Photo: Caroline Grégoire
« Le plus
honnête, le plus franc et le plus délicat des hommes, le plus compatissant, le
plus bienfaisant, idolâtre de mes enfants, pour le bonheur desquels je me
mettrais au feu (…) Voilà mes vertus. Pour quant à mes vices: impérieux,
colère, emporté, extrême en tout, d’un dérèglement d’imagination sur les mœurs
qui de la vie n’a eu son pareil, athée jusqu’au fanatisme, en deux mots me
voilà, et encore un coup, ou tuez-moi ou prenez-moi comme cela; car JE NE
CHANGERAI PAS ».
Donatien
Alphonse François de Sade
à sa femme Renée-Pélagie de Montreuil
Septembre
1783
Sade
sympathise avec le directeur de Charenton, M. de Coulmier. Ce dernier avait
toujours cru aux vertus thérapeutiques du spectacle sur les maladies mentales.
De son côté, le marquis nourrissait une passion sans borne pour le théâtre. Il
va devenir l’ordonnateur de fêtes qui défrayèrent la chronique de l’époque.
Sources:
wikipedia
Pour la
rentrée de la demi-saison,
on ne fera pas dans la dentelle:
QUILLS nous
a sciés en deux,
fendus en quatre,
écartelés,
pris de tous
bords tous côtés,
éclaboussés,
éviscérés,
dévorés,
envoûtés
tiré la
langue à terre,
fait tout
simplement perdre la tête.
Point final.
LE MODÈLE
ROUGE *
René Magritte
1935
Le problème
des souliers démontre combien les choses les plus barbares passent, par la
force de l’habitude, pour être tout à fait convenables. On ressent, grâce au
MODÈLE ROUGE, que l’union d’un pied humain et d’un soulier en cuir relève en
réalité d’une coutume monstrueuse.
Mes tableaux
ont été conçus pour être des signes matériels de la liberté de pensée.
René Magritte
Une mise en
scène de virtuoses, de purs moments de grâce, QUILLS, de l’américain Doug
Wright, traduit par Jean-Pierre Cloutier, a créé dans le Trident d’Anne-Marie
Olivier un espace absolument dément le temps de quelques deux heures vingt,
le temps de faire le tour de l'asile de Charenton, là où le Divin Marquis fût
enfermé avec toute la crispante folie des autres. La scénographie, les
costumes, les éclairages, l’ambiance sonore, les accessoires, les maquillages,
les perruques, tous parfaitement « attachés »
les uns aux autres, une véritable
liaison…dangereuse. Et la touche techno, indispensable dans l’œuvre de Robert Lepage,
qui encore une fois nous aura éblouis du début à la toute fin. Virtuose…jusqu’au bout des doigts !
Photo: Journal de Québec
L’équipe de
production EX-MACHINA a de quoi se péter les bretelles et non pas la gueule.
Avec son Théâtre fait de surprises, d’ébahissements, de magie, d’éducation et de
respect pour l’Art, il en dérange peut-être quelques-uns et quelques-unes de
par son audace mais quand on traite d’un sujet aussi sulfureux que celui du
Marquis de Sade faut quand même pas s’attendre à faire dans la dentelle mais à recevoir en pleine tête quelques raclures et giclements de toutes sortes.
Jean-Pierre Cloutier et Robert Lepage
Photo: Erick Labbé
Je n’en attendais pas moins de la lecture personnelle qu’en ont fait messieurs Lepage et Cloutier. Ils ont proprement exécuté le travail qui était celui de nous promener divinement dans les hauts et les bas de cette œuvre tant controversée mais ô combien si nécessaire. Parce que notre monde actuel n’est pas non moins pire que celui de 1814…
« La
Révolution française est une période historique d’une violence inimaginable
pour nous. On a coupé la tête à des milliers de personnes au nom d’idéaux
politiques, à un point tel que la guillotine devait être déplacée à travers
Paris parce que l’odeur du sang incommodait les gens. Je trouve qu’il y a là,
en quelque sorte, une forme de justification de la violence pour le bien. Tout
est une question de perception. Par exemple, on parle des films de Tarentino comme
étant extrêmement violents, mais la violence qui se passe pour vrai à chaque
jour, je ne sais pas si on serait capables de la regarder en face. »
Jean-Pierre Cloutier
Extrait du
programme
Robert Lepage et Jean-Pierre Cloutier à propos de la censure:
http://www.lafabriqueculturelle.tv/capsules/6477/robert-lepage-et-jean-pierre-cloutier-reflexion-autour-de-la-censure
Robert Lepage et Jean-Pierre Cloutier à propos de la censure:
http://www.lafabriqueculturelle.tv/capsules/6477/robert-lepage-et-jean-pierre-cloutier-reflexion-autour-de-la-censure
LES
COMÉDIENS
Robert
Lepage, entier, vivant, majestueux, habillé, nu, toujours aussi achevé et
articulé, il porte la pièce sur un piédestal devenu échafaud. Son marquis de
SADE en sera un qui restera collé dans nos mémoires encore longtemps. À chaque fois, je me dis la chance et le
bonheur que nous avons d’assister à l’une de ses rares performances, de le voir en chair en os,
d’entendre sa voix unique. Je ne peux m’empêcher de penser à tous ces grands
dramaturges qui l’ont précédés et qui sont encore joués depuis des siècles. Il fait partie de ce groupe d’élite qui bâtit le Théâtre pièce par
pièce, qui le façonne projet après projet, qui le réaménage et le promène de
par les diverses scènes du monde. C’est un honneur infini que de le côtoyer ICI, dans les jeunes murs de notre Cité. Vous dire combien
j’ai hâte de prendre place dans son DIAMANT ne s’écrit pas…
Jean-Pierre
Cloutier, précieux acolyte de Lepage dans ce projet audacieux, interprète un abbé de Coulmier rempli
de tourments silencieux et de vérité, pas toujours facile à dire. Homme qui
combattit le mépris en même temps que l’admiration qu’il avait de l’écrivain
prolifique et contesté que fût Donatien Alphonse François. Il a offert un jeu impeccable
qui je crois transformera à jamais l’homme de théâtre qu’il est devenu depuis
son odyssée circassienne avec Éos. Pour avoir assister à la plupart des pièces
de créations auxquelles il a participé, de BANG ! à TRAINSPOTTING, et avec ce
que j’ai vu mercredi soir dernier, j'imagine un peu ce que l’avenir lui réserve
comme autres retentissants succès...
Jean-Sébastien
Ouellette, encore une fois à la hauteur des exigences des mots de l’auteur et des
deux metteurs en scènes, ce même si sa perruque le rendait quelque peu
méconnaissable ;-). Un docteur Royer-Collard, médecin en chef de l’asile de
Charenton, qui ne croit pas tellement aux vertus thérapeutiques des séances
théâtrales de l’abbé Coulmier…
Érika Gagnon, épouse épouvantée, drôle
à point, folle à souhait, énergique, hypocrite, prête à tout pour que l’on
fasse taire l’homme jadis tant aimé. Renée-Pélagie de Montreuil, la Correspondante, copiste, relectrice des textes de son mari, mère de leurs trois fils, soumise et dévote, masochiste, sacrifiée...
Mary-Lee Picknell, transcendante Madeleine, lavandière fidèle au
pied du maître emprisonné, qui s’est donnée corps et âme dans cette arène pour
le moins sanglante. Une autre brebis sacrifiée...
Finalement, Pierre-Olivier Grondin, découvert dans l’inoubliable et
énigmatique VIANDE de Maxime Robin puis dans HAMLET et LES FOURBERIES DE SCAPIN, offre une solide interprétation dont celle de l’architecte Proulx, un rôle
qui je l’espère lui en apportera d’autres tout aussi providentiels. N'ayant pas trouvé de photo tirée de la pièce, on peut l'apercevoir dans l'extrait de Radio-Canada ci-dessous. Il joue l'un des merveilleux fous de l'asile de Charenton. Un bijou !
Les superbes photos de la pièce sont celles de Stéphane Bourgeois.
***
QUILLS m’a
ramenée à MADAME DE SADE, une pièce présentée au Trident en mars 2012.
Écrite par Yukio Mishima, Sade y était crûment revisité par ses femmes via la
mise en scène de Martine Beaulne. Mes impressions:
***
Anecdote no.
1: le soir de la première, un
homme dans la soixantaine, assis dans le milieu de la cinquième rangée, a perdu
connaissance lorsque le marquis y perd…sa première plume. Quelques jours plus
tard, probablement assise à la même place que lui, ou tout près, (je siège à
l’E-5), j’ai entendu quelques spectatrices émettre quelques bruits de répulsion et d’étonnement. Puis, un boom dans mon cœur surpris par cette scène disons-le saisissante. Apparemment
que le malaise du spectateur n’y était aucunement lié. Mais permettez-moi d’en douter un peu…;-)
Anecdote no.
2: En lisant sur la vie de Sade, j'appris qu'un certain Jacques-André Langlois, son valet, était également son complice du vice lors de certaines parties intimes. Qui sait ? J’ai peut-être un
lien quelconque de parenté avec ce Langlois-là...;-)
Moulage du crâne du Marquis de Sade
En furetant
sur Youtube, découvert la chanson MARQUIS DE SADE de Syrano, un auteur
compositeur interprète français qui ma foi ne ferait pas honte à ce cher Donatien.
Il y mentionne le nom de Magnota (!!!), comme quoi ce Canadien qui a démembré un
Chinois à Montréal défigure à jamais la mappemonde du vice international ! Syrano, une autre belle découverte.
Appelle-moi
Magnota,
mes textes te ligotent
Te trépanent
et ça m’excite
quand ton cerveau mijote
Le couteau
dans la plaie,
mon grain de sel juste après,
du son dans le sang
Qu’on leur
couse les lèvres,
le silence est rêve sombre
et indécent
Paroles