mercredi 19 février 2014

ELECTRONIC CITY: Cut ! Lumières !


                                                         Photo: Stéphane Bourgeois


TectoniK, Uberko, Labbé, Pelletier, des noms qui peut-être ne vous semblent pas aussi connus que ceux de Lepage, Mouawad  et compagnie mais qui j’en suis certaine, avec ce spectacle renversant, le deviendront. Renversant dans le bon sens. Tout était en place pour une réussite à tout point de vue: la mise en scène, les lumières, la musique, le décor, les comédiens, imbriqués solidement les uns dans les autres, interchangeables, superbes ! Tout ça dans un PÉRISCOPE toute ouïe et toute oreilles...



WELCOME HOME



TOM à JOY:

« Dans quelle ville jouait-on mardi soir dernier ? Dans quel resto avions-nous goûté à cette succulente joue de veau braisée?  Dans quel théâtre nous étions-nous assis? À côté de qui ? Quelle sorte de journée avions-nous passée ? Avions-nous rit au moins une fois ? Avait-il fait soleil ? Froid ? Nuageux ? Venteux ? Est-ce que le téléphone avait sonné ? Le facteur était-il passé ? Avions-nous reçu au moins un courriel ? Y’avait-il eu une autre tuerie à cause de la jalousie ? L'Auteur était-il enfin arrivé à Québec ? Le pilote avait-il détourné son avion dans la salle ? Je crois que oui...mais peut-être que non...





TOM et JOY atterrirent donc dans l'espace de Marie-Renée Bourget Harvey. Multipliés par quatre, ils commirent de ce festin de gestes et de paroles des actes in-habituels, c'est ce qui fit qu'ils nous captivèrent du début à la fin. Les TOM de Jean-Michel Déry, Gabriel Fournier, Eliot Laprise et Jean-René Moisan, accompagnés des JOY de Laurie-Ève Gagnon, Joanie Lehoux, Noémie O’Farrell et Alexandrine Warren, tous les huit, ensemble, lovés entre eux et contre nous, comme une entité, comme une espèce en voie d'apparition, s'élevèrent du plus haut des cieux au plus creux de la terre...



Bunker de roses
Illustrations: L.L.


Les doigts sur leur clavier, leurs cœurs au ras des pâquerettes, leurs mains dans leurs slips, les yeux dans les yeux, de la teinture dans leurs cheveux, sans vraiment se demander pourquoi, ils programmèrent une danse de jeunes loups. Leurs corps enfermés dans des tours sans nom, des heures et des heures en plein vol, sans se toucher, sans se voir en réel. Leurs cœurs pris entre Paris, Los Angeles et Montréal, leurs âmes mortes à New-York, enterrées à Berlin, ressuscitées à Québec. Leurs jours remplis de vide, à computer leur emploi du temps, à ralentir leur fil de presse, à virtualiser leurs orgasmes, à capitaliser leurs gaucheries, à remplir LA Bourse, à rentabiliser leur quotidien...


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LA DANSE DES JEUNES LOUPS





Pendant que je les regardais composer le présent, je repensais au passé, à celui de nos arrières-arrières-arrières-arrière-grands-parents...Pas de téléphone, pas de télé, pas de radio, que des bateaux et du vent, que des chevaux avec de la vapeur dedans. Le bon vieux temps comme on me le dit encore aujourd’hui et comme je le dis parfois à mes enfants. Un seul instant sans Internet et notre vie bascule dans un océan d’anxiété, là où baigne toute l’Information du bout de nos doigts agiles ou gourds. Heureusement qu'il nous reste encore le théâtre, un des derniers endroits où on nous demande de fermer nos téléphones et avertisseurs avant le spectacle, pour réfléchir autrement à toute cette fulgurante machine d'ondes infernales dans laquelle nous avons tous pris place un jour ou l'autre...



Les Agglomérés
Illustration: L.L.


