dimanche 30 janvier 2011

INCENDIES, le film: Un + un




Mais hier, le cinéaste avait juste le goût à nouveau de remercier un homme... Wajdi Mouawad. "Je lui serai toujours redevable, car ce sont au point de départ ses idées, sa matière première. Je ne le remercierai jamais assez de m'avoir fait ainsi confiance et de m'avoir transmis la plus belle histoire que j'ai jamais entendue. Incendies n'est pas un film sur la violence et l'horreur, mais un film sur la famille et une histoire de coeur".

Denis Villeneuve à Michelle Coudé Lord
Canoë, 23 septembre 2010

Au cinéma Cartier jeudi après-midi dernier: INCENDIES, le film...

A. et moi au cinéma pour voir ce film adapté de la pièce de Wajdi Mouawad, que l’on avait vue en juin dernier au Grand Théâtre de Québec dans une salle Louis-Fréchette remplie à ras bord de spectateurs contaminés à son abondant SANG DES PROMESSES. Étant donné les merveilleuses douze heures passées entre les mots de l'auteur, j'avais un petit peu d’appréhension face à cette adaptation cinématographique, mais INCENDIES a comblé toutes mes attentes et plus...





En tournant cette authentique histoire, Denis Villeneuve lui a donné une nouvelle dimension, sa poésie personnelle, pas tellement différente de celle de Wajdi Mouawad, elle vient confirmer le talent du jeune réalisateur québécois dans toute la grandeur de ce texte empreint de beauté et de vérité...au bout du rouleau…et du bourreau...

La piscine, l’eau purificatrice, le sable, le silence, les lieux, la retenue...et les jumeaux, superbes et intenses Mélissa Désormeaux-Poulin et Maxim Gaudette, avec leur mère, déchirante Lubna Azabal, forment un trio de rêve dans le parcours chaotique d’une famille à jamais soudée par les liens du sang, ceux d’une promesse non tenue...

Parce que nous connaissions déjà le texte, et que c'est quand même du cinéma, nous nous sommes plutôt concentrés sur les images; l’histoire de l’auteur libanais a fait éclater les restants d'émotions qui étaient restés enfouis dans le fond de nos gorges sèches depuis juin dernier...

On ne peut rien ajouter de plus à l’horreur pas plus qu'à la beauté, mais on peut certes les glorifier, et si une statuette aux Oscar fait remporter à l'équipe de production le prix du meilleur film en langue étrangère ce sera le seul +. Je souhaite de tout cœur que Denis Villeneuve vive la même émotion que le seul autre récipiendaire québécois avant lui ait connue, un réalisateur qui porte le même prénom que lui mais avec un y, mais au fond de nos coeurs nous savons qu'il l'a gagnée d'une certaine façon en étant nommé parmi les cinq films à l'honneur.

C’est étrange, car la langue mère d’un pays, étrangère pour l’étranger, devient non pas l’obstacle pour dénouer cette histoire mais le premier contact pour trouver l’issue…Il faut avoir vu cette scène où Jeanne est au milieu des femmes de là-bas, qui ont connu sa mère...mémorable...et celle de Simon, avec elle dans ses bras dans la piscine...après le choc...et toutes celles de Nihad de mai, brillamment interprété par Abdelghafour Elaaziz, qui a égalé le rôle tenu par Tewfik Jallab dans la pièce. Même cruauté, même beauté, même intensité et même efficacité...Rémy Girard, ah ! encore une autre fois, moins en vedette que dans LES INVASIONS BARBARES, mais tout aussi important et juste...et les enfants de la toute première scène, leurs regards rebelles, leurs petits pieds...


Le premier acteur que j’ai choisi a été Abdelghafour Elaaziz,
pour le rôle du bourreau. Je l’avais vu au Théâtre de Quat’Sous
et j’avais été très impressionné par sa présence sur scène.
C’est un excellent comédien !

Denis Villeneuve
11 septembre 2010
7 jours

Et les belles têtes blanches dans la salle du Cartier, des quinqua-sexa-septa qui ne dénouent peut-être pas toujours tous les fils d’une histoire tout de même assez compliquée mais qui pleurent doucement quand les mots de LA FEMME QUI CHANTE passent devant leurs yeux rougis par...trois petits points...de suspension....pour ainsi regarder un peu plus haut que le haut du talon….trois petits points noirs pour faire entrer dans la peau le souvenir des enfants de la survivance... Denis Villeneuve a réalisé le film de ce à quoi nous nous attendions de l’histoire de Wajdi Mouawad, les langues dans lesquelles il fût tourné, en belles étrangères qu'elles sont, feront faire de l’œil à plusieur autres, dont l'italien...

La bande-annonce d'INCENDIES, comme une deuxième alarme...






Ça fait plaisir de voir ton sourire. De plus en plus, je deviens nost...algique...À cause du temps qui nous fait éloigner de notre enfance...À cause du lieu qui flotte, quelque part, parmi les autres îlots de la mémoire....ha ha ha...

Abdelghafour Elaaziz


vendredi 28 janvier 2011

KUKIPIK (DOIKIPU): Comme si...j'aime

Photo: L.L.



« Un « lol » ne vaudra jamais un éclat de rire »

Marc Allard
Le Soleil
25 août 2010


Or, que se passe-t-il aujourd'hui ? La culture dans laquelle nous baignons n'a plus rien de commun. Chacun vit dans sa bulle culturelle, toute personnelle et intime, qu'il nourrit dans l'immensité du Web. Car nous sommes par ailleurs immensément cultivés. Sauf que plus personne ne possède les mêmes repères. Il n'existe plus, ce lieu de rencontres qu'autrefois on appelait la Cité. Chacun fredonne sa gigue dans sa tête, renfrogné dans son coin du bus.

Simon Beaudry
Philippe Jean Poirier
Codirecteurs du collectif Identité québécoise
Tryptique de la décadence identitaire
Le Devoir, 18 décembre 2010


Hier soir, à Québec, chez Premier Acte rue Salaberry, la fin du monde du SOUCIDE COLLECTIF était à 8 heures...Catherine Dorion et Nicola-Frank Vachon, accompagnés des musiciens Mathieu Campagna et Philip Larouche, nous ont plongé dans un univers où il faisait bon sentir les odeurs de la désintégration des communications obsessionnelles. Un texte percutant, ironique, énergisant et déstabilisant par moments, des mots garrochés à l'emporte-pièce, des extraits de chansons POPulaires qui en disent long sur la vacuité de l'humanité; des costumes de lumières, des muscles gonflées à la crème fouettée, des quizz de branle-bas de combat dans le sommier, du jus, beaucoup de jus; et de la sueur, avec des yeux tout le tour de la scène, et de l'haleine et...de l'espoir à boire, à boire messieurs dames...

Nicola-Frank Vachon et Catherine Dorion, les deux seuls clowns survivants d'une post-apocalypse prématurée, nous ont fait comprendre la recherche du bonheur, celle qui probablement est le seul travail à temps plein non rémunéré dans lequel nous investissons une bien trop grande partie de nos petites énergies soleilleuses, celle de qui il vaut sans doute mieux en rire définitivement afin de pas en pleurer éternellement.

À certains moments, plus ou moins tragi-comiques, j'ai pu sentir le mal à l'aise gargouillant du KUKIPIK DOIKIPU dans le ventre bien rempli des quelques 80 personnes présentes. L'appétit du Spectateur étant avant tout comblé par la voracité du texte gargantuesque (écrit par les deux principaux protagonistes), A. et moi avons été remplis du plus nourrissants des tout ou rien. Amplifiés par une mise en scène des plus énergiques, de Marc Doré, (danse, mime, chant) les mots en ont creusé long et large dans cet enchanteur vacuum.

Le risque des relations "ascensionnelles" de la facebookerie, avec le cell à portée de main 24/7, avec le temps-va-tout-s'en-va qu'on prend pour pitonner ce qu'on a sur le coeur, ou dans le KUKIPIK, nous désintégrera dans le fur de nos mesures, avec ou sans la simplicité de nos subites amitiés ou dans celle de la petite complication des grands amours...Le beau grand risque de voir se dissoudre à jamais les sentiments sincères qui animèrent un jour la place de nos coeurs vides en celle de notre petit monde fait d'hommes, d'animaux et de plantes, sur-vivants d'une terre en voie de démolition...

C'est ce soir, depuis le cadre Doré des multiples écrans, qu'on a laissé apparaître sur le mien les traces salées de la sueur des Comédiens, l'éclaboussure de leur sang brûlant, l'eau de leur oeil luisant, le crachat de leur bile douce-amère, le blanc crème de leur semence interne...Là, à gauche de l'extrême-droite, entre le KUKIPIK et le DOIKIPU...le temps de prendre de nos nouvelles...


Mais comme pour la téléphonie cellulaire et ses forfaits attirants, la mise à nu en ligne, le partage de tout, tout de suite, avec tout le monde, en annonçant des lendemains meilleurs, pourrait aussi avoir un prix élevé à payer. Mais c'est en recevant la facture qu'on en prend généralement conscience.

Fabien Deglise
Le Devoir, 2 octobre 2010



N.B.: Je dois avouer que j'ai commis une petite entrave au protocole du programme de la soirée (une simple feuille 8½ X 11): on nous avait demandé de la rechiffonner et de la remettre dans le bac après usage, mais comme je conserve précieusement les programmes de mes soirées théâtrales, je l'ai plutôt remise dans le creux de la poche gauche de mon anorak, entre mes gants et ma tuque.


" La vie, la mort, et la démangeaison entre les deux"...


Production: Le Soucide collectif
Mise en scène: Marc Doré
Texte: Nicola-Frank Vachon, Catherine Dorion
Musique: Philip Larouche, Mathieu Campagna
Conception des costumes: Vanessa Cadrin
Scénographie et accessoires: Virginie Leclerc
Éclairages: Félix Bernier Guimond
Régisseur: Mathieu C. Bernard
Coupe et confection des costumes: Judith Fortin
Système électronique costumes: François Ferland Bilodeau
Communications: Paulette Dufour


vendredi 21 janvier 2011

LA FACE CACHÉE DE LA LUNE: La grande marée

LE GRAND THÉÂTRE DE QUÉBEC
PHOTO: L.L.
20-01-11



De ce fait, l'espace matériel de la représentation s'organise en zones multiples, où chaque protagoniste occupe « son » espace physique. Le temps retrouve sa cohérence dans cet éclatement de l'espace, faisant surgir de l'histoire l'essentiel qui construit le sens de la fiction. À cette façon de raconter vont répondre tous les autres signes du spectacle. Acteurs, son, éclairage, accessoires, mots s'assemblent et se fondent jusqu'à faire naître une sorte de synchronie évocatrice de simultanéité temporelle.

Irène Roy
La formation du langage scénique (P.46)
LE THÉÂTRE REPÈRE
du ludique au poétique dans le théâtre de recherche
Nuit Blanche éditeur





« JE PARLE FORT MAIS JE NE SUIS PAS RIDICULE »



La Lune, le refuge idéal des gens
pour qui l'existence est lourde.
Constantin Tsiolkovski
Ingénieur russe *


1858


Un ascenseur pour la lune qui fume au soleil... des flottements qui s’abonnent à la météo de l'aura brune d’un flot… le bec en trou d’cul poule d’un frérot qui semble avoir tout pour lui mais qui au fond n'a rien de plus que des cratères à combler….le sacré lien de la fraternité...Un petit cosmonaute qui danse entre les bras chauds et réconfortants de sa grande maman... des talons hauts turquoise retrouvés dans l'espace troublé d'une petite garde-robes...Au bar, à table ou devant les miroirs, un cosmos rempli d'étoiles et de montres molles qui ne donnent jamais vraiment la bonne heure... des Plaines en hiver remplies de batailles et de silence...une laveuse, une sécheuse... une planche à repasser les souvenirs fripés... un bicycle stationnaire pour faire les exercices de style... Un père. Une mère. Des frères. Et un poisson rouge. Plus la mort qui flotte dans l'air sous l'eau... L’eau qui disparaît d'un bocal fêlé. L'eau qui mouille le plancher ciré. L'eau qui fait mourir la mère...L'eau qui fait survivre les frères... L'aristocratie des jours passés en robe de chambre... la divagation des âmes soeurs...des images de l'enfance clouées dans le crâne à l'intérieur même d'un tumeur...l'oeil qui scanne les profondeurs...Un texte récité en solo à l'envers d'un décor à l'endroit...Yves Jacques en prestidigitateur, Éric Leblanc en manipulateur... LA MACHINE à traverser le temps dans laquelle l’Acteur s'articule à la place de l'Auteur... entre le mur de la honte et le Dazed and Confused, en face de l’apesanteur de nos rires en pleurs...L’univers des petites choses qui font trembler la terre... le spectre des anciennes confrontations... la Lune froide avec sa couleur de cendres... la coïncidence des appels... l'invention de la réconciliation... le temps qui fuit... la Lune qui luit... L’enchantement au pro-fil des marionnettes... le sourire d’une jeune mère entre les mains d’un poète... rien d'autre que du creux perdu pour ses jambes sciées en deux... la lumière du jour qui se mire dans celle du soir... la scintillante interprétation du jumeau Jacques... la différence des intelligences... point de repère pour l'espérance... rien d'autre que du théâtre... Le drapeau blanc effiloché dans le vide rouge de la floraison d'une torpeur... un scaphandre sur la terre pour flotter sous la lune... le jour qui point... la nuit qui bleuit... l’enfant qui renaît...la mère qui le nourrit.

...on the run






Et les cosmonautes d'Apollo seize...

La voie lactée est déviergée
la voie lactée est LSD..,
Lady Trenton est épuisée
en dessous de Bill retrouvé...

Le cosmonaute s'est réveillé
en plein milieu d'la voie ferrée...
Comme ça... en pleine réalité...
son père l'a renvoyé s'coucher...

RÊVER...RÊVER...
RÊVER...RÊVER...
C'EST VOYAGER.

FU MAN CHU
Paroles: Claude Gagnon, Marcel Sabourin
Musique: Robert Charlebois



LA FACE CACHÉE DE LA LUNE

DISTRIBUTION: Yves Jacques
TEXTE ET MISE EN SCÈNE: Robert Lepage
MANIPULATIONS: Éric Leblanc
CONCEPTION: Adam Nashman, Peder Bjurman,
Pierre-Philippe Guay, Laurie Anderson,
Marie-Claude Pelletier, Bernard White,
Marie-Chantale Vaillancourt, Pierre Robitaille,
Sylvie Courbron
PRODUCTION: Ex Machina
COPRODUCTION: le Théâtre du Trident
COLLABORATION: le Grand Théâtre de Québec

ÉQUIPE DE PRODUCTION

CONSULTANT SCÉNOGRAPHIQUE: Carl Filion
RÉALISATION DES IMAGES: Jacques Collin, Véronique Couturier
MONTAGE SONORE: Jean-Sébastien Côté
AGENTE DU METTEUR EN SCÈNE: Lynda Beaulieu
DIRECTION DE PRODUCTION: Louise Roussel
DIRECTION DE PRODUCTION (TOURNÉE): Marie-Pierre Gagné
DIRECTION DE TOURNÉE: Paul Bourque, Marie-Pierre Gagné,
Vanessa Landry-Clavery
COORDINATION TECHNIQUE: Michel Gosselin
DIRECTION TECHNIQUE: Dany Beaudoin
DIRECTION TECHNIQUE (TOURNÉE): Patrick Durnin
RÉGIE GÉNÉRALE: Martin Genois
RÉGIE DES ÉCLAIRAGES: Richard Côté
RÉGIE SON: Caroline Turcot
RÉGIE VIDÉO: Steve Montambault
RÉGIE DES COSTUMES ET ACCESSOIRES: Nadia Bellefeuille
CHEF MACHINISTE: Mathieu Thébaudeau
MACHINISTE: Emmanuelle Nappert
CONSTRUCTION DU DÉCOR: Les Conceptions Visuelles Jean-Marc Cyr
VOIX DES ANIMATEURS: Bertrand Alain, Lorraine Côté
MUSIQUES ADDITIONNELLES: Beethoven, John Coltrane, Led Zeppelin
IMAGES SOVIÉTIQUES DE L’ESPACE: Ultimax Group, Inc.
NETTOYAGE ES COSTUMES: Guy Le Nettoyeur
RÉDACTION DU PROGRAMME: Audrey Pedneault
CORRECTION DU PROGRAMME: Denys Lelièvre
CONCEPTION GRAPHIQUE: Dièse, solutions visuelles et design
PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ, EUROPE, JAPON: Richard Castelli
PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ, ROYAUME-UNI: Michael Morris
PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ, AMÉRIQUES, ASIE (SAUF JAPON),
OCÉANIE, NOUVELLE-ZÉLANDE:
Menno Plukker
PRODUCTION POUR EX-MACHINA: Michel Bernatchez




MONTAGE ET REPRÉSENTATION DU SPECTACLE IATSE



CHEF MACHINISTE: Jean Bussières
CHEF ACCESSOIRISTE: Raynald Desmeules
CHEF ÉLECTRONIQUE: Denis Guérette
CHEF SON: François Godbout
CHEF PROJECTIONNISTE: Simon Paquet
MACHINISTES PLATEAU: Jeannot Tremblay et Roger Marchand
CHEF HABILLEUSE: Denise Gingras


jeudi 20 janvier 2011

L'impérissable souvenir de l'ASILE DE LA PURETÉ

Me & Gill Champagne
20-01-11


BRUITS DE PEAUX BLANCHES DANS LA PARADE DES MOTS QUI ME FLANCHENT LE CŒUR. EDITH ET DONATIEN, BEAUX À MOURIR DANS L’ASILE DE LA PURETÉ, UN SENT-BON LES EMBAUMANT.

Louise Langlois
Le Seuil des froidures
28 mars 2009




Illustration: L.L.


Par un bel après-midi de mars 2009, avoir été déménagé là où il n’y aurait jamais rien eu d’autre à entendre que cet hymne mortel…

Avoir eu ses entrées pour L'ASILE DE LA PURETÉ, ne pas s’en être défenestrée mais en avoir été à jamais marquée. Le temps d’une pièce, s’être rivetée le dos à celui du siège pour y capter le bon du mauvais rêve; pour veiller à ce qu’il ne soit pas trop mal redressé ou remis à tort en dormance. Pour avoir voulu délibérément effleurer le fantôme courbé de la création, avoir récupéré, étalés au plancher, les mots de l’Auteur…par l’Acteur décachetés…


Il faut revenir à l’essentiel, revenir chercher ce qui nous manque, prendre SA place dans cet espace qui vous est alloué; pour écouter, regarder, sentir et surtout VOIR; pour ne plus penser à autre chose qu’à ce moment même; pour VIVRE l’intensité d’un dialogue suprême; pour être sur les dents ou sur ses gardes; pour presque oublier de respirer et essayer de ne pas trop tousser…Pour être ravi, déçu, dérangé, désespéré, englouti ou achevé; pour rentrer chez soi, à l’autre bout de la réalité, celle qui s’ajoutera aux jours des lents demain……


Avoir saisi l’essentiel de la pièce, avoir vu luire dans l’œil mouillé du Comédien quelque chose qui ne se verra nulle part ailleurs que sur cette scène qui lui donne vie…Sentir le souffle court de sa longue mémoire qui nous récite les mots de l’Auteur retrouvé. Foncer à toute allure dans une porte tenue jusque là fermée; devenir soi-même épormyable pour la déverrouiller, l’ouvrir et puis…jeûner.

Avoir respiré l’essence brûlée de l’Auteur en celle de l’Acteur. Avoir suspendu au-dessus des cordes de sa voix, la sienne, celle qui lui est propre et réchauffe l’ancienne. L’avoir entendu chanter a cappella TROP BELLE POUR MOURIR; avoir basculé dans son rêve sismique, celui qui s’intensifie à la démesure de chacune de ses nouvelles répliques.


ÊTRE au théâtre pour ne pas être derrière soi, pour penser à l’Autre…À Claude, Albert, Luigi, Robert, William, Wajdi, à tous ceux-là qui te font penser à ceux qui écrivent de droite à gauche, qui puisent leur vérité à même le noir des brûlots de cafés lugubres ou dans la lumière effrontée des pieds-de-vent qui incendient leurs chemins creux; à tous ceux-là qui véhiculent leur voix pour des tréteaux sans rideaux, qui la font circuler autour de nous, amateurs ou initiés, pour qu’un soir elle soit enfin officiellement diffusée.

Le blanc du Trident dans le cercle écarlate,
du piquant vivant pour nos os qui éclatent.


NOUS NE SERONS JAMAIS SEULS À ÊTRE ENSEMBLE…


Louise Langlois
22 mars 2010

***


Les mots-ci-haut, un texte écrit dans le cadre du concours pour le 40ème anniversaire du Trident, et qui m'ont permis de remporter mon abonnement pour la saison 2010-2011, résonnent encore dans ma petite tête en ce lendemain de pleine lune. Des mots qui ont été lus hier soir, avant la représentation de LA FACE CACHÉE DE LA LUNE, par Monsieur Gill Champagne, directeur artistique du Trident, comédien et metteur en scène. Ce fût un humble honneur pour l'amateur que je suis, autant en littérature qu'en théâtre, que d'avoir ressenti l'émotion d'une autre voix que la mienne lire ce texte qui me tient à coeur.





L'ASILE DE LA PURETÉ, une pièce tirée de l'oeuvre monument du poète Claude Gauvreau, demeure l'un des plus beaux souvenirs que j'aie eu à partager avec les artistes qui l'ont créée en mars 2009 dont l'excellent Hugues Frenette dans le rôle prenant de Donatien Marcassilar. Claude Gauvreau, auteur omniprésent depuis la fin de mon adolescence, qui ressort toujours des pages en feu de cette brique de douleur que sont ses ŒUVRES COMPLÈTES.

Hier soir, à Québec, après la consécration de cette union fantôme entre un lecteur et son auteur, l'aura vivanvoûtante * d'un créateur d'ici qui rôdait sur les planches tout en flottant au plafond; un créateur avec qui il fait toujours bon de renouer, que ce soit par le théâtre, le cinéma, le cirque, la musique, la danse et l'opéra, un créateur pour qui mon admiration ne cesse d'évoluer au fur et à mesure de son attraction...

Un merci spécial à Madame Véronic Larochelle, directrice des communications du Trident, qui a eu la gentillesse de m'accueillir à l'entrée des artistes, de prendre une photo du directeur et de l'abonnée, et de me tenir une conversation qui, comme toutes les autres que nous avons eues précédemment, a le don d'élargir mon esprit de plus en plus avide...d'imaginaire...


