lundi 25 mars 2019

ANTIGONE : dark épopée au pays du rat géant

Photo: Stéphane Bourgeois

Ne nous reste qu'à savoir QUAND sera la prochaine Levée des Grosses Vidanges, celles que l'on déposera dans le Dernier Dépotoir, mais peu importe, nous étions LÀ mon ami, peu importe nous étions LÀ, avec ou sans permis...

elquidam
28 septembre 2006
Des grenouilles et des parapluies



La magnifique bande-annonce


Et, au milieu de tous les vestiges du passé, l'homme privé de mythes demeure éternellement affamé, creusant, fouillant pour trouver quelques racines, lui fallût-il les découvrir en bouleversant les antiquités les plus lointaines.

Friedrich Nietzsche
LA NAISSANCE DE LA TRAGÉDIE

Combien de fois nous serons-nous fait prendre au jeu injuste des malversations du Conquérant?
Combien de fois nous sommes-nous fait asphyxier dans les silos pestiférés des géants verts?
Combien de fois avons-nous juré de ne plus jamais recommencer à jouer avec les feux de paille ?

Photo: Trident

En apercevant le panier d'épicerie et les parapluies, les fantômes de Sophocle, d’Antigone et de Créon, ceux du temps DES GRENOUILLES ET DES PARAPLUIES, me sont réapparus en cet après-midi du 23 mars 2019. Dans un Trident rempli à ras bord de spectateurs plus ou moins figés, on aurait dit un club de morts-vivants qui attendent une quelconque résurrection. Le monde auquel ils devront faire face en est tout de même un qui fait passablement peur par les temps qui courent...plus vite que leurs ombres...


APOCALYSE
1995
Illustration: L.Langlois



Dans le programme, on pouvait lire:  INTUITIONS, IMPULSIONS ET SUGGESTIONS QUELQUES MATÉRIAUX AUX SOURCES DE LA CRÉATION et parmi elles: Marjolaine Beauchamp, Daniel Boucher, Yuval Noah Harari, House of cards, Johan Peter Krafft, Anne Sylvestre, Nirvana et Kurt Cobain. Le lien entre Cobain et Antigone? Un parmi tant d'autres:

Kurt Cobain committed suicide because he did not want to live a life of lies where he faked his satisfaction and happiness with his career and his life which is shown in his suicide letter. Similarly, Antigone committed suicide by hanging herself in order to prove that she would rather be dead than live a lie by subjecting herself to Creon’s laws which she did not agree with. They both wanted to prove a point and show that they were unhappy with their lives and the opinions surrounding them. Also, both Cobain and Antigone use public ways to express their political views. Cobain created the song "Big Cheese" to express his disgruntled feelings about how his producer was showing more time, money and efforts with other bands than with Nirvana. Antigone publicly expressed her opinions towards Creon's law when she gave Polynieces a proper burial as well as argue with Creon about her beliefs and morals and how she wasn't ashamed about what she had done.


Photo: Stéphane Bourgeois

OSTIE QU'ON CRÈVE !

Big cheese make me
Mine says, go to the office
Big cheese make me
Mine says, one that stays
Black is black, straight back
Need more enemies
Show you all what a man is
Big lies make my
Mine says go to the office
Big cheese make me
Message? what is it?
Black is black straight back
Need more enemies
She eats glue how are you?
Big cheese make me
Mine says, go to the office
Big cheese make me
Mine says, one that stays
Black is black, straight back
Need more enemies
She eats glue how are you?
Black is black straight back
Need more enemies
Show you all what a man is
She eats glue how are you?
Need more enemies
Show you all what a man is




 NOTRE MAISON EST EN FEU


Depuis l’angle mort de la scène,
dans le Grand Rectangle Troué,
le Rat rôde au ras des pâquerettes;
Il vient flairer l’odeur de fin du monde,
celle qui flotte lors des avant-veilles d’Apocalypse…

 OLIVIER ARTEAU et
 ANNE-MARIE OLIVIER

Ô Thèbes, 
Cité de mes pères Dieux dont nous descendons, 
L'on m'emmène, c'est bien fini. 
Regardez, princes de Thèbes, 
Moi la dernière d'une race de rois, 
Ce que je subis de la part de quels hommes, 
Pour avoir fait ce que je me devais de faire.


ANTIGONE et POLYNICE
Nikiforos Lytras
1865
Pinacothèque nationale d'Athènes

Le Mythe

À la suite de la révélation de l'inceste d'Oedipe, Etéocle et Polynice chassent leur père de Thèbes. Ce dernier maudit alors ses deux fils et leur prédit qu'ils se diviseront et mourront de la main l'un de l'autre. Pour conjurer cette malédiction, Étéocle et Polynice décident alors de régner sur Thèbes un an chacun en alternance. Mais Étéocle refuse de laisser le pouvoir à Polynice lorsque son tour arrive. Polynice lève par conséquent une armée en s'alliant à d'autres cités afin de reprendre le pouvoir, et les deux frères s'entretuent. Créon, leur oncle et successeur, rend hommage à Étéocle en lui offrant de grandes funérailles, mais laisse le corps de Polynice sans sépulture, l'accusant de trahison et d'avoir attaqué Thèbes, lui interdisant ainsi l'accès aux Enfers et laissant son âme errante. C'est en bravant cet interdit qu' Antigone sera condamnée à être emmurée.





ANTIGONE

Ce qu’Olivier Arteau vient de livrer au peuple de Québec mérite plus qu’une simple découpure de demie-page dans le soleil de papier des hommes de fric. À 26 ans, il vient d’éclipser le soleil lui-même. Je ne sais pas par quel bout commencer, mais mettons que Lucien Ratio, alias Polynice, avec son ouverture plus que béante, vaut que je parle de sa performance en premier. Une intro qui a dû en surprendre plusieurs dans la salle. Passant de la guitare à la batterie, il nous a éclaté ça en pleine poire. Prêts pas prêts, le rideau s’est dilapidé pour faire place à la terreur…

Photo: Stéphane Bourgeois

Jean-Denis Beaudoin, qui joue Hémon, l’amant d’Antigone, s’est éclaté pour une seconde fois cette saison sur la grande scène du Trident. Après celui du VRAI MONDE ?, il était encore aux prises avec un père narcissique pervers qui ne veut rien savoir de la proposition que son fils lui fait de changer d’idée à propos d’Antigone sa dulcinée, qu’il veut emmurer vivante parce qu’elle a désobéi à ses ordres. Ce monde totalitaire dans lequel Créon évolue est un supplice incomparable pour Hémon. Et nous, spectateurs, souffrons et suffoquons avec lui...

Photo: Catherine Tétrault

Réjean Vallée, qui enchaîne les rôles à coup de trois en ligne, possède son Créon tout autant que Jean-Denis habite son Hémon. Après son sublime Ray/Peter dans BLACKBIRD, que dire de plus sur son indéniable talent doublé de sa beauté grandissante ? Que nous l’attendons au détour d’un autre théâtre le 2 mai prochain ? Celui de LA BORDÉE cette fois, pour sa prochaine performance dans le CHRISTINE, LA REINE-GARÇON, pièce qui sera mise en scène par nul autre que Marie-Josée Bastien, femme-orchestre qui dirige à tout coup de main de maître les comédiens de la Cité. Mais aussi, que c’est avec toute l’admiration qu’il mérite que déjà nous anticipons une autre de ces soirées mémorables...

Photo: Stéphane Bourgeois

Joanie Lehoux, l’INSOUMISE Antigone, magistrale « écornifleuse », celle par qui cette histoire vieille de quelques 2460 ans prend tout le drame actuel de notre monde sur ses frêles épaules. Éblouissante tout autant qu’elle l’est à chacune de ses « apparitions ». Que ce soit dans TITUS ANDRONICUS, LES REINES, LA MÉLODIE ENTRE LA VIE ET LA MORT, LE MONDE SERA MEILLEUR, L’ABSENCE DE GUERRE, DISPARAÎTRE ICI, ELECTRONIC CITY, SEPSIS, IMAGINATION DU MONDE, ENTRE VOUS ET MOI IL N’Y A QU’UN MUR ou DANS LA RÉPUBLIQUE DU BONHEUR, elle est toujours aussi ardente. C’est qu’elle ne fait jamais vraiment dans la dentelle. Audacieuse comme j'aime ces femmes de caractère. Cette fois, elle n’a pas craint d'être enterrée vivante dans le bran de scie de sa tombe de verre. Aucun doute que cette scène restera l’un des moments les plus marquants de nos carrières de spectateurs...

