vendredi 28 octobre 2011

ENTRE VOUS ET MOI, IL N'Y A QU'UN MUR: L'écho des frontières

Jocelyn Pelletier
Photo: Steve Deschênes Le Soleil






Mardi dernier:

L.R.: Devine ce que j'ai vu sur Grande-Allée devant le resto COPAS? les E.T. en papier bulles de DANTE recyclés en décors d'Hallowen, ils dégustent de la chair fraîche miam miam.. ciao a+

 

Hier:

L.L.: Je n'ai pas vu les E.T. en papier bulles mais Hanna, au coin de Du Pont et St-Joseph...toujours des beaux hasards dans cette ville dont je tombe de plus en plus amoureuse à chacune de mes sorties culturelles. Aujourd'hui: Martin Bureau chez Lacerte: absolument magnifique ! Au Lieu: des Camerounais qui ont mis le couvert pour des plantes en pot sur des chaises cheap en plastique, surprenant ! Et les TROPHOUX de Roch Plante alias Réjean Ducharme: j'en voyais de visu pour la première fois, très inspirant pour la ramasseuse d'objets qui traînent dans les rues. Et le théâtre ce soir, ENTRE VOUS ET MOI, IL N'Y A QU'UN MUR, présenté chez Premier Acte, une pièce du jeune et super créatif Jocelyn Pelletier (l'un des comédiens de DANTE, celui qui se virait la tête telle une machine)... Encore une fois bien nourrie par cette jeunesse qui n'en finit plus de me surprendre et de me rassurer qu'elle prend la relève et met ses culottes pour l'Art... Au plaisir d'une conversation autour d'un bon chocolat chaud...;-)


DANS MES YEUX

(Millimetric)





HIER soir, chez Premier Acte, dans une salle pleine à craquer: de la lumière, de la musique, des mots, du mouvement, de la rigueur, du style, un genre.Tout ce qui rassemble ou démembre…une caméra, un mur, un couple, une mère, des filles, des gars, du sexe, du sang, des paroles…Tout ce qui se ressemble ou fait la différence…un gun, un film, la fuite, la mort, la vie…la suite …dans un décor approprié aux quatre volontés de SUSHI poisse-son-mort.


Les armoiries (mot toujours au pluriel) sont ce qui est représenté graphiquement sur un objet armorié (au minimum : l'écu). Les armoiries comprennent l'ensemble de la panoplie formée par l'écu, qui désigne le sujet, et ses ornements extérieurs éventuels (support, couronne, collier d'ordre…), qui disent quelque chose sur ce sujet. Certains ornements extérieurs (cimiers, tenants) font partie des armes (et leur sont systématiquement associés), certains sont arbitraires ou fantaisistes (lambrequins, symboles allégoriques ou votifs), mais la plupart sont la représentation héraldique de titres, de charges ou de dignités: ils sont attribués officiellement, et peuvent varier suivant l'état du titulaire à un instant donné. 
(wikipedia)


Épaulé par la même équipe que LA MÉLODIE ENTRE LA VIE ET LA MORT, Jocelyn Pelletier dessine, avec l'aide de Rachel Lapointe, le clair-obscur des armoiries de son théâtre: son bruyant du silence, noir fondu sur l'illumination dévorante de son intelligence, grésillement effervescent de ses interférences. Les complètent: Jean-François Labbé, aux éclairages, qui installe ses spots de manière à mettre en valeur l'air poétique des mots bien en chair, Pascal Asselin, alias Millimetric, avec sa musique toujours aussi vibrante et originale, des notes qui créent une aura propice aux situations renversantes, Dominic Thibault, à l'irréprochable scénographie, qui établit la frontière entre le Spectateur et l'Acteur. S'est ajoutée, aux mouvements, Karine Ledoyen; fallait voir les scènes de changements de costumes, tout simplement renversantes; elles m’ont fait subito presto penser à celles vues en juin et en septembre derniers lors d’IMAGINATION DU MONDE, cette pièce monument de l'URD Théâtre, dans laquelle Jocelyn Pelletier nous avait offert l'une de ces divines prestations...


…L’impression de m’être retrouvée à la suite de la précédente histoire, celle de l'infernal trio que formaient Hank, Félicité et Mark. Un autre fort beau tableau de flou artistique, celui d’une société de spontanés, corps qui nous entourent 24 heures sur 24, à deux pas de chez nous ou a cinq mille kilomètres, ici et là, devant l'écran ou dans la rue, dans l'univers suffocant des trop petits appartements ou dans ceux beaucoup trop grands des rois déchus et des sultans à moitié nus. À travers le mur fendillé des sons cachés, au-delà d’une fugue plus ou moins bien organisée, dans la chambre intime d’un mec qui filme les courbes d’un temps perdu...de la musique...encore de la musique...



SUFFOQUE





ENTRE VOUS ET MOI, IL N'Y A QU'UN MUR...dérangeant, accessible, ébranlant, à l'affût d'un regard de circonstance...une fresque de corps touchants, des jeux de voix troublantes, des coups de pieds aux ventres de glace, une tête qui tourne en rond entre le passé et le futur…l'éclatement d'une cervelle présidentielle en plein midi...

La salle était donc remplie de cette jeunesse en dentelle et bottes de cuir de bouc qui, pour une heure 45, avait doucement éteint ses cellulaires…pour écouter ce qu’un homme de parole avait à lui dire à propos de l’amour conditionné, celui qui aère l’espace ou qui l'étouffe entre les cuisses de la suffocante promiscuité …Un mur abattu pour écouter flamber le feu dans les yeux de la guitare de Lucien Ratio, pour entendre couler l’eau claire de la bouche baveuse de Gabriel Fournier, pour toucher le fond du baril de poudre des extasié(e)s, pour émerger du monde douillet de la fluidité des femmes, brillantes et ravissantes Alexa-Jeanne Dubé, Joanie Lehoux et Frédérique Bradet, pour la douce et fragile mésentente des sexes atrophiés, pour les cœurs évachés sur les sofas de l’enfance, pour rien de moins...que l'interférence... 



LES PROTAGONISTES DU RIEN




dimanche 23 octobre 2011

LINO: Capture d'âmes pour feu qui hante




Créer est une nécessité pour entretenir les liens qui nous unissent au monde, c’est une activité de tous les jours.

Lino

Le 7 octobre dernier, juste avant de m'envoler vers le Nord de chez ma mère, un arrêt s'imposait au Centre de design de l'UQAM. Lino, illustrateur, peintre, poète, y exposait.

Présentant 40 affiches, 40 planches graphiques originales, des publicités, des livres, des brochures et des animations, elle illustre la profondeur de sa réflexion et l’homogénéité de sa démarche artistique sans concession, quel que soit le produit réalisé.
[site du centre]

Je ne voulais pour rien au monde rater ça. L'endroit est particulièrement vaste et tranquille, on y circule comme dans une espèce de vaisseau spatial. De voir les toiles et les planches originales de Lino, celles dont on a l'habitude de feuilleter dans les livres ou encore dans les divers médias imprimés, ou encore de reluquer sur les façades des théâtres d'ici et d'ailleurs, ajoute la couleur exacte de cette dimension, la 3ème, celle qui fait que l'Art est toujours plus vivant LÀ qu'entre les pages d'un beau livre...quoique... L'Art en face de vous; l'Art qui vous parle entre vos deux yeux ébahis; l'Art au centre de votre douleur, ou/et de celle de l'Artiste; l'Art au coeur du coeur...


