vendredi 25 décembre 2015

DÉTAILS DU GRAND PORTRAIT: Les dépossédés



Par un de ces beaux dimanches soirs de décembre, entre les vieux murs d’une ville fortifiée, une flopée de mots flambés, bandés bien durs, venus directement de la chaude et si vivante Belfast, celle d’Owen MCCafferty. *





Ils étaient seize et saisissants, beaux et belles finissants du Conservatoire d’Art Dramatique de Québec. Et nous, en vieux convertis que nous sommes devenus des différents théâtres de la Cité, faisions notre toute première « apparition » dans cette magnifique enceinte, ancienne chapelle Holy Trinity of Ease ** Ce fût une autre de ces enrichissantes découvertes culturelles, remplie de promesses et d'avenir... 





PORTRAIT de groupe


J’hésite encore à dire la vérité. La vérité est moche, et accablante. Il n’y a pas de consolation. Vos gestes sont mignons et insignifiants. Votre tristesse postée sur Facebook, vos tweets indignés ne font aucune différence. Vous ne pouvez rien faire pour apaiser ou mettre au défi. Ceux qui disent que ce n’est pas une guerre ont complètement raison. Ce n’est pas une guerre. C’est un massacre, une boucherie. Cette semaine, Paris est un abattoir.

Robert McLiam Wilson
17 novembre 2015
in Les Inrocks ***


Coeur-Main
Annette Messager
pour les Inrockuptibles


En voyant le beau visage rebelle de Steven Lee Potvin, et la ressemblance frappante avec celui du jeune Robert McLiam Wilson, un autre auteur issu de Belfast (Eureka Street, Les Dépossédés, Ripley Bogle), je n’ai pu m’empêcher de le prendre «  en portrait » de plus près. Mais c’est surtout la rigueur avec laquelle il jouait son impitoyable et touchant Bobbie Torbett qui a fait qu’il ait retenu autant mon attention. Le feu aveuglant dans ses yeux, l’arme à gauche collée sur son grand cœur de délinquant, ferait tout et n’importe quoi pour que Bop, son cadet, n’aille jamais travailler à l’Abattoir…


Robert McLiam Wilson


Steven Lee Potvin

Extrait vidéo de ce diamant brut ****



La rage de l’Ange dans le dépotoir
Ses cuites et ses rixes dans le bar
Le long des jours à broyer l’Espoir
Il ne travaillera jamais à l’Abattoir



TECHNICOLOR EYES ******


Belfast, par un de ces jours de cafard de l’ordinary people, parmi les allées et venues entrecroisées des parents et amis, femmes et maris, enfants déchus, violés et pendus. Le temps d’une virée, deux frères qui s’évitent, se taisent ou se tuent, des pères qui meurent, des mères qui pleurent, des chiens qui jappent, des chattes qui miaulent, des fleurs qui sèchent, des heures qui s'accrochent aux heures perdues puis retrouvées. Beaucoup de temps donc pour ces indigents qui le boivent à même le goulot d’une bouteille sans fond, qui lui sucent la moelle des os trempant dedans, qui lui rongent ses ongles jusqu’au sang, qui le déchiquettent en le baisant, qui le vident de tous ses excédents, un peu comme le font BLOOD OR WHISKEY ***** ci-contre... 





LES COMÉDIENS

Dylan Foggarty: Olivier Arteau-Gauthier
Connie Dean: Ariane Bellavance-Fafard
Dave Black: David Biron
Swiz Murdoch: Jean-Philippe Côté
Maggie Lyttle: Joëlle Déry
Joe Hynes: Pierre-Luc Désilets
Helen Woods: Gabrielle Ferron
Sharon Lawther: Lauren Hartley
Theresa Black: Stéphanie Jolicoeur
Bobbie Torbett: Steven Lee Potvin
Maeve Hynes: Nathalie Séguin
Bop Torbett: Dayne Simard
Cooper Jones: David Bouchard (diplômé 2015)
Paul Foggarty: Pierre-Olivier Cauchon
L’infirmière: Claudelle Houde-Labrecque



Photo: L.Langlois
20 décembre 2015


Tous, sans exception, sont de puissants caractères émergés de la tête d'Owen McCafferty, un auteur « qui nous montre non seulement la façon dont les vies individuelles se croisent mais la collision des mondes privés et publics »…Voyez le superbe teaser qui nous replonge dans cette pièce qui se dévore toute crue...comme un tartare irlandais...



