite, et qu’à chaque fois que je le relis tout y est encore parfaitement à point, comme il y a seize ans, et comme le soir du 25 novembre où, en attendant l'auteur des Poèmes Cannibales au Jules et Jim, je ne pu résister à l'envie de le relire à nouveau. Cette-fois-ci, il m’est revenu beaucoup plus vite que prévu: à ma grande surprise il était blotti dans ma boîte à malle hier au midi, enveloppé d'un morceau de papier brun. En l’ouvrant, pour prendre la carte postale de l'homme-lapin de Drouillard, je lus ces quelques mots de J., ils étaient accompagnés d’une fleur:

" Merci

Pour certains, le hasard n’existe pas. Il n’y a que la nécessité du destin. La caricature de cela, ce pourrait être Jacques le fataliste de Diderot. Pour ma part, j’aime à savoir, avec les évolutionnistes, que le hasard est radicalement, nécessairement source de vie. "
J.D.



Sur la page où ces mots étaient écrits, au crayon de plomb, il y avait des petits picots d’encre bleue ici et là, (picots avec un t) ;-) ...un peu comme s’il avait plu du bleu d’âme dans le cœur du carnet rouge…J. avait écrit sur un post-it qu’il était désolé. J. ne le sait peut-être pas, d'autres le savent, mais pour moi le mot désolé en est un que je déteste souverainement. Il faut croire que je m’assagis avec le temps, parce que j’ai tout de même souri ce midi-là…À l’endos de " l’enveloppe brune ", il y avait un poème de stické dessus...

Chacun son Sinaï de l’envoi au déclin son Everest enfoui
dans un vivace ego chacune extravoyante ou s’aveuglant de rage
par un méfait des temps aux abords de l’alter ni l’âme qui s’affale
devant la loi des murs ni l’encre obnubilante n’auront raison du tendre

...signé Gilbert Langevin


Avec la neige, venue faire quelques braves petites bavures sur l’encre fraîche, et les picots bleus parsemés ici et là comme des micro étoiles dans ce livre-ciel de hasard, je l’appelle maintenant Le Carnet Bleu Blanc Rouge. Entre deux apocalypses, les livres vivent, leurs mots le disent, leurs tempêtes nous les prédisent…


* multiplicande: nm (mul-ti-pli-kan-d')
Terme de mathématique. Nombre à multiplier par un autre. Le multiplicande et le multiplicateur sont les deux facteurs du produit.

samedi 5 décembre 2009

Il était une fois...

Gilles Carle, 1970

En 1953, on parle au lecteur comme à un ami qui fait partie de l’équipe éditoriale: on le tutoie et on lui demande de contribuer modestement au succès de l’entreprise, qui fonctionne par souscriptions. Le premier livre publié à l’Hexagone est lui-même une sorte de création collective: il s’agit de DEUX SANGS, écrit par deux poètes, Gaston Miron et Olivier Marchand, et illustré par trois autres membres de la maison d’édition, Gilles Carle, Mathilde Ganzini et Jean-Claude Rinfret. D’une année à l’autre, les éditeurs se félicitent du fait que le cercle d’amis, c’est-à-dire de lecteurs, est en train de s’élargir. Dès le prospectus de 1958, on affirme triomphalement que " la poésie canadienne est maintenant en orbite ". Pas seulement celle publiée à l’Hexagone: le but explicite de cette maison d’édition est de créer une poésie nationale, voire une littérature nationale. Elle ne se présente donc pas en concurrence avec les autres maisons d’édition, mais cherche à créer un mouvement plus général qui fasse exister collectivement la poésie.


Extrait de L’Hexagone et la poésie du paysL’exposition de la littérature québécoise (1960-1970)
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE QUÉBÉCOISE
Michel Biron
François Dumont
Élisabeth Nardout-Lafarge avec la collaboration de Martine-Emmanuelle Lapointe
Les Éditions du Boréal

C'est Gilles Carle qui avait effectivement illustré la couverture de ce tout premier recueil de poésie publié à L’Hexagone, je ne l'avais pas remarqué lorsque je l'ai exposé au Seuil des froidures il y a quelques jours. Gilles Carle, un autre rapaillé. J’aime bien l’idée de voir se côtoyer au-delà de NOUS ces deux grands Québécois que furent Gaston Miron et Gilles Carle. Aujourd’hui, en regardant l’hommage que lui ont fait ses amis, parents et différentes personnalités d’ici, je n’ai pu rien faire d’autre que de noter quelques-uns des mots qui se sont échappés de leur coeur...


Mais tout d’abord, juste un peu avant la cérémonie, un Paul Buissonneau révolté contre certains journalistes qui avaient descendu La terre est une pizza, une œuvre de Gilles Carle qui avait été encensée au Festival d’Avignon de 1989, je le le cite: " j’espère qu’ils se reconnaîtront, bande de culs. " M. Buissonneau qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, pas plus qu’Armand Vaillancourt, qui lui est venu à la fin de la cérémonie NOUS rappeler un peu à l’ordre…

(Sur l’air de l’Adagio pour cordes no.1 op. 11 de Samuel Barber, interprété par le magnifique quatuor Molinari…)


Un chercheur de beauté
Un pionnier qui transforme le destin d’un peuple
Le père du cinéma québécois
L’un des fondateurs du Québec moderne

Jean Charest, premier ministre du Québec

Gilles Carle, qui s’entourait de gens improbables, de son monde à lui...

Le cinéma Alexander à Rouyn où il a vu son tout premier film, c’était en 1942-43, une comédie d’Abbott et Costello, une parodie western…(J’ai vu le fantôme de Willie Lamothe passer à côté du cercueil à ce moment-là, un fantôme qui en était un " assez gros " )...



Gilles Carle, un aidant naturel, un créateur de pow-wow

JOSÉPHINE BACON: ne jamais baisser les bras...

(Sur un air de Bach: la suite no. 3 en ré majeur…)

BRUNO ROY


Un artiste pour la paix
L’efficacité du style direct
LES MOTS
Leur sonorité
Le cinéma qui donne à VOIR les mots
Un cinéaste qui a profondément aimé les mots
Trouver le mot juste
Un mouvement…

Des gerbes de plantes séchées sur le cercueil, mais de quelle sorte s’agissait-il au juste ? Elles ressemblaient à celles que l’on voit le long des autoroutes durant les mortes saisons froides…)

CHARLES BINAMÉ

La procession au flambeau
NOUS dans cette marée humaine
Fierté de totem
Phare embrasé de ce désir de vivre
Valeureux
Résolu
Indomptable
Pèlerin de la pleine lune
Souverain
Il respire au large des grandes marées


 
ROMÉO SAGANASH
(Dans sa langue innu, qui existe depuis quelques 7000 ans)

Interprète de la nature humaine
Aux antipodes du monde
L’interprète de NOS sentiments

(Des extraits de ses films)

La mort d’un bûcheron
La vraie nature de Bernadette
Les mâles
Les Plouffe
Pouding chômeur
Le diable d’Amérique
Cinéma cinéma


CHLOÉ STE-MARIESon dernier rêve…
Il y avait 4 grands chefs
Tout le monde parlait de la mort
Sauf toi et moi, qui étions heureux…
L’ARBRE QUE TU ES
Brûle brûle la chandelle de l’amour

 
LES COMÉDIENS

Donald Pilon, Micheline Lanctôt, Anne Létourneau: « Il flirte avec les anges »
Carole Laure: « Il a orienté ma vie », Suzanne Valéry: « Merci pour la belle tempête de neige » Raymond Cloutier: « MERCI », Daniel Pilon: « À toujours »
Luc Senay: « T’as l’air d’un bouffon, je t’engage »
Piere Curzi: « Il nous a donné les clefs de notre destin »
ARMAND VAILLANCOURT: « on veut une enquête publique !! »

L’encens et l’eau, un rituel amérindien
L’aspersion

« IL ÉTAIT UNE FOIS DES GENS HEUREUX »

Des porteurs…de lumières, qui l’emportent vers son ÎLE…

RAOUL DUGUAY: « La vie quotidienne, les choses simples,
les gens ordinaires, l’écho et le miroir de la voix du peuple »

LOUISE LAPARÉ: « Il n’avait pas d’amertume »

MARTINE CARLE: « Nous t'aimerons toujours »

