lundi 31 mai 2010

CIELS: des yeux tout le tour de la scène


Affiche: LINO



Il faut créer un souffle qui emporte la vie intellectuelle d'une ville.

Stanislas Nordey


Ce soir, c'était le dernier jour de mai 2010...Au musée/aréna Bardy, quelques 265 statues de chair dans le jardin secret de Mouawad. On regarde vers le CIELS, aucune fumée, que de la lumière pour la noirceur. La scène fait le tour du cube géant, nous sommes prisonniers du bonheur d'enfin assister à cette pièce tant attendue...

Soudainement, à quelques centimètres de votre âme, le regard du bel acteur qui se plante directement dans le vôtre, c'est celui de Stanislas Nordey, qui sera le Clément cryptographe pour la circonstance...Vous croyiez rêver et pourtant le cauchemar ne fait que commencer...Les prochaines deux heures trente vous emmèneront de ce monde-ci, apparemment tranquille, à celui-là, qui l'est beaucoup moins, celui des analystes décrypteurs de terroristes...

CIELS, le cri d'un père en crise fendant au milieu de nos statues, les coups de poing au ventre d'une femme qui a tué mari et enfants, l'acharnement de la vie au coeur des ténèbres. Comment ne pas s'être senti plus ou moins mal dans le concert de bombardements des avions qui volaient au-dessus de nos têtes ? Avoir entendu en spectacle ce que d'autres vivent dans la réalité...Comment faire pour se taire devant la beauté de l'éclat d'un verbe revolant sur les murs noirs de la nuit profonde, des mots qui flottent en quelque part entre le ciel d'Allah et la tête des protagonistes. Des murs, beaucoup de murs. Des portes. Des appartements de silence dans lesquels on y a installé une mise en scène magistrale. Des petits cubes similiaires aux nôtres, là où y vivent les espions de ce drame intimement lié aux conséquences chaotiques qu'engendrera la finale. Le cadavre d'un poète qui dort dans l'antre de sa vie. Ceux des fils morts déchiquetés dans les musées...Le retour aux sources. Le pop d'une bouteille de champagne à la veille de Noël. Des cadeaux donnés PAS pour rien...

Le frôlement du coude d'un jeune voisin qui riait toujours au bon moment. Un os recouvert de muscles et de chair, des veines qui transportent le sang de ses promesses, un bras que l'on effleure parce qu'à proximité de sa chaleur. De la vie avant la mort. Comme dans la toile du Tintoret qui recèle le code, l'Ange qui veille à l'attentat de nos pudeurs.

CIELS, depuis l'inconfort de notre siège pivotant, avec une vue de là-bas vers ici. La toujours aussi magnifique tête de Gabriel Arcand dans les deux écrans géants. Les derniers mots avant le chaos. L'Art de la parole qui explose pour les oreilles sanglantes du spectateur. La Poésie qui en prend large dans ce texte pour le moins mathématique. CIELS, comme l'instrument de la consécration. En un mot: DÉTONNANT.


L'ANNONCIATION
Jacopo Robusti, dit Tintoretto, en français Le Tintoret


Interprétation

John Arnold
Georges Bigot
Valérie Blanchon
Olivier Constant
Stanislas Nordey

et sur vidéo

Gabriel Arcand
Victor Desjardins

Texte et mise en scène: Wajdi Mouawad
Dramaturgie: Charlotte Farcet
Assistant à la mise en scène: Alain Roy
Conseiller artistique: François Ismert
Scénographie: Emmanuel Clolus
Lumières: Philippe Berthomé
Costumes: Isabelle Larivière
Musique: Michel F. Côté
Son: Michel Maurer
Réalisation vidéo: Dominique Daviet
Création vidéo: Adrien Mondot
Production: Arnaud Antolinos (France)
Maryse Beauchesne (Québec)
Direction technique: Laurent Copeaux
Régie générale: Cyril Givort
Production: Au Carré de l'Hypoténuse et Abé Carré Cé Carré

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On fait toujours de très belles rencontres dans les festivals, entre autres celle de Jean-Michel Girouard, un jeune comédien que nous avons vu cet hiver dans HENRI IV, il était assis à la droite de A. Nous avons parlé de la prochaine saison théâtrale de Québec, de quoi alimenter nos passions-pulsions mutuelles. Plus tôt, avant la pièce, Éric Simard, auteur et ex-libraire, qui était en compagnie d'une jeune professeure qui en avait long à dire sur l'INCENDIES de Wajdi. On se reverra le 12 juin, de 12 à 12, pour les trois pièces préludes de CIELS: LITTORAL, INCENDIES et FORÊTS; FORÊTS que nous reverrons avec joie pour la deuxième fois, et pour la dernière, apparemment...mais avant ce grand bal de nuit, ce sera TRAGÉDIES ROMAINES, un autre genre de happening...

Il tonne maintenant, c'est l'orage; il faut fermer les écrans....




samedi 29 mai 2010

À Québec au clair de lune



LES RUES DE LA VILLE SILLONNÉES PAR LES GENS QUI L’HABITENT. Enfin du vrai monde dans le noir. Et de la lumière. Bleue. Plus des ondées de rires, du calme. Et du temps….LE PARCOURS DÉAMBULATOIRE devrait cependant durer plus de trois soirs, parce que c’est tout de même un peu dommage de ne pas avoir pu tout voir, mais devrait-on tout voir ?


Jean-Pierre Cloutier

Pour un moment, on se serait crus dans une rue d’Amsterdam, ou encore à Jambes, en Belgique, là où les protagonistes de la Nuit vous interpellent avec leurs beaux longs corps défendants. Il fallait voir le séduisant et talentueux Jean-Pierre Cloutier sortir de SA vitrine pour aller danser avec une spectatrice tout à fait d'adon, lui faire mettre sa main là où le dos perd son nom. La beauté d'OÙ TU VAS QUAND TU DORS EN MARCHANT ? se trouvait autant dans les rues de la ville tranquille que dans les regards lumineux qui l’éclairaient.




Il fallait également voir la troupe d'Harold Rhéaume sur le parvis de l’église Saint-Roch. Dans une chorégraphie intitulée LA NOCE, la musique remixée, allant du blue moon dylanien à un un non je ne regrette rien assez space, donnait à penser que la Danse est un art qui manque peut-être trop souvent de spectateurs. Pour la finale, un beau grand continental offert par les nouveaux mariés, pour se mettre en ligne, emportés par la foule, pour la faire danser elle aussi.


Emportée par la beauty-foule du CARREFOUR INTERNATIONAL DE THÉÂTRE, le prochain step est pour demain soir... À l'Aréna Bardy, dans le cube de Wajdi Mouawad, pour monter au CIELS, A. et moi, ainsi que d'autres festivaliers, seront bien mal assis sur nos sièges pivotants (inconfortables paraît-il pour la cause). D'après le compte-rendu de M. Éric Moreault, nous devrions assister à quelque chose d'assez mémorable, une vraie bombe !
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Vers 17 heures, ce soir, il y avait de la boucane partout. Pour peu, on se serait presque crus en enfer. Le soleil, comme une bille de verre rouge orange fluo, fixé dans le gris fumé du ciel de Québec BB-Q. Un soleil comme on le voit que trop rarement dans la Capitale.


Photos: L.L.