samedi 19 août 2017

LE PLONGEUR: bruits de service sur fond de nuit blanche

Illustration: Rachel Monnier

Ce qui brûlait, c’est tout ce que je touchais. Argent, chums, amies, projets. Tout finit par disparaître, je le savais. Mais je continuerais à jouer quand même.

Stéphane Larue
LE PLONGEUR
Le Quartanier
(p.346)

Avec le décor féerique de la neige lourde déposée sur les arbres de la ville, le retour au bercail en autobus m'a paru en être un de rêve. Avec en tête les symboliques personnages de Fabcaro, plus ceux que je commence à peine à apprivoiser dans les très prometteurs premiers romans LE PLONGEUR et NUIT; le premier de l'ex-blogueur Stéphane Larue, survivant des restos de Montréal, et le second, d'Edgar Hilsenrath, survivant des ghettos de Transistrie (que l'excellent libraire Christian Girard de chez Pantoute, m’a un jour suggéré), la Nature et la Culture étaient de mon bord…

20 décembre 2016

Extrait de FIGUREC : petit sourire en coin pour beaux grands malaises.

http://envapements.blogspot.ca/2016/12/figurec-petit-sourire-en-coin-pour.html


© COMSTOCK IMAGES JupiterImages

Le 10 avril dernier, dans le ciel de Québec, il y avait encore plein de gros nuages gris qui le recouvraient. C’était une superbe occasion de remettre les pieds au Centre des Congrès pour aller y faire marcher mes petits yeux dans les milliers de volumes qui remplissaient les kiosques du Salon International du Livre de Québec. Il était environ 15 heures, les élèves quittaient alors l’enceinte (ouf!) pour y laisser entrer leurs aîné(e)s de 60 ans et plus, qui n’avaient rien à débourser pour leur entrée (au coût de 5 dollars). Vieillir ça a aussi ça de bon, n'est-ce pas Line ? ;-) 

Il y avait plusieurs années que je m'absentais de ce rassemblement populaire, en partie à cause du trop grand nombre de vedettes, de chefs cuisiniers et autres auteurs plus ou moins ésotériques qui l'occupaient. Mais cette année, admettons qu’il y en avait deux ou trois que je tenais à  rencontrer, dont Stéphane Larue, LA révélation littéraire de l'automne dernier, et de l'heure je dirais. LE QUARTANIER, maison d'éditions qui se démarque par l'originalité des textes des auteurs qu'elle signe, est sûrement plus que satisfaite de la note presque parfaite que l'ensemble des critiques et des libraires ont accordée à leur barman auteur.     

https://www.lequartanier.com/


Photo: Justine Latour


Illustration: L.Langlois
alias Claude E. Larousse
LA COURBE DU TEMPS


La lecture de son volumineux premier roman, acheté le 2 décembre dernier à la Librairie Pantoute, soit quelques semaines après sa parution en novembre, et que je venais tout juste de terminer la veille de notre première rencontre, a comblé toutes mes attentes. Son histoire nous décrit le monde singulier et souterrain des plongeurs, ceux qui en suent et en bavent un coup pour en arriver à closer le restaurant avec toute l'énergie des temps records et ce, sans y commettre le moins de gaffes possibles. Elle 
ressemble à de la docu-fiction, ce qui m’a directement ramenée aux emplois d’été que mes deux fils ont eu à exercer dans un restaurant situé au Vieux-Port de Québec alors qu'ils étaient étudiants. D'ailleurs, J., mon aîné, travaille toujours dans ce milieu mais en institution. Et je peux le confirmer : tout était tel que lu dans les quelques 568 pages de cette fastueuse brique de papier qui lui a valu le 8 mai dernier Le Prix des Libraires 2017. Voici d'ailleurs ses remerciements, qui étaient fort touchants. Plus un extrait lu par Vincent-Guillaume Otis, Maxim Gaudette et Fanny Mallette. Et qui sait si un jour il y aura pas une adaptation cinématographique ? C'est à souhaiter...




APTITUDES DU PLONGEUR

Bonne forme physique
Rapidité d’exécution
Tolérance au stress
Connaître le fonctionnement et 
l’entretien du lave-vaisselle
Connaître le tri des déchets
Entretenir l’argenterie
Faire la vaisselle à l’évier
Laver les verres à la main


Et c'est pas 
parce qu'on rit 
que c'est drôle ;-)

Cette lecture en apnée m’a littéralement submergée dans un univers que j’ai vite reconnu de par les profondes descriptions des tourments de l’âme qui accompagnaient jadis les magnifiques histoires illustrées du dénommé HellRiderStéphane, que j’avais découvert via Internet en décembre 2004, et que je verrais pour la toute première fois de visu en 2017, est également cet ex-blogueur du bon vieux temps des blogues d’auteurs et autres amateurs de littérature. Il dessinait également des histoires dans les revues littéraires qu’il éditait aux ENFANTS DE LA NUIT. Il collaborait avec un certain NokturA, autre artiste blogueur qui m'a beaucoup inspirée à cette époque. On fleurait déjà dans cette somptueuse écriture des trois numéros du PORTE-ABÎME un imaginaire nourri par la fibre émotive nécessaire pour le faire grandir. 


