lundi 30 avril 2012

L'ODYSSÉE: des hommes et des dieux



HOMÈRE

 « ILS SE SENTENT INVINCIBLES
     ET ILS LE SONT »


Lorsqu'il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Près d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu'il revînt

Guillaume Apollinaire
La chanson du Mal-Aimé

TON TOIT
TES LOIS

Fantastique, sublime, le décor, costumes, la scénographie, le jeu, le texte, TOUT quoi, rien ne clochait; le radeau, les câbles, les voiles, le vent, les éclairs, TOUT était parfaitement fait pour nous emmener voguer au-dedans de cette histoire qui n’en finira probablement jamais. L'ODYSSÉE, suspension dans le temps, long voyage qui commence et recommence, aventures, amours, guerres et...paix...

Qu’était-ce donc cette Chose que nous avons vue et entendue ce soir, mon cher voisin ? La magie d’une histoire venue d’une contrée où à peu près nul de nous n’étions allés auparavant ? Un souffle de beauté surf and turf émergeant de l’étreinte des larmes dans les yeux de Pénélope ?  Ou de celles du Cyclope ? Le chant envoûtant d’une histoire qui nous captive depuis sa naissance ? Le massacre des hommes pour l’amour d’une femme ? Le cadeau divin d’une déesse suspendue dans le bleu du ciel ?

Sophie Dion et Christian Michaud
Photo: Steve Deschênes, LE SOLEIL


DES FEMMES: ANTICLÉE mère, EURICLÉE nourrice, PÉNÉLOPE épouse, CALYPSO amoureuse,  CIRCÉ ensorceleuse, MÉLANTHO traîtresse, NAUSICAA soignante, ATHÉNA protectrice….DES FEMMES…oui, encore ELLES, toujours. Celles par qui le sang parle. Celles en qui Celui a cru. Celles qui l’ont dévêtu. Celles qui l’ont nourri. Celles qui l’ont entendu. DES FEMMES avec lesquelles des hommes n’ont pas toujours vécu. DES FEMMES qui ont soupesé l’épée, le pieu, la lave et l’enfer. DES FEMMES qui ont donné des noms aux dieux puis aux hommes.

ITHAQUE, terre d’Ulysse et de Pénélope, là où le mythe s’est gravé dans nos mémoires d'éponges. La scène, ce soir, qui nous a emmenés dans le ventre plein de l’Histoire. Les applaudissements effrénés du Spectateur qui ont nourrit le sourire enjoué de l’Acteur. L’ODYSSÉE, monument universel pour aller se recueillir une fois de temps en temps pour se rappeler que le futur des hommes en Ulysse est plus près de nous que l’on pense…



Au début du XIXe siècle, la Grèce est en esclavage. Quarante guerriers jeunes, forts et braves se dirigent vers TRIPOLITSA pour la libérer de leurs bras, leurs armes et leurs sang. Ils se sentent invincibles et ils le sont. L'écho de leurs pas chante la liberté. Des années, des siècles d'esclavage s'achèvent dans leur marche . « Où allez vous , mes braves ? » demande le vieux révolutionnaire qu'ils rencontrent sur leur route. « A la conquête de Tripolitsa » rugissent les braves, une, deux, trois fois, de plus en plus fort . « Où allez vous, mes fils ? » se demande le vieil homme seul, couvert de la poussière soulevée par leur marche.

« Où allez-vous ? »


Irène Papas







                                                                                                                                                                                       

Nicolas Létourneau, PRÉTENDANT EURYMAQUE, COMPAGNON ELPÉNOR, ÉOLE; Fabien Cloutier, PRÉTENDANT AMPHINOMOS, COMPAGNON PÉRIMÈDE, POSÉÏDON, TIRÉSIAS; Jean-Pierre Cloutier, PRÉTENDANT LIODÈS, COMPAGNON EURYLOQUE, ALKINOOS; Éric Leblanc, PRÉTENDANT IROS, COMPAGNON ANTICLOOS, EUMÉE; Denise Gagnon, ANTICLÉE; Danielle Belley, EURICLÉE, NAUSICAA; Éva Saïda, MÉLANTHO, CALYPSO, CIRCÉ; Paule Savard, ATHÉNA; Sophie Dion, PÉNÉLOPE; Christian Michaud, ULYSSE; Steve Gagnon, TÉLÉMAQUE, POLYPHÈME; Jean-Michel Déry, PRÉTENDANT ANTINOOS, COMPAGNON POLITÈS, LAËRTE;      

La distribution, avec une affiche de comédiens et comédiennes  « on ne peut quasiment espérer mieux », doublée du jeu dansant et acrobatique des scènes qu’ils ont eu à vivre et mourir, a une fois de plus fait luire leur aura. Ils et elles étaient tous et toutes aussi bons les uns que les autres, et ce soir, comme les autres soirs, je les ai vu (e) s en confrères et consœurs de travail, compagnons et compagnes de théâtre, et peut-être davantage. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais il m’a semblé qu’il y avait de l’électricité dans l’air, une clarté additionnelle dans leur façon de jouer avec leurs talents respectifs. Tous pour un, un pour tous; à mon avis, c'est ce qui a toujours fait toute la différence entre une pièce...et une autre...

Bravo aux équipes des costumes, maquillages et éclairage, elles ont largement contribué au plaisir que nous avons eu à nous délecter de la solennelle mise en scène de Martin Genest, une magnifique finale de saison. Ce fût un autre de ces moments magiques passés entre les bras de la mythologie grecque, une de plus en cette saison dûment remplie de femmes au passé pas si lointain que ça...



Merci au TRIDENT qui nous a encore une fois comblés avec son grand théâtre. Il fallait d'ailleurs entendre les commentaires à chauds qui sortaient des bouches tenues au silence pendant un peu plus de deux heures: merveilleux, sublime, du vrai théâtre. Ils traduisaient le ravissement complet, la satisfaction et le bonheur, celui de ne pas être sorti de chez soi pour rien en ce soir frisquet de fin avril.

Bekim Fehmiu et Irene Papas
L'ODYSSÉE de Franco Rossi

L'ODYSSÉE de ce soir m'a ramenée tout droit à celle du tendre souvenir de la mini-série présentée en quatre épisodes à la télévision de Radio-Canada en...1970. C'était quelque chose. La magnifique Irene Papas en Pénélope et le ténébreux Bekim Fehmiu en Ulysse, beaux commes des dieux nous avaient ensorcelés avce leur histoire d'amour (c'était au temps du LOVE STORY d'Erich Segal). Il y avait également Renaud Verley, leur fils Télémaque, qui faisait battre nos petits coeurs d'adolescentes à chaque fois qu'il rabattait du cil. Ah! c'était les beaux jours. C'était avant OCTOBRE...


mercredi 25 avril 2012

KURT WEILL-CABARET BRISE-JOUR ET AUTRES MANIVELLES: la machine à découdre le temps




« Les artistes et les musiciens de l'Orchestre d'hommes-orchestres cultivent la transversalité et l'originalité. Ils plaident en faveur de la débrouillardise et de l'intelligence et appellent à une réconciliation espérée entre art actuel et culture populaire. En contournant la virtuosité et en empruntant à plusieurs langages artistiques, ils déjouent la pensée disciplinaire pour créer un véritable chantier des arts vivants. Sur scène ou dans la rue, d'un spectacle à l'autre, ils réinventent un répertoire en l'utilisant comme un terrain de jeux oì la musique se voit. »


Ce sont les mots que l'on pouvait lire à l'endos du carton qui servait de programme aux nombreux spectateurs réunis au Périscope jeudi soir passé pour voir et entendre LODHO. Pas une première pour moi puisque j'avais eu la surprenance de les découvrir en avril dernier au Trident lors de L'OPÉRA DE QUAT' SOUS, un spectacle absolument génial mis en scène par le non moins génial Martin Genest.  

Curieusement, je me retrouve quasiment dans le même état général que l'an passé à pareille date: les dernières pièces de la saison, avec un Genest pour clore celle du Trident (L'ODYSSÉE), le Carrefour International de théâtre de Québec qui s'en vient à grands pas, l'effervescence du vert printanier qui titille mes lentilles dans tous les sens, la jouissance de savoir qu'il y aura encore de l'excellente dramaturgie présentée à Québec la saison prochaine. Les différentes maisons ayant maintenant toutes présenté leurs spectacles à l'affiche, ne reste plus qu'à essayer de slalomer à travers un calendrier passablement chargé de beautés de toutes sortes...mais revenons à jeudi soir passé...

