samedi 21 avril 2018

EMBRIGADÉS : le théâtre comme sanctuaire


Le terme de "jusquiame" est un emprunt au bas latin jusquiamos, jusquiamus, du latin hyoscyamos, hyoscyamum et du grec ὑοσκύαμος (uoskuamos) de même sens, morphologiquement « fève de porc ». Il s'agit d'une allusion à l'épisode de l'Odyssée durant lequel la magicienne Circé transforma en pourceaux les compagnons d'Ulysse en leur faisant pour cela boire un philtre contenant de la jusquiame. Mais Ulysse était immunisé grâce à un antidote végétal, le moly, dont Hermès lui avait fait présent.  (wikipedia)


En ces temps de culpabilité, de peur et de crise identitaire, EMBRIGADÉS ne pouvait pas mieux tomber entre nos cœurs et nos oreilles d’anciens ados. Les trois interprètes, Félix Delage-Laurin, Blanche Gionet-Lavigne et Vincent Massé-Gagné, nous ont littéralement kidnappés par leur fougue et leur talent. Leur diction parfaite, doublée du ton « juste ce qu’il faut pour ne pas trop en mettre » aura fait résonner la réalité haut et fort dans un texte qu’ils ont senti, développé, écrit et joué.


Par sa simplicité efficace, la mise en scène de Pascale Renaud-Hébert aura créé l’envoûtement direct du public de PREMIER ACTE. Habitués que nous sommes de se faire parler dans le casque par toutes ces jeunes compagnies théâtrales qui ont de quoi à dire, je suis certaine que LES PENTURES n'ont pas fini de faire parler d'eux. Ils doivent d'ailleurs "faire voyager" leurs mots dans les écoles secondaires, là où la graine de la haine et de la radicalisation est souvent semée à tout vent, de l'Orient à l'Occident et inversement.

Christophe, Nadia et Marco

Ils n'ont pas peur d’aller jouer dans les recoins sombres de la vérité, celle qui n’est pas toujours facile à révéler « comme elle le devrait », et par les médias, et par les familles. Entremêlés dans les angoisses et la violence, Nadia, Christophe et Marco, trois adolescents aux croyances différentes, s’en vont faire LEUR nuit avec tout ce que cela implique, le poste de police y compris. Les projections sont toujours bien ajustées aux répliques, elles éclairent nos lanternes. L'atmosphère, lourde par moments, se transforme au gré des sentences et conséquences.

SANS TITRE
L.Langlois
Le Seuil des froidures

Comment en devient-on à s’endurcir autant ? Pourquoi ? Comment ? Sommes-nous seuls ou en groupe ? En faisons-nous davantage ou pas assez ? Est-ce que ce sera aujourd’hui ou demain? Qu’est-ce qui se passera dans notre tête quand on aura passé à l’acte ?


Photo: TVA

Est-ce que nos parents sont au courant de nos préoccupations socio-politiques et ou religieuses ? Est-ce qu’ils prennent du temps avec nous pour en discuter ? Est-ce qu’ils préfèrent nous laisser vivre enfermés dans nos chambres, avec nos ordis, nos fusils ou nos crucifix ? Sont-ils à une engueulade près de tout faire exploser ? Verront-ils enfin la lumière au bout de nos tunnels ?


Des Nadia, Christophe et Marco, on en a tous connus un jour ou l’autre, même que nous étions peut-être l’un d’eux à un certain moment donné. L’adolescence n’est jamais une période de tout repos, le cerveau planche à pleine vapeur sur des projets plus ou moins fous, ceux où l’avenir, quelques fois, ne fait pas vraiment partie de nos plans. C'est aujourd’hui que ça se passe, en ce moment-même, dans une rue en arrière de chez-nous, dans un autre arrondissement de la triste banlieue, sur une banquise lointaine dans le nord de la haine...



Ils sont là, dans leurs sous-sols illuminés d’écrans multiples, à boire de la bière, du thé à la menthe ou de l’eau, à s’empoisonner de jusquiame, à s’antidoter de moly, à avaler des paroles en l’air, à réciter des prières ou à tuer  leurs frères. Ils n’ont pas vraiment de temps à perdre, il faut réagir illico à tous ces déséquilibres qui entravent leur cheminement spirituel. Il faut, coûte que coûte, propager la nouvelle, bonne ou mauvaise, parce qu’on ne fake-news pas avec l’instant présent. L’éclatement d’un cœur en méga peine d’amour, ou celui d’une gueule qui ne te revient pas, ou encore celui d’un parti dans lequel tu avais milité pour la cause: tout ça peut faire extrêmement mal...quand on a que 16 ans...

Critique du DEVOIR

Photos: Cath Langlois


ALLÔ POLICE
27 mars 1970
(6 mois avant la Crise)


STERILIZATION
1972


PIGGY
1994

Nothing can stop me now 
'Cause I don't care anymore 
Nothing can stop me now 
'Cause I just don't care 
Nothing can stop me now 
'Cause I don't care anymore 
Nothing can stop me now 
'Cause I just don't care



EMBRIGADÉS

PRODUCTION : Les Pentures
TEXTE : Blanche Gionet-Lavigne, Félix Delage-Laurin et Vincent Massé-Gagné
MISE EN SCÈNE ET DRAMATURGIE: Pascale Renaud-Hébert
CONCEPTION : Émile Beauchemin, Marilou Bois, Mathieu C. Bernard et Simon P. Castonguay


ÉPICERIE  MORENA

Carvi, sumac, tahini, confitures de figues, olives kalamata, couscous israélien, poudre de thé matcha: tout ça à cause de Ricardo et de son numéro sur la cuisine méditerranéenne. Quel plaisir de magasiner dans cette épicerie internationale, surtout lorsque la commis vous sert comme si vous étiez Paul McCartney


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