Photo: Stéphane Bourgeois

Annabelle Pelletier-Legros, Ismène, la sœur obéissante, combattante à sa manière, a perdu elle aussi ses deux frères, Étéocle et Polynice. Elle apaise quelque peu l’atmosphère dévastatrice avec ses compromis mais ne finira jamais par faire changer d’idée à la rebelle Antigone. Sur le tapis roulant des obsessions musclées, le cœur bat à tout rompre. Le destin des uns contre la mort des autres, rien ne sera plus comme avant, et pourtant…la vie l’emporte toujours…Un autre enfant naîtra du ventre de la guerre, Ismène laissera derrière elle une trace humaine dans le sang des paroles…

Photo: Stéphane Bourgeois

Alexandrine Warren, Tiresias, le devin aveugle, celui qui tente tant bien que mal de raisonner Créon, irradie la scène avec ses lumières spirituelles. Et ce chœur, tout en voix, surtout celle de Sarah Villeneuve-Desjardins en Coryphée, plus les deux militaires hilarants, Patrick Ouellet et Vincent Roy, et les jumelles Joëlle Bourdon et Steven-Lee Potvin, ainsi que Nancy Bernier, la journaliste, tous méconnaissables avec leurs superbes maquillages et costumes. Et que dire des éclairages absolument démentiels, au-delà du réel, en plein dans le ciel comme A. me l'a fait remarquer...

 Photo: Stéphane Bourgeois

L’envoûtement majeur pour cette œuvre, qui n’en finira jamais de se renouveler, amène bien sûr plusieurs réflexions sur le sort de l’humanité et fait se poser plusieurs questions, souvent sans réponses, dont celle-ci : JUSQU’OÙ SERIONS-NOUS PRÊTS À ALLER POUR RENVERSER UNE FOIS POUR TOUTE CES POUVOIRS SANS QUEUE NI TÊTE ?

Photo: Stéphane Bourgeois

Photo: Stéphane Bourgeois

Photo: Catherine Tétrault

Photo: Stéphane Bourgeois

Photo: Stéphane Bourgeois

Photo: Lise Breton

Depuis samedi soir passé, je vois rôder les fantômes de Thèbes, ceux qui tournoient dans l’atmosphère d’un hiver qui n’en finit plus de nous geler la gueule à ses dépens. Je vois également un paquet d’Antigone sur le devant de nos scènes, dans les hôpitaux, les restaurants, les musées, les trottoirs, dans les bois, l’espace et au-delà. Elles résistent aux compliments désobligeants autant qu’aux insultes baveuses, elles travaillent dur à imaginer un monde dans lequel quelque chose de plus grand que celui des dieux et idoles d'autrefois viendrait restructurer...une bonne fois pour toutes... 

T'as compris qu'c'est pas d'la frime

J'rime pour ceux que le crime opprime



 LES GENS QUI DOUTENT



Pour Olivier Arteau

qui rime avec Cocteau
et a dormi pendant un mois 
avec SON Antigone 
dans la solitude du Trident



Cocteau qui fait dodo 
avec le masque d’Antigone

Olivier Arteau


COCTEAU (Jean). - ABOTT (Bérénice). Jean Cocteau couché avec le masque d'Antigone. Photographie originale, en tirage argentique [c. 1927]; 17 x 12 cm hors marges. Les masques d'" Antigone ", avaient été réalisés par Picasso et Cocteau pour les représentations de la pièce chez Dullin en 1922. Cocteau conservera longtemps plusieurs de ces masques et rendra hommage à la photographe en lui consacrant un poëme " d'Opéra ".




Cocteau par lui-même
André Fraigneau
1957 
Photo: L.Langlois


LA FIN DES PRINTEMPS EST PROCHE (critique)



TOUT GRAND VIDE, 
AVANT DE FAIRE PENCHER LE BALANCIER DE L’AUTRE CÔTÉ,
 EST NÉCESSAIREMENT PASSÉ PAR LES EXPÉRIENCES TOTALITAIRES.

