mercredi 5 février 2014

VENTRE: les mains du coeur


Photo: Cath Langlois



« Les mots essaient d’épouser la nature et de l’emporter. Ainsi j’ai dit “montagne” et j’emporte la montagne en moi avec ses hyènes et ses chacals et ses ravins pleins de silence et sa montée vers les étoiles jusqu’aux crêtes mordues par les vents… mais ce n’est qu’un mot qu’il faut remplir »

Antoine de Saint-Exupéry
CITADELLE


Les ventres qui s’affament
Les ventres qui s’enflamment
Les ventres qui saignent
Les ventres qui s’aiment

Les ventres qui s’ouvrent
Qui se teignent en rouge
Qui se peignent en chair

Les ventres au centre de la mère

Les ventres qui s’enflent
Les ventres qui enfantent
Les ventres qui se fendent
Les ventres qui se vendent

Les ventres qui chantent
Les ventres qui dansent
Les ventres qui s'évident

Les ventres que la faim fait crever
Les ventres qui font l’amour à l’été
Les ventres qui se font allaiter
Les ventres qui se font des pieds de nez

Les ventres qui forment les mains
Les ventres où poussent des seins
Les ventres au centre de la terre
Parmi les cercueils remplis de bière

Les ventres qui ont peur du froid glacial 
comme des grandes chaleurs
Les ventres qui émergent de la plage
Les ventres qui s'emplissent de voyages...



Photo: L.L.
Extrait des OEUVRES CRÉATRICE 
de Claude Gauvreau



VENTRE, un texte qui frappe fort, qui happe les neurones, qui défibre le cœur, qui mettent des bas résille à la ville vieille fille. Un texte qui  déstabilise. Des mots qui pètent des coches, qui s’accommodent tant bien que mal des amours qui ont mal aux dents dans le gris rose du quotidien.

Steve Gagnon, tel un récidiviste qui sort d’une prison pleine de grandes possessions et de petits moyens, nous a livré à nouveau un message d’espérance qui ne craint ni les anges ni les démons. Avec ses mots qui commencent à peine leur révolution, il continue ainsi de gravir SA montagne. Et pour avoir escaladé, avec ravissement, ceux de son imposante MONTAGNE ROUGE (SANG) en novembre 2010, c’est avec une patience fébrile que j’attends la suite de cette puissante trilogie.



***


C'était notre première sortie de la saison 2013-2014 chez PREMIER ACTE, nous étions donc fort réjouis de prendre place, au premier rang ce soir-là, pour y admirer de près la magnifique performance de Marie-Soleil Dion, dont j’avais eu le plaisir de découvrir le talent dans 6 :30 du PROJET UN. Avec ses brillantes noirceurs et dans le plus vif de ses ardeurs, elle nous a ouvert un espace qui a passablement malmené le moteur de nos émotions. Comment ne pas s’être fait prendre à son jeu ? C’est ce qui fait que nous aimons tant aller vivre au théâtre. Steve Gagnon, qui lui donnait la réplique avec aplomb, autant dans ses silences assassins que dans ses phrases crève-cœur, a fait vibrer certains de nos plus beaux malaises sponsorisés par une société en état de choc…(et quelques vilains commanditaires). On ne se guérit peut-être pas de tous nos maux à chaque fois qu’on assiste à de telles représentations mais on grandit, on évolue, pouce par pouce, pièce par pièce, main dans la main…


Photo: L.L.
(autre extrait de Gauvreau)


Une mise en scène fort efficace et enivrante de Denis Bernard, doublée d'une scénographie absolument délirante de Lucie Bazzo: un véritable coup fumant ! Cette baignoire, qui semble faire les beaux jours des comédiens et comédiennes de Québec qui l’habitent, donne envie, comme spectateur, de se mouiller davantage dans le chaud émoustillant de la passion comme dans le froid surprenant de la déraison. Ne serions-nous pas tous dans le même bain après tout !



VENTRE

Texte: Steve Gagnon
Mise en scène: Denis Bernard
Scénographie: Lucie Bazzo
Musique: Uberko
Direction technique: Mathieu C. Bernard
Régie: Jean-Philippe Côté
Direction de production: Claudiane Ruelland

Direction administrative: Jean-Michel Girouard





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