Photos: L.Langlois

Il n’y avait plus aucun doute sur lui : il deviendrait un jour cet auteur d’exception qui ferait honneur à sa profession. La littérature lui empruntant beaucoup de son temps, il m’a révélé ne plus dessiner. C'est dommage, mais ça se comprend aisément. Il a trouvé en l’écriture un autre moyen de nous esquisser ce monde, cette ville, ce quartier, ce restaurant, où vivent copiés-collés tous ses Enfants de la Nuit, ceux qui s’abreuvent et se nourrissent autant de musique, de livres et d’arts, que d’alcool, de drogues et de jeux, et non moins de victoires et de défaites que d’amours et d’amitiés…




LA RÊVERIE EST UN CREUSEMENT. ABANDONNER LA SURFACE, SOIT POUR MONTER, SOIT POUR DESCENDRE, EST TOUJOURS UNE AVENTURE. OÙ SONT LES ABÎMES? OÙ SONT LES ESCARPEMENTS? POURQUOI NOUS CONTENTONS-NOUS DES ASPECTS PLATS DE CETTE TERRE ET DE CETTE VIE ? IL DOIT Y AVOIR QUELQUE PART DES TROUS EFFRAYANTS, DÉCHIRURES DE L'INFINI, AVEC D'ÉNORMES ÉTOILES AU FOND, ET DES LUMIÈRES INOUÏES.

Victor Hugo
L’AQUARIUM DE LA NUIT



Trop occupée par la fréquentation des divers théâtres de la Cité à me faire raconter des histoires que je n’ai plus à feuilleter mais que je condense en impressions d’après-match ici, aux ENVAPEMENTS, disons que LE PLONGEUR m’a remise en selle sur le dos de la Littérature et qu’il y avait longtemps que je n’avais pas lu quelque chose d’aussi transcendant. Je me dois ici d’être franche : je n’en  n’attendais pas moins de Stéphane Larue, et sans trop me poser de questions, c’est arrivée à l’épilogue que je suis retournée aussitôt au prologue, comme je l'avais fait avec L’IMPURETÉ de Larry Tremblay, l’autre auteur que je voulais absolument rencontrer cette année. Ce dernier m’a confié lors de notre bref mais stimulant entretien qu’il se ferait un devoir de lire le prix des Libraires 2017 durant ses vacances d’été. Un autre honneur pour le gentilhomme barman !


En attendant le deuxième acte qui, d’après l’auteur, devrait me faire plaisir, je m’imagine et souris à l’idée qu’il pourrait y faire flotter quelques « personnages » issus de cette meute de blogueurs- plongeurs de mots d’occasion. Comme les Mohamed, Bébert, Renaud, Manuel, Alex, Dave, Nick, Vincent, Carl, Bonnie, Greg, Malik, Marie-Lou, Bob, Vlad, Jean-Charles, Maude et compagnie, ils ne feraient peut-être pas que passer. Ça pourrait bien être de la science-fiction qui nous promènerait du sac de Rome à Dune en passant par les Robots que ça ne me surprendrait pas...;-)

 Illustration: CAZA

LE SAC DE ROME 
PAR LES WISIGOTHE 
 (an 410)
Joseph-Noël Sylvestre
1890

Et comme la fête de Stéphane coïncide avec celle d'une certaine SUE SANSREGRET(13 ans déjà ;-)), et qu'il quittera l’âge du Christ dans un peu moins de 24 heures, j’en profite pour lui souhaiter le plus cordial des anniversaires, en lui offrant ces "quelques mots", agrémentés d’images et de musiques qui, je l’espère, lui feront plaisir. Et comme ce n’est jamais tout, un lien du journal LE SOLEIL de samedi qui en fait LE livre de la semaine du Club de Lecture. Encore des étoiles pour cet éclaireur de nuits sans fin...juste avant l'éclipse solaire !

Sincèrement et avec toute mon admiration,

Louise Langlois alias La Fée Blackstick

19 et 20 août 2017



On était le 27 juin…
Les rues étaient baignées 
de cette lumière vibrante et or 
des soirs d’été où le temps s’étire.
(p.554)

Pour le Joueur

De la brasserie Cherrier à la taverne Chez Maurice, en passant par le sanctuaire de La Trattoria, flotter dans le clair-obscur des détours tortueux vers le Casino. Pour payer les dettes de l’extase violente de gagner; pour passer des jours entiers à lire, du Marvel, du Lovecraft ou du Orwell; pour esquisser d'une inspiration soudaine une dérobade géniale; pour chialer contre des horaires mal faites; pour manger des linguines au carbonara et se mettre de la mine dans le crayon; pour développer un extraordinaire sens olfactif et quelques poignantes amitiés; pour générer de la Chute du Chapitre Neuf un certain affranchissement de la dépendance; et surtout pour bien démêler toutes les épices de la marinade...

Louise L. alias elquidam

Cannelle  ou chili ?



EXTRAITS

Parce que LE PLONGEUR est rempli de références musicales, littéraires et picturales, je ne pouvais me passer d'en inclure quelques unes à travers les extraits choisis. En passant, Stéphane est un excellent "disc jockey", il nous propose à l'occasion sur sa page facebook d'écouter ses découvertes, souvent du stock qu'on ne connaissait pas. L'une de ses dernières, SOULS OF MISCHIEF, 93, 'til infinity, qui ne date pas d'hier, mais qui vient de me happer le ciboulot depuis quelques semaines. Tiens, une de plus...



Autre truc pour jamais tomber dans la marde durant le service : nourris bien le plongeur.

Bob 
(p.344)


T’as besoin d’aide, Stéphane.

Malik
(p.545)

Quatre heures du mat, dodo, neuf heures tu te lèves, pis tu retournes à la job en courant. Horaire de débile mental. Mais tsé. Y a Bono qui vient manger au bar, fait que tu te dis : moi aussi, j’y touche un peu, à la gloire. En fin de compte, c’est ça ton salaire : le standing de la place.

Bob 
(p.322)

Cause we are the ones 
that want to play

On entendait le lointain ronronnement des trains. Une odeur de poussière et de boisson gazeuse renversée flottait dans la station. Des échos faibles se répercutaient dans le tunnel. Ça m’a fait penser à la grande chambre vide et oubliée d’une nécropole. Des drifters de toutes espèces transitaient par ici. Des spectres dodelinaient de la tête sous la lumière crue, oscillante des néons. 
(p.427)
Pour garder son masque


C’est le premier album métal 
que j’ai acheté.
 Ça m’a fait plus d’effet 
que de voler un Playboy.

Je suis entré dans une rage de dessin. J’ai sorti mes feutres. Des pages de cahier et des feuilles de papier calque se sont mises à joncher le plancher, avec des fragments d’illustrations crayonnés dessus. J’avais du fusain et du graphite plein les mains. Mes cahiers étaient tous ouverts sur la table basse, tous noircis de croquis. Des silhouettes de créatures sous-marines en haut contraste, des temples submergés infestés de crustacés monstrueux, toute une mythologie cauchemardesque inspirée en partie par Lovecraft.
(p.358)


C’est à ce moment qu’il m’avait montré les premiers titres de la collection « Ailleurs et Demain », qui m’impressionnait tellement. C’était la rangée de livres argentés dans sa bibliothèque. Ces romans avaient des allures de bibles extraterrestres. Au fond de la boite, il y avait Ubik, de Philip K. Dick. Quand je l’ai pris dans mes mains, mon père a tout de suite vu qu’il avait tapé dans le mille.
(p.171)

J’ai souri sans qu’elle me voie. Je lui ai dit que moi, ma part hippie se trouvait chez Neil Young.
(p.209)


Quand je suis descendu de l’autobus, Henri-Bourassa brillait tristement dans la nuit comme un avant-poste fraîchement déserté. J’ai marché jusque chez Vincent, dans le bruit de mes pas, insensible au froid que le vent me soufflait dessus depuis le parc Ahuntsic vide et blanc, ponctué de rares arbres nus et noirs. Les nuages bas fermaient la nuit jaune. J’étais le seul être humain.
(p.387)

Je pensais constamment à la liasse 
de billets dans ma poche. 
La 69 a fini par arriver.
(p.127)

C’est eux qui ont inventé ca, 
le heavy metal. Sans Black Sabbath
Iron Maiden existerait pas.

