mardi 9 février 2010

Jules et Jim





C'est dimanche au soir, et on se rue dans les bars...à salades. Rien n'est plus rafraîchissant qu'une fille qui vous regarde dans le fond des yeux sans savoir vraiment ce qu'elle veut. On se dit que lundi matin arrivera bien assez vite, alors faudra se dépêcher pour lui en faire voir de toutes les couleurs...Et puis, faudra aller aux toilettes pour se refaire une beauté, faudra aussi aller refaire le bilan de ce dernier week-end: est-ce que je la revois, ou bien est-ce que je la laisse poirauter un peu, le temps qu'elle aille se refaire une E-beauté. Non mais, c'est vrai qu'elle ne paraît pas réellement son âge, cette bonne femme-là, de combien déjà ?

Bof ! le temps que j'aurai pris à prendre pour le calculer elle sera sans doute entrain de se prendre une troisième coupe de vin, dans le même bar, là où j'étais avec elle il y a quelques heures. Elle sera sûrement avec un autre jules, un autre qu'elle aura tôt fait d'enrenardé, et si c'est pas avec lui, bah ce sera avec un autre, Jim...

C'est fou ce que les week-ends peuvent passer vite dans ces petites villes de province, là où on croit que le temps s'arrête, le temps d'une virée, le temps d'un furtif baiser, le temps d'une tiède main poignée, le temps d'une rencontre " frenchisée " ...

Ça me rappelle Gérard U., à Rosheim, (prononcez Rossem) dans le Bas Rhin, en Alsace...Y'avait bien les tartes flambées que Jeanne A. nous servait avec le plus beau des sourires alsaciens, mais les regards, ceux-là qu'on flambe dans la prunelle noisette d'un plus-que-pur étranger, quand le coeur se met à oublier qu'on est à plus de 6,000 kilomètres de chez soi, loin de nos petits coeurs québécois...Les coeurs qui se pressent à sec avec les bonnes âmes soeurs, celles qui se fondent autour du lit...

Rosheim...Oui, pour un soir seulement....Avec l'alcool qui flambait les tartes et le rire des femmes, sans la proximité de nos corps, avec le simple regard du hasard et de celui de la quadruple mort...Remonter le temps, puis le défaire, et ne pas rester, surtout ne pas rester...

Être repartis sans s'être touchés, ne jamais avoir dit jamais, parce qu'on croit un jour qu'on se reverra ...ailleurs...Avoir su seulement comment se taire...enfin; ne pas avoir eu à regarder la forme des lèvres, ni celle des ongles, que celle des mains qui se croisent le temps d'une poignée...amicale, sans aucune espèce de désir d'aller plus loin, que la simple joie qu'on a eu de s'être rencontrés pour la première...et probablement la dernière fois...

***

C'est dimanche soir mon lapin, ma petite Beauté, et tu vois, c'est déjà le temps d'aller retrouver Alice et Lewis dans le pays de leurs merveilles...Le vin australien ne m'est jamais plus enivrant que lorsque je sais d'avance que j'irai me retrouver sous les couvertures avec les mots losangelisants de John Fante, comme ceux que j'ai lus tard hier soir en pensant à toi, ceux que tu avais lus il y a de cela fort longtemps...Cette oeuvre qui trop tardivement me tisse à lui, et à toi, et au Jeune Libraire qui me la prescrite...avec tout mon assentiment...Cette oeuvre qui me concentre sur celle qui se détisse des autres, cette oeuvre qui me raplombe l'Elle, et qui me donne de quoi me nourrir... sans trop avoir à manger....

Y'a jamais rien eu de plus beau que les mots qui m'arrivent sans que j'en aie eu le moindre pressentiment...Comme ceux aussi simples que complets de Fante, comme ceux que tu m'envoyais il y a quelques années, comme ceux que les oiseaux rares aimaient dé-plumer, comme ceux qui avaient le goût d'un porto vieux de 30 ans, comme ceux qui goûtaient les fromages crus d'antan, comme l'éclat solitaire d'une dent en or de joviale octogénaire, comme la lueur principale d'une nuit hivernale, comme celle de l'un de nos rêves incompris; comme le son rétro-actif de nos musiques favorites, comme le petit point oublié dans une vieille tapisserie de Belgique, comme le sang brutal qui bout dans le corridor oublié de nos veines d'avinés, comme nos peurs médiévales, comme celles de se les réciter....

Ces mots qui sont encore pris dans le fond de nos gorges éprises; ces mots qui ne se non-diront jamais, ces mots qui ne passeront pas toujours leur temps à se contredire; ces mots qui ne se composeront que pour les chemins de nos contrées imaginaires...

***
Ce soir, dans mon Pommier Gelé: plus aucune pommes...qu'un immense collier de lumières décoratives qui illuminent le reste de mes souvenirs d'anciens Noëls... Simon avait raison...Simon me l'avait écrit:

" Je suis certain que l’Esprit des Fêtes te prendra dans ses bras à un moment ou un autre dans les prochaines semaines. Qu’on le veuille ou non on a tous une petite épiphanie… une chanson, une odeur, un goût, et on est multipliés par autant de fois qu’on a eu de Noël…"

Comment ne pas te voir ce soir...Dis-moi comment?

The Paper's Shop
10 décembre 2006

Commentaires

cruelles incognita avait dit:

C'est toujours jeudi ;
C'est toujours Télé-Patrie;
Télé-par-ici ;
Dans l'Autre al-cove bien meublé;
Le plaisir est dans les doigts
La tête est geysers de clairs obscurs et mot durs
Pas faciles de ne pas voir
Les paires d'Elles doubles
Gong dans le coeur / chin dans les doigts

Simon avait dit:

Se voir ou s'entrevoir
immobilisé par le frimat
les pieds en glace
et les cheveux en glaçons;
je suis content
d'avoir eu raison.

Les Restes leur avait répondu:

Ce matin, c'est l'Éveil parfait, c'est la Prise soudaine de l'Inconscience pour la Lutte de la survie; le dernier Combat sera semblable au Premier, celui qui m'a a donné le souffle, celui qui m'a permis de te respirer encore..pour quelques temps...Oui Cruelle, ce sera toujours JEUDI dans ma tête, jeudi, jour de fête, jeudi jour de quête. jeudi soir de sortie..geysers de mots épris qui auront encore tant à dire, qui auront encore tant à s'écrire, sans pour autant faire souffrir...merci Simon...pour tes flocons...et ton frimaS ;-)



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