jeudi 28 octobre 2010

LE CARDIGAN DE GLORIA ESTEBAN: la magie du molleton

cardigan RAINBOW

http://www.arthusandco.com/ 



Il faisait un temps de cendres hier midi à Québec, mais le thermomètre affichait quelque chose comme un gros 15 degrés. May et moi assisterions à une pièce de théâtre chez Premier Acte, LE CARDIGAN DE GLORIA ESTEBAN, une comédie d’automne des plus drôle et touchante produite par la compagnie LE PETIT LUXE.

May et moi, comme deux figurantes senior de la génération descendante, aussi émues que le furent les quelques soixante étudiants option théâtre de l’école privée Mont Saint-Sacrement. Des jeunes d'une discipline exemplaire, du sérieux, de la tenue quoi !…et surtout aucune toux ! Que des rires et des petits soupirs…Un vrai miracle !!! Je n’aurais jamais cru qu’un arc-en-ciel apparaîtrait dans le décor en ce jour parti pour la grisaille…À 12:30, la pièce commença…

Un écran géant, un gars, une fille, de l’amour…
De la danse, du chant, de la musique à la radio.
Entre Montréal et QuébeC, de la peine et de l’amitié…


Et des livres classés selon les couleurs de l’arc-en-ciel sur les étagères d’une bibliothèque d’une école secondaire, et dedans elle, une fenêtre… avec une Marthe bibliothécaire tourbillonnante dans la jeune soixantaine, qui partage ses heures avec un Marcel des plus attachant, un élève ayant quelques petites difficultés d’apprentissage, un rayon de soleil qui aime beaucoup les Vilains Pingouins...et leur train…un vrai magicien... Une fenêtre faite sur mesure pour deux superbes scènes devant celle-ci, l’une avec Marthe et l’autre avec Marcel…

Une musique, un recueillement, un souhait, une porte vitrée, des clips, de la comédie... Du vedettariat contre la vie simple et tranquille; du jeu, de la magie, de la tisane, des costumes, les robes de Fanny et des cardigans...plus les pantalons. Entre la vie " sportive" et intellectuelle, le charme de la bibliothèque, les fleurs, la carte, le vin, le saumon Wellington. Entre l’amour et le plaisir, la séparation, les engueulades...Et le texte, les mots, le sang chaud, le sang-froid, la fraîcheur de l’intelligence et juste assez d’audace…pour parler du gros mot à six lettres...

Avons essuyé quelques larmes, reniflé en cachette, pendant que les rires fusaient encore de toutes parts dans le dernier stretch de la pièce, c’est qu’on aurait pu découper l’air au couteau tellement l’émotion était palpable et à son comble…Fallait entendre les petits soupirs tristes des filles dans la salle lorsque Marcel nous crevait le cœur; tant de beauté, de naïveté dans son personnage, très touchant Jonathan Gagnon mais qui nous fait également rire en masse, surtout dans la première demie, tout comme il l'avait fait l'été dernier avec sa drag queen ducharmienne. Un fait à noter: lui et Benoît Cliche, Paul, le super prof d’éduc, qui a été ma révélation personnelle, sont d’anciens élèves du Mont Saint-Sacrement.

Joëlle Bond, l’auteur de ce texte vivifiant a littéralement captivé l’audience, les jeunes ont en effet suivi "à la lettre " les pas de SA danse, celle que ses mots lui ont fait exécuter avec ceux des autres comédiens. Aussi intéressante à regarder qu’à entendre, elle a mené le bal de SA comédie musicale du début à la fin. Avec Olivier Lépine, son amoureux quelque peu " innocent ", qui mettra en scène ROMÉO ET JULIETTE en janvier prochain à La Bordée, elle a réussi à faire passer le message de la fille qui sait ce qu’elle veut QUAND elle le veut et pour elle. Je regardais toutes ces jeunes filles qui l’admiraient dans la salle et je n’ai pu m’empêcher de penser que cette histoire-là pourrait inévitablement arriver à l’une ou l’autre d’entre elles.

Marie-Ginette Guay, avec toute l’intensité qu'on lui connaît, son regard profond et sa voix de tendre tigresse, le don de sa voix au cœur même de la chaude fibre d'un soleil couchant, don de son talent remarquable. Il faut voir la scène finale pour en apprécier vraiment toute la vibrante couleur de sa générosité. Une grande dame qu'il fait toujours bon de rencontrer, que ce soit au théâtre, à la télé ou au cinéma, ou encore dans un autobus; une amie pour tous ces jeunes créateurs qui se produisent aussi...dans son Périscope.

Les mots souvent viennent à manquer quand il s’agit de vraiment dire, alors vaut peut-être mieux cesser d'écrire et revenir en arrière pour regarder vers l’à venir…Est-ce que ce sera un garçon ou une fille ? Est-ce qu’il fera beau demain ? Est-ce que nous serons là ? Ou ici ? On ne le sait pas, on le verra ça, dans l'temps comme dans l'temps...

Ann-Sophie Archer, la jeune et vigilante metteur en scène, a tricoté serré…dans les coins du coeur et les dessous de table, les entrées et sorties de scène des comédiens étant fort efficaces et bien calculées. En résumé, ce fût une pièce enlevante, surprenante, touchante, teintée des divers sentiments des personnages, véhiculée par les couleurs d'un arc-en-ciel qui nous aura fait apprécier celle de ce splendide ciel d’octobre…Deux heures quinze de spectacle, sans entracte, un temps qui a passé très vite, trop peut-être. Et bien sûr, le plaisir à converser quelques instants avec M. Marc Gourdeau, directeur de Premier Acte, du Cardigan bien sûr mais aussi des TRAGÉDIES ROMAINES et de la performance inoubliable de Hans Kesting en Marc-Antoine...et l'on se met à rêver qu'on reverra cet homme sur scène un jour...ici ou à Amsterdam...

Et parce qu'il faut bien finir par mettre des noms sur ces beaux visages inconnus, celui de Hans Kesting, qui te regarde en plein dans le soleil de ton œil alors que tu l'applaudis à tout rompre pour ce spectacle inouï qui vient encore une fois de te flamber la prunelle de ta cervelle. Hans Kesting, incontestablement celui-là qui m'a le plus chavirée ce soir. Quelle beauté d'homme ! comme dirait l'autre...