Le père au fils
(p. 174)

THE CHEMICAL WEDDING
Je suis parti dans une envolée 
sur le concept global de l’album 
ça revisitait l’univers poétique 
de William Blake.
(inspiré de THE BOOK OF THEL)
(p. 210)


Illustration: HELLRIDER

J’ai traversé la salle sans prêter trop 
attention à ce qui pouvait se passer 
sur la scène autour de laquelle 
presque tous les clients étaient assis, 
le cou cassé. Leurs visages flous 
s’effaçaient dans la pénombre comme ceux 
des personnages d’une toile de Francis Bacon.
(p.162)



La pistache, saveur préférée du Plongeur



LECTURES & VIDÉO






Et celle-ci pour Marie-Lou (et moi)
;-)



lundi 7 août 2017

LE DÉCLIN DE L’EMPIRE AMÉRICAIN : la faim de l’Histoire



Montréal et ses BoBos, caste des intellects;
L’avenir de l’Amérique des Trudeauxxxxxxx
Pour une part équitable de leurs échecs

elquidam

Quelle édifiante mise en scène de Patrice Dubois du
Théâtre PÀP. La lumière dans les ombres, le cru du cul, le pas tout cuit dans le bec, le tout le monde en pantalons, le yoga, la bouffe, le vin, la table, la dernière scène avec les amis, semblable à celle de DES ARBRES À ABATTRE de l’Autrichien Thomas Bernhard

Photo: Rodolphe Beaulieu

LE DÉCLIN DE L’EMPIRE AMÉRICAIN,version 2016, nous connecte directement sur le retour d’un texte qui ne s’est à toute fin pratique jamais démodé. Un texte adapté du film de Denys Arcand par Patrice Dubois et Alain Farah, qui nous aura à nouveau plongés dans ce monde qui n’en finit plus de se noyer dans le confort de son indifférence…


L’éclairage, la musique, le décor, tout y était pour nous retremper dans l’univers quelque peu débridé de ce groupe d’amis avec qui il a fait grandement plaisir de renouer au Théâtre de La Bordée le 9 juin dernier. Ma seule petite déception: Alexandre Goyette n’était pas de la distribution, mais la consolation : Ô combien agréable ! la surprise par son remplaçant, Jean-Sébastien Lavoie, qui personnifiait le beau Marco, l’amant de Judith, époustouflante Sandrine Bisson

Photo: Union des artistes

Marco, un vrai de vrai, un dur de dur…attendrissant. Dans la version cinématographique, Gabriel Arcand tenait le rôle de cet être à part qui ne « fitait » pas tellement dans le décor de ce clan quelque peu fermé. Plus open d’esprit que certains d’entre eux, Marco a vraiment pris la scène à lui seul lors de cet exceptionnel monologue qui en disait plus long sur le quotidien d’un simple gars qui se bat du mieux qu’il peut en travaillant au noir que tous les sempiternels dialogues d’intellects philosophes professeurs et autres grands titres honorifiques qui parfois semblent aussi ennuyants que dérisoires. La ressemblance physique entre Bruno Marcil et Pierre Curzi, l’écrivain et professeur de littérature Bruno, était tout de même frappante.





Patrice Dubois et Eveline Gélinas, Patrice et Catherine, la paire presque parfaite, étaient absolument craquants. De toute beauté de les voir sombrer lorsque le crépuscule de leur couple se lève sur le tas de mensonges et de cachettes qu’ils ont emmagasinés chacun de leur côté durant toutes ces années. Mais on ne refera pas l’Histoire avec ça, hein?


Je ne sais pas si c’est le fait que nous avons pris de l’âge des ténèbres mais il m’a semblé que l’histoire était plus triste en 2017 que gaie en 1986. Les comédiens étant tous excellents, on ne pouvait leur en demander plus. La nécessité de certaines scènes croustillantes (lire le massage de Sophie à Bruno) avait toujours autant sa place qu’en 1986, ou encore celle-ci, une championne !


En résumé, peu de choses ont réellement changé depuis trente ans pour ce qui est des relations hommes femmes de ce pays : il y a encore beaucoup de désir et de sexe, mais davantage de tromperies et peut-être un peu moins d’amour. Et le monde se lèvera encore demain matin avec plusieurs gros maux de cœur, heureusement qu'il existe plusieurs remèdes pour contrer ça : Gravol, gingembre, tisane, bretzel, acupuncture, repos…




Crédits

Avec: Sandrine Bisson, Dany Boudreault, Marilyn Castonguay, Patrice Dubois, Éveline Gélinas, Simon Lacroix, Jean-Sébastien Lavoie, Bruno Marcil, Marie-Hélène Thibault
Assistance à la mise en scèneCatherine La Frenière
RégieStéphanie Capistran-Lalonde
DécorPierre-Étienne Locas
CostumesJulie Breton
ÉclairagesAndré Rioux
Conception sonoreLarsen Lupin
Direction de productionMarie-Hélène Dufort
Direction techniqueJérémi Guilbault-Asselin
Codirection générale et direction administrativeJulie Marie Bourgeois
Codirecteur générale et directeur artistiquePatrice Dubois
Responsable du développement des publics et financement privéVéronique Grondines
Coordination générale et responsable aux communicationsStéphanie Laurin
Concepteur graphiqueLino (assisté de Julie Gauthier)
ProductionThéâtre PÀP