vendredi 30 juillet 2010

INES PÉRÉE INAT TENDU: Roche hour pour une fleur incassable



photos: Nicola-Frank Vachon



Photo: L.L.





Il n'y a pas de patrie, dans le sens d'un endroit d'où on vient et où on était si bien. La patrie c'est le paradis perdu.

Réjean Ducharme
Les enfantômes






À l'heure où les bouteilles se couchent...


Marcher, descendre les marches, cueillir une roche, remonter les escaliers, attendre les comédiens, les redescendre en même temps qu’eux. Entrer. S’asseoir. Écouter. Voir... et espérer…


Hier soir, dans le studio d’essai de chez MÉDUSE, INES PÉRÉE INAT TENDU, un texte de Réjean Ducharme mis en scène par Frédéric Dubois….Du théâtre d'automne en plein été, une fleur à la boutonnière des rêves ravagés...L'avantage d'assister à une pièce en plein milieu de la belle saison, c'est de ne pas être dérangé par les enrhumés toussoteux...Ce soir personne ne s’est mouché, personne n’a mouchardé personne, on aurait pu entendre une mouche mourir…on aurait presque dit qu’il y avait conspiration (dépressionniste ?) entre spectateurs et acteurs…

Des tendus que nous étions (assis les fesses carrées sur nos chaises de bureau) aux coupeurs de souffles qui emplirent discrètement nos têtes d’un rire diffus à travers des répliques on ne peut plus " répliquantes ", les mots de la sélection naturelle de l'auteur fantôme, toujours bien enracinés dans le sol des planches enflammées, donnèrent tout simplement, et MAINTENANT, à espérer l’hier de force, à déterrer de son passé simple les si je me souviens bien on va se dire à la prochaine fois, à boucaner le saumon frais de la poésie des non subventionnés, à résister aux entêtés que nous sommes parce qu’au fond de nos bouteilles couchées nos vérités s'assomment.

(extrait de carnet)

Ça y est, c’est fait, j’ai enfin "rencontré" Réjean Ducharme. Il était assis juste en face de moi. Il n’était pas seul, il était plutôt SEPT ou peut-être quinze, si on inclue le metteur en scène et la direction technique et artistique. Cette pièce montée par LES FONDS DE TIROIR, c’est tout le monde qui l'a jouée ensemble...dans le carré de roches renversées.

Je ne m’attendais à rien de moins de ce que j’ai vu et entendu. Frédéric Dubois doit se réjouir du résultat final. J’aime beaucoup ce jeune metteur en scène pour son appétit de vent nouveau, sa " cuisine "versatilement indépendante, parce qu’en plus de la faire goûter au spectateur fringaleux, il sait comment lui faire res-sentir les bonnes comme les mauvaise odeurs. Parce que...


...rien n'est tout à fait parfait, et que c'est bien tant mieux...

Je pense encore à cette roche qu’on nous a gracieusement offerte avant d’entrer, et à la façon dont nous nous en sommes bon-débarrassé, ceci à la demande spéciale des comédiens qui venaient de nous dé-livrer un acte de solidarité. Comme une communion solennelle, une ode à la mort sanglante pour les deux jeunes et principaux protagonistes, qui avaient levé leurs bras, croisé leurs doigts pour tenir entre eux la fleur incassable, nous déposions nos précieux cailloux sur leurs membres mourants mais encore chauds...

OUI, Réjean Ducharme a de quoi être fier de SA langue, celle qu'il retourne SEPT fois dans sa tête avant de la day/parler, et fier des gens de théâtre d’ici, qui se l’approprient encore pour en faire un plat de résistance, qui la commémorent au nom de SA survivance.

Казана дума, хвърлен камък
Parole dite, pierre jetée

proposée par Radoslav*


LEUR LANGUE BIEN TENDUE

chantante/bouillonnante/bionique/ironique
charismatique et magnétique Sylvio Manuel Arriola
poétique/haletante/athlétique
 magnifique et intense Catherine Larochelle
tendre/croustillante (comme une chips mangée à même le plancher)
généreux et productif Steve Gagnon
drôle/énigmatique
affriolant(e) Jonathan Gagnon
en perruque et talons aiguilles,
qui passait, passait et re: re: re: repassait
naïve/comique/libérante
toujours aussi ravissante Véronique Côté
pleurante/hystérique/déboussolante
sensuelle et amourante France Larochelle

pétillante/ruisselante
chaleureuse et moustillante Édith Patenaude

***

Un coffre-fort rempli de mots décachetés, d’envolées sextuelles, de bijoux d'insonorisés, d’idées rebellion, de brouhahas muets, de fracas de bouteilles…Un bain sur pied (à moitié plein) pour un homme dedans, avec sa robe de chambre (et ses sandales)…Une porte dans le ciel…Une femme qui parle…Un pistolet…Un tas de roches…De la garnotte. Des corps fumants, des corps hard corps...De la volupté d'enfants abandonnés pour enfants mendiants d’amouritié. Du mal adopté…INES et INAT, de la Beauté nourrinaissante bien en chère, comme celle du suc des trois morceaux en forme de poires... moelle substantifique pour cerveaux en quête d'imaginaire...Pour l’espérance de vie, la sucer jusqu'à sa fin…Lui prendre la main, lui faire lever le bras en l'air en lui faisant tenir entre ses doigts une fleur pas arrachable, pas cassable, pas écrapoutissable…Et pour sa postérité de l'immédiat lui faire voir un futur de sans regret, lui déposer une roche sur son corps sédi-amantaire…INES et INAT, de l’émotion cultivée...à fleur de pot…



***

Le texte m’a bien évidemment percutée de plein fouet, mais comment ai-je pu ignorer " presque délibérément " un auteur qui pourtant est adulté par à peu près tout l’intelligentsia de la communauté culturelle du Québec pas encore souverain ?!? Peut-être le Temps n’était-il tout simplement pas encore re-venu de son voyage astral à Saint-Félix-de-Valois...

