lundi 15 février 2010

15 février 2010, la suite

Michel Bois *
Ange de combat


En raison de cette difficulté à renouveler les publics, la survie de certaines institutions est en péril. C'est ce qui ressort d'une vaste étude intitulée Enquête sur les pratiques culturelles au Québec, réalisée à partir de données recueillies entre 1979 et 2004.

La suite ici:

http://www.cyberpresse.ca/arts/201002/15/01-949716-les-jeunes-boudent-les-arts-classiques.php?utm_source=bulletinCBP&utm_medium=email&utm_campaign=retention


Quand la vieille souche aura complètement pourrie, restera-t-il quelques racines au vent de nos arts dits classiques ? Comme réponse, un texte de Christian Lapointe extrait du SOUFFLEUR, des phrases qu'il a adressées aux comédiens de LIMBES.


LES COMÉDIENS DE LA FÉROCITÉ HUMAINE


Il faut se dire que ce qui semble pouvoir apparaître de cette matière n’apparaîtra jamais.
Pas totalement du moins.
Que partiellement.
Comme nous le dit si bien Yeats, c’est à chaque coup de pinceau que le peintre ravage et dévaste ce qu’il avait rêvé de faire.
C’est donc avec joie que nous saccagerons ce que nous rêvions de pouvoir faire, ATTEINDRE.
Loin de moi l’idée de nous décourager.
Je crois même que c’est encourageant de savoir que nous n’y parviendrons pas.
Cela ne doit pas cependant nous faire baisser les bras.
Au contraire.
Sachant maintenant que la montagne à gravir est trop immense, nous pouvons nous lancer corps et âme POUR ATTENTER à l’ascension de celle-ci.
L’auteur a rêvé pour nous d’un monde onirique d’une richesse incommensurable.
Il tient maintenant à nous de ne pas l’obstruer de toutes nos " idées ".
Il y a toujours et partout dans cette œuvre, LA QUESTION DU CONTREPOINT.
C’est peut-être de ça qu’il faut être le plus à l’affût.
J’ai attenté à une écriture cyclique des thèmes déjà abordés par l’auteur.
Il m’a semblé important que nous parlions du monde dans lequel nous vivons maintenant.
Il doit en être de même pour la forme de l’objet.
NOUS SOMMES LÀ POUR CRAINDRE DE FAIRE CE QUE NOUS AVONS À FAIRE.
Aller au-devant de cette peur.
Entrer dans la peur, dans la crainte.
Évider chaque parcelle de doute pour vaincre la crainte que nous avons de nous-mêmes.
Il va de soi que nous vaquons à des occupations diverses.
Notre objectif est le même.
Faire renaître différent de lui l’autre qui est en dedans de soi.
METTRE À MORT EN SOI L’AUTRE SEMBLABLE À CELUI QUE L’ON CONNAÎT DE NOUS.
Enlever le beau.
Faire apparaître le laid.
Le sale.
Ce soi qui est au fond.
Là.
Oublié.
Oublier ce qui fut appris.
Apprendre à désapprendre.
Brûler son corps.
Renaître de ses cendres.
S’extraire du regard de l’autre.
Et non pas se regarder mais devenir œil.
Ne vous laissez pas être le demi de vous-mêmes.
Être interprète, c’est être au service.
Être au service, c’est devenir le monstre qui sommeille en vous.
Le monstre de vérité.
Qui ne se reconnaît pas lorsqu’il s’entend et se voit.
Qui ne se reconnaît pas d’avoir été trop longtemps enfoui par le politiquement correct et les masques de l’intelligence sociale.
Pour le reste, comme à l’habitude, j’ai la conviction profonde que résident, dans le texte que l’on joue, toutes les indications dont nous avons besoin pour faire, dire et comprendre ce que nous avons à faire, dire et comprendre:
Il faut être capable de rester sans bouger dans la lumière
Il faut que le corps et l’esprit soient à demi affamés
IL FAUT DANSER ENTRE ABSENCE ET PRÉSENCE
Il faut bien observer
Il faut penser
Il faut essayer de se souvenir
Il faut se dénuder
Il faut être la vie onctueuse
Il faut connaître les conséquences de nos actes
Il faut savoir que l’aide est en soi-même
IL FAUT MOURIR EN CETTE DEMEURE (LE THÉÂTRE)
Il faut aimer cette demeure
IL FAUT BRÛLER TOUT
Il faut apprendre à lire
Il faut chercher un grand raffinement
Il faut savoir qu’il n’y a personne ici, seulement que nous deux (le moi et l’anti-moi)
IL FAUT SAVOIR QUE RIEN NE PEUT ÊTRE CERTAIN
Il faut savoir que jouer est le métier qui me sied
Il faut le rythme
Il faut tout inventer
IL FAUT PERDRE LA RAISON
Il faut porter son meurtrier
Il faut perdre la tête
IL FAUT SAVOIR QUE L’INSTRUCTION NOUS MANQUE
Il faut / ne faut pas élucider les problèmes
Il faut parler et voir à la fois
Il faut parler clairement
Il faut être la bouche d’un oracle
IL FAUT SAVOIR QUE LES MOTS SONT L’EMPREINTE D’UN SOUVENIR
Il faut devenir homme-bestial
Il faut être plein de grâce et illuminé
IL FAUT ADRESSER UN CHANT
Il faut être telle une âme purifiée
Il faut être et avoir un esprit que la noblesse a rendu simple comme le feu
Il faut atteindre une beauté pareille à l’arc qui se tend
Il faut revivre non pas une mais maintes fois
Il faut rêver notre passion
Il faut faire des miracles
Il faut appeler au loin d’une voix ample
Il faut faire don de la vie
Il faut être telle la marmaille
Il faut voiler de lumière la solitude qu’impose la mort
Il faut scruter là où il n’y a rien
Il faut être sans cesse avide
Il faut ne pas douter
Il faut se délivrer
IL FAUT SAVOIR QUE TOUS LES POUVOIRS SONT ENTRE VOS MAINS
IL FAUT REGARDER LA MORT EN FACE
IL FAUT SAVOIR QUE LE MIEUX C’EST: TANT QUE C’EST IMPRÉVU
IL FAUT ÊTRE COMPÈRES