Mais comme le jour ne cesse de se lever dans ce monde d'ultra informatisés, on vous demandera peut-être un soir d'ouvrir tous vos appareils au lieu de les fermer. Ce sera ainsi fait comme dans la vraie vie. On pourra alors envoyer un texto en direct à l'acteur en coulisse pour lui dire à quel point son TOM, ou sa JOY, est imposant (e) de beauté, qu'il vous rend presque fou/folle. Ou encore on pourra continuer de se tenir au courant pendant la pièce des plus récentes nouvelles de l’Ukraine chaotique, des derniers scores aux J.O. de Poutine, des spoilers rabat-joie de la deuxième saison de HOUSE OF CARDS ou même regarder cette vidéo…





UN GRAND SOMMEIL NOIR

Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie;
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie !

Je ne vois plus rien
Je perds la mémoire
Du mal et du bien…
O la triste histoire !

Je suis un berceau
Qu’une main balance
Au creux d’un caveau :
Silence, silence

Paul Verlaine
(1844-1896)



« Moins une œuvre est comprise, moins vite elle ouvre ses pétales et moins vite elle se fane. »

Jean Cocteau
Extrait des « Entretiens autour du cinématographe »


Photo par L. même,
prise le soir de la première,
le 11 février 2014


JOY to the World

la réjouissance de la sonnerie du téléphone 
 le contact avec la petite boîte du diable, 
ses fils qui se touchent dans ta tête, 
ses mains nues sur ta bouche…




CHILDREN OF THE UNIVERSE













samedi 15 février 2014

ARLEQUIN, SERVITEUR DE DEUX MAÎTRES: En mille farandoles

Photo: THÉÂTRE DE LA BORDÉE


Charles-Étienne Beaulne, Arlequin, nous parle:









Je saute d'île en île. Torcello. Murano.
Si étrange et si beau, le ciel et la lagune.
J'ai acheté pour toi un masque à Burano.
Le mets sur ton visage.
Sur ton front, c'est la lune

Pierre Flynn
Lettre à Venise


À l'heure où je poste ces mots, nous sommes samedi le 15 février, lendemain de petite tempête hivernale, fin de carnaval...La lune est presque pleine et brille... Le théâtre de LA BORDÉE doit s'apprêter à fêter en grand je l'espère bien la dernière de son indémodable ARLEQUIN, SERVITEUR DE DEUX MAÎTRES, une étincelante comédie de Carlo Goldoni remplie de valets, de vieillards et d'amoureux démasqués par des quiproquos qui n'ont guère manqué durant les quatre semaines que durèrent les représentations. Un festin de rires francs, farci de clins-d’œil ratoureux, d’acrobaties verbales et de nez qui voquent. Bref, un brillant exercice mental empreint de CULTURE physique. Un poids lourd de légèreté...



Sortie du Théâtre de la Fenice à Venise
Italie. Gravure sur bois 1886, aquarellée à la main
17 cm X 11 cm
Montée sous passe-partout 
VENDU

1746, Venise, l’année et l’endroit où la pièce fût présentée pour la première fois. C’est fou ce que le temps ne semble pas avoir passé par là mais il a quand même fait un petit détour à LA BORDÉE. Et c'est le grand magicien spécialiste des pièces monuments, inestimable Jacques Leblanc, qui a encore une fois mis en scène, avec tout le brio qu'on lui connaît, ces jeunes comédiens et comédiennes de Québec avec qui nous aimons tant nous retrouver soir après soir.


Marc Auger
Photo: Nicola-Frank Vachon

(« SVP Monsieur Leblanc, on en prendrait encore un peu de ce plat ! »)



Les impayables Emmanuel Bédard et Jean-Michel Girouard, comme à leur fidèle habitude, nous en ont fait voir de toutes les couleurs avec leur humour pittoresque. Charles-Étienne Beaulne a offert une prestation tout à fait délirante: mimiques, gestuelle, un turbo-verbo-moteur comme je les aime. Ses acolytes mâles, Patric Saucier, Marc Auger, Simon Lepage et Maxime Perron, l'accotaient sans relâche dans leurs répliques au quart-de-tour, tout autant que ses consœurs, Frédérique Bradet, Joëlle Bourdon et Marie-Hélène Gendreau. On pouvait sentir toute leur complicité et le plaisir qu'ils avaient à jouer ENSEMBLE.

