mercredi 26 octobre 2016

SAINT-AGAPIT, 1920 : Ombres et lumières des Temps Suspendus

Photo: Emmanuel Burriel


Avant le shooter de l'After eight...


Tout a filé tellement vite. Et cette jeune fille sur la photo qui ignore que les souvenirs de toute une vie tiennent dans une boîte. Que le temps lui a glissé entre les doigts à la vitesse du siècle. J’ai un sentiment étrange, une grande sensation de vertige.

Olivier Normand
SAINT-AGAPIT, 1920




Corps légers en équilibre sur le verre fragile des pots Mason/Pommes croquées à même le jus des muscles de la jeunesse/Étincelles de mémoire vive illuminant les trous noirs des millisecondes/Bruit fracassant des assiettes blanches contre le bois franc d’une forêt dévastée/Airs ambiants du piano acteur voisins des mots de l’auteur/Particules explosives de poussières de farine sur les visages déridés/Murs accablés de silence épais comme une tranche de pain doré/Combustible pour alimenter le feu de foyer et les braises de l’imaginaire/Temps qui s’effrite au-delà des odeurs putrides de la décomposition/Mort rôdeuse entre les pattes coupées d’un lapin dépiauté et une bouchée de bouillie froide...


Photo: Cath Langlois


SAINT-AGAPIT, 1920

Quelque chose qui dérange & fait réfléchir
Quelque chose qui démange & finit par aboutir
Quelque chose qui ressemble à un futur chaos
Quelque chose qui pousse dans le dos de la Nuit
Quelque chose qui se fait manger par le Présent
Quelque chose qui ressuscitera au printemps




Automne. Saison des sens et des odeurs. Saison de bruits, de couleurs et de matins trop courts. Le passage des pommes résonne de chants sourds. Ils appellent la mort. Ils appellent l’amour.

Danielle Gauthier
Mots dits Maux doux
2015


Ariane Voineau, Mélanie Therrien
& Claudiane Ruelland
Photo: Emmanuel Burriel


Merci Olivier Normand pour cet exceptionnel rendez-vous. Nous vous avions manqué la première fois chez Premier Acte en 2015, pris que nous étions entre LA RÉPUBLIQUE DU BONHEURLES FOURBERIES DE SCAPIN et… le froid de l’hiver. Avouons que nous avions préféré rester calés bien au chaud sur nos sofas rembourrés de remords. Donc, à l’annonce de la reprise au Périscope, nous nous sommes repris en réservant notre place pour le 18 octobre, en premier, puis pour le 20, car A., mon fidèle au poste de compagnon de théâtre allait voir BOUSILLE ET LES JUSTES en tournée à Baie-Comeau le 18. Lui qui est originaire d’Issoudun, était passablement intrigué par ce spectacle inspiré du Saint-Agapit de votre grand-mère Normand. Et moi, par le fait que c’était vous le compositeur de ces mots-là:

J’ai une amie qui écrit des poèmes comme des oiseaux qui planent. Tout est simple. Simple et facile et magnifique. Moi, je ne trouve pas les mots. Je ne trouve pas le temps...

Ariane Voineau, Mélanie Therrien et Claudiane Ruelland, vos talentueuses et gracieuses interprètes, nous ont fait passer un moment rempli de toutes les émotions. Avec l’adresse et la vitesse d’exécution, elles nous ont fait généreusement planer tout le long dans ce décor spacieux en l'approfondissant davantage à mesure que le temps avançait...


Photo: Emmanuel Burriel

Pendant que le bloc de glace fondait sur la paille, le coffre, hérité de votre grand-mère, se préparait à accueillir la congélation et l’indisposition d’un corps qui vécut parmi nous pendant 90 ans. Touchés et quelque peu dérangés par autant de beauté, nous sommes demeurés de glace quelques instants pour finalement mettre le feu à nos mains et vous acclamer. Merci pour la Poésie comme j’aime à la voir vivre sur scène, intense et fragile, parfois cruelle mais si nécessaire.  