SPEAK LOW et LES FILLES DE BORDEAUX plus l'extrait du WEILL 01 lowres, tous trois diffusés sur YouTube, c'est à peu près tout ce que j'avais à me mettre dans les oreilles pour me transporter dans l'ambiance du CABARET BRISE-JOUR  ET AUTRES MANIVELLES de LODHO, de quoi attiser mes ouïe-dire à propos de ce groupe multidisciplinaire. Déjà, je pouvais imaginer tout le plaisir que j'aurais à passer les deux heures que les Frédéric Auger, Bruno Bouchard, Gabrielle Bouthillier, Jasmin Cloutier, Simon Drouin, Simon Elmaleh, Lyne Goulet, Philippe Lessard Drolet, Danya Ortmann et Pascal Robitaille nous avaient concoctées...en toute félicité !




  1. Les compositeurs doivent « élargir et enrichir de plus en plus le domaine des sons », ce qui aura pour conséquence, en poursuivant le travail poursuivi par les compositeurs contemporains en direction du son-bruit, de substituer définitivement les bruits aux sons;
  2. Les musiciens doivent s'efforcer de sortir du carcan trop étroit des sons de l'orchestre et tenter de reproduire l'infinie variété des bruits au moyen de mécanismes appropriés;
  3. Après s'être débarrassés du rythme traditionnel, les musiciens trouveront dans le bruit une richesse rythmique leur permettant de se renouveler;
  4. Les tonalités complexes du bruit peuvent être reproduites et étendues au moyen d'instruments construits à l'image de cette complexité;
  5. La création d'instruments reproduisant le bruit ne devrait pas être d'une grande difficulté, puisqu'une fois trouvé le moyen de créer un type de bruit, les lois de l'acoustique permettront de l'étendre facilement aux autres hauteurs souhaitées (en jouant sur la vitesse de rotation dans le cas d'un instrument rotatoire, sur la tension dans d'autres cas, etc.);
  6. Le nouvel orchestre ne se contentera pas d'imiter les bruits de la vie, mais au contraire suscitera des émotions renouvelées en créant de nouvelles associations variées des timbres et des rythmes du bruit;
  7. "La variété des bruits est infinie", se trouve liée à la variété des machines produites par l'homme, que le compositeur futuriste devra savoir combiner et utiliser, et non seulement imiter;
  8. Enfin, il invite les nouveaux musiciens à prêter attention aux bruits et à leur complexité et, une fois qu'ils auront découvert l'étendue de la palette de timbres des bruits, ils développeront une passion pour le bruit. Il prédit l'apparition, après les yeux futuristes, des oreilles futuristes.
Luigi Russello
L'ART DU BRUIT
Manifeste, 1913

    J'ignore si les membres de l'Orchestre d'hommes-orchestres connaissent ce manifeste, mais en fouillant sur le Net pour le mot bruit je suis tombée dessus. Une découverte de plus, une corde de plus ou moins à mon arc de connaissances. Le bruit d'une chose nouvelle a toujours de quoi exciter de vieux tympans comme les miens. Bien assise sur le siège gracieuseté CEGEP Limoilou, entre deux spectateurs des plus attentifs, mes oreilles de lapin se sont dressées bien droites, l'air du temps y entrant au plus creux de son creux... 






Sur facebook, le 20 avril, au retour du show, toute première impression spontanée:

Au Périscope: KURT WEILL, Cabaret Brise-Jour et autres manivelles avec l'Orchestre d'hommes-orchestres: quelque chose comme un moyen chaos, un forfait de sons turbulents accompagnés d'images pour têtes avides de dépaysement, une bonne dose... de Mycobacterium Vaccae *, et des petits coups de balai dans le nid de la bonne humeur...

Également sur facebook, le 20 avril: à Christian Girard, après que celui-ci m'eut offert de me réserver une copie en format poche du Nazi et le Barbier d'Edgar Hilsenrath, ce prodigieux auteur allemand, né juif, qu'il m'a fait découvrir lors d'une visite dans sa Pantoute, un auteur qui, comme Kurt Weill, a subit les débordements du Troisième Reich.

