THE ROAD
NOT TAKEN
Two
roads diverged in a yellow wood,
And
sorry I could not travel both
And be
one traveler, long I stood
And
looked down one as far as I could
To where
it bent in the undergrowth;
Then
took the other, as just as fair,
And
having perhaps the better claim,
Because
it was grassy and wanted wear;
Though
as for that the passing there
Had worn
them really about the same,
And both
that morning equally lay
In
leaves no step had trodden black.
Oh, I
kept the first for another day!
Yet
knowing how way leads on to way,
I
doubted if I should ever come back.
I shall
be telling this with a sigh
Somewhere
ages and ages hence:
Two
roads diverged in a wood, and I—
I took
the one less traveled by,
And that
has made all the difference.
Robert Frost
Indisposée le 26 septembre dernier, c’est donc le samedi 13 octobre,
depuis la première rangée (A-9) de l’Octave-Crémazie, que j’ai assisté à la représentation de LE VRAI MONDE ? de
Michel Tremblay. J’ignore si c’est parce que c’était la dernière mais quelle
performance de la part de tous les protagonistes de cette pièce magistrale qui
fut créée le 15 avril 1987 au Théâtre du
Rideau Vert. La mise en scène, signée par nul autre qu’André Brassard, qui a
fait partie de l’univers Tremblay pendant kek’temps disons, a fait qu’à eux
deux ils ont révolutionné le théâtre québécois. Ils l’ont décortiqué,
dépoussiéré, mise à nu, renouvelé de bord en bord. On ne les remerciera jamais
assez d’avoir accompli cette mission…possible.
1968
Photo: BANQ
Pour cette version 2018, c’est à la talentueuse Marie-Hélène
Gendreau que l’on a passé le flambeau de la révolution. Elle a littéralement
mis le feu dans la cabane de cette famille qui avait tant besoin de chaleur. Elle était assisté d'Émile Beauchemin, codirecteur artistique du Théâtre Astronaute, également de JokerJoker.
« CLAUDE : Même si chus de
bonne foi? / MADELEINE 1 : Tu peux pas être de bonne foi.
Parce que t'es pas nous autres… / CLAUDE : C'est là que tu
te trompes, maman… Écoute… Veux-tu m'écouter juste un peu? ( Madeleine 1 s'asseoit à côté de
Claude.) J'ai toujours eu une grande facilité… à me glisser à
l'intérieur des autres. À les sentir. J'fais ça depuis toujours. Vous autres,
vous appelez ça de l'espionnage… Moi, j'appelle ça vivre. (…) »
L’histoire du VRAI MONDE ? se déroule en 1965, Claude voit
double en écrivant une pièce inspirée des membres de sa famille que constituent
son père, sa mère et sa sœur. Oscillant entre la réalité et l’imaginaire, le
monde, tel qu'il le voit, est tellement plus vrai lorsqu’il découle de sa
plume qu’il fait dire et faire des choses qui auraient dû être dites et faites
depuis belle lurette. Sa mère, la première, ne le prend pas du tout, mais la
vérité choque dit-on. Quant au père, celui à qui tout est dû, celui qui fait
vivre SA famille, il fait face au miroir déformant du narcissisme dans lequel il
passe presque tout son temps à y admirer le nombril de SON monde. Le vrai ? Il
ne le saura probablement jamais, même si sa fille le critique à cause de ses
yeux, comme ceux des autres porcs frais qui la regardent danser dans les bars
de la Belle Province, même si sa femme finit par le mettre à la porte, même si
son fils lui prodigue avec une éclatante vérité ses égarements en tous genres…
Dans l'abribus, un merle mort
Photo: L.Langlois
PERSONNAGES ET INTERPRÈTES
ALEX, les deux pères de Claude, joués d’une façon on ne peut
plus juste par deux de mes préférés : Christian Michaud et Jean-Michel
Déry. Avec leurs échanges chargés d’électricité, ils ont tout donné pour que
l’on savoure chacune des répliques si bien orchestrées par le maestro Tremblay.
Il fallait justement être assis dans la première rangée pour constater à quel
point toute la vérité émanait de leur franc jeu. Et cette lueur dans leurs yeux…
Jean-Michel Déry
Christian Michaud
MADELEINE, les deux mères de Claude, empreintes d’une
humanité qui ferait trembler d’angoisse le pire des cyniques. Anne-Marie
Olivier, enveloppée de cet éternelle chape de brume qui voyage dans son regard
troublé/troublant, et Nancy Bernier, viscéralement attachée aux mots qui font
mal au cœur, au sexe et à l’âme. De femmes agenouillées, qui ont évolué dans
le silence et parfois la honte, à celles qui un soir d’écœurement total se sont
levées debout pour prendre la parole par le corps et lui en extirper la peur de
ne pas être à la hauteur.
Anne-Marie Olivier et Nancy Bernier
MARIETTE, les deux sœurs de Claude, belles de jour comme de
nuit, filles en feu, femmes en fleur, qui dansent aux tables tournantes pour
oublier certaines plaisanteries d’un père aux mains un peu trop longues et à la
langue bien pendue. Claude Breton-Potvin, impeccable comme toujours avec sa gestuelle parfaitement
adaptée à la conception géniale de ce chef-d’œuvre de la littérature
québécoise. Claude, qui était metteure en scène de ce mémorable PROJET BBQ
déambulatoire lors du Carrefour International de Théâtre 2017, avait pour double
Ariel Charest, qui faisait d’ailleurs partie de ce parcours culino-théâtral
dans l’histoire de l’huître empoisonnée d’Isabelle Hubert. L’étincelante Ariel,
qui nous avait tant éblouit dans les énergisants MADE IN BEAUTIFUL (LA BELLE
PROVINCE) ainsi que dans DOGGY DANS GRAVEL, deux époustouflantes productions du
THÉÂTRE KATA, a récidivé encore une fois. Avec cette voix particulièrement puissante,
remplie d’émotions de toutes sortes, elle nous a directement renvoyé la lumière
camouflée à l’intérieur des souvenirs parfois douloureux d’une enfance qui
paraissait pourtant heureuse.
Claude Breton-Potvin et Ariel Charest
Reste CLAUDE, l’écrivain, l’auteur, le frère, le fils,
celui qui voit tout et ne dit rien jusqu’au jour où sa mère le lit. Jean-Denis
Beaudoin, qui ne cesse de grandir, autant dans son jeu d’acteur que dans celui
d’auteur. Comme le peintre joue avec les couleurs pour le tableau parfait,
l’auteur joue d’abord avec les mots. Il les forme, les fonde, les met en place,
les adossent, puis en ôte pour les replacer, les déplacer, les décomposer, les
déchirer, les brûler. Claude n’a pas de
double. Claude est Claude, il est à lui seul LE vrai monde. Et que Jean-Denis
ait eu le privilège d’occuper les planches de SON espace ce soir, lui donnera,
j’en suis convaincue plus que jamais, une place de choix dans tous les théâtres
du monde, comme Michel Tremblay l’a fait.
Jean-Denis Beaudoin
Michel Tremblay, qui ô surprise, nous a fait l’honneur,
bouquet de fleurs à la main, d’être parmi les spectateurs du Trident, fidèles
ou de passage. De le voir ainsi EN VRAI MONDE, lui, le plus grand dramaturge du
Québec, dixit Anne-Marie Olivier, aura ajouté un gros + à cette partie de la réalité qui colle au fond des rêves les plus fous…
Photo: Lise Breton
LE VRAI MONDE ?
TEXTE : MICHEL TREMBLAY
MISE EN SCÈNE : MARIE-HÉLÈNE GENDREAU
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE : EMILE BEAUCHEMIN
SCÉNOGRAPHIE : ARIANE SAUVÉ
LUMIÈRES : KEVEN DUBOIS
COSTUMES : VIRGINIE LECLERC
MUSIQUE : JOSUÉ BEAUCAGE
PHOTOS : STÉPHANE BOURGEOIS
PHOTOS : STÉPHANE BOURGEOIS
1965
Photo: André Langlois
Photo: André Langlois
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