Les Interprètes


Le programme



Photo: Cath Langlois

Un drôle de hasard que ce dépiautage de la petite bête, car le 20 octobre, jour de cette représentation, c’était l’anniversaire rencontre avec Tit-Boule, mon gentil et si bénéfique ami lapin qui vit avec moi depuis maintenant 10 ans. Malgré son âge vénérable, je ne puis encore me résoudre à l’idée qu’il me quitte un jour. Rien qu’à penser que je ne verrai plus ses petits yeux ronds et que ses vibrisses ne chatouilleront plus mes joues lorsque nous sommes blottis l'un contre l'autre, et que je n’entendrai plus le son particulier qu’il émet lorsque je lui parle de près et qu’il est content, la peur de le manquer me fait DÉJÀ de la peine.

Photo: L.Langlois
Jeudi, 20 octobre 2016

Certains diront que le lapin n’est qu’un animal, mais quand je vois tout le mal qu’un seul homme peut faire à des Alice un soir de saoulerie, je ne peux m’empêcher de penser que les lapins sont peut-être les meilleurs amis qu’une fille peut avoir, mis à part, bien sûr, son fidèle complice, celui-là qui l’accompagne soir après soir dans les divers théâtres de la ville pour y voir et entendre ce que les auteurs d’ici et d’ailleurs ont à leur raconter et à leur faire vivre.


Merci pour cette (re) prise de conscience à propos de nos aînés qui attendent en silence dans leurs chambres impersonnelles et cabinets de passage, gavés comme des oies, étouffés dans leurs sécrétions, meurtris par leurs plaies de lit, avec leurs yeux qui tournent en rond dans le vide de leur dernière cage. Ce soir, je pense particulièrement à tante May, quelqu’un qui a subi un gros AVC et qui s’est évaporée tranquillement dans la chaleur froide de l’Hôtel-Dieu mardi soir dernier. Elle venait tout juste de célébrer ses 83 ans de vie, et quelle vie!



Elle qui l'a tant aimé cette vie, malgré quelques vilaines secousses, et lors des grands soirs d'orages qui font des zigzag, je suis certaine que son absence nouvelle créera un très grand vide autour de ceux et celles qui l’ont connue, aimée et appréciée. May Kelly, une grande dame qui avait de la classe et un sens inné de la fête, de par son sang irlandais découlant du paternel, elle ne ratait pas grand parade de la Saint-Patrick. J'avais eu un très grand plaisir à l'accompagner pour celle de 2012...


May, qui ne souhaitait nullement finir ses jours dans un CHSLD, ou dans tout autre endroit semblable en cas d'invalidité, voulait demeurer dans son immaculé cinq étoiles et demi de la rue Turnbull tant que sa santé le lui permettrait. Tout comme sa maman Noëlla, elle aura été exaucée. Sa chère maman, qui à 82 ans, le jour où elle fut également victime d’un gros AVC, battait encore du beurre, du sucre, des œufs et de la vanille, en alternant avec le lait et la farine, pour confectionner un autre de ses succulents desserts. J'aimais particulièrement ses p’tits orgasmes comme elle les appelait. 


Photo: L.Langlois

Où s’en va le temps qui passe ? 
Qu’est-ce qu’on fait du temps qui reste ?


AU MILIEU DE MA VIE

C’est votre questionnement, cher Olivier, tout comme le nôtre, je pense. Je n’ai pas vraiment de réponse pour le premier point d’interrogation, je n’ai pas tellement l’esprit scientifique comme on dit, par contre, pour le deuxième, je dirais que l'on revoit en boucles tous ses meilleurs souvenirs avec ceux et celles qui nous les ont fabriqués, et que l’on espère vivement qu’ils ne nous quittent jamais pour l’autre rive…

Photo: Emmanuel Burriel

Les herbes fanées des souffrances anciennes se consument lentement pour que naisse demain une heureuse lumière dans le fond de la terre imbibée de souvenirs d’ailleurs.

Danielle Gauthier
Mots dits Maux doux
2015

Danielle Gauthier, une amie de May, qui a beaucoup compté pour elle, lui a dédicacé ces mots: Merci May, d'être dans ma vie. Tu fais partie de ceux et celles qui embellissent mes jours. Affection Dany. Elle résume en peu de mots ce que nous aussi avons ressenti le temps que l'on a passé avec elle.


Olivier Normand
Photo: Yan Doublet



Aux alentours de 20 heures, en copiant ces mots, le téléphone a sonné, on nous annonçait que May venait de partir définitivement. Même si l’on s’attend de le recevoir ce fameux coup de fil, il reste que ça donne toujours un choc en apprenant un décès. Je n’aurai pas eu le temps de la revoir dans son chez-soi si chaleureux mais il me reste tous les beaux souvenirs que j’ai amassés depuis notre première rencontre en décembre 1979…


Photo: L.Langlois

Les magnifiques couchers de soleil admirés du 4ème étage depuis sa chambre boudoir; le plaisir de partager sa table; de boire un apéro et ses thés mélangés si réconfortants; de regarder ses albums de photos souvenirs; de parler de son passé, de son travail dans divers ministères et au Parlement; de ses nombreuses amies qui lui auront été fidèles jusque dans leur propre disparition; de sa famille, de ses 5 frères, dont mon beau-père et un qui fut lâchement assassiné à l’âge de 33 ans; et de toutes ces pièces que je vois, elle qui demeurait à deux pas des trois théâtres de la haute ville. Mais les plus précieux souvenirs sont ceux d’avoir été si gentiment accueillie dans cet espace qui n’appartiendra toujours qu’à elle et le jour où elle m'a légué cet ensemble pour le thé, cadeau qu'elle avait reçu en cadeau de noces...






Il y a quelques jours à peine, Madame Thérèse Deslauriers Drago, nous quittait elle aussi. Elle avait 88 ans. Je n’aurai pas eu le temps de parler avec May de cette dame qui a marqué son époque. Mais comme elles demeuraient toutes deux dans le même quartier pendant toutes ces années, je me plais à imaginer qu’elles ont du se croiser quelques fois entre l’avenue Cartier et le boulevard Saint-Cyrille, devenu René-Lévesque depuis le 8 septembre 1992. S’il y a deux femmes qui aimaient et connaissaient bien leur ville, c’étaient bien elles. Leurs mémoires viennent de déménager dans la mienne et c'est ce qui me fait croire qu'on ne vit jamais en vain sur cette terre qui ne cessera pas de tourner sans nous...

Madame Thérèse

Bien sûr, Olivier, que nous souhaitons tous et toutes que nos parents, grands-parents, oncles et tantes, ami(e)s, voisins, ne finissent jamais dans un CHSLD, la couche pleine, baignés une fois par semaine, nourris et abreuvés en six minutes, mais il y a des fois où l’on n’a pas vraiment le choix de les abandonner à ceux et celles qui en prendront soin du mieux qu'ils et elles le peuvent, comme ce fut le cas pour votre grand-mère Jeanne d’Arc, c’est que la mémoire, ou la santé, parfois nous joue de bien grands tours, comme lorsque un père vous quitte le cœur en miettes alors qu'il n'est âgé que de 55 ans. Mais il y a de ces jours où je suis contente qu'il n'ait pas eu à subir le sort de ceux et celles qui resteront pris dans les draps souillés des débordements, les yeux rivés sur une fenêtre invisible... 


Ma grand-mère Marguerite Saint-Amour Charette 
valsant avec mon père André, le 2 novembre 1986,
jour de mes noces, un beau souvenir...



1000 BATAILLES

Une rencontre passionnante, amorcée dans les toilettes du Périscope, avec la grande Louise Lecavalier. Elle était de passage à Québec pour y donner un stage de quatre jours à L’ARTÈRE, développement et perfectionnement en danse contemporaine. Née en 1958, à Laval, là où j’ai grandi pendant 15 ans, L.L., tout comme moi, m’a-t-elle dit, nous a fait promettre d’assister à son spectacle MILLE BATAILLES, qui sera peut-être à l’affiche à Québec dans un avenir rapproché. Bien évidemment, nous avons parlé de ce merveilleux moment que l'on venait de passer en la compagnie des Temps Suspendus. Vraiment heureux d’avoir fait sa connaissance, nous avons quitté le Périscope des étoiles plein les yeux, la lune d’octobre encore pas mal pleine pour guider nos pas vers le stationnement…







LE PEINTRE, LA POMME ET PICASSO




2 commentaires:

  1. via facebook le 27 octobre 2016:

    Merci beaucoup!!

    Olivier Normand

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  2. via facebook le 27 novembre 2016:

    C'était tombé dans mes messages filtrés 😞
    Merci beaucoup du message 😊
    Heureusement, j'avais déjà eu la chance de lire sur votre blogue vos écrits sur Fendre les lacs. C'est toujours un énorme plaisir de vous lire et de découvrir comment vous recevez les spectacles!

    Au plaisir! Claudiane

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