La grande dame l’Histoire
Maya Ombasic
LE DEVOIR
23 mars 2019


FEAR


WHEN THE WORLDS END' THERE'RE
WILL BE NO MORE AIR. THAT'S WHAT
IT'S IMPORTANT TO POLLUTE THE AIR
NOW. BEFORE IT'S TOO LATE. AFTER
THE END OF THE WORLD, ALSO' ALL 
THE TECHNOLOGICAL ADVANCES 
WHICH HAVE BEEN MADE IN THIS
CENTURY, WHICH COULD AT THIS
VERY MOMENTALLOW A LEISURE 
SOCIETY FOR ALL BUT A FEW 
TECHNICIANS, AND A FEW WOMEN 
WITH WOMBS, - SO THAT THERE WILL, 
I MEAN THERE COULD, BE NO MORE
SOCIAL CLASS - AFTER THE ENDS
OF THIS WORLD WHEN HUMANS
ARE NO MORE, THE MACHINES
FOR HUMAN PARADISE WILL
RUN ON THEIR OWN. JUST AS
MCDONALD'S NOW RUNS.
(FREE WILLY)

2012


ANTIGONE
Réappropriation de l’œuvre de Sophocle

MISE EN SCÈNE : OLIVIER ARTEAU
TEXTE : PASCALE RENAUD-HÉBERT, RÉBECCA DÉRASPE et ANNICK LEFEBVRE
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE : LÉA AUBIN
PROJECTIONS : KEVEN DUBOIS
DRAMATURGIE : EMILIE MARTZ-KUHN et ANDRÉANNE ROY
SCÉNOGRAPHIE : GABRIELLE DOUCET
ACCOMPAGNEMENT À LA SCÉNOGRAPHIE: CHRISTIAN FONTAINE
ÉCLAIRAGES : JEAN-FRANÇOIS LABBÉ
COSTUMES : ÉLÈNE PEARSON
MUSIQUE : SARAH VILLENEUVE-DESJARDINS et VINCENT ROY
PHOTOS : STÉPHANE BOURGEOIS



 

samedi 23 mars 2019

BLACKBIRD : les ombres du cœur


 

Blackbird, c’est l’ombre noire de ce grand oiseau qui les surplombe sans trêve : la culpabilité d’avoir pris du plaisir à une relation qui a gâché complètement leurs deux vies. « Nevermore », chantait cruellement le corbeau d’Edgar Allan Poe…

Émile Vigneault



" L’autre petite fille autrement dit, la question lancinante qui a miné Una durant quinze ans et à laquelle seul Ray/Peter peut répondre, est celle-ci : a-t-il aimé la femme en elle ou n’a-t-il été attiré que par la petite fille ? Sur les deux scènes, on lui répond, clairement. « J’ai jamais aimé quelqu’un de cet âge-là après toi. Juste toi », affirme la voix chaude et sensible de Gabriel Arcand, auquel fait écho, avec une tendresse bourrue, Maurice Bénichou : « Tu as été la seule. Juste toi. » Mais la finale est saisissante et vient remettre en question ces démentis auxquels les spectateurs, comme Una elle-même, ne demandaient qu’à croire. Au moment où, à moitié dévêtus, ils semblaient sur le point de faire l’amour, dans le désir et la tendresse, sur la grande scène du TNM et dans le cadre intime du Prospero, une petite fille surgit, comme venue de nulle part. Qu’est-elle pour Ray, cette enfant visiblement impubère, que ressent-il pour elle ? Une affection normale et paternelle, comme son comportement à elle semble l’indiquer ? Ou n’est-ce pas plutôt l’indice de sa perversion d’homme attirée par la chair fraîche ? Bref, qu’il est pédophile et qu’il s’apprête à revivre, qu’il a peut-être même déjà revécu avec elle, une histoire d’amour illicite ? Et Una, pourquoi s’enfuit-elle ? Par compassion pour l’enfant, son double, ou parce qu’elle est, une fois de plus, trahie ? Dans la mise en scène de Téo Spychalski, Arcand semble si malheureux et si dépourvu qu’on veut croire qu’il est sincère (« Non, j’pourrais jamais. Non, j’ferais jamais ça. Crois-moi ») et qu’il a pour la petite une affection sans arrière-pensée. Dans la version lyonnaise, on est saisi d’un doute affreux et on comprend Una de partir horrifiée. Dans les deux cas, le spectateur restera sans réponse, mais au-delà du drame ponctuel, cette petite fille qui revient en chantant sur le plateau ravagé du Prospero, n’est-elle pas la preuve innocente que l’opprobre suit toujours les amours interdites, qu’il n’y a pas de rachat possible pour qui enfreint les normes de la société ?"