Sur la gravure ci-haut,  on ne voit pas les visages de ces gens qui sortaient du théâtre La Fenice, mais on peut assurément s'imaginer que s'ils sortaient d'une pièce de Goldoni qu'ils étaient fort probablement tout sourire et donc heureux d'avoir assister à un régal royal de péripéties toutes aussi savoureuses les une que les autres. Mais que c'est triste Venise....Quand on pense qu'on prévoit qu'elle disparaîtra sous 10 mètres d'eau vers la fin du XXIeme siècle...





Le mariage, et ses plus ou moins grands arrangements, la légèreté des âmes, les frivolités de l'amitié, les pieds dans les plats (au sens propre comme au figuré), les portes des cœurs qui s'ouvrent, qui se ferment, les culbutes, les répliques, le tournicoti tournicoton, le bien contre le mal, un parfait antidépresseur * dans le cadre de ce février plutôt sanglant au Québec...Et l'amour, le simple comme bonjour ou le plus compliqué, celui qui tôt ou tard finira toujours par se montrer le bout du nez...gelé...


Une excellente critique de Sylvie Nicolas du DEVOIR

http://www.ledevoir.com/culture/theatre/398214/leblanc-serviteur-de-nombreux-maitres








LE TEXTE: Carlo Goldoni
LA MISE EN SCÈNE: Jacques Leblanc
ASSISTANT: Jocelyn Paré
LE DÉCOR: Michel Gauthier
LES ACCESSOIRES: Ariane Sauvé
LES COSTUMES: Denis Denoncourt
LES MAQUILLAGES ET PROTHÈSES: Vanessa Cadrin
LA MUSIQUE (originale): Marc Vallée

L’ÉQUIPE DE PRODUCTION

DIRECTION DE PRODUCTION: Félix Bernier Guimond
DIRECTION TECHNIQUE: Nadine Delisle
RÉGIE GÉNÉRALE: France Deslauriers
CONSTRUCTION DU DÉCOR: Conception Alain Gagné
CONFECTION DES COSTUMES: Par Apparat confection créative


LES ACTEURS 

Charles-Étienne Beaulne: Truffaldino (Arlequin)
Joëlle Bourdon: Smeraldina
Emmanuel Bédard: Pantalone
Jean-Michel Girouard: Silvio
Marie-Hélène Gendreau: Clarice
Patric Saucier: Dottore
Simon Lepage: Florindo
Frédérique Bradet: Béatrice
Marc Auger: valets
Maxime Perron: Brighella



Charles-Étienne Beaulne


Cette photo est de Nicola-Frank Vachon, que nous irons voir le 25 février dans DÉTOUR DE CHANT chez Premier Acte

http://nfvphotography.wordpress.com/2014/01/30/arlequin/



ÉQUILIBRE ET GRAVITÉ 
Raymond Warren 
Centre Materia
(jusqu'au 23 février 2014)


Comme un prélude à la pièce, cette fascinante exposition de Raymond Warren, un céramiste des Bois-Francs qui fait bouger la matière par le feu...de l'action. Truffaldino les aimerait bien je pense...;-)

Probablement l'une des plus grandes chansons de Pierre Flynn, LETTRE DE VENISE...Trouvez-la parmi les autres toutes aussi belles...





*http://www.lactualite.com/sante-et-science/sante/antidepresseurs-le-canada-sur-le-podium/


mercredi 5 février 2014

VENTRE: les mains du coeur


Photo: Cath Langlois



« Les mots essaient d’épouser la nature et de l’emporter. Ainsi j’ai dit “montagne” et j’emporte la montagne en moi avec ses hyènes et ses chacals et ses ravins pleins de silence et sa montée vers les étoiles jusqu’aux crêtes mordues par les vents… mais ce n’est qu’un mot qu’il faut remplir »

Antoine de Saint-Exupéry
CITADELLE


Les ventres qui s’affament
Les ventres qui s’enflamment
Les ventres qui saignent
Les ventres qui s’aiment

Les ventres qui s’ouvrent
Qui se teignent en rouge
Qui se peignent en chair

Les ventres au centre de la mère

Les ventres qui s’enflent
Les ventres qui enfantent
Les ventres qui se fendent
Les ventres qui se vendent

Les ventres qui chantent
Les ventres qui dansent
Les ventres qui s'évident

Les ventres que la faim fait crever
Les ventres qui font l’amour à l’été
Les ventres qui se font allaiter
Les ventres qui se font des pieds de nez

Les ventres qui forment les mains
Les ventres où poussent des seins
Les ventres au centre de la terre
Parmi les cercueils remplis de bière

Les ventres qui ont peur du froid glacial 
comme des grandes chaleurs
Les ventres qui émergent de la plage
Les ventres qui s'emplissent de voyages...



Photo: L.L.
Extrait des OEUVRES CRÉATRICE 
de Claude Gauvreau



VENTRE, un texte qui frappe fort, qui happe les neurones, qui défibre le cœur, qui mettent des bas résille à la ville vieille fille. Un texte qui  déstabilise. Des mots qui pètent des coches, qui s’accommodent tant bien que mal des amours qui ont mal aux dents dans le gris rose du quotidien.

Steve Gagnon, tel un récidiviste qui sort d’une prison pleine de grandes possessions et de petits moyens, nous a livré à nouveau un message d’espérance qui ne craint ni les anges ni les démons. Avec ses mots qui commencent à peine leur révolution, il continue ainsi de gravir SA montagne. Et pour avoir escaladé, avec ravissement, ceux de son imposante MONTAGNE ROUGE (SANG) en novembre 2010, c’est avec une patience fébrile que j’attends la suite de cette puissante trilogie.



***


C'était notre première sortie de la saison 2013-2014 chez PREMIER ACTE, nous étions donc fort réjouis de prendre place, au premier rang ce soir-là, pour y admirer de près la magnifique performance de Marie-Soleil Dion, dont j’avais eu le plaisir de découvrir le talent dans 6 :30 du PROJET UN. Avec ses brillantes noirceurs et dans le plus vif de ses ardeurs, elle nous a ouvert un espace qui a passablement malmené le moteur de nos émotions. Comment ne pas s’être fait prendre à son jeu ? C’est ce qui fait que nous aimons tant aller vivre au théâtre. Steve Gagnon, qui lui donnait la réplique avec aplomb, autant dans ses silences assassins que dans ses phrases crève-cœur, a fait vibrer certains de nos plus beaux malaises sponsorisés par une société en état de choc…(et quelques vilains commanditaires). On ne se guérit peut-être pas de tous nos maux à chaque fois qu’on assiste à de telles représentations mais on grandit, on évolue, pouce par pouce, pièce par pièce, main dans la main…


Photo: L.L.
(autre extrait de Gauvreau)


Une mise en scène fort efficace et enivrante de Denis Bernard, doublée d'une scénographie absolument délirante de Lucie Bazzo: un véritable coup fumant ! Cette baignoire, qui semble faire les beaux jours des comédiens et comédiennes de Québec qui l’habitent, donne envie, comme spectateur, de se mouiller davantage dans le chaud émoustillant de la passion comme dans le froid surprenant de la déraison. Ne serions-nous pas tous dans le même bain après tout !



VENTRE

Texte: Steve Gagnon
Mise en scène: Denis Bernard
Scénographie: Lucie Bazzo
Musique: Uberko
Direction technique: Mathieu C. Bernard
Régie: Jean-Philippe Côté
Direction de production: Claudiane Ruelland

Direction administrative: Jean-Michel Girouard





ALBERTINE EN CINQ TEMPS: Parfums de femmes in memoriam

L'ISLE-VERTE
23 JANVIER 2014



GISÈLE, DENISE, NOËLLA, MARIE-LAURÉAT, RITA, MARIE-JEANNE, ADRIENNE, MADELEINE, ODETTE, JEANNE, VIVIANE, JACQUELINE, ROSE-AIMÉE, SIMONE, JULIETTE, THÉRÈSE, LUCIENNE, ANGELINE, JEANNE-D'ARC, ÈVA....Pierrette, Bernadette, Georgette, Marielle, Suzanne, Irène, Lucille, Marguerite, ALBERTINE…etc…etc…



Marguerite et Pierrette,
en mil-neuf-cent quelque chose




Le 23 janvier au matin, dans le confort chaleureux de nos foyers hivernaux, on apprend, via les médias, qu'un drame terrible s'est déroulé à l’Isle-Verte dans la nuit glaciale de ce 23 janvier 2014. Trente-deux de nos aînés ont péri dans l’incendie de leur foyer, sans doute lui aussi chaleureux que les nôtres...