Côïncidence: j'arrive tout juste de KURT WEILL, CABARET BRISE-JOUR, avec l'Orchestre d'hommes-orchestres, un show éclaté, qui crée sa propre fureur...;-)


FANTÔMAS




KURT WEILL

La dragée est une confiserie généralement constituée d'un noyau dur enrobé de sucre. Les dragées sont traditionnellement offertes à l'occasion de baptêmes, de mariages ou de communions et présentées dans de petits récipients appelés bonbonnière ou drageoir. (wikipedia)


IMPRESSIONS SEMI-SPONTANÉES


Au ras de l'échafaud, en bas de nos chaises, une fuite pour l'imaginaire mutant. Une flambée de sons néo-weill dans la forêt des grands dérangements tant espérés. Une lumière de chevet sur les tables tournantes pour la multiplicité des Collaborateurs. Du cœur au ventre, de la tête aux reins, du cou aux jambes et de la guenille à vendre. Déviation spontanée. Confusion des genres. Approvisionnement de désirs. Here et là, bigger than une crampe au cœur: jeux de mains, jeux de vilains.

Chansons en allemand, français et anglais, langues encore vivantes. Langues unies dans un même temple. Instruments du délire. Piano, violon, guitares, batterie, contrebasse, trompette, scie à découper, moulin à coudre, poire à sauce, push push, sons de pouètes-pouètes heavy burlesque. Voix d'anges, voix d'ogre. Bombe aérosol. Péché capital.
Pour ceux et celles qui mangent de la vache engagée, pourceaux aisselles qui sucent des bonbons acides: dragée qui fond sur le bout de la langue d'une ombre qui aveugle le manteau de la lune. Vertige d'un vol planifié sur le gris du temps. Scanner dans l'oreille du populus abribus. Balayage d'ondes their ground dans le cabaret engagé du Périscope. Accès illimité à l’hymne des possibles. Nouvel hommage au Prince des dégénérés...







* Les scientifiques pensent que l'exposition à Mycobacterium vaccae peut fonctionner comme un antidépresseur car elle stimule la production de sérotonine et de noradrénaline dans le cerveau. Plus précisément, elle induit la neurogenèse des neurones qui produisent ces deux composés .
(wikipedia)

http://www.lodho.com/


http://chercheursdesons.hautetfort.com/archive/2006/10/12/suite-pour-un-homme-orchestre.html

http://envapements.blogspot.ca/search?q=op%C3%A9ra+de+quat'+sous

http://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Hilsenrath



samedi 21 avril 2012

L'ENFANT MATIERE: Allez les enfants, tuez vos parents !



Photo: Louise Leblanc

La vie, c'est bien.
La vie, c'est ce qu'il y a de mieux.
Qu'est-ce qu'on a trouvé de mieux que la vie ?
Pas possible de trouver mieux.
Larry Tremblay
L'Enfant matière

La créaNation
La vache, sacrée là.
La mer intérieure.
La swamp.





Photo: Sylvio Arriola

"L'enfant cherche sa voix. C'est le roi des grillons qui l'a,
Dans une goutte d'eau, l'enfant cherchait sa voix.
Je ne la veux pas pour parler, j'en ferai une bague
Que mon silence portera à son plus petit doigt.
Dans une goutte d'eau l'enfant cherchait sa voix"


(La voix captive, loin de là, met un costume de grillon).

Francis Poulenc a mis en musique le texte de F. Gattegno
d'après Federico Garcia Lorca: L'enfant muet


Hugues Frenette, superbe et sur/prenant, dés/articulé, au-delà du déjà vu, encore et toujours aussi transmetteur de regards sensibles, au coeur du mot, au faîte de la faille ou au pied du mur...Christian Essiambre, im-mobilisé, fragilisé, obéissant, monopolisé, dansant sur la pointe de la seringue, jouant l'enfant grandissant...Noémie O’Farrell, drapée des peaux fanées de sa naissance, débandée de la pénombre du silence de l'attente, trans(E) formée par l'éclatement des mots tremblay ...


La grisante mélopée des grillons
agonisants dans l’herbe de vie



Photo: ?
1957

L’ENFANT-MATIÈRE

Un objet théâtral mystérieusement identifié qui ne tourne pas autour du pot, un éventail de supplices qui déplacent de l’air, un accélérant qui fait frire de la vache en direct dans la poêle à combustion des pensées hachées, une grisonnante mélopée pour grillons agonisants, une dynamique de silence au cœur même de la langue, une consolidation de paroles faites chair, un signe d’intelligence, un dépôt de lumière sur la peau de l’œil ouvert, un regard inattendu mais espéré sur l’enfant bibelot, une quinte de tous pour un, une voix gisant dans le retranchement des jours à plat, une porte ouverte dans l’ouverture du risque, une musique de chemin de fers pour repasser les souvenirs du Poète, une cuillerée à soupe de sang-froid dans la veine noire de la destinée, une  simple course dans l’espace le temps d'une virée entre trop d'humains, un pas de plus vers l’avant, le prolongement d’un simple mardi, un atout pour la Poésie.

Être né puis secouru par un dépanneur de coin de rue;
Être vu d'ici par des hommes jamais pris au dépourvu.




Well it is so cold
Walk with me
Looks so old
Down by the family tree
Well it looks so old
Come with me
Looks so old
Down by the family tree
Oh my God!
THE BLACK LIPS
" FAMILY TREE "




L'enfant râpe-aïé


Merci à vous, équipe du THÉÂTRE BLANC, ce fût un moment de plaisir intense et de beau chaos comme j'aime les passer dans votre territoire de turbulences. Merci à messieurs Luc Gosselin, Jean Hazel, Christian Lapointe et Christian Essiambre pour le meeting de la " préparation d'avant-match ", le contact direct avec le Spectateur fera toujours de ces petits comme de ces grands moments uniques, de ceux qui, je l'espère, resteront gravés à tout jamais dans la matière grisonnante de ma petite tête...raide...remplie de...choses...




Allez les enfants tuez vos parents ! 
Allez les enfants !


mardi 17 avril 2012

LE MISANTHROPE: En vers et contre tous


Photo: Vincent Champoux

Les Précieux se retrouvent dans des salons littéraires tenus souvent dans les ruelles. Pour y accéder, on doit avoir une noblesse de sang et une « noblesse de l’âme ». Les femmes y sont actives. On y discute dans un langage très appliqué, on y parle de littérature, on y écrit et lit des poèmes, presque tous sur l’amour, et on y lit des extraits d’œuvres. (wikipedia)

Oronte:
Est-ce que j’écris mal ? Et leur ressemblerois-je ?

Alceste:
Je ne dis pas cela ; mais enfin, lui disois-je,
quel besoin si pressant avez-vous de rimer ?
Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer ?
Si l’on peut pardonner l’essor d' un mauvais livre,
ce n' est qu' aux malheureux qui composent pour vivre.
Croyez-moi, résistez à vos tentations,
dérobez au public ces occupations ;
et n' allez point quitter, de quoi que l' on vous somme,
le nom que dans la cour vous avez d' honnête homme,

pour prendre, de la main d' un avide imprimeur,
celui de ridicule et misérable auteur.
C’est ce que je tâchai de lui faire comprendre.


ACTE I, SCÈNE II

LE MISANTHROPE ou L'ATRABILAIRE AMOUREUX
représentée pour la première fois à Paris,
sur le
Théâtre du Palais-Royal,
le 4e du mois de juin 1666,
par la Troupe du Roi.



Théâtre du Palais-Royal

Jeudi soir dernier, c'était au tour du MISANTHROPE de Molière d'être au menu des dévoreurs de mots. C’est toujours aussi bon de se retrouver dans le "noble" salon de La Bordée, là où la Littérature française nous y donne souvent des rendez-vous inoubliables. Un salon baigné par la lumière des siècles inachevés. Un salon de beauté qui a de quoi nourrir l'esprit (et la rate) du Spectateur ébloui autant par ses lueurs que par ses noirceurs.
L’humour, l’humeur, celle de l'atrabile qui coule dans la rate malade d'amour d’Alceste pour Célimène, donne le ton juste à cette pièce qui, mon foie ! n’en finit plus d'être  " à la mode ". L'hypocrisie, la vraie, la bonne, la juste (ou l'injuste), celle qui fait que rien n'a encore véritablement changé depuis 346 ans, incorrigible qu'elle est, tout autant que Celui qui nous l'a si brillamment illustrée. Les mots, les sentiments, et tout le baratin qui les accompagnent, ont fait toutes leurs preuves depuis. Cré Molière ! Toujours aussi près de nous, en nos cœurs follement épris d'amours imposteurs, en nos foies mous fielleux débordant d'unplugged coma...

