jeudi 26 novembre 2015

SAUVAGEAU SAUVAGEAU : un petit indien dans la pleine lune du Castor


Photo: Ulysse del Drago




« Ce sera un spectacle intimiste, mais complètement ouvert, dans lequel la critique sociale apparaît par éclairs. On y aborde notamment l’idée que le Québec est dans une forme prolongée de sommeil depuis 1995. Mais ce sera surtout un contact privilégié avec Sauvageau, sa sensibilité, son génie, sa langue. Il a une langue éclatée qui est immédiatement compréhensible et en même temps mystérieuse. C’est très beau. »

Paul Savoie à Philippe Couture
VOIR
Le 16 SEPTEMBRE 2015








« Il avait un halo autour du personnage. 
Il était de la trempe d’un Robert Lepage
Imaginez s’il avait vécu…»

Raymond-Louis Laquerre *



Photo-montage: L.Langlois
Lune du Périscope le 25-11-15



La pleine Lune du Castor **

C’était la période durant laquelle le Castor s’activait pour isoler leurs constructions pour l’hiver et aussi, période durant laquelle il accumulait la graisse qui les garderait au chaud. Elle était appelée aussi Lune de Givre.


 Photo: L.Langlois
(une semaine avant)


On tire des obus à Valcartier, on entend ce bruit agaçant depuis ce matin à Beauport. On se demande si c’est pas un peu tard pour se pratiquer à larguer la mort dans le territoire moucheté des blindés. Minuit trente-huit, et c’est pas encore fini, on en entend encore... BOOM ! BOOM ! BOOM ! WOUF ! WOUF ! C'est comme dans un film de guerre, un peu comme si on nous préparait à quelque chose d'improbable...





Pendant ce temps, deux comédiens jouaient sur la scène du PÉRISCOPE. Un duo d’enfer. L’un (joué par Gabriel Szabo), mort il y a 45 ans, l’autre (par Paul Savoie), toujours aussi vivant à 69. Habillés identiques, les mêmes lunettes sur le bout de leur nez, leurs cheveux bruns, leurs cheveux blancs, leurs bras, leurs mains, s’agitaient, s’exprimaient, se donnaient et...recevaient. Quelque chose de spatial avait envahi le lieu. Une sorte de chant visuel, connecté au noir des nos forêts les plus profondes. Avec le piano mécanique, la musique comme une quatrième dimension, pour mieux capter le rêve de ce plus qu'attendu SAUVAGEAU SAUVAGEAU, une superbe coproduction du Centre du Théâtre d'Aujourd'hui et du Théâtre Blanc.







LA LANTERNE


Un homme assis dans la Lune de neige,
un homme déguisé en petit Indien beige,
un homme infusé par sa poésie astrale.
Un homme, avec une fleur et un agneau.
Et un de ses ciels gris qui ombre son sourire.
Plus l’acide sur sa langue propre et si éclatée.
Et sa mort prématurée au pays du Revenant.






Comme Aquin, fondant dans le lys blanc de sa NEIGE NOIRE,
Comme Gauvreau, reluisant sur ses ŒUVRES CRÉATRICES,
Yves Hébert, dit Sauvageau, ou SAUVAGEAU SAUVAGEAU,
né pour mourir comme eux: au combat, et avant leur temps.




Photo: L.Langlois


(Et sur mon cœur dégelé:
le chandail G4UVR34U 
de M4thieu 4rsen4ult)




Claude Péloquin et un autre Sauvageau...


Peu de gens dans la salle, mais du silence, et du bon. Parfait pour entendre cette voix venue de l’au-delà, celle de Yves Hébert, dit Sauvageau ou Sauvageau Sauvageau. Le 12 octobre 1970, en pleine crise, il a pris la mort aux dents entre ses bras. Sous son masque de carton, il nous a tiré la langue et s’est envoyé en l’air. Étonnant comment la voix de Gabriel Szabo, Sauvageau jeune,  m’a fait penser à celle de Christian Lapointe, la même que portait Éric Robidoux dans OXYGÈNE. Cette voix qui propulse la pensée de sa tête pour la faire passer dans les nôtres, cette voix qui oxygène nos souffles errants de futurs mourants, cette voix, honorée aujourd'hui même à Montréal en même temps que dans la Capitale ***



Photo: Valérie Remise


Des reconnaissances pleinement méritées pour un homme qui sait comment prendre parole à travers celle des autres, qui transplante à nouveau les racines au vent d'une culture laissée parfois trop longtemps en jachère. Que ce soit la langue de Gauvreau, Yeats, Tremblay (Larry), Duras, Crimp, Viripaev, Artaud ou autres monuments de la littérature, leurs mots font toujours bombance et résonance au cœur de ses révoltes, et avec SAUVAGEAU SAUVAGEAU encore plus je dirais. Son assemblage de textes originaux de Sauvageau, parfaitement métissés pour la retransmission de l’œuvre de cet auteur mort beaucoup trop jeune, fait de la lumière autour et au dedans de ce grand poète oublié, que je connaissais pas vraiment, malheureusement. Christian Lapointe, par son acharnement (thérapeutique quelques fois) combiné à son immense culture, contribue personnellement à l'enrichissement spirituel de ses « assistants spectateurs », encore et toujours aussi éblouis que la première fois, celle où ils ont peut-être parfois été mis à l'épreuve. ;-)  



Photos: L.Langlois
Périscope, 25 novembre 2015


Ça prend de l’audace, et surtout beaucoup d’intelligence, pour ressortir du tombeau le linceul qui recouvrait ces mots d’éclatement et de liberté. Curieusement, il y a 27 ans, jour pour jour, la terre du Québec tremblait fortement sous nos pieds. Et ce soir, c’est sous nos yeux qu’elle l'a fait. Merci à Christian Lapointe ***** et au THÉÂTRE BLANC d’être parvenus à le réussir aussi parfaitement. Également à David Giguère, qui passait par là, pour la signature marquante de la musique originale de cet autre magnifique opus Lapointe. Le décor multi pratique de Jean-François Labbé, un rectangle qui roule et se transforme en écran big brother, qui prête vie aux écrits de Sauvageau, aux voix de ceux qui l'ont un jour côtoyé. Et lorsqu'il s'ouvre en deux et que Sauvageau Szabo nous monologue toute sa désapprobation face au consumérisme dément qui opium le peuple, une certaine odeur étourdissante d'essence à scie mécanique m'est remontée au nez. Pas pu m'empêcher de faire le lien avec le percutant VU D'ICI de Mathieu Arsenault, mis en scène par Christian Lapointe. J'étais à nouveau en pays de non reconnaissance...Euphorisant...





« En général, les gens qui se tuent, 
ce ne sont pas des gens qui veulent mourir. 
Ce sont des gens qui ne veulent plus vivre. 
C’est différent. » ****

Christian Lapointe


Photo-montage: L.Langlois



« JE NE T’ABANDONNERAI PAS »









Ce soir, une bière, une frite et un grilled cheese chez FRITES ALORS, l'un de nos préférés. Nous nous sommes assis au bord de la fenêtre, probablement pour voir passer de plus près toute la splendeur de cette petite vie qui marche à pied au froid sous la lune de givre de novembre. C'était particulièrement réconfortant de ne pas avoir peur de le faire. On en profite parce qu’on sait jamais, et avec ce que nous étions pour voir APRÈS, encore plus…













AND ALL THIS SCIENCE
I DON'T UNDERSTAND
IT'S JUST MY JOB
FIVE DAYS A WEEK
A ROCKET MAN
ROCKET MAN






3 commentaires:

  1. via facebook le 28 novembre 2015
    Merci immensément Mme. Langlois,
    C'est très gentil!
    Je lirai cette critique demain puisque je ne veux pas les lire pendant la run de show hahah
    A la prochaine
    Gabriel

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  2. via facebook le 27 novembre 2015

    Oh, merci Louise pour ce beau retour!
    Je me permets deux petites précisions: les photos que vous attribuez au Théâtre Blanc sont, pour la première de Ulysse del Drago, et pour la seconde de Valérie Remise. Et le spectacle est coproduit par le Centre du Théâtre d'Aujourd'hui et le Théâtre Blanc, je pense que nos partenaires apprécieront d'être mentionnés. Encore merci!
    Élise Glück.

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  3. via facebook le 27 novembre 2015

    Oh, merci Louise pour ce beau retour!
    Je me permets deux petites précisions: les photos que vous attribuez au Théâtre Blanc sont, pour la première de Ulysse del Drago, et pour la seconde de Valérie Remise. Et le spectacle est coproduit par le Centre du Théâtre d'Aujourd'hui et le Théâtre Blanc, je pense que nos partenaires apprécieront d'être mentionnés. Encore merci!
    Élise Glück.

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