Il faut savoir qu’une bouche essoufflée peut rappeler à la vie
Il faut appeler le surhumain
Il faut savoir que les images engendrent de nouvelles images
Il faut que la mort de dieu ne soit qu’un jeu
Il faut lancer un appel des fabuleuses ténèbres
IL FAUT ÊTRE COMME UNE MEUTE DE LOUPS
Il faut savoir que nous serons juste assez pour prendre ce travail en main
Il faut s’abstenir de blâmer
Il faut que l’esprit trame sans cesse quelque chose
Il faut prendre / ne pas prendre tout sur soi
Il faut avoir l’esprit clair
Il faut tout sacrifier
IL FAUT ÊTRE CONSCIENT QUE LA TOMBE EST AU PROCHAIN TOURNANT
Il faut toucher à l’abandon de soi
Il faut être comme sortis de quelque temple
Il faut voir et nommer les visions diurnes et nocturnes
Il faut la connaissance de soi-même
Il faut livrer son âme
Il faut savoir reprendre son souffle et parler
Il faut que tous et chacun soient persuadés
Il faut savoir que le rêve prouve la foi
Il faut ne pas échapper à la honte
IL FAUT SAVOIR QU’IMPORTE PEU QUE DES CHOSES SE CONTREDISENT
Il faut aspirer à quelque chose que le savoir ne peut expliquer
Il faut que les paroles réclament
Il faut savoir qu’il y a autre chose qui sommeille en dehors du savoir
Il faut laisser l’irrationnel surgir
Il faut danser à chaque instant
Il faut aimer sentir le cœur qui bat
Il faut la rigueur
Il faut que tout soit nourri avec le cœur
Il faut changer le monde
Il faut être portés par une tragique joie
Il faut / ne faut pas se réjouir de notre sort
IL FAUT RETROUVER UN CORPS
IL FAUT ATTENTER AU RITUEL DE L’INNOCENCE
IL FAUT QU’ÉMERGENT LES MOTS

Il faut vaincre la mort
l faut que le corps réclame sa mort
IL FAUT SE DEMANDER QU’EST-CE QUE LA JOIE
Il faut être incorruptibles
Il faut apprendre à danser
Il faut voir à tous les travaux de l’esprit et de la foi
Il faut se moquer de la tombe
Il faut n’avoir peur de rien
Il faut faire du bruit, du grabuge et du tapage
Il faut que l’on puisse entendre ce que vous direz
Il faut que vous commenciez peut-être à comprendre
Il faut renaître sous une forme inhumaine
IL FAUT SAVOIR, COMPRENDRE ET ÊTRE PLEINEMENT CONSCIENTS QUE NOUS SOMMES EN TRAIN DE TOUT DÉVASTER
Il faut aller à l’encontre de sa propre mort
Il faut avoir l’esprit clair et lucide
IL FAUT AVOIR BEAUCOUP À DIRE
IL NE FAUT JAMAIS DÉTOURNER LE REGARD
IL FAUT UNE DANSE MACABRE
IL FAUT FOUILLER DANS SA MÉMOIRE

Il faut ne pas laisser la peur nous dicter comment agir
Il faut être serein et calme
Il faut des visions à la fois du futur et du passé
IL FAUT QUE VOTRE ŒIL NOUS REGARDE
IL FAUT ÊTRE EN QUÊTE DU RÉEL
IL FAUT DÉLAISSER CE QUI N’EST QU’APPARENCE
IL FAUT JOUER LE RÔLE QUI NOUS EST PRESCRIT

Il faut faire don de sa vie
Il faut apprendre à écouter
Il faut leur apprendre à écouter
IL FAUT ÊTRE ENTRE CIEL ET TERRE
IL FAUT QUE CHEZ NOUS CE SOIT LÀ OÙ NOUS SOMMES
IL FAUT VOIR DANS LE NOIR
IL FAUT FAIRE UN
IL FAUT JETER UN REGARD FROID SUR LA VIE ET LA MORT


Ces notes ne sont pas poétiques, elles sont réelles et concrètes.

Christian Lapointe, Le Souffleur
Lettre adressée aux comédiens qui jouent LIMBES
Samedi 16 mai 2009


* Michel Bois: artiste, encadreur, professeur, journaliste, inspirateur des Issues et récemment rédacteur en chef de Magazine'art.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire