dimanche 19 février 2012

LE MOIS MULTI: les évasions spontanées


François Houdé
Ming X, 1986
Collection du Musée national des beaux-arts du Québec



QUÉBEC
JEUDI, LE 16 FÉVRIER 2012

DÉBUT DE NOTRE TOURNÉE CULTURELLE CHEZ MATERIA, POUR LA DÉCOUVERTE DE FRANÇOIS HOUDÉ, ARTISTE VERRIER. DE LA BEAUTÉ DÉCOUPANTE. DES CADRES DE FENÊTRES RÉCUPÉRÉS. DES CHEVAUX MING. DES BOLS BRISÉS PATCHÉS AVEC DU GROS TAPE. UNE AGRÉABLE CONVERSATION AVEC LA COMMISSIONNAIRE CAROLE CHARRETTE POUR APPRENDRE DES DÉTAILS INTÉRESSANTS SUR L'OEUVRE DE CET ARTISTE DÉCÉDÉ À L’ÂGE DE 43 ANS. ELLE NOUS PARLE AUSSI DU CLUB DES COLLECTIONNEURS  EN ARTS VISUELS DE QUÉBEC DONT UN CERTAIN MARC BELLEMARE, AVOCAT, EN EST LE PRÉSIDENT. UN PETIT TOUR DANS LA BOUTIQUE ADJACENTE POUR Y ADMIRER LES OBJETS D'ART COORDONNÉS À L'EXPOSITION DONT CE PENDATIF ORGANIQUE CRÉÉ PAR DYTRISIA. A. EST COMPLÈTEMENT TOMBÉ EN AMOUR AVEC...(AVIS AUX INTÉRESSÉ (E) S) ;-)





LE SOLEIL BRILLE. IL FAIT DOUX. ON DIRAIT QUE LE PRINTEMPS EST ARRIVÉ POUR DE BON MAIS C'EST ENCORE L'HIVER. SURTOUT NE PAS L'OUBLIER CELUI-LÀ. NOUS ENTRONS  DANS LE HALL DU COMPLEXE MÉDUSE. C'EST L’ARTISTE HOLLANDAIS MARNIX DE NIJS QUI NOUS ACCUEILLE. ON SE FAIT SCRUTER LA FACE PAR SON MIRROR PIECE QUI NOUS RENVOIE L’IMAGE (PUBLIQUE) DE CELUI OU CELLE DES 250 PERSONNALITÉS CHOISIES EN FONCTION DE LEURS ACTES CONTROVERSÉES, LES NÔTRES PEUT-ÊTRE AUSSI UN PEU...BEAUCOUP. C'EST NINA HAGEN QUI M’A ÉLUE...POUR CE PREMIER TOUR. PLUTÔT FLATTEUR...QUOIQUE...






DEUXIÈME INSTALLATION, IN THE LINE OF SIGHT DE DANIEL SAUTER ET FABIAN WINKLER. UNE CENTAINE DE LAMPES TORCHES FIXÉES SUR DES PIEDS DE MICROPHONES CONTRÔLÉS INDIVIDUELLEMENT PAR ORDINATEURS. CAPTÉS ET CAPTIVÉS, ON A EU L’IMPRESSION D’ÊTRE CARRÉMENT ENTRÉS DANS LE CENTRE DU NÉANT. DU FLOU PLEIN LA TÊTE. UN ÉTAT DE RAVISSEMENT ET EN MÊME TEMPS DÉSTABILISANT. JUSTE À CÔTÉ, GROUND, CAPTEUR DE NOS ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES QUI LES TRANSFORME EN SON GRÂCE À DES ANTENNES RADIO. DE QUOI SE QUESTIONNER « EN MASSE »...








NOUS SORTONS. MONTONS L'ESCALIER. POUR LA PREMIÈRE FOIS, JE REMARQUE LA SCULPTURE DANS LE MUR QUI LE LONGE. (PHOTO). PUIS, ARRIVÉS TOUT EN HAUT, DÉTONATION: UN CHEVAL TIRE UNE CALÈCHE EN PLEIN DANS LE MILIEU DE LA CÔTE D’ABRAHAM. LES VOITURES FRÔLENT SES ŒILLÈRES. JE SUIS EN COLÈRE. ÇA ME DÉPASSE. LES CHEVAUX, ÇA NE DEVRAIT JAMAIS EXISTER DANS DE TELLES SITUATIONS. C'EST LOIN DE L'ART. ÇA M’EXASPÈRE. JE PENSE QUE JE VAIS ÉCRIRE AU BON MAIRE DE NOTRE BELLE CITÉ. PAS PENSÉ DE PRENDRE ÇA EN PHOTO, À LA PLACE CELLE-CI:





LA POUBELLE OUBLIÉE


ELLE EST DEVANT LE COMPLEXE MÉDUSE, LÀ OÙ UN HOMME EN HABIT DE SÉCURITÉ QUI GUETTE LES SPOTS NOUS PARLE PENDANT ENVIRON 30 MINUTES DE SON MÉTIER. UN VRAI PASSIONNÉ. ON EN APPREND SUR COMMENT ÇA SE PASSE DANS LES MÉGA SHOWS SUR LES PLAINES MAIS AUSSI DANS CEUX DE NOS MÉGA PRISONS. FÉDÉRALES ET PROVINCIALES. DU COMMENT ON PROTÈGE CERTAINS ET PAS D’AUTRES. DU COMMENT ON CONTRÔLE LES FOULES. PASSIONNANT. NOUS LUI DISONS QUE NOUS LE CHECKERONS PLUS À L'AVENIR...


PUIS ON ENTRE À LA GALERIE DE LA BANDE VIDÉO POUR VOIR LE CINÉMA PERPENDICULAIRE DE JULIEN MAIRE. ENCORE DES MIROIRS, CETTE FOIS-CI POUR ENTRER DANS L’OMBRE VIA LA LUMIÈRE. UNE BRÈCHE ANARCHIQUE DANS L’IMAGINAIRE DE LA PROJECTION. FASCINANT. LES INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES DE LA GENTILLE COORDINATRICE DES COMMUNICATIONS DE LA BANDE VIDÉO NOUS ONT PERMIS D'APPRÉCIER ENCORE PLUS NOTRE VISITE. IL NE FAUT PAS AVOIR PEUR DE QUESTIONNER L'ART. HABITUELLEMENT, IL NOUS RÉPOND AVEC SIMPLICITÉ SUR SON POURQUOI ET SON COMMENT. IL NE NOUS RESTE QU'À FAIRE...LE RESTE.




DE RETOUR DANS LE HALL DE CHEZ MÉDUSE POUR LE FLESH+WOOD+METAL, UNE INSTALLATION SONORE ET VISUELLE DE MAGALI BABIN ET HERMAN KOLGEN. RETOUR AUX SOURCES VIA LES VAGUES DU FLEUVE ET L'AIR AMBIANT DE LA VILLE. LA PEAU, LE BOIS, LE MÉTAL POUR LES TROIS GRANDS TAMBOURS DE SIX PIEDS. TROIS CIRCONFÉRENCES POUR ENTENDRE LE BRUIT DE CE QUI PROVIENT DE LA TERRE. UN CONCERT D'ONDES. UN DÉBRANCHEMENT TEMPORAIRE D'AVEC  LE SIMPLE QUOTIDIEN. UN RETOUR À LA VIE. HERMAN KOLGEN NOUS A PARLÉ QUELQUES INSTANTS APRÈS LA REPRÉSENTATION. ENCORE UNE FOIS, LE QUESTIONNEMENT. PUIS LE REBRANCHEMENT.

Photo: Herrman Kolgen


PUIS, AVANT DE QUITTER LE COMPLEXE, UN DERNIER ESSAI DEVANT LE MIROIR, JUSTE POUR VOIR QUI M'APPARAÎTRA CE COUP-LÀ. L'ÉTONNANTE JAYNE MANSFIELD, SEX SYMBOL DES ANNÉES CINQUANTE ET SOIXANTE, MORTE À 34 ANS DANS UN ACCIDENT DE VOITURE. ELLE ME SCRUTE...AVEC SES GROS SEINS…TÉTONNANT ! ON SORT PRENDRE L'AIR...


UN ARRÊT AU BONNET D’ÂNE POUR SAVOURER À NOUVEAU CE SUCCULENT GRILLED CHEESE DE SAINT-RAYMOND DE PORTNEUF, FAIT DE FROMAGE LA SAUVAGINE, BEURRE DE POMMES ET DATTES PLUS ROQUETTE. ACCOMPAGNÉ DE FRITES MAISON MAYONNAISE PLUS UN VERRE DE CHEVAL BLANC, NOUS ÉTIONS FAIM PRÊTS POUR ALLER VOIR LA LISTE

MAIS AVANT, UN PETIT DÉTOUR AU DÉPANNEUR AU COIN DE ST-JEAN ET TURNBULL POUR FAIRE PROVISION D’UNE CRUNCHIE QUI ME RAPPELLE ENCORE UNE FOIS QUE L'ENFANCE N'EN N'A PAS ENCORE VRAIMENT FINI AVEC LA QUINQUA QUE JE SUIS DEVENUE ! LE COMMIS, QUINQUA LUI AUSSI, AVAIT LES MÊMES TENDANCES QUE MOI EN CE QUI ATTRAIT AUX SAVEURS D'AUTREFOIS: LES WHIPPET DE VIAU, LES VRAIS, LES BRUNS PAS LES NOIRS, LA RÉGLISSE ROUGE, LES MARSHMALLOWS BLANCS, LES MOJOS, LES BOULES NOIRES...




AU SORTIR DE LA PIÈCE, ENCORE UN PEU SOUS LE CHOC DE LA FINALE INTENSE, ET COMME IL N’ÉTAIT QUE 21 :15, NOUS SOMMES À NOUVEAU ALLÉS NOUS PROMENER DU BORD DE CHEZ MÉDUSE AFIN D'Y ADMIRER NOS FANTÔMES ERRANTS EXPOSÉS DANS LA VITRINE  DE CHEZ ENGRAMME. LA FORÊT BLEUE DE BRAD TODD NOUS A CHANGÉS EN CERVIDÉS LE TEMPS D'UNE CAPTATION QUI APPAREMMENT RESTERA GRAVÉE DANS LA BASE DE DONNÉES POUR TOUJOURS. DE QUOI S'ÉTERNISER !


PUIS ENCORE DU BLEU...ET DU ROUGE, CEUX D’OLIVIER ZOL. UNE FAÇON PERCUTANTE POUR L'OEIL DU SPECTATEUR D'ENTRER EN COLLISION AVEC UNE AUTRE DIMENSION. POUR FLIRTER AVEC LA LUMIÈRE. IL FAISAIT DES TESTS CAR LA PRÉSENTATION OFFICIELLE NE DEVAIT AVOIR LIEU QUE LE LENDEMAIN. 






AVANT DE RENTRER CHACUN DANS SON CHEZ SOI ORDINAIRE, FAIRE UN PETIT DÉTOUR AU MOIS MULTI. POUR Y FAIRE DE NOUVELLES EXPÉRIENCES SENSORIELLES, PARFOIS ÉTERNELLES. ÇA SE POURSUIT JUSQU’À LA FIN DU MOIS.




POUR TERMINER NOTRE AVENTURE MULTI, NOUS SOMMES ALLÉS VOIR DE PLUS PRÈS LES SPOTS QUE LE GARDIEN DE SÉCURITÉ GUETTAIT DANS L’APRÈS-MIDI. IL AVAIT ÉTÉ REMPLACÉ PAR UN AUTRE GARDIEN QUI LUI AVAIT CHOISI D’ÊTRE ASSIS BIEN CONFORTABLEMENT DANS SON CHAR POUR SURVEILLER LES PROJECTEURS.




LA TEMPÉRATURE ÉTAIT ENCORE TRÈS DOUCE, ON AURAIT PU MARCHER LONGTEMPS AVANT DE RENTRER, MAIS IL FALLAIT RENTRER. EN DESCENDANT LA CÔTE D'ABRAHAM QUI RELIE LE PASSÉ ET LE FUTUR, LE PRÉSENT S'OFFRAIT À NOUS AVEC SON PAYSAGE DE LUMIÈRE DE BÉTON...ET DE LAMPADAIRES...






POUR CONCRÉTISER CETTE JOURNÉE BOUILLONNANTE DE CULTURE, UNE DERNIÈRE PHOTO POUR DIRE AU REVOIR À LA FORÊT BLEUE. LA MAIN DE A. DANS L'ÉTERNITÉ DE CETTE SECONDE MAGIQUE...





PHOTOS: L.L.


vendredi 17 février 2012

LA LISTE: L'égratignure


Nicolas de STAËL (1914-1955)
Cinq Pommes
 1952
Huile sur toile, 38 x 61 cm.
Paris, collection privée


Rue St-Jean, 9 février 2012
Photo: L.L.



« ... le corps de l'acteur n'est ni plus ni moins qu'une boule d'énergie fabuleuse qu'il s'agit de maîtriser adroitement. »

Hugues Frenette à Claire Goutier 
in BAZZART, 2010. Thème : BRUT [E]





Pour toi, petit Léo…

Je voudrais voir la mer
Et danser avec elle
Pour éloigner la mort
Pour éloigner la mort

Michel Rivard

III

Quand ta maman
Apparaît à la porte,
Et que je tourne la tête,
Pour la voir,
Ce n’est pas sur son visage
Que tombe d’abord mon regard,
Mais à l’endroit,
Plus près du seuil,
Là, où serait ton
Cher visage,
Si, rayonnante de joie,
Tu entrais avec elle
Comme autrefois, ma petite fille.

Quand ta maman
Apparaît à la porte,
À la lueur de la bougie,
C’est pour moi toujours
Comme si tu entrais avec elle,
Te glissant derrière elle,
Comme autrefois, dans la pièce !
Ô toi, chair de ton père,
Ah, joyeuse apparition
Trop vite éteinte !

Friedrich Rückert
Chant pour des enfants morts
Kindertotenlieder

Traduction Wikisource


***

Au ras des nuages de laine, juste en dessous du sein tiède de la mer, une petite musique de fin de journée ordinaire pour toi, Caroline…


LA LISTE...un autre bon coup de marteau dans le ventre…une truffe fondante dans la bouche des mercredis…une mégatonne de bas rouges à trier…

Du matin au soir, des mères au travail, des pères au bercail…une absente...une femme seule et nouvelle qui attend…quelqu’un…une ribambelle d’enfants joyeux qui courent sur les gazons verts…une table, des chaise... des pommes…cinq pommes...belles à croquer…bonnes à aimer…et du souffle…un banc de brouillard inattendu à la sortie d'une pièce attendue, avec le vent frais de la mi-février...  

Jeudi, 16 février 
au coin de Turnbull et Crémazie
Photo: L.L.

Sylvie Drapeau, concertiste de talent, pianiste, cantatrice, mais surtout actrice. Irréprochable. Une lumière dans le brouillard. Comment ne pas avoir eu mal aux mots de SA liste ? Comment ne pas s’être laissé abandonner par son regard endeuillé…Laissons courir les enfants librement dans les champs de SA mémoire...
Une heure et dix pour entendre l'ampleur de ce drame personnel, pour transformer les mots récipiendaires de Jennifer Tremblay en promenade solitaire au milieu d’un cœur saccagé par un remord pour le moins angoissant. Une heure et dix de silence râpé, de souffle découpé dans le verre de la transe/apparences...Soixante-dix minutes passées entre les murs lattés de cette maison de campagne aux fenêtres grandes ouvertes...Soixante-dix minutes à s’être fait malaxer le caillot à spin...Soixante-dix minutes pour avoir eu peur en même temps que tout le monde....
***
Toutes ces listes d’attentes interminables pour les greffes d'organes, colonoscopies ou quelconques psychothérapies, et celles plus flottantes, pour le jaunissement et/ou la rage des dents, pour les teintures et/ou coupe de cheveux, et celles vraiment plus urgentes pour l'achat du lait, du pain et des pommes...



CINQ POMMES
Cézanne
1877-1878

Des touches estompées aux grands coups de spatule, la mise en scène impressionniste de Marie-Thérèse Fortin nous a ouvert les portes closes dans la penderie de nos mémoires remplies de linge propre. Tous ces placards à cafards pour ranger le désespoir de nos vaines accumulations de matériel bon à brûler. Toutes ces armoires à genoux devant leurs multiples compartiments pour dé-ranger le quotidien des mal arrangés. L'ultime des rangements pour la première résurrection…
***
Sylvie Drapeau, que je n'avais pas revue depuis février 2005 (superbe AIGLE À DEUX TÊTES de Jean Cocteau, d'ailleurs mis en scène par Marie-Thérèse Fortin et dans laquelle Hugues Frenette lui donnait la réplique) était tout simplement resplendissante, tout comme en 1997, au CAVEAU-THÉÂTRE des Trois-Pistoles dans cette fulgurante GUERRE DES CLOCHERS de Victor-Lévy Beaulieu. La sobre intensité avec laquelle elle a joué hier soir s'accordait parfaitement avec l'anthracite de la magnifique robe qui moulait toute la douleur de son "oubli ".

La scénographie des accessoires nécessaires au service de l’histoire, l’intensité des mots de tous les jours, l’élocution avec laquelle l’Actrice nous les a offerts en pâture, nous, public littéralement suspendu à ses lèvres de rigueur et à ses yeux bouffis par les remords de nos propres oublis sur les listes à faire...et à refaire...Merci à vous Mesdames, ce fût une belle randonnée dans les alentours de l'âme...

LA LISTE

Équipe de création
Angelo Barsetti  Stéphanie Capistran-Lalonde Jasmine Catudal  Claude Cournoyer  Charlotte Farcet  Isabelle Larivière  Julie Measroch  Nancy Tobin

Direction de tournée et régie son
Julie Brosseau-Doré
Éclairagiste de tournée
Marie-Aube Saint-Amant Duplessis
Machiniste de plateau
Anthony Cantara
***

Quatre textes TREMBLAY cette saison: Michel, il y a quelques semaines, avec Pierrette et Thérèse à l'école des Saints-AngesJennifer hier soir, et Larry (deux fois), en octobre dernier avec le pur et dur CANTATE DE GUERRE, et en avril prochain avec L'ENFANT MATIÈRE…Trois Tremblay, synonymes de prodigalité, d'intensité et de réflexion, tout comme François Houdé, artiste verrier dont j'ai pu admirer quelques unes des splendides pièces hier après-midi chez MATERIA. Merci à Madame Carole Charette, commissionnaire de l'exposition qui nous a aimablement bien renseigné sur cet homme disparu beaucoup trop tôt.






« Pendant des années, le verre s'est égratigné, brisé entre mes doigts, toujours à mon grand désespoir. [...] Une égratignure, un léger éclat, me dérangeait, le travail parfait, celui que j'avais bien l'intention de créer, ne pouvait supporter la moindre irrégularité. [...] Pourquoi en fait ne pas partir de là où je devais toujours m'arrêter[?] Je devais aussi remettre en question l'idée même de perfection. [...]
François Houdé, cité par Henri Barras, Vie des Arts, vol.28, no 113 1983-1984, p.51

François Houdé
Bol brisé 45
Photo: Erick Labbé, Le SOLEIL


Photos: L.L.

" MAMAN ! "

vendredi 10 février 2012

EN ATTENDANT GAUDREAULT PRÉCÉDÉ DE TA YEULE KATHLEEN: They will survive


Photo: Jérémie Battaglia





Usuellement, un déchet (détritus, ordure, résidu, etc) désigne : la quantité perdue dans l'usage d'un produit, ce qui reste après l'utilisation. De nos jours, ce terme tend à désigner n'importe quel objet ou substance ayant subi une altération d'ordre physique, chimique, ou en tant qu'il est perçu, le destinant à l'élimination ou au recyclage. (wikipedia)


Oh now go.
Walk out the door.
Just turn around now.
You're not welcome anymore.
Weren't you the one
Who tried to break me with desire?
Did you think I'd crumble?
Did you think I'd lay down and die?
Oh not I.






Je ne me demandais jamais comment elle avait vécut seule, après la mort de sa mère, comment elle approcha de la trentaine, ni ce qu'il y eut après, ni qui était mon père. Les tiroirs de son bureau n'étaient pas fermés, mais jamais il ne m'est tombé sous la main une lettre ou une photographie. Je me rappelle qu'une fois, étant toute petite, je lui demandai si j'avais un papa. Elle dit:
---Non, ma Sonetchka, nous n'avons pas de papa. Notre papa est mort.
Elle avait bien dit " notre ", et nous pleurâmes un peu ensemble.

Nina Berberova
L'Accompagnatrice 
(p. 12)

On ne revient jamais de chez PREMIER ACTE sans ne pas avoir été troublé, remué. On n’arrive pas chez soi sans tout d’abord parler à quelqu'un de ce à quoi on vient d’assister. On ne devrait jamais rien faire dans la dentelle. On devrait plutôt s’étendre sur un trottoir glacé, devant une vitrine vide et sale de magasin à une piasse. On devrait entrer dans un disco-bar rempli de poudrées d’Hollywood. Se mettre à danser ET …………………………… ENTER--à right threw de sur la bine. Enlever tous les cossins inutiles de son petit 2 ½, ne garder que deux ou trois chaises. Et jouer...



Après ça, sortir prendre une bouffée d’air sur le balcon pour fumer. Ou juste sortir tout court pour aller prendre un verre ou deux. Ou six ou sept. Puis dériver maladroitement sur le fil d’un rasoir émoussé. Prendre une marche à travers ses propres escaliers. Remonter sa pente. Se trouver quelqu’un à qui parler. Prendre de vue pour un instant que ce monde qui grenouille et vagabonde dans les rues salées de la Cité des anges déchus nous fait croire à quelque chose qui n’arrivera probablement jamais. Se déporter soi-même au milieu d’un salon récuré au Monsieur Net. Essayer de comprendre pourquoi il y aura probablement toujours des problèmes à se trouver une gardienne à la dernière minute. Traverser le miroir. Entrer en scène. Découper  l'air. Tomber sur le carreau.


L'escalier de nulle part
Huile et acrylique
Jean-Jacques Hudon


TA YEULE KATHLEEN...Une mise en bouche, ou plutôt en yeule, pour EN ATTENDANT GAUDREAULT. Une mise en bouche douce-amère salée…de la dèche glissante sur le plancher des vaches pour transformer la folie d’un soir en pleurs de bébé…la voix découchée d’un William en manque, le regard en attente de Dédé, l'espoir chatté de Monique
Les mots opéra de l'auteur-metteur en scène-comédien Sébastien David nous sont entrés dedans comme un couteau dans patate. Sa mise en scène a de quoi faire revirer les mots à l'envers de toute la misère du monde, le vrai, comme celui de Tremblay. Les murs ont été rasés de près, les rues et trottoirs remblayés de neige noire, les bassinnettes matelassées de tolérance maternisée. Marie-Hélène Gosselin et Frédéric Côté l'ont impeccablement secondé; il fallait les voir tous trois s'harmoniser comme une sainte trinité... 

***
La clarté de la noirceur des ombres hachurées, accompagnée du blanc sale des désespérés...  l’épaisse heure d'un drame d'amour qui jalonne souvent les ondes de LCN à cœur de jour. Oui, nous avons fini par entrer dans le vrai monde, celui qui vit dans les logements à prix modique, celui où l'on y survit 24 heures sur 24 avec le rouge chaud de la lumière sur les visages de côté, le bleu nuit d'un soir à court de souffle, le sourire d’une fille qui l’illumine. Avec le quotidien qui se fait serrer la ceinture et la gobette entre la peau du cucul déchiré en mille miettes par l’os poreux des factures en attente de paiements…THEY WILL SURVIVE (I hope).
Dans la rigueur des jours du t’sé veux dire y’en aura pas d’facile, parce qu'on pisse pas su l'monde de même, on sait jamais qui finit par nous apparaître un de ces quatre dans le cimetière des inat tendus…

***

« eh bien, que veux-tu encore---me disais-je---, eh bien, que veux-tu encore dans cette vie ? Régler tes comptes ? Prendre ta revanche ? Comment ? Contre qui, d'ailleurs ? Il faut filer doux, plus muette que l'eau, plus basse que l'herbe. Dans cette vie-là, on ne règle pas les comptes. Quant à la vie future, elle n'existe pas ! »
Nina Berberova
L'Accompagnatrice 
(p. 25)
C'est en lisant les premières pages de L'Accompagnatrice que j'ai soudainement compris pourquoi Berberova m'était apparue dans le cimetière des livres usagés du Colisée du Livres quelques minutes auparavant... Kathleen et sa mère Lynn la monoparentale y étaient sûrement pour quelque chose puisque c'était arrivé juste après la révolution...J'ignore pourquoi, mais je me demande parfois, comme hier soir, si ce ne sont pas les livres, par hasard, qui nous choisissent plutôt que nous...



 Le Collectif EN ATTENDANT




J’ATTENDAIS
 (-; pour toi, Dédé ;-)






mercredi 1 février 2012

THÉRÈSE ET PIERRETTE À L'ÉCOLE DES SAINTS-ANGES: Le prix orange


LA CONFIRMATION
Église du Bon Pasteur,
Laval-des-Rapides
 1965



LA FÊTE-DIEU avec Sœur Monique Vachon
Réalisation Alain Jetté


Ah! ces sacrées bonnes femmes…

Jeudi soir dernier, enfermée au GTQ, en compagnie de Thérèse et Pierrette et du reste de la bunch. À ma droite, un abonné fidèle depuis 41 ans. A. et C. assistaient exceptionnellement à cette pièce tirée du roman de Michel Tremblay. La rayonnante mise en scène de Gill Champagne, directeur artistique du Trident, nous aura fait passé une autre de ces agréables et enrichissantes soirées.


Crier aimer chicaner
Envier haïr enjouer
(Manger une orange
en temps de guerre)
Chanter rire rager
et surtout...
tremblay
***

UNE DISTRIBUTION DIVINE

Encore une fois, Linda Laplante, en Charlotte Côté mère de Simone, m’aura comblée de bonheur; sa «  tirade »  à l’emporte-pièce contre Mère Benoîte des anges, Denise Verville, a fait applaudir la salle presque à tout rompre, ce qui est tout de même assez rare au théâtre. La verve avec laquelle elle a semoncé la bonne sœur nous a complètement soufflés. Un autre de ces moments uniques. Elle interprétait également le rôle de Sœur Supérieure. D'ailleurs, la plupart des comédiens jouaient double rôle. Comme le talentueux Jean-Pierre Cloutier, dans ceux du beau Gérald Bleau et Monsieur le Curé, des hommes tourmentés par les deux côtés de la médaille.
Le clan des autres religieuses se composait de la lumineuse et intense Marie-Josée Bastien, sa Sœur Sainte-Catherine a fait se serrer quelques quelques coeurs en défroque; Andrée Samson, Sœur Pied Botte, véritable peste, espiègle et touchante; Anne-Marie Côté, drôle en Rita mère de Pierrette, et affligée en Sœur Ste-Thérèse; Éva Daigle, dramatique en Albertine, et biencommode en calcul Sœur Ste-Philomène.

Le trio infernal de l'école des Saints-Anges: Claudiane Ruelland, brûlante, piquante, superbe et énergique Thérèse; Chantal Dupuis, pétillante plaignante Simone; Maryse Lapierre, heureuse soucieuse Pierrette; et la " teigne ", Lucienne Boileau, cinquième roue du carrosse, jouée admirablement bien par Édith Patenaude.




Photo: Vincent Champoux


Des petites filles " élevées " chez les bonnes sœurs sous la surveillance des mères  " à la maison ", dans l’ombre des pères à l’usine. Elles n’avaient ni cell ni réseaux sociaux pour s’émanciper en tant qu’adolescentes, elles n'avaient que de la craie blanche pour l'asphalte des ruelles et une simple corde à danser pour sauter d’une étape à l’autre. Tout se passait en dehors, dans la rue, dans la cour d’école; les conflits qui les mettaient souvent dos à dos se réglaient face à face.  Plus tard, il n'y aurait pas que la religion dans la vie de ces demoiselles, il y aurait bien sûr les garçons, puis les hommes, et tout le paquet de désillusions qui irait avec...mais pour le moment, elles n'ont que douze ans...Maman...






Patrick Ouellet, Duplessis le chat invisible, et André Robillard, Marcel, quant à eux, formaient, avec le Piano un trio indestructible, ce dernier les accompagnant presque partout où ils se trouvaient. Vraiment une excellente idée, il ajoutait beaucoup de profondeur au décor. De l’avoir ainsi intégré fait foi de toute la place qu’occupait ce noble instrument dans les couvents et écoles religieuses. On peut en entendre les vibrations dans la vidéo d’Alain Jetté (voir le lien plus haut), le dernier plan lui est d’ailleurs consacré. J’ai particulièrement aimé la dernière scène: tous les personnages rassemblés pour la Fête Dieu. Dans leurs beaux habits de procession, juchés dans leurs casiers, avec les éclairs et le tonnerre, ils formaient un véritable tableau vivant.

Et puis le petit Marcel, avec ses lunettes de soleil; un beau clin d’œil à l’œuvre gigantesque de Michel Tremblay. PIERRETTE ET THÉRÈSE À L'ÉCOLE DES SAINTS-ANGES, un détour
incontournable et exaltant dans un passé tout de même pas si lointain...  



  • Scénographie : Jean Hazel
  • Costumes : Sébastien Dionne
  • Éclairages : Louis-Xavier Gagnon-Lebrun
  • Musique : René Champigny





  • 1942


    Trois rappels plus loin, en marchant vers le stationnement, j’entends à nouveau le rire de mon gentil voisin de droite, il me dit qu’il va sûrement se réveiller cette nuit…pour rire…

    AMEN