J'ai particulièrement apprécié la reconstitution de l'atelier de l'Exposé: tous ces crayons, pinceaux, pots de peintures, encres, rubans gommés, ciseaux...tous ces petits riens qui forment le grand tout, qui cohabitent dans le quotidien de l'Artiste et qui créent son univers... Tiens, je viens tout juste de retracer un article sur la toile, ça devrait en dire plus long et large sur cette magnifique exposition...

http://www.cyberpresse.ca/arts/arts-visuels/201110/13/01-4456941-lino-lartiste-de-la-vie-au-centre-de-design-de-luqam.php

Pour terminer ma nourrissante visite, me suis installée dans un fauteuil confortable afin d'y emplir les interstices vacants de ma mémoire trouée. Les vibrantes animations que Lino a illustrées pour TV5, M POUR MOURIR, qui a remporté l'hiver dernier le grand prix 2011 du concours Grafika. Contemplez:


Et cette inoubliable CHAMBRE DE L'OUBLI, que j'ai lue tout en l'effeuillant: même émotion, même élévation d'âme, même ré(in)confort, parce qu'il y a beaucoup des deux dans l'oeuvre de Lino, tout comme dans celle de Wajdi Mouawad, avec qui l'Artiste a travaillé pour certaines des affiches de son théâtre. Par ses mots omniprésents, Lino donne de cette énergie spirituelle qui incite à voir plus loin que ses images; il sait comment dessiner la fermentation d'un désir d'en arriver à ouvrir encore plus grands nos yeux, nos oreilles et nos âmes. J'oserais écrire à la manière d'un certain Jean-Marc La Frenière, pour qui Lino a illustré le scintillant recueil CE FEU QUI ME HANTE...

L'exposition se termine le 30 octobre; vous avez encore du temps...

***

En souvenir de ces précieux instants, et n'ayant pas assez d'argent pour me procurer le superbe ouvrage sur Lino, que la maison d'Éditions ALTO a récemment mise sur le marché, je suis tout de même repartie avec LES CENDRES DE MAMAN, un livre écrit par Lolita Séchan et illustré par Lino. C'est l'histoire de Mia, une petite fille qui a perdu sa mère...dans une cheminée...

***

Il faisait une splendide journée en ce doux et ensoleillé vendredi de début octobre. Splendide comme le serait pratiquement la majorité du temps passé chez ma mère. Je me suis mise en ligne pour le bus qui me mènerait vers les autres couleurs, celles que les feuilles des arbres bientôt gelés voudraient bien encore me donner après quelques 55 années d'automne...Et comme le hasard fait souvent de ces petites choses absolument géniales, une jeune maman interpella sa petite fille: « Mia ! Mia ! »...Le tour venait encore une fois d'être déjoué entre les pages feutrées d'une toute nouvelle hsitoire d'inventé(e)s...

L'expo se termine le 30 octobre.

HEURES D'OUVERTURE
Mercredi au dimanche,
de midi à 18h

Adresse
1440, rue Sanguinet
Montréal, Québec
H2X 3X9
Métro Berri-UQAM
T. 514 987-3395
centre.design@uqam.ca


À la droite du Centre, d'autres sortes de couleurs...








Photos: L.L.


samedi 22 octobre 2011

EN TOUTES LETTRES


André et Gilles



Chère Louise,

Ton courriel d'avant-hier m'a fait énormement plaisir. Merci surtout pour la photo d'André et moi, ce qui m'a ramené à d'excellents souvenirs d'il y a longtemps. Cette photo fût prise par notre père* qui était un grand amateur de photographie, ayant même un mini-laboratoire au sous-sol de la maison sur la rue Louis-Hébert, pour développer lui-même ses photos. C'était en hiver '43, André et moi étions pensionnaires au Collège Jean-de-Brébeuf et nous avions la permission d'aller dîner et souper un dimanche par mois à la maison. Nous portions tous les deux la tenue vestimentaire officielle des dimanches au collège. Nous n'avions pas encore la permission de porter des pantalons longs, nous devions nous contenter des pantalons "breaches" lacés jusqu'aux genoux et avec des bas longs.

Oncle Gilles
le 22 septembre 2011


* mon grand-père, Georges-Cléophas

vendredi 21 octobre 2011

100 % MORENCY: dans le bleu des coulisses du Corona






Montréal, le 6 octobre dernier
2490 rue Notre-Dame Ouest

Le coeur de l'été indien bat son plein...
Le manager et moi entrons au CORONA,
magnifique théâtre Art déco fondé en 1912.
Une atmosphère d'antan y flotte.
L'équipe de production s'affaire;
elle attend les cassettes vidéo.