***

Pendant ce temps, à St-Côme dans la région de Lanaudière, il y avait une autre funéraille, c’était celle de Madame Rose-Aimée Simard Rivest, une dame qui était âgée de 87 ans. C’est elle qui tenait la petite épicerie familiale, ancêtre des dépanneurs, à même les dépendances de sa maison à Notre-Dame-de-la-Merci, située à environ un mille à pied de chez ma grand-mère Charette. C’est elle qui nous voyait souvent apparaître de la ville les vendredis soirs ou samedis matins de bonne heure, pour y acheter des boîtes de tomates, du café, de la farine, ou des cigarettes Peter Jackson pour Mémère. Mais c’était surtout les pétards à mèches courtes qui nous intéressait, nous venions en faire grande provision pour passer à travers la fin de semaine. Elle n’a pas toujours voulu nous en vendre, nous étions trop jeunes, alors c’était matante Françoise qui nous les achetait. Madame Rivest, comme on l’appelait était la mère de Ti-Guy, notre ami d’enfance loin dans sa campagne, un Ti-Guy qui en menait pas mal large quand il s’amenait par chez nous, dans la Grand-ville. Un souvenir impérissable de l’été 1978: celui de s’être baignés avec lui après l'avoir vu se jeter tout nu dans la piscine du bloc appartement qui était alors fermée, d’avoir vu la police s’en venir, d’être sortis en quatrième vitesse de la piscine, d’être entrés dans l’ascenseur tout trempes, puis dans l’appartement de celui chez qui nous étions venus passer la soirée pour fêter je ne me rappelle plus trop quoi, de s’en être sauvés encore une fois, d'en avoir tellement rit après, dégoulinants de la folie de jeunesse que nous étions, young and foolish…Gilles Carle aurait certainement adoré notre Ti-Guy nationaleux, parce que c’était un vrai, un vrai de vrai, comme Gilles Carle l'était.


Merci pour vous qui faites ce pays.

 


Sélection de films de Gilles Carle À VOIR sur le site de l’ONF:

vendredi 4 décembre 2009

La gloire vivace

Rogie Vachon prepares for action
 in this late 1960s
Forum dressing-room photo.
Montreal Star Weekend Magazine



JE ME SOUVIENS…de ces belles soirées de hockey du temps de notre télévision en noir et blanc, une espèce de " grosse bertha " comme les appelle L., la femme de mon frère R. ...

JE ME SOUVIENS...de mes frères et moi, j’en avais que deux à cette époque, que nous prenions notre bain, que nous mettions un pyjama propre, que nous étions fins prêts pour passer au salon et s’asseoir bien cordés sur le sofa, avec sur la table à café un plat de chips. Nous étions parés pour regarder le match de hockey du Canadien, celui du samedi soir bien évidemment, celui où on pouvait enfin veiller un peu plus tard que le match du mercredi soir, l’école du lendemain nous empêchant de voir les deux dernières périodes...

JE ME SOUVIENS…lorsque nous entendions crier nos parents de nos chambres et qu’on se levait d’un bond pour aller voir la reprise, puis rester un petit peu en espérant qu’on pourrait peut-être voir la fin de la 2ème, qu'ils ne disaient rien tellement ils étaient contents du beau but d’Henri ou de Béliveau, mais…qu'on retournait vite se coucher. Puis qu'un autre but, et encore une fois debout, mais que là le ton changeait: " bon là c’est le dernier, ok ? , vous avez de l’école demain. " Qu'on ne devait plus se relever...

JE ME SOUVIENS…de mes frères qui se rendormaient assez vite, étant plus jeunes de 2 et 4 ans que moi. Et de moi, sachant que ma mère ne s’amènerait pas pour un bon petit moment vers la cuisine, située en face de ma chambre, que je pourrais lire un peu, à la lueur bleue de ma table de chevet, qu’elle finissait toujours par s’amener, soit pour aller aux toilettes ou pour aller chercher quelque chose à manger dans la dépense, qu’elle voyait bien que j’étais entrain de lire, qu’elle m’avertissait et que je lui répondais: " Oui, Maman, mais encore un petit peu, il me reste que quelques pages à finir dans ce chapitre-là, c’est tellement bon. "...

JE ME SOUVIENS…que j’ai déjà eu neuf-dix-onze ans, puis douze-treize-quatorze, que j’adorais le hockey, que les joueurs du Canadiens étaient toutes mes idoles, qu’ils nous reliaient tous ensemble mes frères et moi à mon père et ma mère, mes oncles, mes cousins, mes grands-pères, que je ne les regardais pas qu’à travers les ondes de l’écran de la télévision mais que je les voyais tout aussi bien à travers celles de la radio, surtout le dimanche soir, quand ils jouaient sur les patinoires extérieures…

JE ME SOUVIENS...que Jacques Plante demeurait pas loin de chez nous et qu'on le voyait surtout l'été, quand il passait sa tondeuse ou peinturait le tour de ses fenêtres...que mon père avait fait signer un autographe pour moi à Maurice sur un carton d'invitation lors d'une noce de l'un de ses neveux avec la fille de l'ami de mon père...que j'étais folle de Rogatien Vachon, puis de Ken Dryden...que j'ai assisté avec mes frères à la présentation des joueurs d'Équipe Canada en 1972, à la Place Ville Marie, que nous donnions notre main aux idoles...que j'ai conservé précieusement le drapeau de l'unifolié en papier ciré que l'on nous avait offert pour ce jour mémorable...que j'ai été invitée, au Concorde, en 1979, pour le lancement du seul microsillons que le Démon blond ait enregistré (à mon humble connaissance)...et que ses plus belles années achevaient...



L'équipe de mon frère D. quelque part vers1971

JE ME SOUVIENS…que j’adorais lire aussi, surtout les romans jeunesse de la Bibliothèque Rouge, Or, Rose et Verte, ceux que mon honorable grand-tante Marie-Reine m’offrait si généreusement depuis mon apprentissage de la lecture...que c'est depuis mes tous premiers mots lus à l’âge de quatre ans sur les unes de SA Presse que je lui dois cette passion...

JE ME SOUVIENS…de ma mère, qui vers la moitié de la troisième " s’adonnait " à repasser dans le bout de ma chambre pour m’avertir d’éteindre ma lampe de poche cette fois-ci, celle qui éclairait faiblement les fabuleuses pages d’histoires et d’aventures que je lisais presque dangereusement en dessous de mes couvertures...et que je l’écoutais ce coup-là...

JE ME SOUVIENS…qu’ils baissaient assez bas le son de la télévision pour qu’on finisse par s’endormir, mais que je pouvais quand même entendre ce qui se passait au Forum de Montréal...qu'ILS gagnaient...et que je pouvais donc m'endormir en paix avec une partie de mes fantômes et des leurs, ceux qui les avaient fait remporter une autre de leur précieuse et glorieuse victoire...que c’était un peu ÇA, le bon vieux temps.

4 décembre 1909
4 décembre 2009

jeudi 26 novembre 2009

DOUZE HOMMES RAPAILLÉS: Les Complices

MARCHE À L'AMOUR
Gabriel Lalonde




Ma tête est mille fois moins
que la tête d'une épingle
c'est en elle pourtant
que danse la terre

Gaston Miron
Poème dans le goût ancien (La vie s'en va)
interprétée par Pierre Flynn

Comme une étoile
qui se faufile dans le sable,
le voilà le bijou:
l'enfant voyage
sous le perron,
loin de la poésie
cramoisi chenille

Le petit déserteur
Jacques Desmarais
Poèmes cannibales
Loin dans ma campagne

Pour ne pas oublier que nous fûmes de cette assistance,
pour se souvenir de la terre et de ses mots qui la dansent,
en ses tremblements, en ses ensemencements,
la prodigieuse amitié des arrangements;
Décidément tous les 25 novembre se ressemblent...

Jack était en ville hier soir, il attendait comme moi les Douze Hommes. Pour notre premier rendez-vous, il y avait de la pluie. Jack, du loin de sa campagne, à qui je dédie ces quelques lignes, en souvenir des quelques heures passées ensemble...



Entre Miron, toi et la pluie
il y avait de la buée d’amis;
De mes Fenêtres ouvertes à l’Autel Novella
jusqu’à ton Train de Nuit en passant par l’Antre N.O.U.S,
le seuil de mes froidures, le rien de mes envapements

Et le cœur de douze hommes à l’âme amironnée

Au coin de tes lèvres un léger sourire timide,
comme celui d’un évadé épris de justice.
Nous n'avons pas encore vraiment parlé je crois,
mais ça viendra…
Les douze hommes avec le doux homme,
les très hommes

Voilà
les voix,
celles de Louis-Jean Cormier, solide performance,
Pierre Flynn, solo ou trio, avec le piano, droit,
Vincent Vallières, David Marin, sensibles et beaux,

et Yann, Ô Yann, splendide Perreau,
dans toute la splendeur de son jeune mystère,
en ouverture, tout en douceur…

La salle pleine à craquer
Le silence, entre deux toux grasses,
l'intelligence de la mise en scène de Marc Béland,
l'éclairage, le son, l'ensemble

accordés aux sons des guitares, violon et piano:
Lavoie, Lambert, Rivard, Corcoran, Séguin
harmonieux d’une simple souveraineté

Tout ça dû au génie de Gilles Bélanger,
instigateur de ce fabuleux projet

Et dans les bras du Poète toujours aussi vivant,
des fleurs pour nos serpents.

Et tes roucoulements... grrr...;-)

Et sous leurs mentons, la gorge des enchantements,
le cœur dans la fragilité de ses cinquante ans,
la fraternité,
l’engagement.

Et l’Amour, bien sûr,
avec sa longue marche
parmi tous ses beaux détours…
Puis la fin,
qui arrive toujours trop tôt
comme la mort inouïe de ce 25 novembre 2009.

Sous la pluie des battants,
nous écrivions ce soir-là,
et dans 200 ans, mon frère,
nous l'écrirons encore.
C'est aussi ça, l'espérance.

***

Merci pour autant de générosité, c’était une soirée que je qualifierais de plus-que-parfaite. La rencontre au bar Jules et Jim, la re-connaissance, l’accolade des vous et tu, l’apéro, l’ambiance. Ta chaleureuse présence, lustre illuminant les mots des non-dit. L’amabilité du geste, le cadeau de la terre dans son petit pot…de vers…Et les livres, avec leurs dos...larges, leurs mots serrés les uns contre les autres et leurs sourires d'émoi. Crois-moi, il n’y a pas de plus beau théâtre que celui-là…


Et comme nos hasards sont probablement préfabriqués par nous: Pierre Flynn qui passait par là, près de cette fresque des pas écoeurés de mourir bande de cave C'EST ASSEZ. Et toi, qui me prends en photo avec lui. Et le fantôme de Lino, celui qui a illustré quelques pages de son livre de paroles à chansons. Le plaisir de l'avoir retrouvé, un peu comme un bijou perdu…L’Admission, texte inspiré en partie par les mots de son album Mirador (et par un certain Brad), vient de prendre une toute nouvelle tournure... 

Photo: J.D.



Et pour ajouter au hasard de l'Art, Miron et Gauvreau, honorés ici-même à Québec, dans cette cité qui n'en finit plus de m'aimer. Miron, que je ne connaissais pas vraiment et Gauvreau, que je lirai jusqu'à la fin des temps, leurs fantômes flânant neuf, par ici et pour toujours. De la Marche à l'Amour à l'Asile de la Pureté, un tout petit pas pour notre humanité...

Nous avançons, nous avançons...


jeudi 19 novembre 2009

COMA UNPLUGGED: un rêve fendu en 4





La rate dans la théorie archaïque des humeurs

Les Anciens disaient qu'en automne il fallait " faire rire la rate ", en mangeant des racines (panais, radis noir, pissenlit...). Ce qui permettait de mieux supporter le froid et d'être de meilleure humeur. La rate, selon la théorie des humeurs, servait surtout à réguler les humeurs. Si on mangeait assez de racines, on évitait les dépressions liées à l'hiver. Le terme humeur vient du latin umor, qui est lui-même un mot venant du grec ancien et qui signifie liquide. Un autre mot en français qui a la même racine est le mot humour, mais son acception actuelle est plus récente (XVIIIe siècle). Il vient de l'anglo-normand humour qui vient lui-même du vieux français humor. Également, en anglais américain, humour s’orthographie humor, mais le même mot est prononcé de manières très différentes par les anglophones britanniques et américains. Dans l'induction de la pièce suivante, Every Man out of His Humour (1599), Ben Jonson élucide le procédé : " Un trait particulier domine un homme au point qu'il oriente tous ses affects, son humeur et ses facultés pour les canaliser tous dans le même sens. "

(sources: wikipedia)

***

LE CORPS DU TEXTE: SA TÊTE, SON OEIL, SES BRAS, SON SEXE.
LE COEUR DU TEXTE: SA FÊTE, SON DEUIL, SA VOIX & SES EX…

Hier soir, au Périscope, dans l’avant-dernière rangée, M. et moi. La salle est remplie. Plus tôt dans la journée, à midi plus précisément, elle était allée au guichet du théâtre se procurer les deux derniers billets et comme elle bénéficie du rabais fait aux aînés, j’y ai eu droit moi aussi. Je n’aime pas tellement ce genre de contrebande préférant payer ce que je dois payer légalement, mais en tout cas, la gentille et jolie jeune fille qui a déchiré mon ticket à l’entrée ne regardait même pas le billet, tant d’angoisse pour rien des fois…