UP ROBE
Le Seuil des Froidures
Illustration: L.Langlois


DOWN LET ME DOWN

I'm in love for the first time

Don't you know it's gonna last

It's a love that lasts forever

It's a love that had no past


De retour chez PREMIER ACTE, en compagnie d’A., avec qui c’est toujours un plaisir de se faire raconter des histoires à ne pas dormir assis pour cette fois-ci faire la connaissance de deux magnifiques oiseaux rares:

Una et Ray

Deux passionnés
Deux abandonnés
Deux émigrés
Deux «  inséparés »


Une nuit, l’ultime, aura suffi à cette histoire amoureuse inhabituelle pour que deux oiseaux noirs reprennent un envol inattendu dans un ciel à leur démesure. Imbibés du flot incessant de leurs sentences, emmurés dans un huis-clos intriguant, les spectateurs, tels des statues de sel, ont convergé dans leur monde aussi incompréhensible que compatible.


Réjean Vallée, Ray/Peter, celui qu’on pointe du doigt, nous a offert toute une performance, à la hauteur de ce texte incisif de l’Écossais David Harrower. Ses dernières prestations, surtout celles de chez Premier Acte, nous l’ont révélé sous un autre jour que les rôles plus classiques auxquels il est souvent sollicité dans les divers théâtres de la Cité. C’est tout à son honneur. Les jeunes gens de théâtre sont chanceux d’avoir à leurs côtés un comédien aussi talentueux. Ses connaissances doivent agréablement les servir afin qu’ils atteignent de cette aisance sur scène.


En tout cas, le sublime duo qu’il a formé avec Gabrielle Ferron ce soir, nous en a amplement donné la preuve. Quelle finesse et quel aplomb dans le jeu élégant de cette finissante de 2016 ! L’APEX, qu’elle a cofondé avec Lauren Hartley et dont c’était la première production, n’a pas fini de nous impressionner, qu’on se le tienne pour dit. Quand à Olivier Lépine, qui décidément n'en finit plus de nous impressionner cette année, disons qu'il a encore une fois trouvé la bonne clef pour ouvrir cette serrure mystérieuse qu'est la mise en scène. Nous serons gâtés à nouveau puisqu'il doit récidiver dans quelques semaines avec EMBARGO, un texte de Lauren Hartley. Très hâte de voir ça.

David Harrower

Cet incubateur miraculeux de talents qu'est Premier Acte ouvre ainsi les portes des plus grands théâtres aux jeunes créateurs de Québec et d'ailleurs. Je n'ai qu'à penser au mirobolant ANTIGONE, que j'ai vu le samedi 23 mars, pour confirmer ce que je viens d'écrire plus haut. Je développerai davantage sur cette pièce dans mon prochain texte mais disons que le metteur en scène Olivier Arteau, en compagnie de ses trois remanieuses, Pascale Renaud-Hébert, Rébecca Deraspe et Annick Lefebvre, nous a livré tout un combat de résistance dans le ring du Trident.



BLACKBIRD

Production: L'Apex
Texte: David Harrower
Traduction: Zabou Breitman et Léa Drucker
Mise en scène: Olivier Lépine
Concepteurs: Marianne Lebel, Olivier Lépine, David Mendoza Hélaine
Distribution: Gabrielle Ferron et Réjean Vallée
Photos: Cath Langlois





vendredi 22 mars 2019

ASTRONETTES LA LONGUE MARCHE VERS LES ÉTOILES : le réveil de la Force




« En l’air, une femme a pus de frontières »

Luc Plamondon


Dans le ciel des espérances humaines
Aussi loin que les comètes et planètes
Aussi haut que les neiges éternelles
À partir du feu des fusées des hommes
La fureur de vivre des premières femmes
Dans un monde qui renaît à chaque aube

elquidam
12 février 2019


Après s’être promenés dans les détritus de l’Afrique, quoi de mieux qu’une petite virée dans le vaste sidéral, celui qui pend au-dessus de nos petites têtes de mules. ASTRONETTES, la longue marche vers les étoiles, une création originale de Caroline B. Boudreau et Marie-Josée Bastien, du THÉÂTRE NIVEAU PARKING, a ravi l’amatrice d’histoires astrales que je suis depuis mon enfance. 

Photo: David Mendoza Hélaine

La face cachée de l’aventure spatiale, la féminine, que nous avons découverte en la présence des différentes Astronettes, des femmes que nous ne connaissions pas vraiment, des pionnières dans le domaine de l’aviation, des filles qui n’avaient pas froid aux yeux ni peur de grand-chose. 

