lundi 29 février 2016

ÉPICERIE: dans le ventre en feu du petit hérisson




- Un mot qui représente l'expérience théâtrale à vos yeux ?

- Éphémère. Ça n'existe que dans le moment présent. Après, ça reste juste dans nos têtes. Même la trace écrite, c'est un livre, ce n'est pas vivant. Le théâtre vit l'instant d'un moment et puis disparaît. On travaille si fort pour cultiver un moment.
Jean-Denis Beaudoin à Geneviève Bouchard 
Le Soleil 14 février 2016

FÉMUR
un o$ payant



On dit un « nosse » (avec liaison) au singulier et des « zos » (au pluriel) mais beaucoup de personnes disent des « zosses ».



CIMETIERE ST-CHARLES, QUÉBEC



FAQUE
c’est ça... 
qui ne sera pas 
toujours 
que ÇA...




Jean-Denis Beaudoin, l’auteur grand manitou de cet autre roman scénique, possède une plume des plus incisives, c'est qu'il croque dans la pomme à même les os de ses mots. Son puissant texte MES ENFANTS N’ONT PAS PEUR DU NOIR avait projeté sur les murs forteresses de sa forêt profonde des images d’un univers bien particulier. Son ÉPICERIE nous a donc reconduit directement à cet endroit qui nous fera toujours un petit peu peur. Nous étions de retour en « terrain in-connu », et donc prêts à savourer une nouvelle portion fort nourrissante en émotions de sa mystérieuse BÊTE NOIRE. Nous avons ainsi fait la connaissance d'un certain petit hérisson... 






Entouré de collaborateurs aussi talentueux que lui, à commencer par Jean-François Labbé, qui applique parfaitement les éclairages majestueux à ses dialogues concis. Également de Karine Mecteau Bouchardqui accorde aux accessoires pratiques tout le tranchant nécessaire au fil de son récit affolant. Jessika Aubé, qui l'assiste à la mise en scène, met en relief les émotions palpitantes des personnages. Gabrielle Doucet, au décor interchangeable et inventif, a fait une fois de plus s'élever sa jeune étoile. Il a rempli sa mission: faire le théâtre qu'il aime en réussissant à le transporter jusque dans les interstices craquantes d'une oeuvre qui assurément deviendra souveraine. L’aube vient tout juste de se lever pour lui et pourtant on dirait qu’il nage déjà en plein crépuscule. Le présent et l'avenir lui appartiennent, même cette musique d'épicerie...;-)







LE STAFF DE DANIEL GINGRAS




David Bouchard, Chris, par qui on entend la voix intérieure de Jean-Denis Beaudoin, est l'une de nos belles découvertes lors de cet envoûtant DÉTAILS DU GRAND PORTRAIT offert par les finissants du Conservatoire d’Art dramatique de Québec en décembre dernier. Son Cooper Jones nous avait accaparés par son jeu intense et sa lumière frappante. Avec ÉPICERIE, il livre le premier rôle avec un tel aplomb qu’il ne serait pas surprenant qu’il se mérite une distinction lors du prochain gala des prix de la Culture. Renversant de voir à quel point son personnage de jeune homme perdu « qui se cherche dans une société et un système qui ne le reconnaissent pas », semble l’avoir fantastiquement investi du cœur au cerveau et de la peau aux os...




Samuel Corbeil, Thomas, l’ami, le seul, le vrai, celui à qui vous pouvez tout dire, ou presque, qui écoute toutes vos histoires, les plus simples comme les plus sordides. Découvert dans MACBETH l’an dernier, il était assis dans la même rangée que nous vendredi soir, une autre splendide illumination du metteur en scène. Ses interventions tombent toujours pile, elles nous permettent de souffler un peu et de sortir du labyrinthe ténébreux dans lequel son ami s'engouffre dans cette longue nuit...




