samedi 3 décembre 2016

LES MARCHES DU POUVOIR: pièce à convictions




The play is billed as “a classic tale of hubris set against a contemporary landscape – about the lust for power and the costs one will endure to achieve it.”


Hubris

Chez les Grecs, tout ce qui, dans la conduit de l’homme, est considéré par les dieux comme démesure, orgueil, et devant appeler la vengeance.

(Larousse)


Le Pouvoir, certains soirs de 5 à 7 interminables, qui se finissent par une quelconque beuverie entre matamores de la démesure, court le risque de débouler bêtement les marches d’un escalier sans fin et de se retrouver face contre terre, avec en prime une plaie ouverte qui saignerait sur ses lèvres fendues de paroles enflées et qui s'écoulerait douloureusement sous le jet d’une douche d’eau froide. 

Phto: L.L.anglois

Marie-Hélène Gendreau, metteure en scène du mémorable TRAINSPOTTING, célébré en secondes noces à LA BORDÉE en 2015, récidive avec une autre adaptation, américaine cette fois-ci, mais tout aussi instructive et énergique. Elle et Samuel Corbeil, son assistant, ont rencontré Beau Willimon lors de la première au Théâtre de LA BORDÉE.



LES COMÉDIENS

Parce que David Bellamy est une élite du stratège politique, parce qu’il a une de ces gueules à qui on ne peut rien refuser, parce qu’il est intelligent, profiteur et charismatique, parce qu’il ne faudrait surtout pas qu’il perde à ce jeu de l’enjeu, parce qu’il s’en sort majestueusement à chaque fois, enfin presque, parce que Charles-Étienne Beaulne, qui le représente énergiquement à son poste, a une autre fois convaincu l’assistance de LA BORDÉE qu’il était le candidat idéal pour ce rôle exigeant une moyenne dose d’impétuosité.

Charles-Étienne Beaulne

Parce que Paul Zara, le loyal, le fidèle, l’indéfectible, celui qui essaie de nettoyer tant bien que mal la conscience de David, celui qui le met au plancher avec cette scène particulièrement intense qui pourtant ne le mettrait pas au pas camarade dans cette marche qu’il veut rapide vers le pouvoir. 

Jean-Sébastien Ouellette

Jean-Sébastien Ouellette, un habitué des différents trônes que Shakespeare lui a fait léguer au cours de sa royale carrière, dont celui de ce mémorable MACBETH, s’approprie avec fougue et flegme de ce caractère intègre qu’est celui de Paul Zara, qui avait été incarné par le sublime et regretté Philip Seymour Hoffman dans la version cinématographique mettant en vedette Ryan Gosling dans le rôle de Stephen Meyers/David Bellamy.
   


Hugues Frenette et Israël Gamache

Paul Duffy, l’adversaire, plus expérimenté et plus rusé que David, qui voudrait bien lui faire franchir le Rubicon, passe par l’incontestable génie scénique du grand Hugues Frenette. Le soutient qu’il apporte aux autres comédiens lui confère un rôle plus effacé ici mais ô combien toujours aussi puissant. Son Paul manipule avec soin les recoins sombres de David, le tentant, le réclamant, mais lui laissant toujours entrevoir ce petit bout de corde avec lequel il pourrait bien aller se pendre s’il n’accepte pas sa proposition.

Maxime Beauregard-Martin

Benjamin Fowless, le subalterne de David, qui attend patiemment en coulisse que le premier rôle lui revienne un de ces quatre. Maxime Beauregard-Martin irradie dans ce rôle tant il est absorbé par toute cette lumière nourrissante des feux de la scène. Vraiment beau de le voir monter une à une les marches de SON pouvoir. Il donne son 100%, c’est une évidence même. Son talent de comédien, doublé à celui de l’auteur d’auteur, il nous a donné le magnifique MME G au printemps dernier, n’ont pas fini de nous surprendre.


Charles-Étienne Beaulne 
et Nathalie Séguin

Émilie Pearson, la stagiaire, l’amante de passage, la proche aidante, celle qui assiste, impuissante, au naufrage de David, est campée par Nathalie Séguin, finissante de 2016 du Conservatoire d’Art dramatique de Québec. Nathalie, une jeune femme qui commence à peine sa carrière professionnelle et qui démontre à quel point elle brûle déjà les planches des théâtres d'ici. Et à n’en point douter, tout comme Maxime, elle possède un avenir fort prometteur. C’était d’une incroyable fascination de la voir jouer les différents rôles du CERCLE DE CRAIE CAUCASIEN en mai dernier, lors de la dernière pièce des finissants qui fût d'ailleurs mise en scène par Marie-Hélène Gendreau.