COMA UNPLUGGED, dont j’avais entendu souvent parler en bien à travers les pages et les ondes de divers médias, m’a agréablement surprise, autant par la vivacité de ses dialomonologues que la simplicité de son décor. Mais c'est le talent fou des comédiens, via les mots de l’auteur, Pierre-Michel Tremblay, qui a le plus retenu mon attention, non pas en déficit hier soir. Un texte fort touchant par moment comme superbement ironique à d’autres, des mots de tendresse, de grinçant, de finesse, de mordant, mais jamais de larmoyant car aussi profondément humain. Trop humain.

L’humour, un bien petit mot pour y peaufiner les railleries de ce monde continuellement en bataille, ce monde de chicanes, d'amour, d'escroqueries, qui s’invective, se harcèle, se "victimise " pour quelques dollars de plus ou quelques non mal dits, mal placés dans le travers de nos petites bouches trop grandes gueules. La guerre des sexes: l'épée de l’homme, la rose de la femme. Et au cœur de celle-ci, Daniel Martin, voyageant dans son coma avec les principaux personnages qui l'enchantent, ou le hantent, dans ce quotidien qui était devenu trop ordinaire; lui, Daniel, un être exceptionnel, qui aime danser tout simplement, qui aurait tant voulu faire du stand up, de l'humour...

Steve Laplante, qui l'incarne, irradie au centre de la scène pendant une heure 45. Steve Laplante, une étoile montante que l’on a pu voir scintiller dans le Littoral de Wajdi Mouawad et que l’on peut également apercevoir à l’occasion dans le coin lumineux de nos petits écrans certains soirs, offre une performance tout à fait remarquable sur un plateau au plancher penché.

Cette voix, contenue dans le " moton " de ses émotions, retenue par un je ne sais trop quoi de passionnel, cette voix qui écorche les trente nerfs d'une gorge sèche, qui surf seule sur le flot salé de son imaginaire, noyée des millions d'images des multiples écrans qui la malmènent, cette voix qui ne fait pas assez de vagues, qui éclate au ciel de ses humeurs depuis l’œil silencieux d'un typhon clair.

***
Le chiffre 4

Popularisée par les Écrits hippocratiques, la théorie des humeurs fut l'une des bases de la médecine antique. Selon cette théorie, le corps était constitué des quatre éléments fondamentaux, air, feu, eau et terre possédant quatre qualités : chaud ou froid, sec ou humide. Ces éléments, mutuellement antagoniques (l'eau, la terre éteignent le feu, le feu fait s'évaporer l'eau), doivent coexister en équilibre pour que la personne soit en bonne santé. Tout déséquilibre mineur entraîne des " sautes d'humeur ", tout déséquilibre majeur menace la santé du sujet. (wikipedia)

***

La voix, oui, encore elle, celle plus grave qu'aigüe du chanteur/musicien, avec ses interventions maître de cérémonie, franchement hilarantes, et celle non pas moins drôle du Touareg, ont fait délicieusement dilater nos rates remplies du splénique de l'automne…L’humour, les humeurs, la rate, ce « cimetière des globules rouges »…La rate qui tient elle aussi un rôle important dans l’immunité de l'automne sec et froid, temps qui favorise la bile noire de la mélancolie, aura été vaporisée des ravissantes et nourrissantes gouttelettes d'un virus que je ne crains plus, celui du Théâtre que l'Artiste d'ici bâtit...pour Béatrice...

COMA UNPLUGGED, comme du VIA GARS, pour les cerveaux à plat. Longue vie à cette pièce.



jeudi 12 novembre 2009

MACBETT: Les Fils de la Gazelle

Dièse, solutions visuelles et design




" Au lieu de dépenser tout votre argent disponible en spiritueux, n’est-il pas préférable d’acheter des billets de théâtre d’avant-garde, dont on parle tant ? Connaissez-vous le théâtre d’avant-garde, dont on parle tant ? Avez-vous vu les pièces de Ionesco ? "

Bérenger dans Rhinocéros
d'Eugène Ionesco (Eugen Ionescu) 


Les restes d'un temps d'il n'y a pas si longtemps...