Maxime Perron, que l’on a vu deux fois cette saison dans LE MONDE SERA MEILLEUR et BOUSILLE ET LES JUSTES, est aussi désopilant en gars des plats congelés avec ses coupons-rabais refusés qu'obscur et hermétique en Frank garçon-boucher. Il ne laisse vraiment personne indifférent à sa « cause ». Remarqué dans le magnifique et douloureux FEMME NON-RÉÉDUCABLE/ANNA P., une production de PORTRAIT-ROBOT en mars 2014, il collaborera à nouveau avec Olivier Lépine dans ARCHITECTURE DU PRINTEMPS et d’après ce que m’en a glissé M. Marc Gourdeau de chez PREMIER ACTE, ce sera une pièce à voir absolument, une pièce « sur fond de mouvement social, de tournesols, d’archives québécoises et hollandaises…»...




Laurie-Ève Gagnon, la douce et si aimable caissière qui " offre " généreusement le paquet de gomme fatal à Chris qui l'entraînera dans sa mirobolante aventure d’un soir. Laurie-Ève, Écornifleuse de premier ordre dans LE MONDE SERA MEILLEUR, REINE ressuscitée dans la tour Martello 4, femme forte et fragile sur LA MONTAGNE NUE, fille mystérieuse dans DISPARAÎTRE ICI, nénuphar dans un tas de boue dans MES ENFANTS N’ONT PAS PEUR DU NOIR, jeune louve JOY dans ELECTRONIC CITY, fougueuse travailliste dans ABSENCE DE GUERRE, sirène dansante du PROJET EAU, résiliente Noëlla dans BOUSILLE ET LES JUSTES, avec sa voix toute en douceur mais solide comme le rock, que l’on reconnaîtrait entre mille, elle nous a encore une fois de plus fait entrer dans le ventre tragi-comique de la Bête Noire. Seule présence féminine de la pièce, elle agence parfaitement le brin de la naïveté à celui de la gravité...

Marc Auger Gosselin, absolument délirant en gars qui tente de s’acheter une bière sans aucune espèce d’argent liquide dans ses poches remplies de cartes de dépit. Un mec qui ne compte pas vraiment la valeur du temps si précieux pour Chris. Un mec qui le lui fera tellement perdre que son rendez-vous raté n'en deviendra plus qu’une suite de singuliers cauchemars. À l’opposé, son Lucas, dispatcher d’ossements en tout genre, est à glacer le sang…





Marc-Antoine Marceau, un autre finissant de 2014, qui par son franc jeu à l'offensive, a compté un but gagnant sur la grande surface de la scène de PREMIER ACTE. Son Jérémie client jongleur de l'ÉPICERIE, sûr de lui, nous réserve une grosse surprise à la fin. Et que dire de Tony, si soumis et craintif du gérant exigeant ? Qu'il nous aura donné toute une frousse pendant un certain moment disons-le: électrisant, parce qu'il ne faut jamais oublier le fémur...





Mustapha Aramis, hilarant avec son gars en chaise roulante qui aimerait bien croquer une pomme éloignée de l’épicerie Gingras, probablement pour remettre son diabète à niveau. Quant à Yoan, boulanger pâtissant le jour au fourneau, malaxant la nuit les nécropoles d'une ville endormie, il est tout aussi effroyable que ses comparses Lucas, Frank et Tony...




Réjean Vallée, l’exceptionnel et déstabilisant Daniel Gingras, tenancier de cette ÉPICERIE hors norme, qui domine magistralement ses hauts et ses bas, satisfaisant ainsi du mieux qu’il peut sa caissière et ses gars avec le party quotidien de l’after midnight. Un homme « d'affaires louches », qui sacre comme un…épicier, qui nous scie presque en deux avec ses multiples gags de poker face. Il livre la marchandise comme seul un vétéran de la scène sait le faire, portant à bout d'crisse sur ses épaules autant le Majestueux que l’Odieux. Une performance que l'on n'est vraiment pas prêts d'oublier...