Le 23 janvier, c'était également le 89ème anniversaire de naissance de ma tante Lucille, la deuxième des sœurs de ma mère, ou la 3ème si l'on compte sa demie-sœur Marie-Jeanne. Lucille qui vit maintenant dans un centre pour personnes aînées à Sainte-Agathe-des-Monts, a sûrement dû avoir, comme la plupart des Québécois, une pensée pour les disparu(e)s de l’Isle-Verte, son fils Yves ayant habité ce magnifique village pendant plusieurs années. Et comme le hasard se fait presque toujours le complice de ces journées funestes, c’était le même jour où nous allions voir l’ALBERTINE EN CINQ TEMPS du cher et vénérable Michel Tremblay

Quelle belle et heureuse coïncidence: Albertine qui entre au foyer à 70 ans, qui nous fait revivre à travers le talent exceptionnel de cinq comédiennes d’ici et d’ailleurs, des passages plus ou moins douloureux de sa vie de femme, avec le fantôme omniprésent de sa sœur Madeleine, naïve et douce, partie un peu trop tôt. Mais la plus belle des coïncidences était celle que nous emmenions avec nous ce soir, tante Bernadette, une jeune et pétillante dame de 92 ans, 92 faits comme disent les anciens. Bernadette qui vient tout juste d’emménager dans une résidence pour personne âgées de Québec après avoir passé presque toute sa vie dans le village de Sainte-Croix, là où s'est joué il y a quelques jours un autre malheureux drame familial. Bernadette qui fait partie du cercle des bâtisseuses du Québec rural, ayant élevé presque à elle seule ses cinq enfants, son mari ayant été sauvagement attaqué par la maladie, le laissant paralysé. Bernadette qui ainsi tenu la quincaillerie, a appris à peindre, à dompter l'ordinateur, et quoi encore ? À créer, à travers chaque jour qui passe, un événement, une fête, un destin, sa vie...



Photo: LE TRIDENT


Les jupes vertes, les corsages jaunes, la jupe jaune, le corsage vert, une petite robe fleurie, une jupe noire sexy stretch de l’Albertine waitress serveuse aux tomates...La rage enfant des 30 ans, la révolte maman des 40, la beauté middle-age du pétant 50, la paix pilule des 60, la sécheresse des 70…Des escaliers, des deuxième, des troisièmes, des caves, des parcs, une ville, des rues, de l’asphalte, des carrés verts, des triangles amoureux, un cercle de folie...De la violence, du sexe, des enfants...La maison, les fenêtres, LA PORTE ! Et mes larmes, non prévues, dans le rouge final de la dernière scène…(je pensais alors aux flammes infernales de l'Isle-Verte, celles qui ont léché les corps probablement déjà endormis et fait fondre les marchettes )...

***

L’éloignement ? Le  rapprochement ?  Où s’en vont mourir les rêves de ceux et celles qui les ont vécus dans le plus profond de leurs beaux tourments ? Dans la cage où le cœur est un oiseau, le chant des femmes hantées par la beauté, la douleur de l’enfantement, la peur des grands retournements, le plaisir et l’inquiétude  de voir pousser tous croches les fruits de leurs amours tordus…Tremblay parle du cœur des femmes, de leurs parfums, de leur misère, du mystère qui les fait naître et puis mourir. Il est le propriétaire unique de la clef de leurs songes...

Ce soir nous étions tous et toutes la voisine de palier d’Albertine, nous étions tous et toutes des berceurs d’émotions vives dans la chaleur de son foyer. Pour ajouter une autre belle coïncidence : ma voisine de gauche, dans la jeune trentaine, qui me révèle qu’elle a déjà joué le rôle d’Albertine alors qu’elle avait tout juste 18 ans. Une soirée parfaite dont nous nous souviendrons longtemps elle et moi et j'espère bien la majorité de la salle.