Jean-François Blais
le réalisateur
est prêt.

C'est JUSTE POUR RIRE
qui produit cette émission de télé,
qui devrait passe en ondes en janvier prochain.

Nous faisons le tour de la salle,
elle est vide
(pour le moment).

Le rideau est bel et bien rouge.
Les projecteurs se réchauffent.








Vers le sous-sol des petites loges,
le repère d'une scène de MUSIC HALL,
série tournée par Alain Desrochers (GERRY).

Je reconnais l'escalier et la blue light
qui mènent le bal aux carreaux noirs et blancs du plancher
(le souvenir heureux d'un certain Claude Blanchard...)

Vers les 16 heures les cassettes vidéo arrivent,
c'est la répète des cue avec l'Artiste.
Tout baigne...dans les rires...
pas trop gras ;-)







Entracte avec le manager pour un souper au  LIMON.
les saveurs du Mexique montréalais s'étalent sur nos papilles affamées.
L'exquis au rendez-vous des palais les plus capricieux.






18:45 heures

L'entrée des Spectateurs
bien habillés, bien maquillés.
Ils et elles seront quelques 600
venu (e) s voir leur Préféré.
Parmi eux:
Jérémy Du Temple Quirion,
jeune aspirant de l'humour québécois.
Nous serons voisins de parterre
le temps de le dire
le temps de le rire.

Pour se mettre dans l'ambiance:
présentation d'extraits de spectacles de l'Artiste.
La salle est pratiquement pleine
et les rires fusent de bord en bord du Corona.

Pour la mise en bouche:
Pierre Prince,
auteur humoriste et proche collaborateur.

La table est mise pour un public en feu,
foule enthousiaste maintenant prête
à accueillir LE maître de cérémonie.

Aucun rire en canne.
Que du vivant,
que du vrai,
que du live.

De l'humour à vif.
De l'humour au vent.;

Que des bons nouveaux numéros
entrecoupés de vidéos originaux.
La recette infaillible
pour faire lever cet immense gâteau...
de must...

Tous ces gens qui oeuvrent dans l'ombre de l'Artiste,
savent comment capter les rires (et les sous-rires) des fans.
Pour une heure de captation (bien trop courte),
pour un futur gros 44 minutes de télévision.

À la sortie de scène,
les fans en ligne,
non pas sur leur portable ou leur I-phone,
mais bien LÀ, en chair et en os.

Ils conversent et se font prendre en photos avec leur idole.
Il y a de la magie (et une certaine patience) dans l'air.
C'est la générosité de l'Artiste qui les récompense amplement.

Aucune espèce de faux-semblant,
que de l'amour
et de l'amitié.

L'Humoriste sera pourtant presque seul
quand il sortira sur le trottoir
de la rue Notre-Dame ouest,
là où nous l'avions croisé plus tôt cet après-midi.

Il aura faim;
il ira donc manger quelques fajitas au Limon,
là où Ricky Dee, animateur de radio,
et sympathique patron,
l'accueillera à bras ouverts.

Il boira une couple de bières (mexicaines).
Discutera de sa performance avec son manager,
des bons coups et des surprises
et des petites déceptions...
puis rentrera probablement sagement chez lui


Jusqu'aux petites heures d'un autre nouveau matin,
il laissera sa bonne amie l'adrénaline se dissoudre en lui.
Peut-être rêvera-t-il d'une plage quelconque,
ou d'un gag qui n'a pas fait assez rire la salle ce soir,
celui-là sur lequel il aurait tant apprécié qu'elle le fasse.

François Morency,
avec son humour jamais vraiment méchant,
a le don de nous faire vivre (ou revivre)
les petites choses étranges et drôles de la vie,
celles qui truffent un quotidien semblable pour tous finalement.

Il nous console (et jamais ne nous désole).
Il nous révèle à travers ses propres travers...


et la petite flashlight à une piasse qui traîne dans la grosse sacoche,
celle qu'il nous faut pour éclairer nos humeurs noires
quand on se fait trop de bile avec...
François Morency,
un Humoriste qui punch dans la vie sans vouloir la mettre K.O.
Un Artiste fait de pur concentré,
qui se donne toujours à 100 %.
pour que le show must go on..


Merci à mon frère Martin, le manager, qui m'a permis d'assister à cet enregistrement; encore une fois ce fût une belle expérience de scène. Hâte de revoir tout ça en janvier...à la télé.


Photos du CORONA: L.L.

samedi 15 octobre 2011

CANTATE DE GUERRE: fracas de deuils

Abdelghafour Elaaziz et Philipe Racine
Photo: Valérie Remise


À Abdelghafour Elaaziz



Sept hommes en colère dans les abysses de la terreur
leurs bouches en choeur leurs mains en sueur
le deuil grenat de leur lourdeur
la fleur de sel dans leurs larmes

à travers l'armure de la chair brûlée
l'eau des corps
cambriolée
éclats d'obus
dans la boursouflure de la guerre

mains coupées
doigts gelés
éclats de pus

au nom du père et du fils
le théâtre
dans le rouge vif

le feu au métal
la poudre au corps
les lames de fond
dans les gorges chaudes

le silence des longs adieux
dans les regards en jeu

avec de la suie sur son visage
l'âme de l'Acteur
au cœur du chœur de sa cantate

et l'armistice pour les veufs de l'amour
et du silence noir tout le tour de la salle muette
et des trous de balles à blanc dans le profond des yeux creux

le temps d'une agression
le temps d'une vision
le temps d'une aversion

et le bruit clair d'une chaîne
qui traîne encore dans les parages...


Louise Langlois
5 octobre 2011
15 octobre 2011

***



À Montréal, le 5 octobre dernier, au Théâtre d'Aujourd'hui (pour la première fois, et non la dernière j'espère), enfoncée jusqu'au cou dans le siège G-9, ( étonnant beau hasard: un siège offert par Michel Marc Bouchard), je me suis mise "mal à l'aise" pour écouter ce que Larry Tremblay avait à me dire à propos de cette guerre de mots entre père et fils. Rien ne laissait présager que ce serait une pièce " facile ". Et c'est toujours bien tant mieux pour moi, parce que je n'aime pas assister à quelque chose qui me laisse " satisfaite ", parce qu'il n'y a jamais rien qui devrait laisser le Spectateur ainsi...Les temps seront toujours plus durs pour les mous.

À part quelques reniflements d'une spectatrice (émue ou enrhumée), on aurait pu couper l'air aux couteaux du chœur dans la salle tellement il était dense. Le gentil professeur de littérature assis tranquille à mes côtés ne s'est pas levé à la fin. Moi, si. Et même si nous avions tenu une belle et nourrissante conversation " d'avant-match ", je ne puis écrire que nous étions sur la même longueur d'ondes à propos de la pièce, ça se lisait aisément dans sa moue défaite. L'étrange phénomène des goûts et des opinions. Nous avions pourtant été sur la même corde raide, celle d'un théâtre qui ne fait ni dans la dentelle ni dans le tout cuit dans le bec. C'est Martine Beaulne, la metteure en scène, qui a orchestré de main de maître ce superbe ballet de cruautés; elle a fait pousser la peur sur le cuir de nos peaux de malusés, une peur jaillie du grand cru des mots salés de Larry Tremblay. CANTATE DE GUERRE... un brouhaha de silence noir pour des hommes au cœur dur, un coup de poing sur la tempe d'un temps de ravage, un comme si j'avais été LÀ...