(5 juin 2010)

La surprise agréable à la sortie du théâtre: le plein soleil et la douceur de l’été indien…Nous remontions très lentement la rue Salaberry May et moi quand nous vîmes l’ocre des feuilles de chênes de la rue Crémazie, on rentrerait donc prendre un bon thé avec un moyen morceau de gâteau au chocolat…La pièce nous est rentrée dans le corps, les yeux nous en picotent encore…On a pensé aux comédiens qui devaient jouer une autre fois le soir même, et je suis certaine qu'ils ont encore donné leur 100%...

Pour clore ce charmant chapitre théâtral, May m’a offert un cardigan (à manches courtes) qui ne lui faisait plus; j'ai pensé qu'il me ferait un sacré beau souvenir en celui de Joëlle Bond et de sa glorieuse Esteban ainsi qu'à ce fabuleux après-midi d'octobre 2010...

***

À l’arrêt de bus, au coin du GTQ, reconnu Karine Ledoyen, la chorégraphe, elle parlait au téléphone. Ça m’a rappelé qu’il faudrait bien que je l'achète ce billet pour AIR en janvier prochain…Le temps s’était encore arrêté dans la Ville, c’était presque surréel toute cette douceur dans…l’air….Dans mon sac, se cachait HAPPY BLUE, l'album des deux contrebassistes, le jeune et le plus vieux, mais je ne l’écouterais que le lendemain matin…pour en parler ici...plus tard…






Production: Le petit luxe –compagnie de théâtre
Mise en scène: Ann-Sophie Archer
Assistance: Claudiane Ruelland
Scénographie: Valérie Polychuck
Assistée de: Marie Polychuck


DISTRIBUTION

Joëlle Bond: Fanny
Benoît Cliche: Paul
Jonathan Gagnon: Marcel
Marie-Ginette Guay: Marthe
Olivier Lépine: Patrik


samedi 23 octobre 2010

VINCENT GAGNON QUINTETTE: Pleine l'Une pour chemins croisés



Capable de voir en clair le mouvement de vos pareils, si vous croyez encore à la liberté c'est que vous êtes le captif des grandes vésanies.

Louis Scutenaire
Mes inscriptions 1943-1944
p.64

Au moment où je tape ces lignes, LA LUNE scintille, c’est celle de Guillaume Bouchard, l’excellent contrebassiste du Cas GB et du VINCENT GAGNON QUINTETTE, que j’ai eu le plaisir d’entendre pour la première fois hier soir au Café-Spectacle du Palais Montcalm, il l’interprète brillamment. Aucune espèce de regret d’avoir investi 20 dollars dans la Culture. Céder ainsi à ma grande qualité d’acheteuse compulsive aura toujours de ses "bons côtés "…

J’ai pu ainsi retrouver l’ambiance d’hier soir: coups feutrés de balais légers, souffles frais venus de bouches chaudes, musique d'inspiration, mettant des mots là où il n’y en avait pas il y a quelques secondes, qui ravive le reste à écrire, qui fait bon se souvenir et à partager ici et là…

Dans une salle bien remplie, Vincent Gagnon a pris tout l’espace qui lui avait été confiné et...le Steinway...aux cordes bien ajustées par un certain M. Lapointe. Une atmosphère invitante à l’écouter presque religieusement. Un public noble. De la poésie plein les doigts, ce dès la première pièce: ARLEQUIN, qui ne figure pas sur BLEU CENDRE, entamait superbement bien ce set de quelques deux heures et demies. Une agréable surprise pour l’Auditrice de la première rangée. La place était déjà réchauffée. SEUL COMME UN ROI…dans le Palais...Que dire sur cet admirable morceau en forme de poire ? Qu’on a l’impression d’être venu ici exprès pour entendre un descendant direct d’Erik Satie, rien de moins…




BELLES JOUES SUR PARIS, qui n’avait pas été jouée depuis un bon moment, a tout fait pour que je souhaite ardemment qu’elle soit installée sur le prochain disque…(C’est BLUES AU SIXIÈME qui joue en ce moment, vraiment entraînant)…La no-name, si triste à vivre, composée dans un moment heureux, comment la nommer ? PORTES OUVERTES, j’ai aussitôt pensé, peut-être à cause de celles qui l’étaient, aussi grandes que ces précieux moments que nous vivions, aussi accueillantes que celles par où je suis entrée dans le hall du Café-Spectacle…

Les rideaux cachaient les fenêtres, on ne pouvait donc pas voir le vent souffler fort et balayer les feuilles; vrai que nous étions venus pour entendre celui qui sortirait pleins poumons des saxos de Michel Côté et d'Alain Boies, de même que celui qui réveillerait des cordes de pianos morts, ou encore de celui qui effleurerait l'essence de la contrebasse, tout autant que celui qui réchaufferait la peau fine de la batterie de François Côté...

THÉO, le frère de Jack, qu’a créé l’écrivain Jacques Poulin pour quelques uns de ses bijoux de romans, l'un des plus beaux mystères de la Littérature Québécoise. Entendu son âme vagabonder dans la petite salle de 120 places, (ça m'a fait penser à une éventuelle scène pour L'Admission)…

(ANNETTE s’est immiscée entre mes deux écouteurs, et mes oreilles en pincent pour les cordes de la guitare d’André Lachance)…L’EMMERDEUR, comme je ne l’avais pas toujours entendu, ce duo/duel saxo-clarinette a eu de quoi faire applaudir généreusement le public jusque là poli et réservé. (Tiens, c’est LA GUITARE qui me parle maintenant, vraiment de toute beauté, tellement que j'ai cessé d'écrire sur hier pour me concentrer sur aujourd'hui. Obnubilée, je me suis ensuite laissé envahir par les CHEMINS CROISÉS, les mêmes que ceux du BLEU CENDRE, ici, c’est la version du Cas GB, toute aussi somptueuse que celle du quintette)…

À lire le plaisir dans les yeux, sur les lèvres (et les belles joues) des musiciens, on pouvait tout de go conclure à une énergisante complicité, celle qui fait que l’Amateur, qui souvent ne joue d’aucun instrument lui-même, à part celui de sa voix, peut réellement saisir que lorsqu’il ferme lui-même ses yeux…APRÈS L’UNE, LA pièce de résistance tant attendue de ce magnifique premier disque du quintette, celle que le leader préfère (ainsi que l’Auditrice); une pièce qui lui a d’ailleurs valu de remporter le prix de composition lors du Festival de Jazz de Montréal en 2009…

(L’APRÈS-MIDI DE NOËL…ne manque plus que la petite neige douce qui tombe (et le gros mal de tête du lendemain de réveillon)

Après l'une, plus que toutes les autres, rend hommage à l’immense talent du jeune virtuose compositeur qu’est Vincent Gagnon, l’âme sensible de ce groupe ré:créatif. Concentrée dans l’espace réservé aux grands musiciens de ce monde d’éclaboussements, elle forme des vibrations haut-de-gamme accordées au silence du chant qui l’accompagne, un chant qui réveillerait les morts...et les pianos...morts…

(BON VOYAGE, ou comment avoir le goût de tout lâcher, de se rendre à l’aéroport, ou à la gare, d’acheter un billet (gagnant) et de partir là où le vent des cordes t’emmènera de la fin octobre au début novembre…)



(C’est LA LUNE à nouveau, pour me souvenir de celle qu’il y eut hier soir; la toute pleine, avec sa blanche rondeur, entre le doré des feuilles mortes qui resteront accrochées encore pour quelques jours et le ciment froid des trottoirs gris de René-Lévesque…pas très loin du FAUBOURG SAINT-JEAN BAPTISTE, ce quartier-personnage qui installe ses propres histoires, vécues ou inventées…


***


Une curiosité: ma Timex water-proof s’est arrêtée à 20:30 pile, alors que le concert commençait. Un concert hors d’ondes pour le nouveau-né qui dormait paisiblement entre ses rêves et notre réalité. Une nouvelle vie qui re:commence, une autre de plus, un autre petit garçon qui peut-être suivra les traces de son pianiste de papa…

Au même moment, dans la Ville, au Théâtre Petit-Champlain, "Joli Joseph " (Arthur) donnait apparemment toute une performance lui aussi, en solo cette fois. Avoir eu le don d’ubiquité, j’aurais sûrement fait partie de l’assistance, mais on ne peut pas encore être à deux places en même temps, quoique…

Ce soir, dans ma ville, il y a un autre happening musical, c’est celui des Jeunes Musiciens du Monde, avec entre autres messieurs Yann Perreau et Alex Nevsky, qui curieusement se trouvaient tous deux à Québec à pareille date l'an dernier. Le 22 octobre, je me souviens: il avait neigé toute la journée ou la veille, c'était tellement beau à voir toute cette neige reposant sur les feuilles sèches.

(BLUE TRUCK, version Guillaume Bouchard, c’est sa composition après tout…toujours cette envie de prendre ses jambes…à ses joues…pour déguerpir vers un quelque part sans nom…)

11:24, samedi midi presque, la résonance de la soirée d’hier se répercutera encore longtemps dans la petite tête de la madame éblouie, celle qui parle beaucoup mais qui sait écouter…quand c’est le temps…(BLUES DE L’AVIATION…je le savais, on est sur les ailes d’un grand oiseau de nuit, un hibou qui regarde une petite souris affolée qui court dans tous les sens pour ne pas se faire prendre dans le bec du rapace…une forêt de sièges d’avion dans lesquels prennent place des voyageurs, des grands, des petits; ils iront peut-être à Paris, ce Paris qui vous a un jour accueilli avec une salve d’engueulades parce que vous étiez en panne…dans son traffic…rempli de notes salées !!! 11:30…6 minutes ont passé, il est encore temps de s’envoler...)

Entre deux couches, une tétée, un pleur et un rêve, UNE DERNIÈRE VIRÉE…ou quelque chose qu’on aimerait bien se payer avant de quitter définitivement cette ville qui y retient une partie de ton essentiel, quelque chose comme une bière importée, ou un Jack Daniels (and coke), ou un trip dans le sable de la Californie, juste pour revoir Laguna Beach ou pour aller flâner à Ellé…pour se refaire une vieille beauté, pour y rencontrer inopinément la coquerelle au plafond de la chambre d’hôtel 2 étoiles…pour revoir le sel de la mer et le bleu ciel du Pacifique...J’ai donc appelé chez Sillons le Disquaire " qui aime la musique " pour savoir s’il avait en stock une copie du HAPPY BLUE de Guillaume Bouchard et Michel Donato ... " Oui, on l’a, alors svp, vous pouvez me la réserver, je passerai mercredi. Merci.» 








dimanche 17 octobre 2010

ABRAHAM LINCOLN VA AU THÉÂTRE: Le sang suspect

Affiche: LINO



« Plusieurs jeunes sont fascinés par la célébrité et l’argent. Surtout qu’aujourd’hui, les choses sont de plus en plus faciles pour eux, grâce, par exemple, à l’ordinateur qui fait en sorte que tout est à leur portée. Alors, c’est facile de faire l’équation que, dans la vie, on réussit sans trop faire d’efforts. Mais il faut qu’ils comprennent qu’on ne fait pas ce métier pour faire de l’argent, mais bien par passion ! C’est un milieu où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. »

Benoît Gouin à Cynthia Dubé
Le journal de Sherbrooke
13 octobre 2010


" Étendu sur un divan dans sa chambre, Lincoln jeta un coup d’œil de l’autre côté de la pièce vers un miroir sur le bureau: il s’y reflétait presque entièrement. Mais son visage présentait deux images distinctes. Stupéfait, il se leva et s’approcha de la glace: l’illusion disparut. Il s’allongea de nouveau et la double image réapparut, plus nette que la première fois. Un des visages était plein de vie, l’autre d’une pâleur mortelle. Un frisson le parcourut. Plus tard, il en parla à sa femme Mary qui fut très troublée. Cette vision, pensa-t-elle, signifiait qu’il irait jusqu’au bout de son premier mandat mais mourrait pendant le second. "

Victor-Lévy Beaulieu
LA GRANDE TRIBU
Cinquième partie Les Libérateurs


La pièce commence avec un extrait du film DOG DAY AFTERNOON: Al Pacino projeté sur l’écran/rideau, il s’asticote avec un policier, ça f… le chien là, monsieur ! Curieux ce rideau, mais bon ça doit être pour la scène inaugurale...

M., qui m’accompagnait en cet après-midi de temps de chien, assiste rarement à des pièces de théâtre. C’est elle la semaine dernière qui m’a demandé si elle pouvait venir avec moi avant qu’elle ne s’envole sous d’autres cieux. ABRAHAM LINCOLN VA AU THÉÂTRE figurait sur ma liste de pièces à voir cet automne, alors, comme M. aime bien rire et réfléchir, et qu’en plus sa peau revêt la couleur des ex-esclaves de cette belle et grande Amérique, j’ai pensé que le sujet pouvait sans doute l’intéresser. Il n’en fallait pas plus que ses rires discrets pour m’apercevoir que mon choix avait été pertinent, les comédiens ayant accomplit à la perfection leur boulot pour séduire mon amie.

Notre stupéfaction à l'apparition de Lincoln tout frais ciré, les fesses carrées bien assises sur une chaise bien droite, nous a laissé pantoises: hallucinant comme maquillage ! Benoît Gouin (en Lincoln/Mark Killman) est absolument époustouflant, et ses deux comparses, Maxim Gaudette (en Christian Larochelle) et Patrice Dubois (en Léonard Brisebois) le sont tout autant, on croit immédiatement aux différents personnages qu’ils incarnent à tour de rôle. C’est un véritable tourbillon d’humanité ce texte de Larry Tremblay, quelque chose qui nous parle de la vie des acteurs, jusqu’où ils sont prêts d’aller pour arriver à leur faim…

Des coups de poings aux coups de gueule, des coups de cœur aux coups de couilles, des insultes aux louanges, des claques aux baisers, de la bassesse aux auteurs, de porteurs d’ordures à tristes séducteurs, de nourritures terrestres à pourritures célestes. Entre l'amitié et l'amour, il n'y avait qu'un pas à faire et un coup de revolver. Laurel et Hardy, en savaient quelque chose...

Et nos têtes à nous, Spectateurs, comment font-elles pour suivre toutes les histoires dans l’histoire ? Le procédé de la mise en abyme, ou le théâtre dans le théâtre, a peut-être de quoi étourdir le client mais c’est pour mieux le servir et le retenir. La mise en scène alerte et intelligente de Claude Poissant sert admirablement bien le texte, aucun geste inutile, tout étant calculé au quart de tour. Un enchantement perpétuel, bon jusqu'à la dernière goutte...de sang... suspect...




Abraham Lincoln est mort assassiné le lendemain du Vendredi Saint, il était allé voir la pièce OUR AMERICAN COUSIN avec sa femme Mary, lorsqu’un acteur dénommé John Wilkes Booth (faut l’entendre prononcé par la bouche de Benoît Gouin) fit irruption dans la loge et le tira avec un Derringer. Une balle de calibre 44 dans la nuque du 16ème président américain...


Le 10 avril 1865, Robert Lee capitule enfin au nom des États du Sud, après un bain de feu et de sang qui a fait des millions de morts. Tandis que Washington est en liesse et que les États du Nord célèbrent la fin de la guerre, un Lincoln épuisé, au bord de l'anéantissement physique, mais fier d'avoir fait de tous les Noirs des hommes libres, se couche, s'endort et fait ce rêve dont il se souviendra parfaitement à son réveil:

«Un silence de mort m'entourait; puis, j'ai entendu des sanglots étouffés, comme si un certain nombre de personnes pleuraient. Dans mon rêve, j'ai quitté mon lit pour aller me promener au rez-de-chaussée. Le silence était brisé par les mêmes sanglots déchirants, mais les affligés restaient invisibles. Je suis passé de pièce en pièce; personne, mais j'entendais toujours les mêmes lamentations sur mon passage. Toutes les pièces étaient éclairées, chaque objet m'était familier. Mais qui étaient toutes ces personnes qui gémissaient comme si leur coeur allait se briser ? Je me sentais inquiet et alarmé. Que pouvait bien signifier tout cela ? Résolu à découvrir la raison d'un état de chose aussi mystérieux et choquant, j'ai continué à avancer jusqu'à ce que j'arrive au Salon de l'Est. Je suis entré et me suis trouvé devant un catafalque sur lequel gisait un cadavre dans ses vêtements funéraires. Autour, des soldats montaient la garde et il y avait une foule de gens: certains regardaient tristement le corps, dont le visage était couvert, d'autres pleuraient pitoyablement. " Qui est mort à la Maison-Blanche ? " ai-je demandé à l'un des soldats. " Le Président; il a été assassiné." La foule sanglotait bruyamment. »

Victor-Lévy Beaulieu
LA GRANDE TRIBU
Septième partie, Les Libérateurs


La scène finale: Soufflant ! Pour la récursivité des " grandes pièces ": l'éternel recommencement...

Réalisant que la pièce était terminée, le public chaleureux et réceptif s’est levé d’un coup presque sec pour applaudir les trois comédiens qui venaient de nous offrir là toute une performance. C'était leur dernière prestation à Québec. On pouvait lire toute la beauté du spectacle, elle était là, plantée entre les deux yeux de l'Acteur, en plein coeur de sa tête et sur nos mains....chaudes. Merci au Théâtre Périscope, l'équipe peut être fière de cette captivante capture. Un conseil: la pièce est en tournée présentement à travers la province, alors, surveillez un théâtre près de chez vous, il se pourrait que vous rencontriez un président qui danse autrement...

***

Pour conjurer la pluie qui s'abattait sur la ville à la sortie du théâtre: un arc-en-ciel, plutôt rare cette année...Un retour en autobus articulé, un aurevoir de la main noire de M., un sourire à travers la fenêtre embuée...

Abraham Lincoln va au théâtre // 2010

Texte de Larry Tremblay
Mise en scène de Claude Poissant

DISTRIBUTION

Patrice Dubois (Hardy), Maxim Gaudette (Laurel), Benoît Gouin (Abraham), ainsi que Étienne Cousineau, Guillaume Cyr ou Frédéric-Antoine Guimond et Frédéric Gagnon ou Sasha Samar.

Assistance à la mise en scène et régie Stéphanie Capistran-Lalonde / Décor Jean Bard / Costumes Marc Senécal / Éclairages Martin Labrecque / Musique originale Nicolas Basque / Mouvement Caroline Laurin-Beaucage / Maquillages Florence Cornet / Perruques Rachel Tremblay, assistée de Chantal McClean / Direction technique Alexandre Brunet / Direction de production Catherine La Frenière / Stagiaire à la mise en scène Alexia Bürger



samedi 16 octobre 2010

MONSIEUR DE VOLTAIRE (romancerie)


Photo: L.L.


D'Angleterre, Voltaire rapportera dans ses bagages tout le théâtre de Shakespeare.

Page 107

Victor-Lévy Beaulieu
MONSIEUR DE VOLTAIRE
éditions STANKÉ
Parce que chaque livre possède sa mitoyenne histoire.
Parce que certains la savent et que d'autres l'ignorent.


Cela se passa au Salon du Livre de Québec, c'était le 3 juin 1995, je fis ma première rencontre avec le non moins prolifique Victor-Lévy Beaulieu. Sa charmante fille Mélanie l'accompagnait. Beaucoup de chaleur en mémoire. Et puis ces deux jours passés aux Trois-Pistoles dans Le grenier d'Albertine et au Caveau Théâtre, pour enfin voir LE BONHEUR TOTAL, cette pièce écrite suite au procès de la grande dame de la télévision. Le souvenir des rires bleu-blanc-rouge de Claude Jasmin, postés aux côtés de ceux de l'Auteur. Le souvenir également de la rue Notre-Dame, de la librairie dans laquelle j'ai trouvé LES GRANDS-PÈRES, mon troisième ouvrage de VLB, le deuxième étant LE CARNET DE L'ÉCRIVAIN FAUST, édition limitée, acheté quelques jours auparavant dans une librairie de ma région.

J'avais bien lu/vu de ses mots en quelque part auparavant via le téléroman L'HÉRITAGE, une oeuvre télévisuelle d'exception. Mon père venait tout juste de nous quitter pour l'éternité, nous étions seules ma mère et moi, avec entre nous deux le premier de ses petits-fils. Nous étions encore sous le choc de la disparition de l'être cher, celui qui nous avait le plus marquées, 55 ans, c'est un peu jeune pour s'éclipser. Bref, l'automne était déjà bel et bien entamé, le 20 septembre tendait tant bien que mal à vouloir se faire oublier. Il faisait frais en ce début d'octobre 1987...

Puis, ce Xavier Galarneau, père incestueux, aussi froid qu'endêvé avec ses quatre enfants, qu'est-ce qu'il pouvait bien être venu faire ici, en plein bois, assis dans notre décor de Chaleureux ?

Le poêle à bois crépitait, le silence et la noirceur régnaient en maître, on ne voulait perdre aucun des mots sacrés de cette belle grand-messe hebdomadaire qui nous faisait se recueillir à tous les mercredis, pour la première moitié de saison, puis les mardis, ce jusqu'à la toute fin du téléroman, printemps 90.

Victor-Lévy Beaulieu a bâti, mot par mot, pour son million passé de téléspectateurs agenouillés devant les personnages qu'il habillait lui-même de SON langage, une RACE DE MONDE, un peuple absolu, une source intarissable qui découlait directement de l'univers beaucheminé qu'il avait commencé à créer depuis son adolescence.

RACE DE MONDE, télédiffusé de 1979 à 1983, avait précédemment fait recruter comme adeptes mon frère D. et ma mère, ils me parlaient toujours en bien de cette famille de crapotés qui vivaient à Montréal-Nord, Monrial-Mort en réalité. Mais comme je n'étais pas une assidue du petit écran durant les folles années de ma petite et moyenne débauche, je passa tout de Go et ne réclama point de mots. C'est regrettable que Radio-Canada n'ait pas gardé les images et le son de cette saga pas piquée des vers, j'aurais bien sûr apprécié d'en admirer en long et en large tout le paysage en son langage. Mais il y aurait un jour LE livre, celui-là d'où était tirées/triées toutes les pages que je délirerais un jour...

Après L'HÉRITAGE, il y eut MONTRÉAL P.Q., ce magnifique diamant sculpté à même l'écriture théâtrale de VLB. De 1991 à 1994, ce sont les personnages inoubliables qu'étaient Madame Félix, Victor Teoli, Lenoir, Harry Smith, Leonardo, Aurise Blondeau, Urbain Blondeau, le chanoine Odilon Caron et l'abbé Edmond Brisebois, qui firent que je m'intéressa davantage à la poésie de la plume du sieur des Trois-Pistoles. Puis BOUSCOTTE, perpétua ce cérémonial. Peut-être que LE BLEU DU CIEL aurait fait la même chose s'il n'avait pas été retranché de la programmation, faute de cotes d'écoute selon les dires.

Quinze ans plus tard, en relisant mon journal de bord du 3 juin 1995, ces mots en bas de page: Je voudrais maintenant tout lire l'oeuvre de VLB...49 ouvrages plus tard, je puis avancer que c'est en route pour se faire. Parce que chaque livre a sa propre histoire, je ferai la chronique chronologiquement de chacun d'eux, à commencer par le tout premier qui fit son apparition dans MON salon, MONSIEUR DE VOLTAIRE. Il n'y aura pas de critique à proprement parler, mais quelques extraits choisis à travers les pages redécouvertes. Monsieur de Voltaire relate l'enfermement de l'Auteur alors qu'il est en cure de désintoxication. À travers la vie de Voltaire, son oeuvre, mitoyenne à la sienne, VLB nous asperge du siècle des Lumières, ce siècle pas si lointain que ça après tout. Il m'aura appris à le connaître sous son nouveau ciel mais il ne saurait tarder à le faire...sous d'autres enfers...


TOUTE LA JOURNÉE, J'AI ÉTÉ MASSACRANT d'humeur et de paroles, à croire que je me prenais pour Voltaire cherchant à polémiquer avec des ennemis même malgré eux. Si le fait de ne plus boire ne m'amène qu'à devenir sombrement acrimonieux, je ne vois rien là-dedans de positif.

p.139, chapitre 12



mardi 12 octobre 2010

Ces grands correspondants

De Vilmorin et Cocteau en 1957


Rien de beau sans déchirements, sans explosifs, sans plaies.

Jean Cocteau à Jacques Maritain
9 juillet 1928


Ce n’était pas pour aboutir dans un salon du grand monde quand je franchissais mes distances personnelles, oh! non. Jean Cocteau habitait, place de la Madeleine, un petit hôtel appelé Madeleine Palace Hôtel et c’est dans sa chambre qu’il m’attendait. Il m’accueillit comme si j’eusse été à la fois sa sœur et sa promise; j’étais émue, il paraissait heureux et quand il me prit la main, je sentis mon cœur battre. Il me posa des questions et m’écouta lui répondre avec cette attention qu’inspire un être bien-aimé dont on veut tout savoir, puis il me demanda ce qui me ferait plaisir. "Un café au lait", lui dis-je et, cinq minutes plus tard, assis côte à côte au bord des son lit, nous buvions ce café au lait qui fut notre philtre de Tristan et Iseut. Enfin nous nous étions retrouvés ! Quelle merveille ! Songez donc: rien depuis plus de vingt ans ne nous a séparés. Qu’il soit en voyage ou séjourne loin de chez nous, Jean maintenant vint chaque soir à Verrières et, avant d’entrer, s’arrête à nos fenêtres d’aujourd’hui, comme il s’arrêtait lorsque j’étais jeune fille, à ces mêmes fenêtres qui s’ouvrent à l’Ouest sur le jardin.


Louise de Vilmorin
in Souvenirs de Jean Cocteau


Verrières, le château de Louise de Vilmorin

vendredi 8 octobre 2010

LA FANFARE: Du sable dans la tête

KANDAHAR


La forêt, c'est du cash,
faut qu'elle passe à la hache

Le Port
Décembre en Chute Libre


Down, down. Down, down.
The star is screaming.
Beneath the lies. Lie, lie.
Tschay, tschay, tschay.
CAREFUL, CAREFUL,
CAREFUL WITH THAT AXE *,
EUGENE
The stars are screaming loud.
Tsch.Tsch.Tsch.

Roger Waters
A saucerful of secrets





La chair à canon est le nom donné au personnel militaire que l'on est prêt à sacrifier au feu ennemi, pendant un engagement armé, malgré de probabilités de victoire très restreintes. L'expression désigne donc généralement des soldats peu qualifiés ou mal formés dont l'intérêt tactique est d'offrir une résistance momentanée à une force adverse.
(wikipedia)



LA FANFARE, première des neuf pièces 2010-2011 présentées chez Premier Acte, est intense et remuante. Elle est produite par le Théâtre du temps qui s'arrête et mise en scène par le jeune et fougueux Lucien Ratio et ses énergiques interprètes.

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La salle n’était peut-être pas tout à fait remplie mais occupée par un public qui l'habitait. Du rire jaune clair au noir silence, supportée par la musique de Décembre en chute libre, cette pièce raconte l’histoire d’Eugène, un jeune homme des forces armées canadiennes de retour d’Afghanistan, qui s’était enrôlé…pour les voyages… Il se trouve un emploi dans un magasin de musique et essaie tant bien que mal de s’incorporer à ses nouveaux compagnons qui, après le travail, jamment ensemble. Ils perçoivent tous la certaine difficulté d’être d'Eugène, celle qu’il vit intensément sous leurs yeux... et les nôtres, SON syndrome de stress post-traumatique ** le rendant quelque peu inaccessible.

Le corps érodé du texte au vent qui parle pour mieux se taire, des bras offerts à une taille fine pour un dernier slow, un étranglement muet sur la voix d'un père nourricier, le bruit du sable fin dans une tête en miettes, de la lave entre les derniers mots pour une chanson d'à venir, le désistement de la vie, l’appel de la mort, le plus long des voyages…Bonne nuit, mon petit, c'est le marchand de sable qui te le dit...

Thomas Gionet-Lavigne, Eugène, c’est celui-là même qui avait écrit et joué dans ROUTE l’hiver dernier, une performance décrivant la dérive californienne d'un certain Jack, un solo qui m’avait révélé ce jeune comédien d'ici. La dureté de sa voix déplace le cœur du Spectateur de son orbite habituelle, sa voix qui porte loin et dur autant qu'elle peut être contenue dans l'enfermement de son malaise interné. Et ses yeux, qui ont l’air d’avoir eu vraiment mal. Un rôle physique et exigeant. Une prestation qui adonnait très bien avec la nouvelle du jour d'hier: cette publicité (controversée) d’une mère qui a " perdu " ses deux fils là-bas, l’un sous les balles, l’autre dans sa tête…Lucien Ratio, dans le rôle du petit Marc, " Marcus ", c’est la fougue, le mordant, l'intelligence à la fine pointe de la nouvelle folie des grandes heures, un comédien qui sait donner SA place aux autres et aussi un brillant auteur. Il est plaisant de suivre son cheminement professionnel, au rythme où s'enclanchent ses projets on peut s’attendre à une carrière remplie de promesses. Sophie Thibeault, Anne-So, LA fille au milieu du band de gars; le pétillement dans l’œil, l’eau au moulin et une superbe voix. Denis Lamontagne, père d'Eugène, qui l'embrasse, l'étreint, le borde, sensible qu'il est à ses problèmes, le père qui pleure, le père qui touche... Jeanne Gionet-Lavigne: une poignée de sable dans le rire de la poésie, la pureté de l’émotion, la recherche de " l’autre " à travers une langue étrangère qui devient de plus en plus familière, une fleur invisible derrière un barbelé...

Et la Musique, celle qui adoucit les meurtres en trouant la corporation de la pièce, est celle du groupe Décembre en Chute Libre. Elle est manipulée par Jonathan Saillant (batterie), David Robin (basse), Charles Bernadet (guitare) et Lucien Ratio (vocal). Exceptionnellement pour la pièce, Sophie Thibeault s'est ajoutée au band, et quelle addition ! En tout cas ce fût une sacrée belle opportunité de faire connaître le groupe, leur CD devant être lancé officiellement sous peu.

À la scénographie, Jean-François Labbé ...quelques caisses de M16, des pierres, de la lumière, un rideau, une clôture frost, et du sable... Il faut souvent très peu de choses pour passer un grand moment...sous l’œil extérieur de Kevin McCoy ...;-)

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Une belle rencontre dans la salle aux nouveaux sièges confortables, tout juste assise à mes côtés: Karine Ledoyen, de la compagnie de danse K par K. L'ai reconnue seulement après avoir fait une recherche sur le spectacle AIR, qui sera présenté à La Rotonde les 19, 20 et 21 janvier 2011.

Le hasard a voulu que, sans savoir qui elle était, je lui parle de mon désir d'assister à certains spectacles de danse dont le singulier CABANE, de Paul-André Fortier et Rober Racine, artiste visuel, écrivain et musicien. Le monde est souvent très petit à Québec et c'est bien tant mieux. Et à la sortie, un peu devenu comme une bonne habitude ;-), le croisement avec Jean-Michel Girouard, qui sort de son multidisciplinaire VERTIGES (que je n'ai malheureusement pas pu voir). Toujours aussi tout feu tout flamme, il jouera dans LA LOCANDIERA au printemps prochain et assistera Marie-Josée Bastien dans la mise en scène de ...ET AUTRES EFFETS SECONDAIRES, pièce que je retournerai voir pour sûr, autant pour le texte que pour les comédiens.



La conclusion: enthousiasmés par la nouvelle saison, qui ne fait tout juste que commencer, il nous est d'ores et déjà convenu que nous aurons à nouveau plusieurs autres bonnes et fructueuses récoltes d' à venir...avant, pendant et après les flocons.


ROUTE 


* Il y a un jeu de mots car "Axe" est aussi appellation familière de "guitare électrique" dans le jargon musical.

** Cauchemars, flash-back, troubles du sommeil et de la mémoire, sentiment d'isolement, désespoir, culpabilité, agressivité, alcoolisme et suicide.


mercredi 6 octobre 2010

Dans la lumière mort dorée de Limoilou



Nous sommes en ville, en plein coeur de l'arrondissement de Limoilou, et pourtant on pourrait bien se croire en plein coeur d'une forêt quelconque du centre du Québec. La journée du 5 octobre 2010 en demeurera une gravée dans ma mémoire longtemps. On ne pouvait espérer mieux pour cette promenade au Domaine Maizerets. La température étant idéale, le ciel bleu pur et le soleil avenant, ce fût à nouveau la joie d'être réunies ensemble M. et moi, avant un autre grand départ pour son Afrique. C'est Elle qui est en dessous de tous ces mots/photos que je suis entrain d'essayer de dépeindre. En ce moment, à Québec, les couleurs automnales sont à leur maximum de beauté, et même si le bleu nordique était très à la mode en fin de semaine passée sur les Plaines de ce cher Abraham Martin, on peut écrire que celles d'hier après-midi, rouge et or-anges brûlés, nous ont considérablement bien rempli la rétine.

Mariama sur la passerelle

De nombreux canards (illimités) se promènent sur les divers plans d'eaux du domaine, ils font inlassablement le tour du propriétaire. Ils semblent faire bon ménage avec les divers volatiles de cette nature urbaine. S'il n'y avait pas l'autoroute 40 qui la longe, on pourrait vraiment se croire en pleine forêt de campagne.




Beaucoup de marcheurs: des couples, des solitaires, de jeunes enfants avec leurs parents, des amis. Les gens que M. et moi avons rencontrés, et avec qui nous avons tenu des conversations simples mais intéressantes, nous ont paru fort détendus, mais comment ne le seraient-ils pas, avec toute cette beauté d'octobre étalée devant leurs yeux en vacances ?





Ici, une mésange albinos flottant sur un morceau de bois dans le marais; apparement que c'est rare. En tout cas, c'était la première fois que nous avions l'occasion d'en croiser une M. et moi. Peut-être que c'est chanceux, qui sait ? Des visiteurs avaient laissé des graines sur le bras du garde-fou, elle allait et venait sans cesse, mais ayant tout de même un peu peur de nous.


Et lui, le gros gris, qui n'a pas peur une miette de la race humaine, gavé qu'il est par elle, il avait l'air parfaitement à son aise parmi SES arbres, géants pleureurs qui s'endormiront pour l'hiver, géants qui composent naturellement ce grand poumon de bois, incubateur de vies à venir. Il faudra revenir au printemps...

Les mains de M., celle de la petite Alice

Au marais, la Rencontre magique avec la petite Alice. Sa mère lui faisait pincer le ventre d'une plante que l'on ne connaissait pas, elle l'appelait pétard, silene cucubalus. Chaque éclatement engendrait un rire on ne peut plus clair et joyeux, celui d'une petite fille tout habillée de rose et heureuse de faire péter... un pétard. Le Domaine Maizerets, un vrai pays de merveilles, il faudra y revenir plus souvent, et peut-être qu'on y apercevra quelques lapins abandonnés cette fois.



Photos: L.L.

mardi 5 octobre 2010

ANDRÉ-PHILIPPE GAGNON: Cent voix en l'air (pour le fun)

André-Philippe Gagnon
alias Anton Beach


Hier après-midi, une invitation de dernière minute pour aller voir l'homme qui chante tout en imitant. Une voix qui n'attend pas l'autre. Un vrai tourbillon cet André-Philippe Gagnon. Un performer tout de même unique en son genre, de quoi vous faire souvenir des années rétro satana ! Du divertissement à l'état pur. Fallait le voir chanter du Barry White tout en gesticulant Laa-Laa des Teletubbies ou encore du Trois Accords avec la voix de Francis Cabrel. Je n'ai pas compté le nombre d'artistes qu'il a imité mais sûrement une bonne centaine. Des applaudissements à peu près à toutes les 20 secondes, ça roule vraiment à un train d'enfer ce show-là et au quart-de-tour. Un vrai pro. En fait, probablement le meilleur imitateur de chanteurs de tous les temps. C'était la première fois que je le voyais performer en live et probablement la dernière, non pas que je n'ai pas apprécié son spectacle mais surtout parce que c'était Investors qui payait ça à ses clients (ou bien sont-ce les clients qui payaient ça à Investors ?) En tout cas, c'était gratis et ça en valait largement les 45$ que l'agent avait déboursé pour votre siège. Pour la fin finale, qui d'autre que l'inoubliable homme-saxe et pour le rappel, un Mick Jagger plus grimaçant que jamais, se tortillant à qui mieux mieux, accompagné d'un David Bowie dancing in the streets...jusqu'au parking. Une soirée sous les étoiles pour les stars d'un soir...Merci à M. pour l'invitation.

vendredi 1 octobre 2010

DOM JUAN: Les gorges chaudes d'octobre





Un vrai Don Juan se branle.

J’ai toujours été curieux de voir le visage des mille et trois femmes de Don Juan et de connaître leur mécanique mentale.

Le facile Don Juan.