À la fin de la pièce, je n’ai pu m’empêcher d’aller féliciter Catherine Larochelle pour lui confesser ma faute (avouée), mon péché sera donc peut-être pardonné. Ce soir, je suis convaincue que Réjean Ducharme sait à quel point sa pièce a été bien dirigée et bien jouée par les Fonds de tiroirs. Maintenant déviergée par Ines et Inat, L'hiver de force et Le nez qui voque, qui m'avaient été conseillés par nul autre que Patrick Brisebois, ancien jeunauteur fanatique de l'auteur fantôme, la Lectrice se fera donc un plaisir de dévorer d'ici peu ces deux livres de mots hachés qui attendent bien patiemment sur l'étagère des mal adoptés...

Merci à Sylvio Manuel Arriola pour ses mots envapés…Dans un mois, on l'a convenu, il y aura encore plus de résistance dans l'air chaud de Québec.

(Et un A+ de plus): pour la musique, pour Pascal Robitaille, qui l'a parfaitement bien ajustée au corps de la pièce. Pascal Robitaille, celui-là même qui a créé une multitude d’objets sonores pour le parcours déambulatoire lors du Carrefour International de théâtre de Québec.

***

INES PÉRÉE INAT TENDU


Mise en scène: Frédéric Dubois
Assistance à la mise en scène et régie: Adèle Saint-Amand
Scénographie: Frédéric Dubois
Costumes: Yasmina Giguère, assistée de Jeanne LapierreConfection des costumes: Par Apparat
Musique: Pascal Robitaille
Lumières: Denis Guérette
Direction de production: Julie Marie Bourgeois
Direction technique: François Leclerc 




3 commentaires:

  1. Il faut aussi aller au bar de L'Avalé.

    Merci pour cette belle trotte théâtrale qui donne le goût de se grouiller le cul!

    Mot de passe : Atsis.

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  2. Heureux beau grand hasard: la pièce célèbre ce soir ses 42 ans, c'est encore très jeune.

    « La pièce a été créée le 31 juillet 1968 au Théâtre de la Sablière dans le cadre du Festival de Sainte-Agathe. La mise en scène était d'Yvan Canuel. Huit ans plus tard, en mai 1976, elle fut reprise par une jeune compagnie, l'Organisation 0, dans une mise en scène de Germain-Guy Beauchamp sous le titre ‘’Prenez-nous et aimez-nous’’. En octobre de la même année, la Nouvelle Compagnie Théâtrale, dans une mise en scène de Claude Maher, en présenta une nouvelle version que l'auteur avait mise au point pour cette production et qui fut publiée.»

    André Durand

    http://www.comptoirlitteraire.com/docs/122-ducharme.doc

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  3. Suite à la critique de Josiane Desloges in LE SOLEIL

    http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/arts-et-spectacles/theatre/201007/21/01-4300222-ines-peree-inat-tendue-comme-un-feu-de-bengale.php

    et une réponse pour l'opinion de ses lecteurs:

    LE FLOU DANS L’ESPRIT DU PUBLIC
     
    J'ignore si Frédéric Dubois, le metteur en scène d’Ines Pérée et Inat Tendu, a tenu compte de ses " relâchements " et " inaboutis " (ce sont les expressions employées par Madame Josiane Desloges dans sa critique du 21 juillet dernier) mais de mon côté, j’ai plutôt eu l’impression d’assister non pas à un " feu de Bengale qui s’est lentement éteint, avec quelques soubresauts lumineux " (ce sont ses mots) mais à une superbe explosion de bombe sale *, créant ainsi parmi un public on ne peut plus respectueux, un flou…artistique.

    J’ajouterais que c’est un atout que de ne pas me fier aux commentaires à caractère stérile des premières, parce qu’au final, c’est le spectateur qui sera le seul juge de ce qu'il verra. Le feu de Bengale ? ce sont inévitablement les lumières qui se sont allumées à la toute fin, car d’après ce que j’ai pu en ressentir comme chaleur et luminosité; elles n’ont vraisemblablement pas tout gâché, au contraire, on aurait dit un rayonnement de réflexion pour le cercle de silence mortuaire que nous formions autour d'Ines Pérée et Inat Tendu, un fort beau moment communautaire.

    Louise Langlois

    * à propos des BOMBES SALES: Le but principal n'est donc pas de détruire, mais de contaminer une zone géographique et les personnes présentes en son sein par des radiations directes (premier effet) et l'ingestion et l'inhalation de matériaux radioactifs (deuxième effet).


    Commentaire bien reçu. Merci.

    Compte tenu du nombre de lettres reçues, celles de moins de 200 mots sont privilégiées.

    Bonne fin de journée,

    Mariette Villeneuve | Technicienne à l’éditorial
    Courrier des lecteurs
    leSoleil www.cyberpresse.ca/le-soleil

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