Les Irlandais, ces pères et mères, frères et sœurs, filles et fils, enfants d’anciens réfugiés arrivés ici affamés et malades dans nos terres d’Amérique, ont des liens précieux de parenté avec nous, plus proches qu’on pourrait le croire. Leurs histoires ressemblent aux nôtres, leurs peurs, leurs guerres, leurs déchéances mais aussi leurs espoirs, leurs vérités…et leurs mensonges. C’est la géniale Marie-Josée Bastien qui a mis en scène cette pièce « animale, bouillante et sensuelle », très bien traduite en québécois d’icitte par Michel Monty.




Le décor fort ingénieux, conçu par Pierre-Olivier Cauchon, qui est de plus l’interprète de Paul Foggarty, impressionne de par son élévation et ses nombreux compartiments; il donne franchement le goût de prendre place dans son bar et d’y enfiler whiskey après scotch après bière. De la chambre à séquestrer de Dylan à l’épicerie de quartier de Dave Black, en passant par le bureau des abattus de sa femme Theresa et le bar rassembleur d’Helen Woods, on y passe d’excellents et mémorables moments ».





Les éclairages de David Mendoza Hélaine, qui a également conçu la superbe affiche, rayonnent de fatal et de noirceur, y projetant le texte dans toute sa réelle splendeur. Les costumes, de Claudelle Houde-Labecque, slack, seyants, sexy, straight, propres ou délabrés, sont en parfaite harmonie avec les différents caractères qui les portent. Ils leur vont...comme des gants…






DÉTAILS DU GRAND PORTRAIT, ce sont des serviettes de plage d’amoureux entrelacés et tendus, des verres de bière remplis à ras bord, un coup de revolver im(prévu), des souliers d’enfant disparu trouvés dans la terre froide, un trousseau de clefs lancés par une fenêtre ouverte, des chorégraphies endiablées de corps cognant aux portes de l’enfer, des accessoires qui s’entassent dans les recoins poussiéreux des caveaux, alcôves et cellules en tout genre…



Photo: L.Langlois



LES CONCEPTEURS

DÉCOR: Pierre-Olivier Cauchon
COSTUMES: Claudelle Houde-Labrecque
ACCESSOIRES: Magali Delorme
AFFICHE ET ÉCLAIRAGES: David Mendoza Hélaine


THE BIG PICTURE BAND: des comédiens qui jouent de la guitare, de la batterie, de la basse, qui font de la musique, qui ont décidément tous les talents. Ils sont David Biron, Pierre-Olivier Cauchon, Jean-Philippe Côté, Steven Lee-Potvin et Dayne Simard.


L’ÉQUIPE TECHNIQUE DU CADQ

FABRICATION DES DÉCORS: Pierre Cloutier (responsable)
ET MONTAGE TECHNIQUE: Christian Bernard, Hugues Bernatchez et Yvon Laroche
CONFECTION DES COSTUMES: Manon Vézina (responsable) et Hélène Ruel

LES PROFESSIONNELS 

ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE: David Bouchard
RÉGIE ET MANIPULATION DE LA CONSOLE DE SON: Vincent Roy et Claudelle Houde-Labrecque
BANDE SONORE ET COMPOSITION DE CERTAINES PIÈCES MUSICALES: Vincent Roy
SUPERVISION DE L’ÉCLAIRAGE: Mathieu C. Bernard






Le Conservatoire d’Art dramatique de Québec, un véritable trésor national, niché au 11 de la rue Saint-Stanislas, qui y cache ses perles et diamants, qui enfante des gens de théâtre qui feront naître à leur tour la suite des choses au nom de tous ceux et celles qui les ont précédés. Ce sont ces jeunes finissants que nous sommes allés stimuler afin qu’ils puissent poursuivre le chemin dans lequel ils se sont engagés depuis quelques trois ans, comme l'a fait l'exceptionnel Jean-Denis Beaudoin, finissant de l'année 2013. 



Photo: L.Langlois


Maintenant que nous avons eu notre baptême A. et moi, et que nous sommes ressortis plus qu'enchantés, nous en avons conclu qu’il se pourrait fort bien qu’on se rajoute un abonnement l’an prochain. D’ailleurs, un grand merci à Max Dumais, qui faisait partie des nombreux spectateurs de cette ultime représentation. C’est lui, ainsi que Miguel Fontaine et Vincent Nolin-Bouchard, deux finissants en jeu de la cohorte de 2015, que nous avions croisés cet automne au bar L'AUTRE ZONE lors du mémorable TROIS NUITS AVEC MADOX, qui nous avaient fortement conseillé d’assister à au moins une production du Conservatoire. Voilà, c'est maintenant fait, et il est d'ores et déjà assuré qu'en février prochain, nous irons voir la création des élèves dans une mise en scène de Michel Nadeau. Ce sera pour sûr un plaisir évident que de revoir ce talentueux essaim de comédiens et artisans de la scène.


REMERCIEMENTS

Pour clore ce premier chapitre exposé aux ENVAPEMENTS, je tiens tout d’abord à remercier Olivier Arteau-Gauthier, majestueux dans son rôle de Dylan. Artiste interdisciplinaire, il a également participé " spécialement " aux remuantes et énergiques chorégraphies. Nous avons pu lui témoigner notre reconnaissance avec une courte mais intense conversation après sa magistrale performance. Il rayonnait tout simplement, de même que Claudelle Houde-Labrecque, qui était ce soir à la conception des costumes et qui tenait le rôle de l’infirmière. Finalement, un grand merci à madame Marie-Josée Bastien, qui, comme à sa fidèle habitude, conçoit un théâtre chaud et vivant, comme elle l’est elle-même, comme elle aime en faire. Cette femme est un solide et intense monument d'humanité. 



Olivier Arteau-Gauthier






***

Futur DIAMANT
Photo: L.Langlois
20 décembre 2015



 REVENANTS


 Comme douceur de printemps 
ressuscitée ici en décembre, 
foulant les trottoirs de ciment,
entendre pleurer Connie Dean en Irlande
qui crie que son Dylan qui lui manque

C'est là toute la douleur d'une fille 
enfermée à vie dans une chambre

Mais entre les souliers identifiés d'un garçon disparu
et le crâne retrouvé d'une petite fille assassinée,
deux âmes décongelées pour mille cœurs attristés

elquidam
26 décembre 2015















2 commentaires:

  1. via facebook le 22 mars 2016

    Merci pour ce petit mot que je viens de recevoir !! Il était tombé dans une boîte de messages filtrés... je ne savais même pas que j'avais ça ! En tous les cas, j'ai lu quelques pages de votre blog et je vois que vous êtes une véritable passionnée de théâtre et j'ai envie de vous remercier pour ça, pour votre passion ; sans la vôtre, la mienne ne serait pas non plus. Au plaisir !
    David Bouchard

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  2. Et ma passion n'a fait que s'agrandir hier soir en constatant que vous serez non pas une mais deux fois à La Bordée. Une excellente nouvelle. J'ai eu le privilège d'avoir une super conversation avec Hugues Frenette après la présentation, je pense que vos oreilles ont du bourdonner un peu émoticône wink C'était tellement rafraîchissant cette soirée, de voir les vétérans de la scène à vos côtés ainsi que ceux d'André Robillard, Catherine Simard et Paul Fruteau de Laclos, ce qui me donne à penser que la relève nous promènera encore longtemps dans de fascinants périples théâtraux. Merci encore pour ces inoubliables DÉTAILS DU GRAND PORTRAIT et ÉPICERIE, Jean-Denis Beaudoin en est un autre qui fait battre mon coeur de passionnée. ;-) Bonne journée.

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