Louise Langlois
Vendredi, 21 janvier 2011


* mot-valise

vendredi 14 janvier 2011

De la neige bleue pour Modi

Jean Hébuterne assise
 1918

« Ton devoir réel est de sauver ton rêve »

Modigliani



Raymond *
Monte Carlo, collection particulière


Alice *
Copenhague, Statens Museum for Kunst



MONTPARNASSE 19, Jacques Becker, France, 1957. C'est Gérard Philipe qui interprète Modigliani alors que le rôle de Jeanne Hébuterne est tenu par Anouk Aimée. Le film devait initialement être réalisé par Max Ophuls, mais celui-ci mourut d'une crise cardiaque et fut remplacé par Becker.




MODIGLIANI, Mick Davis, 2004. Film librement inspiré de la vie du peintre. Modigliani est interprété par Andy Garcia et Elsa Zylberstein joue Jeanne Hébuterne.

Amedeo Modigliani étant l'un de mes peintres préférés, c'est donc avec grand plaisir que j'ai regardé le film de Mick Davies. La musique fait partie du scénario, il y a de belles envolées, elles collent bien aux images. La scène finale en est une tout à fait démente: on peut y voir à l'oeuvre les six peintres en compétition lors d'un concours à Paris; ils sont Chaïm Soutine, Diego Rivera, Moïse Kisling, Maurice Utrillo et Pablo Picasso, le rival d'Amedeo. Autant de talents réunis...Sans oublier Jeanne Hébuterne, la muse éternelle, qui s'est suicidée quelques jours suivant le décès de son amant. 1920, Montparnasse, la Ruche, une époque folle, avec les Cocteau, Radiguet, Satie, Jacob, Gris, Cendrars...une vraie vie de salon et il n'y avait pas de télévision...




PEINTRE DU SOUCI

Il m'imprégnait de ses pensées vermillion, me donnant enfin le goût de le connaître. Il avait aussi mal de son destin incertain que moi qui en appréhendais déjà le mien. Tout comme dans les beaux grands livres, sur ces toiles des images d'incandescence; et qu'elles soient ensuite ficelées ou lacérées, ou bien encore oubliées sur le papier usagé, elles noyèrent quand même de son franc bleu les idées que son coeur teintait de camaïeu. Dans les rues de son quartier, à Montparnasse, où s'y promenaient des mécènes et des garces, il partageait les souffrances de son mal de vivre avec quelques anges gardiens qui le consolaient. Dépouillé de ses sombres couleurs, dénudé de son ombre en transes, il s'évada dans des jours dit-on meilleurs. Emprisonné dans une chambre sans lumière, il y laissa bien tard pénétrer celle d'un réverbère, afin que puissent y foisonner les tons de sang chaud, éclatant de ses veines qui carburaient au gros rouge. Modi, prince de l'Art-tériel, des visages oblongs et des peintres maudits, je t'offre ces mots de sel, et te dédie aussi ceux du gel, et te nomme peintre du souci. De ta main fatiguée, qui tremble et bouge, qui m'a fait voir un peu ce que doit être le ciel, et de la mienne qui vibre désormais dans la tienne, j'y entoilerai dorénavant les couleurs de la Géhenne. Merci, Amedeo Modigliani.

L.Langlois
199?


...monde intérieur
Le coeur humain avec
ses 17 mouvements
dans l'esprit
Et le vaetvient de la
passion

Blaise Cendrars (sur Modi)

« On a dit que la révolution n'avait pas besoin de l'art mais que l'art avait besoin de la révolution. Ce n'est pas exact. Oui, la révolution a besoin d'un art révolutionnaire. L'art n'est pas pour le révolutionnaire ce qu'il était pour le romantique. Ce n'est ni un stimulant ni un excitant. Ce n'est pas une liqueur pour s'enivrer. C'est l'aliment qui donne des forces au système nerveux. Il donne des forces pour la lutte. C'est un aliment comme peut l'être le blé. »

Diego Rivera


* En avril 1917, Raymond rencontre Alice, une jeune femme, voisine de ses parents à Saint-Maur. Elle vient de se marier avec Gaston, un soldat qui est au front. La liaison de Radiguet (14 ans) avec Alice alors que le mari de celle-ci est soldat dans les tranchées, sont autant d’éléments que l’on retrouvera dans Le Diable au corps. Cette liaison ne durera qu'un an et à partir de 1918, il s’éloignera d'elle peu à peu.



mercredi 12 janvier 2011

THE KING'S SPEECH: Un virelangue dans la voix humaine

Helena Bonham Carter, Colin Firth et Geoffrey Rush
Photo: See Saw Films




L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. Ah oui ? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ? 
Elle a ouï ce que toute oie oit. Et qu’oit toute oie ? 
Toute oie oit, quand mon chien aboie le soir au fond des bois, 
toute oie oit " ouah ouah ", qu’elle oit, l’oie.





Raymond Devos



Qu’est-ce qui fait qu’on décide d’aller voir un film au cinéma le plus près de chez nous quand il fait une de ces journées de plein soleil de presque mi-janvier ? C’est peut-être à cause de l’acteur qui y tient le rôle principal ou bien de celui qui y occupe le second, mais qui au fond équivaut au premier. C’est peut-être et fort probablement à cause de l’histoire, vraie dans ce cas, ou de l’Histoire tout court, celle qui sans cesse se gonfle au gré des catastrophes naturelles ou légendaires, ou celle de la banalité d’un quotidien devenu plus que plat. Mais encore, parce que ça vous tentait d’aller caler vos reines fesses sur le trône du Spectateur. Mais surtout, parce qu’un ami l’a vu avant vous il y a quelques jours et qu’il vous en a parlé avec tellement d'enthousiasme que vous n'avez pu résister à l’invitation de l’accompagner en cemardi où on peut y voir des grands films à petits prix.

