jeudi 12 septembre 2019

BRAD MEHLDAU : avec le temps /contre le vent


Photo: Michael Wilson

Tres palabras/Trois mots. 
Une pensée jaune. 
Tres palabras...esenciales: 
Rain is falling.

14 J'ai vu tout ce qui se fait sous le soleil; et voici, tout est vanité et poursuite du vent.

Écclésiaste

JAZZ EN JUIN, un tout nouveau festival de jazz a fait son entrée dans le monde de la Musique à Québec. Les organisateurs ont réussi un coup de maître en présentant Brad Mehldau, le réputé pianiste américain. C'était le mardi 25 juin, under the rain...

https://www.jazzenjuin.com/

Arrivée juste à temps by bus pour l'entendre en live pour la première fois, il était accompagné de quatre de ses musiciens favoris : le trompettiste Ambrose Akinmusire, le saxophoniste Joel Frahm, le contrebassiste Joe Sanders et le batteur Leon Parker, tous des maîtres de leur instrument eux aussi.

L’air d’été de la salle Louis-Fréchette s’est rempli des brillantes envolées de notes du piano/bass/drum/saxo/TRUMP ette… Rien que du beau rien que du bon. Rangée DD siège 13, en ligne directe avec l’élégant profil du beau Brad. La main droite, souple comme une feuille de papier musique, le dos voûté sur sa bête noire et blanche qui ne demandait plus que d’être apprivoisée…à nouveau. Le public superbement silencieux applaudissait chaudement après chacune des pièces choisies. D’après le concert d’Ottawa, ça pourrait ressembler à ça :

Blues in C (Brad Mehldau)
Besame Mucho (Consuelo Velázquez)
Chain Reaction (Hank Mobley)
Pannonica (Thelonious Monk)
Straight Ahead (Kenny Dorham)
Straight Street (John Coltrane)



Je tiens à remercier M. Jacques Desmarais pour la découverte de ce génie du clavier. Si ma mémoire est bonne, c’était en été 2009 sur son blogue TRAIN DE NUIT, mais j’ai beau chercher, je ne retrouve plus son texte, celui qui me décrivait chaleureusement cette charmante soirée passée en la compagnie de Brad à la Place-des-Arts.


C’est sa version de la pièce de RADIOHEAD, EXIT MUSIC, qui m’a envoûtée dès les premières notes, une pièce que j’ai dû écouter au moins une centaine de fois si c'est pas plus. La tonalité, le jeu, la finesse, l’ensemble parfait de son fameux trio composé du contrebassiste Larry Grenadier et du batteur Jeff Ballard. Inspirant qu’il est pour tous ces mots que j’ai écrits sur sa musique, ces mots qui ont créé L’ADMISSION, un long texte dans lequel on retrouve beaucoup de pianistes, d’auteurs, dont certains des cygnes que j’ai fréquentés via certains blogues littéraires. Un texte que je finirai peut-être par publier un jour aux ENVAPEMENTS, mais pas avant d’avoir fini d’écrire celui-ci. J’attendais justement de voir Brad Melhdau en personne pour le finaliser...Puis, il y eut AIRPORT SADNESS tiré de l’album PLACES…Quelque chose oui, d’aérien, de fluide, de tranquille, d’envoûtant...


Et le non moins magistral HIGHWAY RIDER, un album double qui traîne sur le buffet du salon entre la symphonie no 5 de Mahler et l’Apocalypse du Mahavishnu Orchestra. C’est une œuvre  que j’écoute inlassablement depuis le printemps 2010, date de sa sortie. Difficile à classer selon certains critiques mais tout de même génial. Ma préférée, WE’LL CROSS THE RIVER TOGETHER, est sans aucun doute la plus achevée. Musicalement, tout y est, l’infiniment petit comme l’infiniment grand…


Et si Brad Mehldau était venu au monde seulement pour avoir composé cette pièce monumentale ? C’est tout ce que ça prend parfois pour consolider les liens qui nous unissent aux artistes. Un morceau de leur âme qui s’imbrique dans la nôtre pour faire quoi ? Rien d’autre qu’un remède pour se soigner les uns les autres. 