L’humour, un bien petit mot pour y peaufiner les railleries de ce monde continuellement en bataille, ce monde de chicanes, d'amour, d'escroqueries, qui s’invective, se harcèle, se "victimise " pour quelques dollars de plus ou quelques non mal dits, mal placés dans le travers de nos petites bouches trop grandes gueules. La guerre des sexes: l'épée de l’homme, la rose de la femme.




Revenir en arrière pour mieux longer l'avant...Le Théâtre, ce ressortissant qui sort de l'ombre pour briller quelques instants sous les lumières cerclées de noirceur, nous arrive parfois à l'impromptu, inconnu, étranger, semblable. De la cour des rois, du salon d'un précieux, d'un compagnon d'infortune qui vous demande asile dans les ruelles de son imaginaire. Le Théâtre, ce témoin qui a vu tous les crimes que la scène lui offre... 


CÉLIMÈNE à ALCESTE:


La solitude effraie une âme de vingt ans.
Je ne sens point la mienne assez grande, assez forte,
Pour me résoudre à prendre un dessein de la sorte.
Si le don de ma main peut contenter vos vœux,
Je pourrai me résoudre à serrer de tels nœuds,
Et l'hymen...

Photo: TwoWings

Jacques Leblanc, lui qui sait si bien délié la langue de Molière en tant que comédien, nous en a mis plein les oreilles en tant que metteur en scène; il était assisté par Raphaël Posadas (Le " K  " Buster, Imagination du monde). Un vrai travail d'orfèvres pour y faire briller à nouveau l'or des mots renaissants.

Les mots de vers glissant sur le grand tapis rouge du superbe loft que Michel Gauthier a créé pour les Alceste, Célimène, Oronte et compagnie. Les mots déamdéboulant le long de la rampe des escaliers de la cave des Soupirants de l'inconscient. Les mots s'asseyant les fesses serrées (ou carrées) sur un canapé enflammé par les fourberies et tricheries des Précieux habilement éclairés par les jeux de lumière séculaire de Bernard White. Les mots majestueusement costumés par l'originalité de Julie Morel. Les mots musicalement amplifiés par les sons planants que Stéphane Caron a judicieusement orchestrés pour offrir aux Spectateurs de la Bordée une ambiance tout aussi précieuse que celle de ce mémorable RICHARD TROIS de Marie-Josée Bastien, vu et écouté en mars 2008...De bien beaux souvenirs...

La distribution ?  Impeccable. Olivier Normand, aussi suave et bouillant qu'une sève brute en Alceste amant de Célimène, délicieuse Alexandrine Warren, qui en fait voir de toutes les couleurs à ses prétendants qui sont Réjean Vallée, Nicolas-Frank Vachon et Lucien Ratio, des habitués des grands classiques joués ici à Québec, tout comme Serge Bonin. Pour les accompagner dans leurs hypocrites répliques: André Robillard, un gradué de la promotion 2011 du Conservatoire d'art dramatique de Québec, excellent dans les rôles de valets d'Alceste et de Célimène, qui fera partie des deux pièces mises en scène par Jean-Philippe Joubert la saison prochaine: BRITANNICUS à la Bordée et SEMBLANCE au Périscope, de quoi apprécier davantage l'émergence de ce talent très prometteur. Quant à mesdames Lorraine Côté et Chantal Dupuis, elles ont été comme à l'accoutumée: tout simplement parfaites et justes dans les rôles d'amie et de cousine de Célimène. De quoi me donner envie de réécouter le sublime et admirable MOLIÈRE d'Ariane Mnouchkine et cette scène finale particulièrement touchante.







Le fauteuil de Molière

Des scènes furent tournées dans divers châteaux de France dont celui de VAUX LE VICOMTE. Il est situé sur le territoire de la commune française de Maincy (Seine-et-Marne), à 50 km au sud est de Paris près de Melun. Il avait été construit pour le surintendant des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet. Pour son inauguration, Molière y avait présenté LES FÂCHEUX. C'est un endroit magnifique. C'est d'ailleurs pourquoi le Roi en désira un qui s'en inspira directement: Versailles fût créé, mais ô combien plus démesuré. Je me souviens que la cuisine m'avait fortement impressionnée, tant par ses dimensions que par sa " modernité ". On ne peut pas ne pas avoir une petite pensée pour François Vatel, ce pâtissier/écuyer de cuisine, devenu maître d'hôtel de Fouquet, mais également organisateur de festins à n'en plus finir dont celui du célèbre trois jours au château de Chantilly dans lequel Molière, Lully et compagnie y avaient été invités pour divertir Louis et les quelques 3000 membres de sa cour. Un fastueux banquet qui fit que Vatel se suicida à cause d'une certaine commande de poissons qui n'était point arrivée à l'heure ! La vie de château !!!







VAUX LE VICOMTE
20 septembre 2002
Photo: L.L.


Une semaine après la mort de Molière, les comédiens recommencent à jouer, Le Misanthrope d'abord, dont Baron reprend le rôle principal, puis Le Malade imaginaire, La Thorillière jouant le rôle de Molière. Le 21 mars, c'est la clôture de Pâques. Baron, La Thorillière, le couple Beauval quittent la troupe pour rejoindre l'Hôtel de Bourgogne et un mois plus tard le roi reprend la salle qu'il prêtait gratuitement à Molière pour la donner à Lully, afin d'y représenter ses spectacles d'opéra.

(wikipedia)


LA VIE ET RIEN D'AUTRE


(Entendu à la fin de la pièce : « C’est lourd comme texte. » Lourd ? Peut-être. Molière n’est tout de même pas un poids léger de la Littérature. Certes, ça prend une oreille assez musclée pour tout entendre et tout comprendre, mais Molière, c’est Molière. Lourd dans le sens moins drôle, moins esclaffant, je suis d’accord avec la première impression de cette spectatrice quelque peu déçue qui, sans aucun doute, préfère rigoler plutôt que réfléchir. Mais ça, c'est une autre histoire...)





Illustration: Jean Cocteau

DISTRIBUTION
ALCESTE Olivier Normand
PHILINTE Serge Bonin
ORONTE Réjean Vallée
CÉLIMÈNE Alexandrine Warren
ÉLIANTE Chantal Dupuis
ARSINOÉ Lorraine Côté
ACASTE Lucien Ratio
CLITANDRE Nicola-Frank Vachon
BASQUE et DU BOIS André Robillard

Le texte


mardi 10 avril 2012

PÉRISCOPE: L'ouverture 2012-2013


Photo: L.L. *

Le 3 avril dernier, dans une salle bondée d'abonné(e)s, via son nouveau coordinateur artistique Frédéric Dubois, nous avons eu le privilège d'être informés de la prochaine saison théâtrale du Théâtre Périscope, une saison de sept pièces qui promet de bien belles performances dont celle du BIGGER THAN JESUS de Rick Miller et Daniel Brock, traduite par Marie Gignac. Une saison qui nous invite à l'ouverture et qui nous promet encore beaucoup d'émotions.

QUÉBEC-BARCELONA, de l'auteure espagnole Mercè Sarrias, dans une traduction et mise en scène de Philippe Soldevila; SEMBLANCE, des Nuages en pantalon de Jean-Philippe Joubert; ANGOISSE COSMIQUE, OU LE JOUR OÙ BRAD PITT FUT ATTEINT DE PARANOÏA, un texte primé du danois Christian Lollike, mis en scène par Michel Nadeau du Théâtre Niveau Parking, une pièce pamphlétaire et drôle où les personnages peuvent devenir des lapins ou des anges…Et en reprise pour ceux et celles qui n'auraient pas eu le loisir, ou le temps, de les voir: LE " K " BUSTER, de Raphaël Posadas, pièce dont il fait la mise en scène et y participe en tant que comédien; L'AFFICHE, écrite et mise en scène par Philippe Ducros, une belle prise; et le docu théâtre CHANGING ROOM, d'Alexandre Fecteau, dont j'ai pu admirer tout le talent avec LA DATE jeudi soir dernier. Le PÉRISCOPE présentera également quelques spectacles du FESTIVAL DU JAMAIS LU, une touchante initiative afin de nous faire " rencontrer " de nouveaux dramaturges d'ici.

Histoire de célébrer cette nouvelle saison, nous avons pris un verre de rouge puis sommes allés nous sucrer le bec avec de belles coulées de tire blondes sur la neige, de quoi nous faire saliver en attendant le prochain automne. Merci aux organisateurs de cette charmante soirée.




* Au pied du Christ de Rio, le macaron du Périscope...Tous ses rêves seront ainsi réalisés. ;-)




lundi 9 avril 2012

LA DATE: Loft story ou la révélation au dedans du réel



If I could find a souvenir
Just to prove the world was here
And here is a red balloon
I think of you and let it go




Une mise en scène d’ Alexandre Fecteau, (L'ÉTAPE, CHANGING ROOMS), interprétée par cinq super comicotragédiens : LA DATE, du Collectif NOUS SOMMES ICI, présentée chez PREMIER ACTE : du réel, du juteux, de l’impro. De quoi crever les écrans !


L’ambiance chaleureuse qui régnait dans la salle aménagée en loft a fait lever les rires à gorges déployées, bière et vin à la main. Les images des écrans géants, pour y « voyer » de plus près l’intimité des toilettes pour femmes, nous ont permis de sniffer en gang les reliquats sulfureux de ces soirées bien arrosées passées entre amis. La table était mise pour que nous soyons tous et toutes bien servi(e)s par les anecdotes de date plus ou moins salées de Jean-Michel, Alexandre, Maxime, Sophie et Frédérique, avec en prime, Marie-Ève, la spectatrice élue pour ce soir-là, qui s’est fort bien intégrée au jeu improvisé des comédiens. Du nanan !

La trentaine : cet âge incertain aujourd’hui à mi-chemin entre les dernières frivolités d’une jeunesse qui n’en finit plus de finir et la future maturité des probables ou improbables maternités, celui où l’on franchit, ou non, les portes ouvertes d’un monde dit adulte. Ici, dans le loft bien aménagé de LA DATE, nous sommes passés au travers de la porte-moustiquaire des grandes chaleurs, nous avons franchi les murs mitoyens d’une (in) certaine réalité. Toutes ces histoires de rendez-vous ratés, d’aveuglés cravachés, d’amours périlleux, de fous alliés dangereux, d’intrigués de bas-étage, tout ce qui passe ou casse, rien ne valait mieux que cette soirée passée entre les bras de ces cœurs aux parcours plus ou moins accidentés.


Courtoisie: Premier Acte

Le théâtre dit documentaire agit différemment sur le Spectateur, il le remue autrement. En lui envoyant ses baisers, ses claques ou ses baffes, il lui donne envie d’aller plus loin que le bout de son siège, ou de sa langue.  En le provocant volontairement, il le met lui aussi en danger.  À un moment donné, on a vraiment cru que la pièce était pour se terminer drette là. Lorsque le malaise de Frédérique a fait surgir un silence qui enterrerait les morts, un certain malaise a parcouru le long de nos échines adossées aux sièges des estrades et des divers divans du loft. Nous étions LÀ, en même temps qu'elle et que toute cette bande de (dé) bandés. Même Tim Curry y était ;-).





De voir rire les Ismène, Antigone, Laurie, Frankenstein et cie n’a fait qu’agrémenter cette soirée haute en couleur…et en talons hauts ! Au sortir de la pièce, une fascinante exaltation rayonnait sur les visages plus et moins jeunes de l’assistance, elle songeait sans doute au prochain voyage que NOUS SOMMES ICI lui paierait pour l'emmener un peu plus loin, peut-être ailleurs...




LA DATE

PRODUCTION: NOUS SOMMES ICI
TEXTE: COLLECTIF D'AUTEURS
MISE EN SCÈNE: ALEXANDRE FECTEAU
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE: JOCELYN PARÉ
SCÉNOGRAPHIE: CYBEL ST-PIERRE
CONCEPTION LUMIÈRE: JÉRÔME HUOT
DIRECTION TECHNIQUE: FRANÇOIS LECLERC
COLLABORATEUR: FABIEN CLOUTIER
INTERPRÉTATION: FRÉDÉRIQUE BRADET, JEAN-MICHEL DÉRY, ALEXANDRE FECTEAU, MAXIME ROBIN, SOPHIE THIBEAULT


PHOTOS






Back at base, bugs in the software
Flash the message, "Some thing's out there"
Floating in the summer sky
Ninety-nine red balloons go by