L’œuvre d'un roi, de ses suzerains via ses vassaux.
La chaleur d'un froid dur, la luminosité d'une troupe.
Le respect des conventions, la lubie des paroles.
L'introspection de l'Assistance, le bâillement de la dissidence.
L'étoile des spotlights sur la tête d'un roi déchu.
Le sang bleu royal de sa progéniture, l'ami déçu.

Macol qui regimbe, Macol qui te parle;
Macol qui sort du décor sombre des décombres,
qui se prépare pour une nouvelle guerre.

En passant par Ionesco,
du Shakespeare à la Diego;
De l'Angleterre à la Roumanie,
le Québec dans la Bolivie.

Tel un séduisant spectre,
ce bouillon d'âmes et de pennes,
cette sauce chaude de sang crème.

Boire l'Absurde du drame de la guerre froide,
se soûler du vin des masses qui la désarment;
boire le vin des masses qui se la décabane,
le vin des mess qui se le républikedebanane.

(et les CHAISES...
électrique, roulante, de plastique;
pour être bien assis, pour ne plus bouger).

À l'avant-scène des soumissions,
l'adultère des abandons;
panneaux/réclames autour des écrans vidés de charme,
radios poubelles remplies de décibels,
cages de verre empilé d'elles.

Au domaine de la Mort, le songe ailé des roupillons.
Sous la goupille d'un édredon, le leurre de l'admission.

Sorcières/Ladies, gardes de sentinelles,
Condor/Glamiss, spectres rouges du Charnel,
ils veillent au mort et à la progéniture du Fils de la Gazelle.

Le Temps qui défile dans le bleu-noir,
les mots vains qui reprennent le goût du soir...

À l’avant de l'après, le suc extrait de l’exprès.
L'opinion de la Surdité.
L'envolée de vos beaux adverbes.
Les rires jaunes alignés sur la rose de nos lèvres.

Sous le vent d'accès de la colère,
une clef pour les portes ouvertes,
un cadenas pour l'Oreille muette.

Au-dessus de la braise comme chenet,
l'humanité qui tourne en rond;
l'humanité bannie de ses foyers;
qui essaie, tant bien que mal,
de renaître pour de bon de ses cendres
dans ses vases bleues gluantes,
dans le centre de ses excès.

L'humanité qui éternue/tousse/toussote,
lave ses petites mains,
astique ses menottes enduites du purell
des plus sains que sains;
qui assouplit ses langues molles,
qui durcit ses dagues sales.
Langues molles qui mordent les bagues du vol,
langues de bois qui lèchent celles du Vassal;
l'humanité qui scrute via le blanc mort de ses yeux glauques,
les tapisseries royales de ses plus grands remords;
l'humanité qui colmate ses peines dans les craques aveugles de ses aveux,

qui recoud le voile de ses tentures déchirées,
qui décape ses portes d'armoires ébréchées,
qui graffigne les miroirs de ses parquets cirés,
qui desserrent les cordons malusés de sa bourse,
qui danse en transe sur le son des vieux records...

L'humanité qui fonde du bleu de ses yeux pers
un espace où regarder sans trop y VOIR,
qui fixe ses dents de lait dans un pays trop large,
là où hélas ! se perdent, sages, ses pairs, ses mers,
et tout l'ensemble de son territoire.

NFV/FB---Macbett et Banco
JG/VC---Glamiss et Candor
SD/GC---Lady et Roi Duncan
LC/ML/SM---sorcières et Macol

des comédiens, des citoyens,
avec ou sans truc du chapeau;
des prestidigitateurs dans le complot des trios,
des fleurs évanouies dans le quiproquo,
du venin d'ami pour les à propos

Tant de beauté, tant d'abandons, tant d'efficacité,
tant de vices serrés sur les cicatrices alambiquées,
tant de limbes dévissées,
tant d'amis amidonnés,
tant de têtes décapitées, tant d'amis bien apprêtés.


Dans le grand jeu des compromis,
l’Amitié des ABUSÉS;
Dans le grand jet bleu de l’Ennemi,
le Mot, l’Écrit, le Son du Jeu;
Autour du chant flétri des coeurs fielleux,
le sang mal nourri d'un demi-dieu. 

***

MACBETT

Texte: Eugène Ionesco
Mise en scène: Diego Aramburo