***

Nous sommes allés reconduire tante Bernadette, qui avait « un peu » dormi durant la représentation. Après tout, c'était bien normal, puisqu'elle avait joué aux cartes tout l'après-midi avec des membres de sa famille, elle nous avait accompagnés à la salle à manger pour le souper, avait bu une coupe de vin, puis mis ses bottes, son foulard et son manteau au gros frett de janvier pour sortir au Grand Théâtre. Toute une journée pour elle. Elle qui possède la clef de son propre bonheur ainsi que celle de son superbe 3½. Et de savoir que cette résidence pour aimés possède des gicleurs  a eu de quoi me rassurer quant à sa sécurité. Elle le mérite bien. Bernadette, une personne qu’il faut un jour ou l’autre mettre à son agenda parce que la vie c’est la vie et que c'est ce qui la maintient...en vie…






La légendaire Monique Miller, l’inconcevable Lise Castonguay, la remarquable Marie Tifo, la talentueuse Eva Daigle, la touchante Émilie Bibeau et la sublime Lorraine Côté nous ont fait passer un morceau d’anthologie, un moment impérissable, un bien-être...sociable…La mise en scène de Lorraine Pintal, sobre mais tellement efficace, nous a littéralement transportés dans les rues et ruelles d'un Montréal typiquement Tremblay, le beau pique-nique au beau milieu du Parc Lafontaine, avec l'éclairage ambiant qui sert si bien le langage unique des mots qui torchent le temps et l'emportent on ne sait trop où. Albertine restera l'éternelle femme de l'année...



Photo: Journal de Québec
Émilie Bibeau, Marie Tifo, Lorraine Côté, 
Èva Daigle, Monique Miller, Lise Castonguay



ALBERTINE EN CINQ TEMPS


SCÉNOGRAPHIE: Michel Goulet
COSTUMES: Sébastien Dionne
ÉCLAIRAGES: Denis Guérette
MUSIQUE: Jorane


Photos du spectacle

http://www.flickr.com/photos/letheatredutrident/11965114103/






dimanche 2 février 2014

VIANDE À CHIEN: Danse avec le loup

Photo: L.L.
Saint-Roch
Prise le 13 janvier 2014,
soir de la représentation au Périscope



 New car, caviar, (HOMARD) four star daydream,
Think I'll buy me a football team.

Pink Floyd





Le fameux juron VIANDE À CHIEN du célèbre Séraphin de Jean-Pierre Masson a bercé pendant longtemps mes tendres oreilles d’enfant. Je me souviens de mon oncle Gilles qui nous l’imitait parfaitement durant le temps des Fêtes ou à l’occasion d’une quelconque réunion familiale, nous étions toujours aussi étonnés de l’entendre. LES BELLES HISTOIRES DES PAYS D’EN HAUT, c’était LE téléroman, après LES PLOUFFE. La pauvre Donalda, fille de Bidou, le fringuant Alexis, le bougonneux curé Labelle, le placotteux père Ovide,  joué par Pierre Daigneault (qui habitait la rue De Galais à Laval, la même que nous, que mon père connaissait par affaires pour y avoir joué de la trompette dans l’une des soirées qu’il animait), et plein d'autres comédiens qui ont contribué au mythe qu'a créé Claude-Henri Grignon, mythe qui serait revu par Alexis Martin, Jonathan Gagnon et Frédéric Dubois, qui lui le mettrait en scène. De quoi nous intriguer et comment !


Le trio infernal
Jonathan, Frédéric et Alexis


Parce que rien n’a vraiment changé. Tout est pareil ou semblable. L’or est encore à vendre. L’argent à acheter. Le lait, la viande, les céréales, le pétrole, le bois, la terre, tout est matière à spéculer. On achète, on vend, on fait faillite, on emprunte, on hypothèque, on revend, on rachète, on s’amuse ou on végète…La bourse c'est la vie quoi ! Pis le soleil....



Illustration: L.L.


Le soleil emmène au soleil
et la pluie se répand
quelque part dans un autre univers

Jean-Pierre Ferland
LE SOLEIL EMMÈNE AU SOLEIL


Séraphin est froid, sa femme belle, et leur décor est à leur image. L’écran, l’objet le plus précieux au centre de cette maison sans âme, qui nous instruit de la fonte des glaciers, des marchés boursiers, des vols, des meurtres, des révolutions, des statistiques, de l’angoisse cosmique ou du jour où Brad Pitt fût atteint de paranoïa. L’écran des jours sans reflets, le temps qui s’y perd, le temps qui s'y gagne. Le temps, frère aîné de l'argent. La petite gorgée de vin diluée avec de l’eau pour étirer la sauce claire de la sensation de ce semblant de bien-être social. Comment ne pas s’être senti désillusionné devant ces vies sans vie ?


Les arbres ont-ils de quoi mentir ?
Le ciel est-il plus haut qu’ailleurs
À Sainte-Adèle P.Q. ?
La montagne a-t-elle un sourire
Et la rivière, quelques pleurs
À Sainte-Adèle P.Q. ?

Jean-Pierre Ferland
Sainte-Adèle P.Q.




Photo: Yan Doublet
LE SOLEIL


Dans la cabane Fisher-Price du loup du Chien d’or street, 
à l’abri des regards sans lumière, 
celle sur ses trésors et trophées de poussière,
scènes noires de l’usurier, 
démangeaison de la varice…


Sébastien Dodge a particulièrement retenu mon attention avec son Séraphin froid et sombre; il y était pour beaucoup dans le jeu des autres protagonistes dont la lumineuse Noémie O’Farrell qui, comme à son habitude, nous a transportés au-delà du réel. La naïveté avec laquelle elle jouait apportait une note humaine à ce drame domestico-social. Quant à Jonathan Gagnon, toujours aussi convaincant et touchant, quel que soit le genre de personnage qu’il interprète, il aura à nouveau fait reluire son talent.




C’est la voix reconnaissable à mille lieues de Robert Lepage qui nous avait introduit dans cette nouvelle histoire des pays d’en haut. Et à la fin, ce fût celle d’un autre Lepage, Roland, doyen des comédiens de Québec, que nous voyons de moins en moins sur scène mais que nous côtoyons régulièrement en tant que spectateur. C’est toujours une réjouissance de le voir aussi pétillant de jeunesse, aussi vivant, aussi disponible. On le manque et on lui manque. 








JOS (MELOCHE) DESROCHERS
VIANDE À CHIEN




« Le jeu est truqué. On ne peut pas gagner. Le loup retombe toujours sur ses pattes parce qu’il est parvenu à nous convaincre que, s’il s’effondre, nous aussi. »
David Desjardins
LE DEVOIR, 18 janvier 2014







DOLLARS AND CENTS
RADIOHEAD

You don't like living in a business world

You don't have goals and you never stay

There are no more goals in our liberal world

Living in times when I could stand it







Bidou: masculin
(Québec) Argent, monnaie
Mon frère m’a donné des bidous



La danse à Séraphin





Golden boy (litt. en anglais garçon en or, ou simplement as) désigne dans son acception commune un trader ou boursier sur les marchés financiers.




Le Fonds lance et compte lors de l'annonce spectaculaire de l'investissement dans le club de hockey Les Nordiques de Québec, le 29 novembre 1988. Le PDG Claude Blanchet (deuxième à droite) est tout sourire aux côtés du président des Nordiques, Me Marcel Aubut (troisième à gauche). (Photo Alain Gauthier)






« Les pertes dans les élevages ont été phénoménales en 2008 et en 2012. Selon la firme CattleFax [qui fournit des informations sur les marchés du boeuf], chaque bouvillon mis en marché représentait un déficit de 200 $ sur leur coût de production», explique Anne Fornasier, agro-économiste à la Fédération des producteurs de bovins du Québec (FPBQ).


VIANDE SUSPENDUE


Hommage à  « UN HOMME ET SON PÉCHÉ »







MONEY 
THE FLYING LIZARDS