Israël Gamache et Charles-Étienne Beaulne

Frank le journaliste et le barista portoricain, deux personnages qui font partie de ce clan intime que forment les politiques, qui révèlent les travers et qualités de ces hommes et femmes d'un Président anticipé. Un peu à la manière des meilleurs travers de porc de tout Washington de Freddy dans HOUSE OF CARDS (du même Beau Willimon) on aurait eu le goût de boire une tasse de son stimulant café ou de flairer les notes qu'il prend dans son carnet. Que le rôle qu’il tient en soit un de premier plan ou secondaire, la qualité de son jeu versatile ne se dément jamais. J’avais bien aimé son Lapin salvateur de famille dans LAPIN LAPIN. Cet enthousiasme contagieux, qui semble l’imprégner de partout, fait corps avec le public qui ne peut faire autrement que de lui donner un bon pourboire d’applaudissement et de félicitations. Avec trois contributions en autant de mois (STOCKHOLM LE SYNDROME (assistant de Gabriel Fournier à la mise en scène), LES MARCHES DU POUVOIR et FIGUREC), on dirait bien qu’il possède le don d’ubiquité. ;-) D’ailleurs, j’ai eu le plaisir de le revoir hier soir aux GROS BECS dans FIGUREC où, encore une fois il a excellé, mais j’y reviendrai.

Sophie Dion

Hélène Horowicz, la journaliste fouineuse par excellente, qui couche à droite et à gauche, qui veut et peut tout savoir en même temps sans avoir à vous tirer les verres du nez. Sophie Dion la joue avec un beau mélange de sang-froid et de désinvolture.




LES MARCHES DU POUVOIR

TEXTE: Beau Willimon
TRADUCTION: David Laurin
MISE EN SCÈNE: Marie-Hélène Gendreau
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE: Samuel Corbeil
DÉCOR: Véronique Bertrand
COSTUMES: Julie Morel
LUMIÈRES: Keven Dubois
MUSIQUE: Josué Beaucage
PHOTOS: prises sur la page facebook de La Bordée




J’ai travaillé sur plusieurs campagnes électorales et la pièce s’inspire de ce que j’ai vécu et de ce dont j’ai été témoin dans ce milieu. Voir comment les hommes politiques manipulent le système pour gagner le droit d’occuper le Bureau ovale est effrayant. Si vous vous contentez d’être compétent et de jouer loyalement, vous n’avez strictement aucune chance de devenir président.

Beau Willimon


***




Le 1er décembre 2016, soit neuf jours exactement après sa surprenante élection, me suis tapé à CNN le premier discours de tournée du dernier Président élu. Avec la musique de Jeff Beal dans les écouteurs, celle qu’il a composée pour HOUSE OF CARDS, disons que l’inspiration pour écrire sur LES MARCHES DU POUVOIR n’est pas restée en plan dans le tiroir rempli de mémoire récente...

Steve Bannon
le David Bellamy de Donald J.
Ouais…
et parce que
PARFOIS
JE RIS TOUT SEUL

l’élection de Trump va au-delà de l’inquiétant. C’est tout simplement effarant qu’un monde dit raisonnable puisse convenir qu’un type comme ça peut être président. Qu’un scénariste imagine un personnage de ce type serait refusé dans n’importe quelle fiction.

Jean-Paul Dubois



Charles-Étienne Beaulne, Michel Nadeau 
(directeur artistique de La Bordée), 
David Laurin (traducteur de la pièce) 
Marie-Hélène Gendreau et Beau Willimon



FARRAGUT NORTH, la pièce originale, adaptée ici par David Laurin, se distingue de THE IDES OF MARCH, scénario de la pièce par Willimon et Georges Clooney. Disons que pour le cinéma qu'ils ont engrossé l'histoire ;-)






Ils en ont aussi parlé


http://www.lapresse.ca/le-soleil/arts/theatre/201611/02/01-5037141-beau-willimon-la-realite-depasse-la-fiction.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B9_arts_749_section_POS1


Et ma découverte, cette pièce fût jouée en janvier 2011 au Conservatoire d'art dramatique de Montréal, avec la traduction de David Laurin.



Je suis scandalisée par certains jeux vidéo (…) 
Le fait de participer activement à des jeux violents 
pourrait s’avérer bien pire que la position 
d’observateur passif devant la télévision, du fait de l’implication dans l’action.


Hillary Rodham Clinton 






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire