samedi 29 juillet 2017

LA FUREUR DE CE QUE JE PENSE : all in dans le fracas des tollés


ENTRE L’EXCÈS ET LE NÉANT
VIVRE L’IMPOSSIBLE OU MOURIR

Nelly Arcan
PUTAIN


Finalement, Martine m'apprend que le blogue de Nelly Arcan (www.20six.fr/nellyarcan) était un canular de l'écrivain Patrick Brisebois. Et qui me dit que c'est un écrivain qui se cache derrière cette blague devenue blogue ? Ce pourrait très bien être Thierry Ardisson ou le fantôme de Jacques Villeret. Qui croire désormais si même Nelly est factice ?


"Suicidez-vous": ainsi s’amorce TRÉPANÉS dans sa première édition. Et même si Patrick Brisebois se défend d’avoir voulu provoquer, dans une scène du roman qui se déroule au Festival international de la poésie de Trois-Rivières, l’auteur nomme quelques écrivains connus et reconnus, les met en scène d’une façon peu flatteuse. "À l’époque, j’avais des comptes à régler avec le milieu poétique. Mes recueils avaient tous été refusés et j’avais le goût de me venger. Ce que j’ai écrit est blessant, un peu comme un sketch de RBO qui traite une chanteuse de grosse… Je m’en rends compte aujourd’hui. Je me cachais dans les salons du livre! Et pour ce qui est de mon personnage complètement evil qui lance un appel au suicide, j’ai un ami qui s’est tué, et la mort de Nelly Arcan m’a bouleversé… Dans la dernière édition, j’ai supprimé ce qui ne servait pas l’histoire."




Vendredi 2 juin 2017

Bonsoir L.

C'était une soirée très solennelle, triste aussi.
Nous étions sur nos gardes tout le long.
Les comédiennes étaient imprégnées de l'âme
de Nelly, Evelyne de la Chenelière et Christine Beaulieu
d'après moi étaient plus-que-parfaites.
Et j'ai découvert en Nelly Arcan une écrivaine, une vraie.
Je n'avais lu aucun de ces textes. Disons que j'ai été
admirablement étonnée de tant de beauté féroce
comme disait VLB. A. a aimé la scénographie (moi aussi)
et la musique: sublime ! Un ravissement de spleen...

"un petit bout d'orage à l'horizon"

PARADIS, CLEF EN MAIN et PUTAIN ont fait leur entrée dans ma bibliothèque après l’unique représentation de cette prodigieuse mise en scène de Marie Brassard. Chacun des tableaux nous révèle une Nelly Arcan comme elle s’est décrite dans ses publications et c’est tout à l’honneur des sept femmes qui l’ont personnifiée avec grâce, intelligence et stupeur. Les extraits de PUTAIN, FOLLE et L’ENFANT DANS LE MIROIR, judicieusement choisis pour cette rencontre post-mortem d’une auteure qui aura laissé sa marque dans l’espace littéraire d’un Québec qui me donne encore l’impression qu’il se cherche.



LES TABLEAUX

LE CHANT PERDU, Anne Thériault
LE CHANT DES MIRAGES, Sophie Cadieux
LE CHANT OCCULTE, Christine Beaulieu
LE CHANT DE L’ÉTHER, Julie Le Breton
LE CHANT DU SANG, Johanne Haberlin
LE CHANT DE L’OMBRE, Evelyne de la Chenelière
LE CHANT DES SERPENTS, Larissa Corriveau



Parce que la vie n’est qu’un infime fragment de ce qui vient après elle. Parce que les femmes qui la chantent se trouvent cloîtrées dans la même pièce. Parce que leurs frasques en même temps que leurs peurs ne forment qu’une seule et unique auteure. Parce qu’il existe de jour comme de nuit dans leurs têtes à queues de sombres rideaux rouges, de la lumière laide et des lampées de dèche défraîchie. Parce que le corps s'est dévissé de l’âme. Parce que le lit est toujours défait. Parce que les pères attendent la fin du monde. Parce que les mères sommeillent au bois dormant…

DÉSORMAIS ET DEPUIS

Nelly Arcan, juste avant Reinaldo Arenas, maintenant dans ma bibliothèque. Arenas, un autre qui s'est enlevé la vie d'une façon tout aussi dramatique. Comme Marilyn Monroe, décédée elle aussi à l'âge de 36 ans...

FRAGMENTS 
Poems, Intimate Notes, Letters


Nelly Arcan

LA FUREUR DE CE QUE JE PENSE

CRÉDITS

ComédiennesChristine Beaulieu, Sophie Cadieux, Larissa Corriveau, Evelyne de la Chenelière, Johanne Haberlin, Julie Le BretonAnne Thériault
Collaboration à l’adaptation et dramaturgie : Daniel Canty
Scénographie et accessoires : Antonin Sorel
Assistance aux accessoires : Alex Hercule Desjardins
Lumières : Mikko Hynninen
Musique : Alexander MacSween
Son : Frédéric Auger
Costumes : Catherine Chagnon
Assistant aux costumes : Éric Poirier
Maquillages : Jacques-Lee Pelletier
Coiffures Patrick G. Nadeau
Direction de production : Anne McDougall
Direction technique décor : Jean-François Landry
Direction technique : Matéo Thébaudeau
Agent de tournée : Menno Plukker Theatre Agent Inc (menno@mennoplukker.com)
Production : Infrarouge
CoproductionThéâtre français du Centre national des arts du Canada (Ottawa), Festival TransAmériques (Montréal), PARCO (Tokyo)

LA METTEURE EN SCÈNE





 Loving can heal, loving can mend your soul
And it's the only thing that I know, know

I swear it will get easier,

Remember that with every piece of you
Hm, and it's the only thing we take with us when we die



Extraits de PUTAIN

entre une mère qui dort
et un père qui attend la fin du monde
entre la race des sorcières aveugles
et des belles-mères jalouses
MIROIR MIROIR MIROIR
dis-moi qui est la plus belle ?

Photo: Guillaume Simoneau

Un petit bout d’orage à l’horizon
Un gilet trop jaune
Une schtroumpfette noyée dans la glace
La misère des hommes à aimer les femmes
Et le rôle qu’on joue dans cette misère

Le pommier dans ma cour le 31 mai 2017
Photo: L.Langlois

Je ne veux pas de cette vie garnie d’horaires, de levers et de couchers entre lesquels on se répand en gestes répétés, en rendez-vous d’affaires, je ne veux pas de la vie que tous vivent sans accroc ou presque, une petite crise dans la quarantaine, un divorce et une hypothèque, les menues contrariétés qui tissent le quotidien...

La femme de LOTH

À force d’être une statue de sel à la mémoire d’un dieu qui a depuis longtemps perdu la mémoire d’elle-même si vous ne voulez pas en  entendre parler, je dévoilerai mes coutures de poupée qu’on a jetée en bas du lit même si ce n’est pas le moment, je me tuerai devant vous au bout d’une corde, je ferai de ma mort une affiche qui se multipliera sur les murs, je mourrai comme on meurt au théâtre, dans le fracas des tollés


Et si je veux me pendre c’est pour qu’on me porte, pour ne plus avoir à mettre le pied à terre et m’abandonner à ma lourdeur de chienne tenue en laisse Jusque dans le piétinement de la pensée…Il faut voyez-vous réinventer la vie pour en savoir quelque chose...


Et sur ces photos  de jeunesse on voit bien que ma mère était jolie. Il faut dire qu’on est toujours plus beau en noir et blanc, la peau devient claire et lisse, les rougeurs disparaissent et bien davantage, on y est plus jeune aussi, au moins dix ans de moins…Ces rides qui auront plus de vie que toutes mes années de jeunesse...On finit tous par mourir de la discordance de nos amours...Je m’appelle Cynthia et vous le savez déjà, ce nom n’est pas vrai mais c’est le mien, c’est mon nom de putain, le nom d’une sœur morte qu’il m’a fallu remplacer...


Et désormais on sait trop bien ce qui ne nous attend pas, on sait le vide de ce qui manque et le compromis des choses qui sont...L’écriture est un principe de mort...Et désormais il n’y a de vie que dans le microcosme des cafards qui grandissent quelque part dans la moiteur des murs...Voyez-vous il faudrait que je soumette le monde à mon désordre pour en savoir quelque chose...Il faudrait refuser tout homme qui ne nous aimerait pas d’un même amour...Je pense au prochain texte à écrire pour mes cours de littérature, à Antonin Artaud qui souffrant de voir les femmes enceintes, qui mourait de figurer ces enfants à naître parmi ceux qui sont déjà en trop…


Moi et mes chaussettes blanches qui montaient jusqu’aux genoux et ma jupe à carreaux les petits souliers vernis et tout le reste…Et à bien y penser je suis devenue anorexique le jour où mon sexe est venu à bout de mes nattes et de mes souliers vernis, des jeux de marelle et des prières du soir…Ce qui me tue m’attendait bien avant que je naisse…Il y a trop de dos pour que j’arrive à croire que c’est ça la vie, un long monologue de pieds qui tambourinent sur ce qui n’a pas été fait...

La science du cœur 
est un objet d'abstraction propulsée 
Par la volonté qu'ont les gens tristes, 
à se laisser toucher



Extraits de PARADIS, CLEF EN MAIN

Ainsi sont la plupart des suicidaires, bouffés par l’urgence de s’en aller loin des autres, de prendre la porte du monde; réduits à leur petite personne détestée, penchés sur leur grande noirceur. Ainsi sont les suicidaires : incapables d’esprit d’équipe ni de retenue, d’économie, toujours à la recherche de l’éclatement physique dans la solitude de leur tourmente...

Rue Saint-Joseph
Photo: L.Langlois

À mon avis, la femme, en représentation ou non, en chair ou en plâtre, et même s’il s’agit d’une sainte et que cette sainte-là est la mère de Dieu, n’a pas encore, dans les organisations cléricales actuelles, le pouvoir politique pour diriger les troupeaux de brebis égarées…Toutes les poupées que j’ai eues, et j’en ai eu beaucoup, étaient des cadeaux à mon image de ma mère qui en faisait collection, et elles n’ont été que des petits cadavres distrayants, éducatifs, de la viande morte en plastique...

BARBIES DANS LE VINAIGRE 
(format de voyage) 
1999  
Gabriel Lalonde


« Une fois que la force des autres  commence à prendre de l’expansion, les écrasés commencent du même coup à mourir...Le désir de mourir, du moins, commence à germer, à fleurir. Jusqu’à tout recouvrir...
(L’oncle Léon)

LE BOUTON ROUGE
Le bouclier de la colère
Le caniche blanc,
Immaculé et frisé,
Haïssable
Le caniche blanc
Le chien de la mort,
Venait me visiter une dernière fois
C’était l’oreille qu’on m’offrait
Pour entendre mes dernières paroles


La fin du monde arrive et le citronnier, 
ingrat, indifférent dans sa majesté, 
se gorge de citrons 
qui se dénombrent par dizaines. 
Il se fiche de nous, de la fin, 
il poursuivra son œuvre végétale 
en dépit de la disparition 
de la main qui le nourrit..

Citronnier Meyer