Louis Scutenaire
Mes inscriptions
(1943-1944)


Ce que je réprouve dans le personnage [le malfaiteur], je le réprouve également dans tous les hommes et toutes les femmes qui lui jettent la pierre. Il faudrait avoir les mains bien pures pour jeter la pierre, mais les mains pures ont ceci de remarquable, qu'elles ne jettent point de pierres.

Julien Green
Journal


Lorsqu'un élément étranger irritant entre dans la coquille de ces mollusques, ceux-ci secrètent également de la nacre couche après couche tout autour afin de s'en protéger, formant ainsi une ou plusieurs perle (s).

(wikipedia)


DOM JUAN

Date de parution 1682
Date de la 1re représentation 15 février 1665
Lieu de la 1re représentation Théâtre du Palais-Royal


LE THÉÂTRE DE LA FOLIE ne peut donc pas être un théâtre de répliques. Le Fou ne communique pas: il est. Et représenter l’être dans un monde qui ne croit qu’au paraître demeure une entreprise prométhéenne. Elle ne peut être possible que lorsque le Spectateur devient et l’Auteur et l’Acteur et le Metteur en scène et le Personnage, c’est-à-dire une luminosité magique --- expression non d’une dissolution mais d’une condensation, une Parole se disant dans le Personnage enfin nu et prodigieux, aussi bien dire Fou et unique dans ses huit milliards d’images.

Victor-Lévy Beaulieu
Le pays théâtral
Février 1977


En pays de re:connaissance, en "pays théâtral ", en ville, entre fleuve et forêt, mots et gestes, parmi les gardes-chasses et les braconniers, toutes ces belles têtes givrées, rivées sur leurs sièges, toutes ces belles jeunes bêtes s’agitant sur les planches du GTQ, jouant pour les amis de Molière. Ces Acteurs qui vous parlent du ciel et de l’enfer, qui grondent en choeur comme des tonnerres, qui flashent fluo comme des éclairs, qui s’éclatent ensemble sous les lumières, lustrés du mouvement scénique " plus important que la parole "… C’était en 1665. C’était aussi avant-hier…

Pour sa mise en scène sobre et efficace, qui cède pratiquement toute la place à la Parole, Jean-Sébastien Ouellette se mérite une note de premier de classe. Jean-Sébastien, inoubliable Monseigneur Charbonneau d’avril dernier, qui a d’ailleurs remporté le prix des amateurs du Trident pour ce rôle de géant, nous a concocté une véritable fournée de mots brûlants, mots qui nous ont retenus collés à notre siège pendant une heure quarante minutes. MAIS...les toux d'hiver, en plein automne (déjà me dis-je), c’est toujours navrant à entendre, la concentration a certes bien meilleur goût lorsque le silence est de rigueur et à l'honneur, mais bon, passons, ne faisons pas davantage de gorges chaudes, nous sommes tout de même qu’en début de saison…

Molière, en SA divine comédie, qui est venu pour la je ne sais plus combientième fois faire son petit tour au GTQ afin de vérifier si tout se jouait bien " comme en son temps ". Fidèle au poste, et à ses bonnes mauvaise habitudes, comme son éternel Dom Juan, maître ès hypocrisie, il a magnifiquement fait interpréter ce cher Hugues Frenette, qui encore une fois nous donne tout ce qu'il a "dans le corps ", un autre de ses PGRA, petits gestes de résistance à l'abrutissement. Une remarque: le rouge enfer des spots sur sa chemise…rouge, illuminant le doute de ce "  porteur de lumière " qui " tel Prométhée, se libérant par la mort, entre dans la (dé)mesure triomphante "…

Le supportant tout le long de cette heure et quarante, Sganarelle, sidekick pétillant/pétulant, valet brillamment interprété par Jean-Michel Déry; Sganarelle, son corps et son âme livrés pour nous comme des cadeaux d’un ciel bonbon dur au centre mou, un peu hypocrite sur les bords lui aussi mais moins tranchant et irrévérencieux que son maître. Du faire-valoir à son meilleur. Véronique Côté, en Done Elvire, toujours aussi gracieuse, la beauté envoûtante de sa voix d'épouse abandonjuanée la faisant résonner entre les lustres du haut faux plafond. Jean-Pierre Cloutier, qui de plus en plus s’assure une place de choix sur les différentes scènes de Québec, qui encore une fois a électrocuté l’assistance de son regard intense. Etre assis dans la rangée F cette année, au lieu de la K de l'an dernier, donne accès au bleu privilège du regard franc de l’Acteur. Les costumes, de facture classique, lui seyaient tout comme un gant…blanc. Simplement majestueux, tout comme l’étaient les Jean-René Moisan, Nicolas Létourneau et Jack Robitaille. Nicolas Létourneau (Pierrot), Krystel Descary (Charlotte) et Cynthia Trudel (Mathurine) nous ont donné des dialogues tout simplement hilarants avec l’objet vivant qu’est leur langue " locale "…

À la fin, après les applaudissements bien nourris d'un public conquis, j’ai eu une pensée éclair pour Paul Hébert*, lui qui rêve de voir naître un jour (d’été) un événement annuel à la mémoire de Molière…

Un fait à noter: le nom de celui qui tenait le rôle de la Statue du Commandeur n’apparaissant pas dans le programme, je me demande qui se cachait sous Elle, peut-être était-ce le metteur en scène ou Molière lui-même ? 

DISTRIBUTION 

Jean-Pierre Cloutier Dom Alonse, La Ramée et La Violette
Véronique Côté Done Elvire
Jean-Michel Déry Sganarelle
Krystel Descary Charlotte
Hugues Frenette Dom Juan
Nicolas Létourneau Pierrot et M. Dimanche
Jean-René Moisan Dom Carlos, Gusman et Ragotin
Jack Robitaille Dom Louis et le pauvre
Cynthia Trudel Mathurine

POUR les Comédiens qui, soir après soir, jouent dans les larges dos de leur public serré à l'étroit, et qui recueillent de la France des bouquets de lumières scintillant directement du 17ème, je leur dis MERCI pour cette soirée d'enfer...



Texte Molière
Mise en scène Jean-Sébastien Ouellette
Scénographie Bernard White
Costumes Maude Audet
Éclairages Sonoyo Nishikawa
Musique Stéphane Caron
Assistance à la mise en scène Caroline Martin


* http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/arts-et-spectacles/theatre/200912/13/01-930702-paul-hebert-insatiable-reveur.php