THE KING'S SPEECH ou LE DISCOURS DU ROI, un film britannique réalisé par Tom Hooper et écrit par David Seidler, met en vedette les superbes Colin Firth, Geoffrey Rush et Helena Bonham Carter, un trio qui nous promène, via l'élégance des châteaux, dans la folle simplicité d'une future amitié, celle qui unira le Roi Georges VI à un spécialiste australien en élocution, Lionel Logue, qui, par ses méthodes non orthodoxes fera sortir de la bouche royale d'un Bertie bègue des discours mémorables, dont celui annonçant l'entrée du Royaume-Uni dans la Deuxième Guerre Mondiale, une scène absolument inoubliable.

LE DISCOURS DU ROI, une émouvante histoire qui vire à l'envers l'habituel protocole froid et austère des rois et reines; il faut voir la scène tordue dans laquelle Colin Firth, Son Altesse Royale, ne fait pas que se tordre la langue pour la faire virer de bord, sublime…

MONSIEUR Firth, car c’en est un, possède le même charisme que celui de ses Monsieurs D'Arcy; que ce soit celui du prénommé Fitzwilliam dans PRIDE AND PREJUDICE/ORGUEIL ET PRÉJUGÉS ou de Mark, dans LE JOURNAL DE BRIDGET JONES, il garde toujours cette bouche aussi serrée, cet air froid, mais facilement inflammable dès que ses émotions, toutes contenues dans son regard profond, lui font perdre son sang...chaud. Avec la performance remarquable qu'il offre dans son dernier rôle, une performance qui je crois surpasse toutes les autres, il peut s'attendre à ramasser quelques statuettes dorées d'ici la fin de février. Quand à Geoffrey Rush, il pourrait bien lui aussi en récolter quelques unes, il faut le voir orchestrer LA scène finale: grandiose ! Une scène qui à elle seule vaut le film…

Lionel et Bertie, amis pour la vie…

Les deux hommes sont demeurés amis jusqu'à la mort du roi. Le roi a reconnu leur amitié en remettant l’Ordre royal de Victoria à Logue, lui donnant le rang de Membre (MVO) le 11 mai 1937. Logue a été élevé au rang de Commander (CVO) en 1944.


Stephen Holt interviewe Colin Firth; Holt, tout comme moi et A., est complètement renversé par ce film magnifique.





En nomination aux Golden Globes dimanche soir prochain pour:

Le meilleur film
Le meilleur acteur:
Colin Firth
Le meilleur second rôle (femme): Helena Bonham Carter
Le meilleur second rôle (homme): Geoffrey Rush
Le meilleur réalisateur: Tom Hooper
Le meilleur scénario: David Seidler
La meilleur musique: Alexandre Desplat






Rrose Sélavy et moi esquivons les ecchymoses des esquimaux aux mots exquis.

Marcel Duchamp
 
 



dimanche 9 janvier 2011

LA JUMENT DE LA NUIT: par le nombril du rêve


Photo: L.L.


Quand je n'arrive pas à écrire comme je voudrais, je me laisse sombrer dans la déréliction, comme Antonin Artaud, je fais fumer les jointures des pierres, je fais appel aux mots-stupéfiants, je déchire les membranes proches, j'enténèbre la vie, je deviens une bête mentale et vicieuse.

p.70

On ne revient pas de derrière le miroir, pense encore Abel. On y projette son corps, le verre casse et on reste pris dedans, blessé et ensanglanté, démuni, aussi bien du passé que d'avenir.

p.57


Victor-Lévy Beaulieu
La jument de la nuit
I. Les oncles jumeaux
Éditions Stanké

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3 novembre 1995

Suis allée à la librairie en taxi (le luxe). Vais acheter deux VLB: N'évoque plus que le désenchantement de ta ténèbre, mon si pauvre Abel (aux magnifiques éditions Trois-Pistoles) et son tout nouveau roman: LA JUMENT DE LA NUIT, dont la dédicace à Céline Hallé m'impressionne: " Pour la chaude amitié, comme un petit vent salin venant tout doux de la mer Océane. " Ai également acheté deux Kafka, pour comprendre Abel et...Stephan Bureau.


4 novembre 1995
Je lis La Jument de la nuit; c'est VLB à ses 19 ans avant qu'il commence à vraiment écrire, avant sa crise de poliomyélite. Atroce. Belles images. Dessins!

6 novembre 1995


Je finis La jument de la nuit, excellent. Vraiment Victor-Lévy me détient dans ses écritures. Je suis intoxiquée de lui.

18 novembre 1995

Ai commencé N'évoque plus que le désenchantement de ta ténèbre, mon si pauvre Abel. Admirable ! Je l'adore de plus en plus. Je veux faire un travail sur son oeuvre.


27 novembre 1995

Écris un poème sur La jument de la Nuit...

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La Jument de la Nuit, mon cinquième ouvrage de VLB et non le moindre, est probablement, avec Le carnet de l'écrivain Faust, le roman le plus souligné, le plus annoté que j'aie eu à massacrer. Artaud, Kafka, Gracq, Beckett, Montréal-mort, Judith, Abel, les oncles jumeaux, l'oncle Phil, tout y était, y est et y sera. L'univers du futur grand écrivain, grenade à sa main, exp(l)osé de mots-stupéfiants, des mots avec lesquels on devient assez vite familier; des mots qui vont et viennent à travers toutes sortes d'orifices, issues des mots d'outrance. Des mots qui ont particulièrement été tachés par toutes sortes de liquides: de l'encre au sang, du fiel au sperme, de l'alcool au lait, celui de la Louve fondatrice de Rome...La Jument de la nuit a nourrit, pour ne pas écrire gavé, une grande partie de mon imaginaire. De cette lecture " de rêve " proviendront d'autres mots, les miens, certainement laudatifs mais authentiques. J'aimerai toujours l'aimer autrement...


dimanche 2 janvier 2011

BRAD MEHLDAU/HIGHWAY RIDER: le sommet

Drive-in theatre, Las Vegas, 1987
Richard Misrach



Louise Langlois to Brad Mehldau on Facebook

« Delightful, believable, mystic and...so fine... Between the road, the sky and the drive of your soul, foreigner is on our way dear Mister Mehldau. Thank you for so much good music. »

13 août 2010, à 22:28 · J’aime Je n’aime plus · Commenter




Pour J.D. et S.G.