Quant à FINDING GABRIEL, son petit dernier, dans un registre beaucoup électrique, mais tout de même aussi mystérieux et un brin anarchique, disons qu’il a vite fait de conquérir mon cœur de rockeuse. En bref, tout ce qu’il crée fabrique des sensations de déjà vu dans certaines zones du cœur. J’aime tout particulièrement ST.MARK IS HOWLING IN THE CITY OF NIGHT



Il y a également STRIVING AFTER WIND. Inspiré par une parole d’Ecclésiaste «  I have seen everything that is done under the sun, and behold, all is vanity and a striving after wind.” D’ailleurs, tout l’album est essentiellement illuminé de certains passages de la Bible qui l’ont marqué. Il y a même la voix d’un certain Donald que l’on peut entendre sur THE PROPHET IS A FOOL



Mais revenons à ce concert mémorable du 25 juin 2019…La salle était pratiquement remplie à pleine capacité, 1875 fauteuils…confortables, mais disons que j’aurais tout autant sinon plus apprécié l’entendre dans un petit bar comme le Saint-Angèle ou autre petite salle. Mais bon, la popularité parfois c’est ce que ça fait. En espérant le revoir dans un avenir plus que rapproché. En attendant, réécouter son lumineux WHEN IT RAINS, une autre pièce dont je ne saurai me passer…quand il fait de ces interminables jours de pluie d'été mais qui sont si nourrissants pour la Terre...en hiver...



DISCOGRAPHIE
CRITIQUES + ARTICLES



Je me permets de reproduire cette excellente critique de Guillaume Bourgault-Côté sur le spectacle de Montréal à la Maison de l'Opéra.


Brad Mehldau, ou la naissance d'un quintet

28 juin 2019
CRITIQUE
Musique
LE DEVOIR

Le phénomène est rare : c’est à la naissance d’un groupe que le public de la Maison symphonique a pu assister jeudi soir. Un quintet qui cherche encore son identité précise, mais qui a déjà trouvé — en neuf concerts à peine — les bases de la chimie qui rend le jazz possible

À peine un mois après la sortie d’un album solo nourri de synthétiseurs et de couches sonores, le pianiste Brad Mehldau s’est présenté jeudi à Montréal avec un projet complètement différent : à la tête d’un quintet composé d’autres leaders — le trompettiste Ambrose Akinmusire, le saxophoniste Joel Frahm, le batteur Leon Parker et le contrebassiste Joe Sanders.

Pour ce nouveau groupe, un répertoire puisé dans le grand livre du jazz (nulle relecture ici de chansons rock comme Mehldau en propose souvent), et couvrant pas mal tous les spectres d'expression du genre. Déclinons. Il a eu De-Dah, d'Elmo Hope, un très efficace be-bop du début des années 1960. Puis, une version extrêmement souple de Besame Mucho, qualifiée de "romantique" par Mehldau mais qui était l'exact opposé de la mièvrerie. Mehldaau a intercalé ici une de ses compositions (Kurt Vibe, 2012), avant d'aller polir un joyau d'album (The blue Abstract Truth, du saxophoniste Oliver Nelson, paru en 1961) à travers la pièce post-bop Yeamin'.

Restait encore au programme un hard bop signé Clifford Brown, génial trompettiste disparu à 25 ans en 1956, un ballet de Thelonious Monk (Pannonica, composée en l’honneur de la baronne Pannonica de Koenigswarter) et Straight Street, composition tirée de la première session de leader de John Coltrane, en 1957.

De ce répertoire varié et ancré au tournant des années 1960, le quintet de Mehldau a fait un tableau moderne, aux contours libres et aux formes contemporaines. La beauté de l’affaire résidait dans cette subtilité des coloris ajoutés par les solistes — principalement Mehldau, Akinmusire (toujours brillant) et Frahm.

On a noté une grande écoute sur scène entre les différents musiciens. Les jambes croisées sur son (très court) banc de piano, Brad Mehldau s’est souvent placé en situation d’observation, attentif aux moindres inflexions de ses collègues. Ambrose Akinmusire avait sa pose habituelle d’écoute : la tête penchée, une main dans une poche, l’autre sur sa trompette. Entre ses interventions, Joel Frahm prenait quelques pas de distance pour mieux saisir ce qui se dessinait.

C’était là l’illustration d’un constat : ce groupe cherche collectivement une signature définie, et porte attention aux expériences qu’il tente. Mais déjà, ce Brad Mehldau Quintet annonce de belles choses. À suivre.







mercredi 11 septembre 2019

NEUF (TITRE PROVISOIRE) : de un à neuf jeux de rôles



Samedi, 8 juin, 16 heure, salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre de Québec pour y retrouver rituellement Mani Soleymanlou. À travers le jeu impeccable des comédiens chevronnés que sont Marc Messier, Henri Chassé, Pierre Lebeau, Monique Spaziani et Mireille Métellus, ce texte rempli du pire comme du meilleur, parce que la mort d’un ami proche peut vous amener à une réflexion sur la vôtre, peut-être prochaine, qui sait ?

https://www.ledevoir.com/culture/theatre/537296/neuf-titre-provisoire-la-force-de-l-age



Pierre Lebeau nous a particulièrement fait beaucoup rire A. et moi, sa haute performance, loin d’être un show de boucane ;-) lui aurait probablement  valu une médaille d’or aux jeux olympiques de la Divine Comédie. Quel comédien! Son complice Marc Messier le suivait pas loin derrière les ronds de cigarette ! Désopilant ! Henri Chassé, un peu plus tranquille, complétait le trio mâle. 


"ON EST RENDUS TROP VIEUX POUR MOURIR JEUNE"

Quant à Monique Spaziani, la gracieuse, qui ne donnait pas sa place, elle fut probablement celle qui m’a le plus surprise, autant pour son côté humoristique et versatile, et que dire de sa grande agilité ? Une grande comédienne. Sa comparse, Mireille Métellus, qui nous ramène dans un « pays » à la mémoire longue mais quelques fois un peu trouée. En résumé: la mort leur allait si bien !


PARCE QU'UN JOUR, 
BEN, 
ÇA S'RA NOT' TOUR!

https://www.lenecrologue.com/necrologie/region/toutes/



NEUF (TITRE PROVISOIR)


Interprétation et collaboration au texte Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani
Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau
Costumes Cynthia St-Gelais
Éclairages Erwann Bernard
Musique originale Larsen Lupin
Direction de production Catherine La Frenière
Direction technique Jenny Huot
Coproduction Orange Noyée et Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

Photos du spectacle: Valérie Remise





PINOCCHIO : au cœur du monde enchanteur de Pommerat


Le 6 juin, théâtre de LA BORDÉE, trois jours après le chef-d’œuvre de Mouawad, celui de Joël Pommerat. Encore une fois prise dans le filet des ombres et lumières de ce génie du conte adapté. C’était ma troisième rencontre avec l’auteur et metteur en scène français. Et j’espère bien que ce se ne sera pas la dernière. C’est que Marie Gignac nous habitue année après année à des spectacles qui nous sortent de nos petites zones de confort. Et l’on ne saurait assez la remercier de nous faire participants de ces séances spirituellement enrichissantes qui jamais ne nous déçoivent.


Que ce soit la beauté/bonté de la fée ou bien cette musique ténébreuse omniprésente, la magie a opéré à nouveau dans notre subconscient submergé d’images venues directement du pire des cauchemars comme du plus savoureux des rêves. Parce que Pinocchio, dans cette adaptation, est quelque fois un peu méchant avec son créateur. 

Pommerat devant SA fée
Patrick Berger / ArtCom Press

Au-delà de la scénographie toute à fait admirable, le jeu des comédiens, absolument parfaits, nous emmène faire un tour de manège dans le parlement des menteurs, quelque chose à laquelle nous ne tenons pas particulièrement. Cette scène de maltraitance de l'âne m'a entre autres touchée davantage, disons qu'on imaginait facilement combien ça aurait pu être pire si ça avait été Pinocchio, mais qu'est-ce que je dis, c'était lui, transformé en âne. Douloureux par moment ces contes pour enfants...

Photos du spectacle: Elisabeth Carecchio

Et peut-être que si nous sommes sages aurons-nous droit au PETIT CHAPERON ROUGE

CRITIQUE


PINOCCHIO


Avec Myriam Assouline, Pierre-Yves Chapalain, Daniel Dubois, Maya Vignando
Collaboration artistique Philippe Carbonneaux
Scénographie Eric Soyer
Lumière Eric Soyer assisté de Renaud Fouquet
Mannequins Fabienne Killy assistée de Laurence Fourmond
Costumes Marie-Hélène Bouvet assistée d’Elisabeth Cerqueira
Réalisation du costume de la fée Jean-Michel Angays
Compositions musicales Antonin Leymarie
Enregistrée par Shan Lefrant soubassophone et tuba Brice Pichard trompette Adrien Amey saxophone Gabriel Levasseur accordéon Fidel Fourneyron trombone Scaba Palotai guitare Rémi Sciuto vents et scies musicales Mathieu Ha voix
Conception sonore François et Grégoire Leymarie, Yann Priest
Décor Atelier de construction du CDN de Caen et Ateliers Berthier.
Accessoires Thomas Ramon – Artom
Habilleuse Elisabeth Cerqueira
Régie son
 Yann Priest
Régie lumière
 Jean-Pierre Michel
Régie plateau 
Mohamed Elasri, Bruno Racine
Machinistes
 Paul Argis, Margot Boche
Production Compagnie Louis Brouillard

Coproduction création L’Espace Malraux-scène nationale de Chambéry et de la Savoie, Centre Dramatique Régional de Tours, Théâtre de Villefranche / Scène Rhône Alpes / Scène conventionnée, La Ferme de Bel Ebat / Guyancourt, Théâtre Brétigny / Scène conventionnée du Val d’Orge, Le Gallia Théâtre / Scène conventionnée de Saintes, Théâtre National de Bordeaux Aquitaine, Les Salins / Scène nationale de Martigues, Théâtre du Gymnase-Marseille, CNCDC – Châteauvallon, Grenoble / Maison de la Culture Mc2, La scène nationale de Cavaillon, Automne en Normandie, CDN de Normandie – Comédie de Caen
Coproduction reprise Scène nationale d’Albi – MC93 de Bobigny
Pinocchio a été répété au CNCDC de Châteauvallon et au Théâtre Brétigny.
Spectacle créé en mars 2008 à l’Odéon – Théâtre de l’Europe.







TOUS DES OISEAUX : le grand retour de l’incendiaire



CARREFOUR INTERNATIONAL DE THÉÂTRE DE QUÉBEC, lundi 3 juin 2019, salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre, bref retour en arrière dans l’univers Mouawad. TOUS DES OISEAUX nous a conquis. On ne peut jamais faire autrement avec lui. La profusion de beauté qu’il nous inculque dans ses longs métrages live de vie fait encore que le cœur s’emballe lorsqu’il magnifie l’Histoire. La belle rencontre qu’il nous a offerte en sera une autre de gravée à jamais dans nos mémoires qui n’en finissent plus d’engranger des scènes choc remplies d’humanité.


Inspiré du roman Léon l’Africain d’Amin Maalouf, l’histoire adaptée par Wajdi Mouawad nous situe en plein cœur de l’amour, de la famille, du mensonge, des conflits père-fils, du chaos. Tout y était pour qu’à nouveau l’on plonge dans cet univers particulier auquel l’auteur libano-québécois nous a fait addicts depuis son l’Immensité de son inoubliable FORÊTS.

Léon l'Africain
Sebastiano del Piombo
vers 1520

La Palestine tout contre Israël, une fille arabe sous un gars juif à New-York, les pères, les mères qui essaient tant bien que mal de répartir les sentiments partagés de cette histoire pas ordinaire. Et la grand-mère, qui heureusement est là avec la finesse de son humour parfois corrosif, qui sait comment vous décaper de bonheur devant le désarroi de SES beaux oiseaux de malheur.



La mise en scène, d’une envergure  d’ailes d’albatros, nous a fait planer dans des villes et pays que nous ne connaissons parfois que de loin, mais comme seuls savent le faire les plus grands dramaturges, nous les avons visité depuis leur profondeur. Depuis ses quatre langues officielles, (allemand, anglais, arabe et hébreu, traduites en français tout de même), nous nous sentions parfois un peu comme dans une certaine tour de Babel ! ;-)

Photos: Simon Gosselin

Merci aux fabuleux interprètes, à leur splendeur et agilité, de vrais acrobates, autant du verbe que du geste. Quatre heures qui ont passé tellement vite qu’on en aurait bien encore pris une autre petite. J’espère qu’on attendra pas encore aussi longtemps pour revoir un autre chef-d’œuvre de Wajdi Mouawad. J’ai appris via une interview récente de Robert Lepage que celui-ci et Wajdi préparent depuis 3 ans « un spectacle conjoint », que l'on pourrait voir un de ces jours dans un festival quelconque. Et le rêve continue…





TOUS DES OISEAUX


Texte et mise en scène Wajdi Mouawad
Interprétation Darya Sheizaf, Jalal Altawil, Jérémie Galiana, Judith Rosmair, Leora Rivlin, Rafael Tabor, Raphael Weinstock, Victor de Oliveira, Nelly Lawson
Assistanat à la mise en scène Valérie Nègre
Dramaturgie Charlotte Farcet
Conseil artistique François Ismert
Conseil historique Natalie Zemon Davis
Musique originale Eleni Karaindrou
Scénographie Emmanuel Clolus
Lumières Éric Champoux
Son Michel Maurer
Costumes Emmanuelle Thomas assistée d’Isabelle Flosi
Maquillage, coiffure Cécile Kretschmar
Traduction hébreu Eli Bijaoui
Traduction anglais Linda Gaboriau
Traduction allemand Uli Menke
Traduction arabe Jalal Altawil
Production La Colline – théâtre national

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