samedi 19 novembre 2011

LAURIER-STATION-1000 RÉPLIQUES POUR DIRE JE T'AIME: Décortication à la courtepointe des couteaux






Les couteaux ont une lame et surtout un manche,
afin qu'on puisse les utiliser sans risque.

Isaac Asimov



 
QUELQUE FOIS SI DRÔLES
…OUI, SI DRÔLES…
QUELQUES FOIS SI SEULES,
PARFOIS, ELLES LE VEULENT
OUI, MAIS SI SEULES…
VOUS ÊTES MA MÈRE
JE VOUS RESSEMBLE
FEMMES, JE VOUS AIME



Pour la mémoire de Lili Boisjoli:

DAME DE CŒUR





Au Trident, la semaine dernière, Médée poignardait ses deux fils, et jeudi soir passé, au Périscope, une mère battait sa fille. LAURIER-STATION, 1000 répliques pour dire je t’aime, d'Isabelle Hubert, a rempli sa mission: en piquant de son mouvement libre les cœurs ici présents, l'auteure a fait éclater la petite bulle qui contient les perles de sa broderie...parce que chaque courtepointe porte la marque spécifique de son créateur*.


Nous étions tous et toutes là, ensemble et séparément, à se faire raconter cette histoire d’entre les femmes. Au beau milieu d’Elles, Martin, le seul homme de la troupe, celui-là par qui la bonté est née, touchant et beau Nicolas Létourneau. Avec un humour nuancé, il reliait faits et gestes de ce soir de tempête de neige en mai.


La mise en scène de Jean-Sébastien Ouellette, créée par cet ostensible réalisme, " obsédé modifié " (et pratiquement non subventionnée) fait observer autant les petits coups de couteaux plantés dans le large dos des femmes (des couteaux qui ne volaient pas si bas que ça quand même), que les légers coups de pinceaux sur la toile d'un quotidien bien senti: répliques tendres, secousses dures, passion, misère, doutes, espoirs. Les divers accessoires, cadeaux de deuil frais légués pour la postérité de l'âme (courtepointe (invisible), carrousel de diapositives, lettre d'adieu, souliers jaunes, boîte de carton) n'apparaissent nullement comme du simple matériel de marché aux puces à liquider mais comme les souvenirs physiques de l'être cher...qui doivent bien finir par devoir servir à quelque chose…un jour…


[J’ignore encore pourquoi la chanson FEMMES, JE VOUS AIME m’est venue en tête après la représentation, alors que je marchais dans l'air du retour à la maison. Peut-être à cause de la belle tourmente de l’adolescence, celle où avec mes petites cousines maternelles j’écoutais inlassablement les albums d’un jeune et beau chanteur français aux cheveux bouclés qui nous aura fait passer directement de nos quatorze/quinze ans à nos cinquante et quelques]…[ou peut-être simplement à cause de toutes ces femmes que j'ai reconnues dans LAURIER-STATION...]

Aujourd’hui, ce soir, dans les bras chauds et réconfortants des anciennes plages de vinyle noir (via YouTube) je me dis que ce n’est pas par hasard SI j’apprends que la chanteuse Joni Mitchell a retrouvé sa fille, une enfant qu’elle avait aban-donnée en adoption alors qu’elle n’avait que 19 ans. Étant raide pauvre et encore qu'une illustre inconnue, elle avait préféré la confier à une autre famille que la sienne. J'ai bien sûr pensé à Cassidy...Je me suis dit: qui ne connaît pas une fille qui décide un jour que la vie ne peut pas essentiellement ressembler à celle que sa mère a vécue ?


Cette trame de désespoir dans le chant bruyant de la balayeuse de sweet Cassidy, prenante Krystel Descary ...Cassidy, avec tous ses secrets, ses silences...et ses longs cheveux...avec son mal au ventre, sa bière aux lèvres, son corps au frette…un body pas tout à fait comme celui de sa mère, Carolanne, beautiful et exubérante Joëlle Bond...Carolanne, qui l’a mise au monde lorsqu'elle n'avait que seize ans...Carolanne avec son petit violon bien ajusté dans ses pantalons de strech…Parce qu’il y a eu des rires à travers toute souffrance, parce qu’il faut bien survivre à ses blessures…

QUELQUES FOIS
SI DURES
QUE CHAQUE BLESSURE
LONGTEMPS ME DURE
LONGTEMPS ME DURE


De l’air dans les poumons
Du sang sur les tampons
Du sucre pour les cafés fades
Du sel entre les larmes séchées
Des fleurs sous la neige de mai


...Every breathe you take







Toute éparpillée, tantôt forte, tantôt déstabilisée, occupée à combattre tous ses dons de perfection, la Anne-Sophie de Véronique Côté: tout simplement belle comme une fleur…imparfaite. Avec la Nathalie de Sophie Dion, rebelle et fougueuse Scarlet, elles forment un duo d’enfer (et de paradis) de sœurs dépareillées. Une connivence faite de rivalité et de soutien, qui nous fait penser à toutes ces petites chicanes entre amies. De la réalité connectée directe au quotidien. Du franc-parler. Du direct dans le cœur...


DÉCORTICATION

 

Des ondes humaines pour les chambres de motel de région
Des fleurs projetées sur les tapisseries de banlieues beiges
De la bière, des hommes, du hockey,
et du fun au noir
dans la misère...à boire

Des téléromans pour femmes à mères…
Des réseaux sociaux pour petites araignées,
qui tissent parfois trop vite leurs fils de virtualité…

De la télépathie dans les cellulaires
Des appels d'urgence non retournés
De l’angoisse à la pelletée
Des amis pas encore retrouvés…

Parfois, c’est just too late


Mais des fois, c’est just too much update
Et parfois, c’est pas mal outside
Et des fois, c’est pas toujours inside

Mais une fille,
(dans la chambre du boutte)
attend fin seule
que le vert du printemps
lui peinture sa vie en blanc...



COMPAGNIE DRAMATIQUE DU QUÉBEC


Texte: Isabelle Hubert
Mise en scène: Jean-Sébastien Ouellette
Assistance à la mise en scène, régie
et direction de production: France Deslauriers
Décor et accessoires: Vano Hotton
Costumes: Jennifer Tremblay
Éclairages: Caroline Ross
Musique: Andrée Bilodeau et Patrick Ouellet
Conception vidéo, tournage et montage: Marilyn Laflamme
Animation vidéo: Frédéric Lacroix
Graphisme: Elena Fragrasso
Direction administrative: L'ANNEXE
Construction des décors: Hugues Bernatchez

* L'encyclopédie canadienne


Photo et montage: L.Langlois


1 commentaire:

  1. Isabelle Hubert (via facebook)

    Oooooooh! Qu'il est doux d'inspirer tant de beaux mots! Dans les commentaires d'après-match, c'est ce que j'ai lu de plus suave! Merci, merci!

    Certaines phrases vont m'accompagner longtemps!

    "Mais une fille

    dans la chambre du boutte
    attend fin seule

    que le vert du printemps

    peinture sa vie en blanc..."

    Oooooh! Merci!

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