Par un bel après-midi de farniente et de grisaille de début d'année, des mots, écrits comme çi comme ça, à l'emporte-pièce, tout en écoutant pour la je ne sais plus trop combientième fois le mystique HIGHWAY RIDER de Mr Brad Mehldau. Un album double qui détonne dans ma petite tête depuis le printemps dernier, qui résonne (ou raisonne) déjà comme l'un des grands classiques du jazz. Et maintenant, let's play...



Disque un


JOHN BOY…c'est toute la douceur d’un début d’album double....les cors qui arrivent en trombe douce...les saxos qui les pourchassent jusque dans leur dernier retranchement…le pianiste qui nous rejoue des instants de déjà entendu, de déjà senti…l’orchestre, elle, prête à affronter le resteDON’T BE SADcomme de la pluie en janvier...et la grisaille qui l’accompagne avec la neige qui fond à vue d’œil pour le gazon qui se moque des flocons et...le petit écureuil noir qui s’amuse dans le pommier…pour l’asphalte qui est réapparue sous nos yeux d' incrédules...pour l’hiver à l’abandon, celui-là dans lequel on peut quasiment entendre le chant des grillons avec celui des violons don’t be sad…pour les pommes qui vont repousser tantôt et que nous pourrons peler à nouveau...cette inquiétante musique qui te pourchasse jusque dans le sous-sol de tes angoisses aigres-douces...don’t be sad...tant qu'il y aura d’autres jours comme celui-là... avec Brad qui jouera dedans tes écouteurs...pour le free son qui frissonne à l’intérieur de ses chansons…don’t be sad...pour le vent du saxo avec les cordes...et le piano solo qui finit toujours aussi bien ses accords avec la grisaille de ce temps maussade...don’t be sad...pour les pommes qui repousseront et qu'à nouveau nous mangeronsAT THE TOLLBOOTHce grand petit air de ressemblance avec le bleu cendre de Vincent Gagnon...comme une belle pensée...jaune...pour la route...et le poste de péage...HIGWAY RIDERla pièce à conviction de cet album majeur...la preuve que tout s’enchaîne au rythme des jours installés dans l’harmonie des battements de la batterie…des petits coups de balai sous le tapis des jours assis dans le salon...le temps d’une escapade dans le recoin d’un pays sans nom…highway rider...le long des routes, celles des flynn, jack et buffalo bill…l’engendrement des notes pour la clairvoyance des sans allures...des effluves de vieux toutou oublié sur la banquette arrière d’un station wagon 1966...le bruit des petits doigts sales qui glissent sur les vitres embuées...le souffle de l’errance...le peu qu’il te reste à mourir pour le plus qu’il te reste à vivre...le gonflement de la grande voile musicale...la vague qui te wave toTHE FALCON WILL FLY AGAINl’envolée vers la liberté des hautes sphères...le sang chaud qui circule dans les veines noires de notre destinée...le claquement de la baguette sur le rebord d’un cercle de métal...la peau d'ours des jours fendillant celle de la nuit...quelque chose comme un charmeur de serpents ou bien comme une fleur qui s’ouvrirait au vent...une envolée de plumes royales...un coup de bec sec avant le deuxième mouvement...une voix qui fait la la la la la avec des petites voix d’enfants qui chantonnent au gré de l’improvisation…la fin d’un rythme, le début d’un autre…toujours aussi beau que le premier sourire d’un nouveau-né...NOW YOU MUST CLIMB ALONEle violoncelle en solo…l’étrangeté d’un certain regard autour d’une montagne sacrée…un pied devant l’autre...le now you must climb alone…alone, like a young animal…comme s’il n’y avait plus aucune peur à le faire...comme s’il n’y avait plus aucune distance à franchir entre le ciel et la terre…l’envolée des pieds bien chaussés dans les travers abrupts de sentiers à déchiffrer…dans le revers d’une poche usée, quelques dollars de moins à gaspiller pour l’escalade des jours à rebours…et le peu qu’il te restait à raconter, plus le + qu’il te manquait à direWALKING THE PEAKet voici ce qu’il y a de plus beau dans cette musique…walking the peak...et les gros frissons qui arrivent en trombe…et le saxo qui se glisse à travers cette symphonie admirablement bien jouée…les violons qui t’assaillent au milieu de la forêt dense qu’est ta petite cervelle encombrée de toutes ces bêtes nocturnes…celles que Brad a re:dé:composé pour la postérité de l’humanité…celle qui de temps en temps aime bien s’enfermer dans les plus bas-fonds de son intimité...celle qui se surprend à aimer la stridence des cordes à valser...à condenser les mots côte à côte pour y confronter le reste de ses froides émotions à celles qui s'étaient scellées sous le sparadrap des jours à oublier…walking the peak…pour atteindre les plus hauts niveaux du sommet...pour l’art de partager ce qu’il y a de mieux avec ceux qui écouteront ce que le Pianiste avait à leur dire…pour cet air classique qui s’enchevêtre à ceux du jazz…Brad Mehldau, comme lui seul peut le faire avec sa bande de musiciens chevronnés…accoutumés…au son d'une cloche qui sonne sonne sonne, et sa voix…en échoHIGHWAY RIDER….une vraie belle randonnée dans les bois enchantés de la grande musique....

Disque deux




WE’LL CROSS THE RIVER TOGETHER…pour la suite....royale...pour ne pas être en reste de ce magnifique panorama musical…l’arrivée légendaire d’une cavalerie légère…une cargaison de notes incarcérées dans le flot mobile des ondes mehldau…la cadence d’une timbale pour les archives de cette céleste envolée…des cloches pour le recueillement des violons…la richesse des images qu’elle provoque au sein des cinq sens…tout l’infini de la finesse de l’écriture…comme la projection d’un grand film d’évasion sur un écran vide de drive-in californien…ce qu’il y a de plus beau dans ce monde…des violons encore et encore...un arc-en-ciel en plein milieu de la nuit, et peut-être même de la pluie pour les rivières en manque d’eau…et du lait de vie pour enfants affamés…et des miettes de mort pour les oiseaux…un poumon au milieu du cœur…un espace à remplir d'air frais...pour le meilleur comme pour le pire…un pur ravissement pour l’oreille cassée des tintins d'amérique et d'ailleurs…du brouhaha pour l’enfer…we’ll cross the river together...un bijou sonore découvert à temps sous un grain de sable…CAPRICCIO…entre deux plages magistrales, une petite folie à robe fleurie…un claquement de mains sur le dos d'une impro…une pirouette musicale pour oublier les moyens malheurs... pour activer le petit bonheur...pour démystifier la grandeur...pour accomplir un simple geste sans véritable conséquence…comme une dernière danse…volage…SKY TURNING GREY (for Elliot Smith)...un ciel d'enfer qui tourne au gris pour un jour pas comme les autres…une ballade en cachette dans la tête d’un ami retrouvé…un coup de main pour les notes arrachées aux racines du talent…une affriolante cadence pour entrer par la porte d’en arrière…dans un bar de malfamés du centre-ville…pour y jouer aux cow-boys ou à la Joconde…une amniocentèse dans le ventre des jours pluvieux…une balle en argent qui perce les cœurs saignants...INTO THE CITY…à la vitesse des jours sans nom, quand le bruit des avions attaque les fenêtres des buildings…quand les trottoirs s’effritent sous les pas pressés des passants aux cent soucis…quand la rage au volant sort des moteurs aux cœurs en feu…que les murs tombent en pâmoison pour la noirceur des ruelles désertes…que les doigts agiles s’agitent sur les claviers glacés…que les mains frappent fort sur les ombres cruelles…que les lumières de la ville clignotent sur les yeux de la nuit…que les bars se vident de leurs coisades…que l’heure passe trop vite…qu'une ribambelle de vieilles filles défile au bord d'ailes d'oiseaux de nuit…que les arbres s’affolent sous la tempête de leurs cris d'effrayés…que la foule se balance du reste du monde…que l’odeur de la finance se mélange à celle des essences…OLD WEST...canevas pour scénario inachevé…rideaux tirés pour toute la journée…allongé sur allongé…retour de la pureté…avachissement devant la télé…jack daniel’s sur jack daniel’s…retrouvailles d’une ancienne bande de copains à l’ouest de leurs cœurs usagés…parler pour parler…écrire pour ne pas mentir…écrire au beau milieu du dire…pencher par en avant…chevaucher la nuit à la manière d’un solitaire…rendre l’âme à son porte-feuille…payer la note des repentis…reprendre la route des gagne-petits…boire le ciel d’un coup d’œil…faire le tour du bloc ivre…rentrer dedans…dire bonjour au matin…le border…COME WITH ME…cribler ses dettes d'ennui…parachever l’œuvre à moitié finie…déverrouiller la liberté…lui ouvrir les portes de la perception…l'acclimater aux clins d’œil faits à la nuit…franchir le rubicond…emmagasiner les restants de journées fatiguées…les mettre dans un sac et les faire éclater…hacher le temps en petits morceaux…écouter Brad à nouveau…esquinter une paire de souliers neufs…sacrer comme un charretier dans la ruche dévastée…come with me honey....before the birds and the bees…ALWAYS DEPARTING…violons et violoncelles en entrée…l’enfer peut bien attendre, le ciel est à lui après tout et à nouveau à nous…comme la naissance d’une hirondelle dans le nid de la splendeur…always departing…always…ça se joue ici, comme une symphonie entre la drill et la télé….comme s'il y avait quatre jeunes enfants qui jouaient au mouse trap à côté d'un sapin de Noël artificiel…avec à travers la fenêtre de la cuisine de la neige qui ne tomberait pas…et un petit ange qui porterait une paire d'ailes neuves…always departing...le velours noir d’une pièce résolument grandiose…always departing….always…l’infinitude du pianiste transmise à ses musiciens…l’emprunt de la beauté à ses chemins sauvages de highway rider...la fuite à travers les images qu’il génère…l’artiste qui part à la guerre sur son propre champs de batailles…la victoire des violons, batteries, contrebasse, piano et saxo…la liberté étendue à plat sur le papier à musique…ALWAYS RETURNING…l’apothéose…le plein de promesses à venir pour un futur prochain…l’accord parfait d’un monde à venir…quelque chose qui est sur le point d'éclore, qui mijote sur le feu depuis l’aube des temps …always returning…comme un plongeon dans le reste de nos vies…something in the way…quelque chose d’humain…enfin…qui cogne des clous sur ton cercueil pour te réveiller de ce long sommeil...quelque chose qui arrive seulement lorsqu'on est amoureux de quelqu'un qui se soucie de vous…comme la joie du sourd d’entendre à nouveau jouer le printemps dans son tympan…la suite logique d'un émerveillement spontané… la feuille qui sort du bourgeon...la sève qui coule le long de la vieille écorce…la vie…l’éveil...


HIGHWAY RIDER, un baume surnaturel pour soigner les grands comme les moins grands tourments..