Gabriel Fournier, énigmatique et racé, qui apparaît toujours tel un ensorceleur dans les parages théâtraux de Québec. Encore une fois, il a rendu son personnage de commis « clin d’œil clin d’œil » avec toute l’ingénuité requise dont s’imprègnent les plus ou moins fourbes de nos sociétés. Ébranlant quelque peu avec sa violence physique et psychologique, il n’en laissera pas passer une. Il va et vient dans un décor qui bouge au gré du vent puant et sanglant que charrient les scènes plus hallucinantes les unes que les autres...Et pour le satisfaire, afin qu'il puisse tenir debout toute la nuit: une caisse de 24...;-)







***



Photo: L.Langlois
26 février 2016

Sur le comptoir de cuisine, une boîte de Pizza Royale trônant aux côtés d'un restant de sandwichs aux œufs, ceux que j'avais préparés la veille. Un hasard ? Peut-être pas...La pizza n'a pas fait vieux os et il n'y avait rien de suspect dans mes sandwichs, mais de quoi me poser plusieurs questions sur mon citrate de calcium quotidien...et puis ça aussi:




Photo: L.Langlois


 BESOIN D’UNE POMME ?
BESOIN D’UNE GOMME ?
BESOIN DE CALCIUM ?

QU'IMPORTE LE TEMPS
Q'APPORTE L'ARGENT,

LES PÉDALES DOUCES S'EFFRITENT
 SUR LES PLANCHERS DE BOIS FRANCS,
LÀ OÙ DANSENT DES BOTS PIEDS NUS
PRIS ENTRE LE CIMENT ET LA GLU


LE MARCHÉ ALLAIRE
48, boulevard Clermont, 
Laval, P.Q.


Là où on y achetait des paquets de gomme,
des petits pois verts et un sac des pommes.
Sans oublier les doux papiers de toilette 
et plus tard, ceux du Vogue à cigarettes...


elquidam


   102 De Galais en 2015
Le duplex où j'ai habité pendant 15 ans 
et qui n'a pratiquement pas changé 
depuis sa construction, en 1960.



ÉPICERIE
un reportage de MATV





So impressed with all you do
Tried so hard to be like you
Flew too high and burnt the wing
Lost my faith in everything



L’ÉPICERIE 
CHEZ GINGRAS




http://www.lagrandeepicerie.com/









La neige du jour qui dort tout contre la vitre
de la fenêtre du sous-sol qui s'éveille la nuit
photo: L.Langlois
29 février 2016





Photos du spectacle: gracieuseté de la page facebook de Premier Acte


4 commentaires:

  1. via facebook le 4 mars 2016

    Merci beaucoup Louise!
    Je garde ce beau texte dans mes archives.
    Jean-Denis

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  2. via facebook le 5 mars 2016

    Chère Louise. Merci de cet article extraordinaire encore une fois. J'ai été ému aux larmes de la beauté de vos textes et surtout de l'immense charge d'amour que vous mettez à parler de chacun. Vous n'avez pas idée du bienfait que peuvent avoir vos paroles. Non pas seulement parce qu'elles sont positives dans un monde où il est de bon ton d'être absolument critique ( négativement de préférence ) mais parce qu'elles sont chargés d'amour,pas d'amour mièvre et condescendant, mais d'un amour véritable pour cet art. D'un amour qui s'exprime bien, poétiquement , fortement et surtout avec une telle sincérité. Et c'est avec tout ces éléments que nous choisissons de faire ce métier, de pratiquer cet art et c'est ce que nous voulons transmettre en prenant la parole sur scène. Alors quand on atteint notre cible chez une personne réceptive et sensible , et qu'en plus cette personne le retransmet comme vous le faites, ça nous donne une force incroyable pour continuer. Ce n'est pas ici de l'ordre de la flatterie ou de l'égo, mais d'une réelle communication entre les êtres. Donc, merci infiniment Louise.

    Réjean Vallée

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  3. Des mots comme les vôtres agrandissent mon compartiment culturel et c'est un honneur pour la spectatrice « fidèle au poste » que de les recevoir. Je vous dis donc un grand merci d'avoir pris le temps de me les broder à travers nos écrans. Je vous souhaite, ainsi qu'à vos compagnons, une superbe et mémorable finale. Merci encore. Louise.

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  4. Je transmets le message à mes merveilleux compagnons à qui j'ai fait voir votre blogue hier et qui étaient tout aussi émus que moi. On songe à nommer une autre catégorie au prix de la culture " meilleur spectateur( tri ce)"et à lui donner votre nom!! LOL Bonne journée Louise.

    Réjean Vallée

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