Larry Tremblay, que je retrouverai avec plaisir (et douleur) en avril 2012 avec L'ENFANT MATIÈRE, dans une mise en scène d'un certain enfant terrible, Christian Lapointe, possède cette écriture qui a de quoi réjouir l'amateure de sensations fortes que je deviens au fur et à mesure des œuvres moins faciles que je visite. L'auteur du DRAGONFLY DE CHICOUTIMI m'avait particulièrement émue l'automne dernier avec la miraculeuse aventure dans les coulisses du temps qu'est son ABRAHAM LINCOLN VA AU THÉÂTRE. Des scènes parfaites (et sur mesure) pour un Périscope réno/innovateur. Le Périscope qui nous a annoncé une excellente nouvelle cette semaine en la nomination de Frédéric Dubois comme nouveau coordinateur artistique. Un gros PLUSSE pour l'avenir.



CANTATE DE GUERRE pour...Paul Ahmarani, toujours aussi saisissant, avec le son marquant de sa voix suprême; son alarmante prestation vers la fin de la pièce avait de quoi donner mal au ventre de la mère. Mikhaïl Ahooja, attendrissant de beauté, avec ses mots d'enfant troublé/troublant. Abdelghafour Elaaziz, concentré comme je m'y attendais; lui que j'avais " découvert " en bourreau à travers le somptueux INCENDIE de Denis Villeneuve au printemps dernier, donnait à nouveau sa pleine mesure en tant que...bourreau...Abdelghafour, qui faisait partie du brillant choeur avec Frédéric Lavallée, Mathieu Lepage, Philippe Racine et Denis Roy; Abdelghafour, à qui je dédie ce texte...un peu pour me faire pardonner de mon invisibilité d'après-match ;-)...


***

Je m'en voudrais de ne pas parler du COCAGNE, ce charmant bistro de la rue St-Denis...Tout juste descendue de l'autobus, affamée, à quelques minutes de 20 heures et à deux pas du Théâtre d'Aujourd'hui, il me fallait me sustenter et vite. Après quelques hésitations entre quelques uns des multiples restaurants, le temps de rencontrer de gentils quêteux, j'entrai au COCAGNE. Merci aux charmants jeunes serveurs qui ont eu l'amabilité d'endurer la cliente pressée que j'étais. De l'eau claire, du pain craquant, une onctueuse crème de champignons beurre au foie gras suivie de deux plus que succulents ravioles d'agneau, champignons, oignons caramélisés et huile de truffes auront à jamais une place d'honneur dans ma mémoire gustative. Divin! Le total de la facture s'élevait à quelques 23 dollars, le prix moyen d'une pièce de théâtre ! Il me faut l'écrire: l'art de la table est parfois (et souvent) aussi nourrissant que celui de la scène, et les deux font parfois très bon ménage, je n'ai qu'à me remémorer les audacieuses NOTES DE CUISINE du Théâtre du Buffet, dégustées récemment à...LA CUISINE...


CANTATE DE GUERRE

Texte: Larry Tremblay
mise en scène: Martine Beaulne
interprétation: Paul Ahmarani, Mikhaïl Ahooja, Abdelghafour Elaaziz,
Frédéric Lavallée, Mathieu Lepage, Philippe Racine, Denis Roy
assistance à la mise en scène et régie: Stéphanie Capistran-Lalonde
dramaturgie: Marie-Christine Lesage
décor: Anick La Bissonnière
costumes: Daniel Fortin
éclairages: Claude Cournoyer
musique originale: Ludovic Bonnier
accessoires: Julie Measroch
voix: Frédérike Bédard
maquillages et coiffures: François Cyr
conseiller au mouvement: Huy Phong Doan
collaborateur au décor: Éric Olivier Lacroix

http://www.theatredaujourdhui.qc.ca/cantate




samedi 1 octobre 2011

LA NUIT DES ROIS ou ce que vous voudrez: le chant de l'heure


Illustration: Gill Champagne
Reproduction photo: Stéphane Bourgeois
 Design: diese.ca
Portrait inspiré de la photographie de Klervi Thienpont
crédit: Brigitte Thériault


 
Jeudi soir dernier, dans la salle de l’Octave-Crémazie, il y avait beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles du CEGEP Limoilou; ils avaient un travail à faire pour leur cours de français. L’une d’entre elles était assise à ma droite en compagnie de son amie du secondaire IV. Si vous aviez vu les yeux de cette dernière à la fin de la représentation ! Le look de son regard flamboyant valait à lui seul le prix de ma présence à cette soirée de théâtre des plus réussies. Elle a été subjuguée par tout ce qu'elle a vu. Elle était au septième ciel. Ses applaudissements à tout rompre, accompagnés de ceux d'un public qui ne s'est pas fait prier pour se lever d’une traite, les sifflements, les exclamations, beaucoup de bruit…pour quelque chose…et Feste...ah! qui nous a toutes renversées, les vieilles comme les jeunes... 

William Shakespeare, une fois de plus, et non la moindre, est venu nous rendre visite à Québec. Après son ROMÉO ET JULIETTE en février et sa TEMPÊTE en juillet, c'était au tour de sa NUIT DES ROIS ou ce que vous voudrez…Il nous en a encore fait voir de toutes les couleurs, par tous les miroirs de sa vérité...sur le mensonge...Trois Shakespeare par an, c’est une excellente moyenne, assez en tout cas pour entretenir sa mémoire...et la nôtre.  

Cette pièce a été écrite pour être jouée pendant les festivités de l'épiphanie, et la première représentation le 2 février, à la chandeleur, qui était alors le moment principal des fêtes de l'hiver, à Londres, au Middle Temple (Inns of Court). La date présumée de composition de cette pièce est située entre 1599 et la fin de 1601. (sources: wikipedia)



C’est Jean-Philippe Joubert qui a réalisé cette éclatante mise en scène. La distribution, haut de gamme, avec des voix qui portent, dans un décor lumineux, celui de Claudia Gendreau, agrémenté de pièces musicales enchanteresses de Mathieu Campagna et des chatoyants costumes qui vont de la soie au velours, que demander de plus ?



Des caractères uniques


Jean-Jacqui Boutet (Sir Tobie) et Denis Lamontagne (Sir Andrew): un duo hilare, tout à fait énergique, chatouillant comme une plume légère; Kevin McCoy (Malvolio): adorable martyr, avec son texte joué en anglais/français, une façon de nous faire savourer l’original du texte; Olivier Normand (Feste): le coup de cœur sensible de ces dames, avec son long manteau de velours vert et son haut-de-forme, sa voix caverneuse et sa touchante interprétation; Anne-Marie Olivier (comtesse Olivia): imprégnée de son aura habituelle, ravissante et tellement (b)elle; Jean-Sébastien Ouellette (Orsino): toujours aussi grand et captivant, princier, royal, et ce soir...ducal; Lucien Ratio (Sébastien (et un musicien)): explosif dans son beau costume bleu lustré; Klervi Thienpont (Viola/Cesario): éblouissant (e)…dans son beau costume....bleu...lustré; Marjorie Vaillancourt (Maria): remplie de toute la vigueur permise des espiègleries, avec ses petits gants rouges ajustés, et une coiffure qui ne manquait pas de toupet; Réjean Vallée (Fabien (et le Capitaine)): toujours aussi beau, bon et...cher, avec toute sa loyauté aux grands textes; Mathieu Campagna et sa mélodieuse musique, qui est en soi un personnage à part entière de la pièce; Matthew Fournier (Valentin le musicien): avec le regard intense de sa fougue joviale de jeune premier, un comédien découvert chez Premier Acte dans ...et autres effets secondaires, qu'il me faisait grand plaisir de revoir; et finalement Patrick Ouellet: (Antonio et Curio le musicien): une très belle découverte pour la Spectatrice qui peut-être l'avait déjà vu ailleurs mais pas assez remarqué...


Pour retourner vivre quelques deux heures quarante à l’époque des ducs et des comtesses, avec leurs maîtres et valets à bord de la scène...pour partager leurs farces et attrapes...pour voir (ou revoir) et subir leurs grandes et petites manigances...pour étancher la soif des mots qui donnent à boire à toutes ces histoires faites de scènes de choix qui ne vieillissent pas... pour retrouver les mots d'un certain temps qui n’en n’auront probablement jamais fini avec l’histoire de ce grand théâtre qu'a écrit William Shakespeare...ces histoires qui n'en finiront jamais de faire réfléchir et émouvoir le Spectateur, autant le Jeune que le Vieux...pour s'imprégner de la douce folie des grandeurs qui habite encore les esprits-châteaux de cette Angleterre qui ma foi n’a pas réellement changé...pour perpétuer l'oeuvre d'un créateur encore si actuel...pour se retremper de la pluie d'autrefois...pour se sécher au soleil d'aujourd'hui...


La pluie...oui, et tous ses clous qui tombaient à la sortie....

À l’arrêt de bus, il y avait trois autres jeunes trois filles qui venaient d'assister à la pièce. Leurs sourires remplis de béatitudes disaient tout…et la question de la vieille dame: « Et votre favori ?» FESTE !!! ont-elles répondu toutes en c(h)oeur !!! Ah! ce beau jeune fou qui faisait le relais de ses émotions aux nôtres, avec sa voix profonde et ses gestes gracieux, il a fait l’unanimité et remporté la palme des interprètes. Dans l’autobus, un autre jeune homme, qui peut-être un jour aura autant de charisme qu Olivier Normand. Je ne connais pas son nom, mais à l'entendre parler de théâtre à son interlocuteur, surtout de la pièce à laquelle nous venions d’assister, il m'a paru être un fin critique. Il parlait aussi de TOM À LA FERME, que j'ai vu la semaine dernière à la Bordée; je n’ai alors pu résister à la tentation de m’immiscer dans la conversation. Nous avons donc eu un échange intéressant à propos de la fin bouleversante de la pièce écrite par Michel Marc Bouchard; nous étions d’accord avec le fait que cette pièce était fort différente de ce à quoi nous venions d’assister au Trident, mais que, finalement, LA NUIT DES ROIS est une pièce qui finit bien, et qui fait aussi...du bien. Point.


La pluie...encore...Le transfert pour la 54...Dans l'abribus, les jeunes jumelles chinoises…Nous nous étions perdues de vue depuis le Grand Théâtre...Une autre belle conversation pour achever ce parcours shakespearien...L’une d’entre elles avait vu LE DRAGON BLEU de Robert Lepage, et regrettait de ne pas avoir vu LA TEMPÊTE cet été à Wendake. Dommage que le temps passe aussi vite, nous aurions pu continuer à parler de théâtre et de ce qu'il fait pour nous... Les deux soeurs sont descendues quelques arrêts avant le mien. Qui sait, peut-être nous reverrons-nous par un de ces soirs de hasard...le monde est tellement petit...


Ma nouvelle place, la H2, est à mon avis ce qu’il y a de mieux pour contempler les scènes majestueuses qui se dérouleront sous mes yeux toujours et autant émerveillés lors de cette saison 2011-2012. Être plus près de l’action pour ne rien manquer du son des bouches, pour reluquer les gestes fous, pour repérer le tremblement d’une main, pour capter la lumière d’un œil luisant, pour entrer dans la danse de l'autre…Être près…Être ici ou là, via l’œuvre d’un auteur, plus ou moins connu, être près des artisans qui la créent, ou la recréent, faire partie de ce tumulte de sérénité qui s'inscrit dans la mémoire spongieuse du Spectateur pour un moment de vérité marqué au fer rouge du plus crédible des mensonges...Être là, pour importer dans mon regard la densité de celui de l'Acteur, pour faire partie de son jeu. Pour être son interlocuteur...pour être à ses côtés et de ceux-là qui le mènent....

...Arrivée dans la rue vidée des sons du quotidien, la nuit des rois pouvait recommencer...rare et juste...juste pour moi....pour débuter le songe d'une nuit d'automne...


Conception

Texte: William Shakespeare
Traduction: Normand Chaurette
Mise en scène: Jean-Philippe Joubert
Scénographie: Claudia Gendreau
Musique: Mathieu Campagna
Costumes: Julie Morel
Éclairages: Caroline Ross
Maquillages: Élène Pearson