Le 23 janvier au matin, dans le confort chaleureux de nos
foyers hivernaux, on apprend, via les médias, qu'un drame terrible s'est déroulé à l’Isle-Verte dans la nuit glaciale de ce 23 janvier 2014. Trente-deux de nos aînés ont péri
dans l’incendie de leur foyer, sans doute lui aussi chaleureux que les nôtres...
Le 23 janvier, c'était également le 89ème anniversaire de naissance de ma tante Lucille, la deuxième des sœurs de ma mère, ou la 3ème si l'on compte sa demie-sœur Marie-Jeanne. Lucille qui vit maintenant dans un centre pour personnes aînées à Sainte-Agathe-des-Monts, a sûrement dû avoir, comme la plupart des Québécois, une pensée pour les disparu(e)s de l’Isle-Verte, son fils Yves ayant habité ce magnifique village pendant plusieurs années. Et comme le hasard se fait presque toujours le complice de ces journées funestes, c’était le même jour où nous allions voir l’ALBERTINE EN CINQ TEMPS du cher et vénérable Michel Tremblay.
Le 23 janvier, c'était également le 89ème anniversaire de naissance de ma tante Lucille, la deuxième des sœurs de ma mère, ou la 3ème si l'on compte sa demie-sœur Marie-Jeanne. Lucille qui vit maintenant dans un centre pour personnes aînées à Sainte-Agathe-des-Monts, a sûrement dû avoir, comme la plupart des Québécois, une pensée pour les disparu(e)s de l’Isle-Verte, son fils Yves ayant habité ce magnifique village pendant plusieurs années. Et comme le hasard se fait presque toujours le complice de ces journées funestes, c’était le même jour où nous allions voir l’ALBERTINE EN CINQ TEMPS du cher et vénérable Michel Tremblay.
Quelle belle et heureuse coïncidence: Albertine qui entre au foyer à
70 ans, qui nous fait revivre à travers le talent exceptionnel de cinq
comédiennes d’ici et d’ailleurs, des
passages plus ou moins douloureux de sa vie de femme, avec le fantôme omniprésent de sa sœur Madeleine, naïve et douce,
partie un peu trop tôt. Mais la plus belle des coïncidences était celle que nous
emmenions avec nous ce soir, tante Bernadette, une jeune et pétillante dame de 92 ans, 92 faits comme disent les anciens. Bernadette qui vient tout juste d’emménager dans une
résidence pour personne âgées de Québec après avoir passé presque toute sa vie dans le village de Sainte-Croix, là où s'est joué il y a quelques jours un autre malheureux drame familial. Bernadette qui fait partie du cercle des bâtisseuses du Québec rural, ayant élevé presque à elle seule ses cinq enfants, son mari ayant été sauvagement attaqué par la maladie, le laissant paralysé. Bernadette qui ainsi tenu la quincaillerie, a appris à peindre, à dompter l'ordinateur, et quoi encore ? À créer, à travers chaque jour qui passe, un événement, une fête, un destin, sa vie...
Les jupes vertes, les corsages jaunes, la jupe jaune, le corsage vert, une petite robe fleurie, une jupe noire sexy stretch de l’Albertine waitress serveuse aux tomates...La rage enfant des 30 ans, la révolte maman des 40, la beauté middle-age du pétant 50, la paix pilule des 60, la sécheresse des 70…Des escaliers, des deuxième, des troisièmes, des caves, des parcs, une ville, des rues, de l’asphalte, des carrés verts, des triangles amoureux, un cercle de folie...De la violence, du sexe, des enfants...La maison, les fenêtres, LA PORTE ! Et mes larmes, non prévues, dans le rouge final de la dernière scène…(je pensais alors aux flammes infernales de l'Isle-Verte, celles qui ont léché les corps probablement déjà endormis et fait fondre les marchettes )...
***
L’éloignement ? Le
rapprochement ? Où s’en vont
mourir les rêves de ceux et celles qui les ont vécus dans le plus profond de leurs
beaux tourments ? Dans la cage où le cœur est un oiseau, le chant des femmes
hantées par la beauté, la douleur de l’enfantement, la peur des grands
retournements, le plaisir et l’inquiétude
de voir pousser tous croches les fruits de leurs amours tordus…Tremblay
parle du cœur des femmes, de leurs parfums, de leur misère, du mystère qui les fait naître et puis mourir. Il est le propriétaire unique de la clef de leurs songes...
Ce soir nous étions tous et toutes la voisine de palier
d’Albertine, nous étions tous et toutes des berceurs d’émotions vives dans la
chaleur de son foyer. Pour ajouter une autre belle coïncidence : ma voisine de gauche,
dans la jeune trentaine, qui me révèle qu’elle a déjà joué le rôle d’Albertine
alors qu’elle avait tout juste 18 ans. Une soirée parfaite dont nous nous souviendrons longtemps elle et moi et j'espère bien la majorité de la salle.
***
Nous sommes allés reconduire tante Bernadette, qui avait
« un peu » dormi durant la représentation. Après tout, c'était bien normal, puisqu'elle avait joué aux cartes tout l'après-midi avec des membres de sa famille, elle nous avait accompagnés à la salle à manger pour le souper, avait bu une coupe de vin, puis mis ses bottes, son foulard et son manteau au gros frett de janvier pour sortir au Grand Théâtre. Toute une journée pour elle. Elle qui possède la clef de
son propre bonheur ainsi que celle de son superbe 3½. Et de savoir que cette résidence
pour aimés possède des gicleurs a eu de
quoi me rassurer quant à sa sécurité. Elle le mérite bien. Bernadette, une
personne qu’il faut un jour ou l’autre mettre à son agenda parce que la vie
c’est la vie et que c'est ce qui la maintient...en vie…
La légendaire Monique Miller, l’inconcevable Lise
Castonguay, la remarquable Marie Tifo, la talentueuse Eva Daigle, la touchante
Émilie Bibeau et la sublime Lorraine Côté nous ont fait passer un morceau
d’anthologie, un moment impérissable, un bien-être...sociable…La mise en scène de Lorraine Pintal, sobre mais tellement efficace, nous a littéralement transportés dans les rues et ruelles d'un Montréal typiquement Tremblay, le beau pique-nique au beau milieu du Parc Lafontaine, avec l'éclairage ambiant qui sert si bien le langage unique des mots qui torchent le temps et l'emportent on ne sait trop où. Albertine restera l'éternelle femme de l'année...
Photo: Journal de Québec
Émilie Bibeau, Marie Tifo, Lorraine Côté,
Èva Daigle, Monique Miller, Lise Castonguay
ALBERTINE EN CINQ TEMPS
SCÉNOGRAPHIE: Michel Goulet
COSTUMES: Sébastien Dionne
ÉCLAIRAGES: Denis Guérette
MUSIQUE: Jorane
Photos du spectacle
http://www.flickr.com/photos/letheatredutrident/11965114103/
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