dimanche 29 mai 2011

MILLE ANONYMES: Plongeon dans la Basse-Ville d'Alys

Sylvio Arriola
Photo: Nicola-Frank Vachon



Vendredi soir dernier, à Québec, dans la salle Multi de Méduse, la pièce MILLE ANONYMES, texte et mise en scène de Daniel Danis. Avec des comédiens d’ici et pour qui j’ai le plus profond des respect. Ils se nomment Sylvio Arriola, Frédérick Bouffard, Jean-Pierre Cloutier, Marianne Marceau et Alexandrine Warren.

Partage des mots, du silence, des gestes, des regards, dans un espace d’où en résultent des souffles, de la mémoire et des jeux. Trente-trois planches pour nous dessiner une histoire de mines, de morts, de mânes, d’amour, avec des arômes de bon café, des cris hachurés, des chuchotements, de la musique d’ambiance, des éclairages ténébreux, des mouvements lents. Ô profitante lenteur pour enfin cesser d’excéder la vitesse permise...


Parfois j’ai eu l’impression que nous étions encore à Fermont dans le TEMPS récent de Wajdi Mouawad....Encore une fois, les peaux de chagrin animal, l’ascension des paroles dans le non-dit, le ralliement des corps sous la fourrure des bêtes de la trappe…Un peu de LA MÉLODIE ENTRE LA VIE ET LA MORT aussi…L’assistance muette et je l’espère bien entendante, a eu l’air d’être projetée dans un ailleurs pas si loin d'ici, un ailleurs pas toujours peuplé de fleurs fraîches coupées…
Des pas creusés à même le plancher, un poêle à bois en ski de fond qui virevolte au milieu d’un décor articulé de panneaux de toile, comme des paravents pour séparer les 33 scènes.

MILLE ANONYMES, pour se souvenir de ceux-là qui vécurent dans la profondeur des mines déconfites, qui se rassasièrent du quotidien d’un labeur simple mais étouffant, qui prirent goût à cette terre lointaine, qui l’habitèrent avant nous. Il faudrait pouvoir imaginer le reste....


LE PARCOURS DÉMABULATOIRE 3ÈME VERSION

Oui, messieurs, c’était magique. Et de la surprenance, comme on aime en voir à tous les coins de rue…MILLE ANONYMES devant les hommes…et les fleurs. Mon coup de cœur est allé à ces jeunes de la Marina St-Roch qui ont pris LA parole, qui lui ont donné une voix, la leur, qui ont brillamment animé la projection dans la piscine. Il y avait là quelque chose d’extra-terrestre, je ne saurais dire exactement ce que j’ai ressenti d’être dans ce décor naturel fait de vent frais et de beauté crue, au bord d’une rivière qui ne débordera pas. En me promenant ainsi dans la Ville basse, j’ai cru entendre au loin les sons chauds d’un orchestre de romanichels avec des spectateurs au milieu d’eux, des gens en état de veille, des êtres humains en extase, qui savaient où ils allaient en marchant…

De la couleur et du rythme et comme je le commentais à Monsieur Oscar Éric Simard sur son mur:


" On a l'occasion de parler à des gens à qui l'on ne parlerait peut-être jamais; j'aime bien cette connivence entre citoyens et comédiens, cette appropriation des lieux. Le hasard hier soir a voulu que je te croise encore une fois, de même que Sylvio Arriola, ce merveilleux comédien que je venais tout juste de voir dans les MILLE ANONYMES. Il était tout aussi emballé que les autres spectateurs… Jésus suspendu, Gagarine, Hitler et cie. Quelle soirée! "

Le Carrefour International de Théâtre de Québec nous fait vivre audacieusement des moments toujours aussi surprenants et déstabilisants; c’est fort probablement pour cette raison que nous aimons autant être là, pendant que les mânes passent…


Nous poursuivrons allègrement ainsi chacun nos chemins de fortune pendant encore quelques deux semaines dans les différents salles de la Cité; que ce soit dans un ancien garage ou une église, on nous présentera des morceaux en forme de poires crées par des artistes d'ici et d'ailleurs pour qui l’art de la scène est le souffle de vie. Nous savourerons ainsi les fruits de leur imaginaire selon nos appétits; certains auront choisi la table d’hôte complète (des hors-d’œuvre au dessert), d’autres " à la carte ", et plusieurs une seule entrée avec comme plat de résistance, une pièce de choix qui comprend neuf heures à déguster…


Dommage que je n'aie pas pris d'images souvenir de cette soirée remplie d'absolument, mais dans ma petite tête elles y sont et y seront...à jamais...





mercredi 18 mai 2011

À la GALERIE MICHEL GUIMONT: Beauté des murs blancs à l'époque de la grande noirceur

HIBOU ROC
Jean-Paul Riopelle


Ce midi, à la Galerie Michel Guimont, rue St-Paul, vu une très belle exposition réunissant trois photographes des années 50 et 60: Guy Borremans, Rodolphe de Répentigny et Albert Dumouchel. Beaucoup d'audace pour ces années-là, du noir et blanc chaleureux. Et dans le fond de la galerie, des toiles d'artistes québécois dont quelques unes de feu Pierre Gauvreau, frère de Claude. Et ce Hibou Roc, un superbe bronze de Jean-Paul Riopelle. 20 minutes, c'est certes court mais ça vaut toujours la peine de les prendre pour aller voir l'Art. Merci à celle qui m'a accueillie avec gentillesse et générosité, qu'elle soit assurée que j'y retournerai.




samedi 14 mai 2011

JE NE CROIS PLUS AUX MOTS DES POÈMES

Illustration: L.L.



JE NE CROIS PLUS AUX MOTS DES POÈMES,
car ils ne soulèvent rien
et ne font rien.

Autrefois il y avait des poèmes qui envoyaient un guerrier se faire trouer
la gueule,
mais la gueule trouée
le guerrier était mort,
et que lui restait-il de sa gloire à lui ?
Je veux dire de son transport ?
Rien.
Il était mort,
cela servait à éduquer dans les classes les cons et fils de cons qui viendraient
après lui et sont allés à de nouvelles guerres
atomiquement réglementées,

je crois qu'il y a un état où le guerrier
la gueule trouée
et mort, reste là
il continue à se battre
et à avancer,
il n'est pas mort,
il avance pour l'éternité.

Mais qui en voudrait
sauf moi ?

Et moi, qu'il vienne celui qui me trouera la gueule
je l'attends.


Antonin Artaud
1947
Artaud Oeuvres
Quatro Gallimard












samedi 7 mai 2011

L'OPÉRA DE QUAT'SOUS: le bonheur n'est jamais bien loin




Photos: Vincent Champoux


Photo: L.L. 28-01-11




Tous les êtres ont psalmodié un théâtre, et l'univers est un théâtre, la représentation d'une tragédie qui s'achève mais aurait pu ne pas avoir lieu.

Antonin Artaud
Suppôts et supplications

1947









1928, SOHO


LA VOIX HUMAINE LA CORDE AU COU
LES COUTEAUX VOLENT HAUTS BRETCH/WEILL Ô ! GÉNIAL GÉNITAL

Un spectacle hors norme. Quelque chose d’inévitable, d'inoubliable...De la transformation d’âme en cannes. Du souffle, du rire, de l’ironie. Qu’ajouter de plus à propos de cette fantasmatique folie? Rien de plus de ce qui a déjà été écrit par les connaisseurs de cette fresque musico-erotico-théâTROP !!


Mais allons-y pour...une scénographie absolument démentielle, des costumes circo-ciel, des maquillages parfaits, des perruques hallucinantes, des robes/chaussures/fourrures débridées, et encore ! Du sublime, du gaga, de la folie douce furieuse et surtout...des comédiens...ajustés à cette folie toujours aussi actuelle.

Ce besoin de jouer
Dans la cours des miracles du TRIDENT, le 28 avril dernier, y circulait un air propice à la fête, un flot de mots succulents sortis tout droit des bouches à bouches du toujours tout à fait magnifique Jean-Sébastien Ouellette, accompagnée par la musique absolument balkanisante de L'Orchestre d’Hommes-Orchestres, on se serait cru en plein dans un film de Kusturica. (Pari réussi M. Genest)...De la grâce de la multiplication des gestes, de l'articulation d'une marionnette de carton, un tour de carrosse royal, des têtes à couronner. Et…

LE CAMION

l'élément central de ce plantureux tableau-décor. Des trouvailles scéniques qui donnent elles-mêmes la réplique aux comédiens survoltés, pour ne pas dire hyperactifs ;-) … Jonathan Gagnon, Lucien Ratio, Olivier Normand, le prêtre, les filles, le sexe…L’élan des cœurs jaloux dans une tornade de feux roulants…l’amitié…l'amour...la liberté !


Martin Genest, enchantremetteur en scène, qui fait déplacer l’air, frais ou pollué, qui utilise toute la scène, qui prend le Spectateur à bras-le-corps, qui le retourne de sur son siège, qui le saisit bien à point. La déception ? Que certains spectateurs (?) aient pensé que la pièce était terminée…Un sifflement de l’un des comédiens pour les ramener…à l’ordre. Pupulus Mordicus est un théâtre à l’affût de l’inouï, au bord des rêves/cauchemars; il transmet/tranforme une énergie unique sur laquelle je ne saurais en (d) écrire plus. Une chose est sûre cependant: cette fois-ci je ne raterai pas le Cabaret Gainsbourg en juin prochain au PÉRISCOPE, je le verrai enfin ce spectacle dont on a tant parlé. Il sera présenté au cours du prochain CARREFOUR INTERNATIONAL DE THÉÂTRE DE QUÉBEC.

Le Carrefour, quoi de mieux pour clore la saison 2010-11 que d'aller surfer sur une nouvelle vague de beauté artistique. Cette année, pas de pièce-fleuve, il y a bien le Lipsynch mais l'ayant déjà vu à Montréal en mars 2010 mes choix se sont arrêtés sur cinq pièces plutôt courtes mais substantiellement appétissantes, ce sont:

Milles anonymes et Cabaret Gainsbourg (Québec), La nuit juste avant les forêts (Montréal), Striptease (Paris), Cinq jours en mars (Tokyo); s'ajoutera un chantier (hors norme), le Batailles sans guerre, du non moins innovateur Théâtre de l'Urd, présenté sur le toit de Premier Acte le 10 juin à l'aube mais aussi à 20 heures le même jour...Il y aura aussi le nouveau parcours du OÙ TU VAS QUAND TU DORS EN MARCHANT ?

Du surf ? oui, ou plutôt du slalom entre les différentes salles (dont un ancien garage); du surf donc, pour y faire se submerger les berges grisonnantes de mon petit cerveau qui en a pourtant pas mal vu de toutes les couleurs cette saison.

Merci à vous, brillants artisans de la scène, comédiens, éclairagistes, bruiteurs, scénographes, musiciens, régisseurs, etc…, vous êtes le pain quotidien qui nourrissez le petit carré de beurre que l’on nous sert ICI, à Québec, à la grande table des Spectateurs.. Avec vous, la vie sait comment se fait voir ailleurs et autrement…dans le fond lumineux d’un lupanar, au bord d’Elles, dans une scène édifiante remplie de petits malfaiteurs qui troquent des croix pour des couteaux avec les Enchanteurs de ce cirque ambulant qu'est le Théâtre.

Au revoir Mack et à la prochaine chicane!


L'OPÉRA DE QUAT' SOUS


DISTRIBUTION

Bertrand Alain
Joëlle Bourdon
Jonathan Gagnon
Israël Gamache
Valérie Laroche

Véronika Makdissi-Warren
Olivier Normand
Patrick Ouellet
Jean-Sébastien Ouellette
Lucien Ratio
Andrée Samson
Klervi Thienpont


Texte Bertolt Brecht
Musique Kurt Weill
Basée sur une traduction par Elisabeth Hauptmann
de L'Opéra des gueux de John Gay
Texte français René-Daniel Dubois
Traduction littérale de Marie-Élisabeth Morf et Louis Bouchard
Mise en scène Martin Genest
Scénographie Michel Gauthier
Costumes Élène Pearson
Éclairages Caroline Ross
Marionnettes Pierre Robitaille
Musiciens sur scène Bruno Bouchard, Gabrielle Bouthillier,
Jasmin Cloutier, Simon Drouin, Simon Elmaleh, Danya Ortmann
Une collaboration avec Pupulus Mordicus



P.S.: Jean-Sébastien Ouellette a reçu sans aucune espèce d'hésitation mon vote du comédien de l'année au Trident; il se l'était d'ailleurs mérité la saison passée pour son rôle de Monseigneur Charbonneau. Quel comédien ! Quelle diction ! Quel beauté ! Une véritable oeuvre d'art que cet homme ! 

P.P.S.: Entrevu au Trident, à la galerie où y était exposées les œuvres de feu M. Paul Bussières, (scénographe réputé de Québec), celui qui m'a véritablement et définitivement amenée au théâtre, nul autre que M. Robert Lepage lui-même, avec qui j'ai eu le petit grand bonheur de converser quelques minutes de...LA TEMPÊTE, qu'il remettra en scène cet été à Wendake avec une troupe renouvelée et amérindianisée; lui qui vient encore une fois de remporter un autre succès aux États avec l'opéra ! Nous avons souhaité qu'il fasse beau le 14 juillet prochain à l'agora wendat !!!

P.P.S.: L'été s'en vient !




But you only see those in the light
Those in the darkness you don't see