Photo: David Mendoza Helaine

Leurs noms : Valentina Terechkova, russe, la seule femme à avoir effectué un voyage en solitaire dans l’espace et la plus jeune cosmonaute; Ruth Nichols, américaine, la première femme au monde à obtenir un permis d’hydroplane; Jerrie Cobb, américaine, la première femme à piloter un bombardier à travers l’Atlantique; Jackie Cochran, première femme à participer au salon aéronautique de Paris; Wally Funk, américaine, première femme enquêteuse du Conseil national de la sécurité des transports en matière de sécurité, première instructrice de vol civile à Fort Sill (Oklahoma) et première inspectrice de la Federal Aviation Agency. À noter que cette dernière et Jackie Cochran ont fait partie du MERCURY 13.

Valentina Terechkova
Ruth Nichols
Jerrie Cobb
Jackie Cochran
Wally Funk

Le projet Mercury 13 avait pour but de sélectionner des femmes pilotes dans l'éventualité de les faire participer au programme Mercury et de les envoyer dans l'espace.. Entre 1959 et 1961, Le docteur William Randolph Lovelace II, qui avait organisé pour la NASA la sélection des 7 astronautes de ce programme, reproduit le même processus sur 25 femmes identifiées avec l'aide de Cobb, qui passe avec douze d'entre elles les tests d'évaluations physiques et psychologiques. À leur issue, Cobb et Wally Funk réussissent les 3 phases d'évaluation successives (identiques à celles de leurs homologues masculins), mais l'expérience ne sera jamais utilisée par la NASA pour un vol spatial.



Alexandra David-Néel

S’ajoute à ce super quintette de femmes pilotes, Alexandra David-Néel, française et belge de nationalité. Elle aussi fut une pionnière de l’espace, un peu plus bas cependant que celui que ses consœurs ont visité. En 1924, première femme d’origine européenne à séjourner à Lhassa au Tibet, exploit dont les journaux se firent l’écho un an plus tard et qui contribua fortement à sa renommée, en plus de ses qualités personnelles et de son érudition. Orientaliste, tibétologue, chanteuse d’opéra et féministe, journaliste et anarchiste, écrivaine et exploratrice, franc-maçonne et bouddhiste, remplie d'une beauté intérieure qu'on ne saurait vraiment décrire, c'est à Veronika Makdissi Warren que l'on a demandé de l'interpréter, un choix judicieux, comme toujours.

Photo: David Mendoza Hélaine

Pour relayer l’histoire palpitante de ces cinq femmes aux fortes personnalités, il y a Emma, celle qui s’envolera pour Mars avec un équipage exclusivement féminin. Et parce qu’il faut toujours un homme qui se mêle du cœur de toutes ces péripéties femelles, Guillaume Perreault personnifie soit un mari, un docteur, un patron, un vice-président. L’équipage des Astronettes, composé de Mélissa Merlo, Véronika Makdissi-Warren, Claude Breton-Potvin et Claudiane Ruelland, nous a transportés sur les ailes du Temps. Avec fougue et épanouissement, nous avons eu droit à la conception artistique de leurs prouesses divines. De véritables anges-poètes. Surtout pas des secrétaires…quoique certaines divas nous font parfois aussi planer avec leurs voix aériennes...




LES ASTRONETTES



Julie Payette
Photo: NASA



ASTRONETTES, 
LA LONGUE MARCHE VERS LES ÉTOILES

Compagnie
 
: Théâtre Niveau Parking

Idée originale : Caroline B. Boudreau 
Texte et mise en scène : Marie-Josée Bastien et Caroline B. Boudreau
Assistance à la mise en scène : Blanche Gionet-Lavigne

Distribution Claude Breton-Potvin, Véronika Makdissi-Warren, Mélissa Merlo, Guillaume Perreault et Claudiane Ruelland
Décor : Amélie Trépanier 
Musique : Stéphane Caron 
Costumes : Kate Lecours 
Vidéo : Louis- Robert Bouchard
Lumière : Keven Dubois 
Direction artistique du TNP
 : Marie-Josée Bastien

...et nous irons passer avril sur Mars...



Au lendemain de la représentation, 
cette magnifique photo de David Saint-Jacques, 
d'où l'on peut apercevoir une tempête de neige
 dans l'est du Canada 
13 février 2019