samedi 27 avril 2013

TRAINSPOTTING: le rail des rudéraux



Photo: Thierry Haroun

RUDÉRAL
Du latin rudus (gravats, plâtras, déblais, décombres).

Quand le train roule à vive allure le rail lui fixe une raclée de smack dans la veine noire de sa destinée la mort aux doigts. Le pouls avec lequel il survit et se débat au ras des rudérales lui fout une de ces trouilles, mais tu sais comment il va recommencer dans quelques heures, dans quelques jours, dans quelques mois. Le printemps est arrivé plus mort que vif. Lui aussi. Sa mère crie au meurtre. Son père pleure dans sa bière. Son frère entre dans l’armée. Sa sœur est enceinte d’une aiguille à tricoter le bas du ventre et les avant-bras. Les grammes-Ô-fun lui jouent parfois des mauvais tours. Le temps trépasse. Il rase souvent de se tromper d'adresse...


Photo: L.L.


TRAINSPOTTING, version québécoise de Wajdi Mouawad, c’est pas pour les couilles molles et les cœurs fragiles, non plus pour ceux qui ont une peur bleue de la droye. C’est pas de la petite bière, c’est juste du smack tout le tour de la tête, à côté de la face cachée de la lune. C’est une ligne de ci par là une snif de ça par ci, c'est un drap sale qui s'éclate sous un couvre-pied mince comme une feuille de papier à rouler, c'est un trou dans le plancher, une toilette qui déborde, un gros flash mauve. Parce que c’est pas tous les jours facile dans le monde des Mark, Alison, Tommy, Sick Boy, Francis et compagnie…excès des rats, excès des rates...






Jamais vu le temps passer aussi vite avec cette gang de sautés dans le prélart. Leur jeu, très serré et très physique, le flot fou de leurs répliques d’enfer, débité pendant une heure et demi, nous a jetés au plancher nous autres aussi. Comme des chats abandonnés dans les ruelles d'Édimbourg, c’est icitte aussi que ça se passe, dans le bas de la Basse-Ville de Québec, dans des logements sombres et insalubres, dans les couvertures remplies de toutes sortes de garnitures gluantes.
Tellement de choses à dire que…pus capable. On préfère laisser le monde poison se faire piquer par les vermines qui le tuent à tour de bras pour qu’il puisse vivre au jour le jour sa nuit des longs couteaux. Tant qu’à fouiller dans des poubelles remplies de gras, de sel, de sucre et autres cochonnailles, tant qu’à se faire geler tout rond dans des chambres d’hôtel miteuses, tant qu’à jongler avec les bombes sexuelles du sidatique, tant qu’à lécher les vitrines culturelles des suceurs de cennes, tant qu'à rien faire de sa peau, aussi bien essayer de survivre dans la dèche des pauvres et des mal-aimés.






Marie-Hélène Gendreau a orchestré cette suite pour paumés avec une virtuosité géniale et efficace. Ses quatre comédiens, Lucien Ratio, Jean-Pierre Cloutier, Charles-Étienne Beaulne et Claude Breton-Potvin, aussi bons les uns que les autres, ont joué magistralement de leur instrument. En solo, en duo, en trio ou en quatuor, ils ont été à la hauteur de cette symphonie éco-québécoise. La superbe scénographie de Jean-François Labbé nous a permis d’immigrer dans ces lieux humides et froids, ceux où l’on ne pénètre jamais, ceux qui poussent comme des champignons magiques le long des craques de trottoirs, passages à vider le temps des rudérales des rails, dans les champs de pavot de l'Afghanistan lointain...





Jeudi soir dernier, A. et moi, dans la petite salle pleine à craquer de PREMIER ACTE, avons fait l'un de nos plus beaux voyages de la saison 2012-2013. Une saison qui s’achèvera bientôt avec LES ENROBANTES du Trident jeudi prochain plus quelques pièces du prochain Carrefour International. Déjà nous entrevoyons l’automne pour voir, et revoir dans mon cas, LES AIGUILLES ET L’OPIUM, nouvelle mouture de Robert Lepage. Un autre beau trip rempli d’images, de paroles…et de génie…





                                                                      Kurt Cobain

TRAINSPOTTING

Production: Collectif FIX
Texte: Irvine Welsh
Traduction et adaptation: Wajdi Mouawad
Mise en scène: Marie-Hélène Gendreau
Décor et Éclairage: Jean-François Labbé
Costumes et accessoires: Karine Mecteau Bouchard
Environnement sonore: Philip Larouche
Distribution: Claude Breton Potvin, Lucien Ratio,
Jean-Pierre Cloutier, Charles-Étienne Beaulne


Photos du spectacle: Gabriel Talbot-Lachance

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