dimanche 14 février 2010

Le Lauréat





Le Prix John-Hirsch *, accompagné d'une bourse de 6000$, a été remis à Christian Lapointe. Pour le Spectateur, qui a vu deux de ses mises en scène en 2009 (VU D'ICI et LIMBES) et qui se prépare pour TRANS (E) en avril prochain, la satisfaction d'apprendre une nouvelle comme celle-là a de quoi le réjouir, mais ce n'est pas autant pour le prix que pour l'argent mais plutôt pour la reconnaissance d’un artiste qui va et voit plus loin que la plupart de ses semblables, qui ne jongle jamais trop longtemps avec les différents périls qu’occasionnent sa vision.

Peu après avoir lu LE SOUFFLEUR, le cahier publié à l'occasion du dixième anniversaire du Théâtre Péril, je m'étais dit qu'il faudrait bien que je blogue quelques-uns des extraits qui m'avaient le plus collé…au cerveau, mais le malheur/bonheur étant qu'il y en ait tellement plus que la limite (non permise) a fait que j'ai fixé mon attention sur celui-ci, en partie parce qu'il parlait de ce Moi virtuel...

C’est non seulement à la disparition de la pensée que nous assistons mais il en sera de même pour toute chose. C’est à la disparition de notre espèce comme des êtres d’écoute et de grâce que nous assisterons. La chute d’un temps où l’on s’adresserait encore à ses proches, où l’on pouvait demander de l’aide quand elle était nécessitée. Chute imminente d’une époque où il était encore permis de croire que nous ne deviendrons pas des machines. Mais voilà. Plus le temps avance et plus il faut gratter pour trouver ce qui nous reste d’humanité. Quand la pornographie sera ce qui nous restera de plus humain, le théâtre, s’il survit, (pas celui convenu, sans langage propre à lui-même, pas celui prêt-à-porter mais celui qui brise les images attendues et qui nous fait nous voir tels que nous sommes et qui nous laisse entrevoir le monde et sa complexité) s’il résiste et ne se retrouve pas que dans la mémoire de quelques vieux séniles, il sera comme une prière, un chant pour le salut de l’être, un salut pour l’espèce ou ce qui en restera. Car nous nous dirigeons vers une époque où nous serons en proie au cyber. Dotés d’interface il nous sera de moins en moins possible de faire de véritables rencontres humaines. Nous présenterons de plus en plus nos Moi virtuels. Dans un cadre où l’être humain évoluera affranchi de son corps, de sa voix et de toute sa sensibilité, le théâtre paraît presque improbable. Qui voudra dès lors sortir de chez lui pour être aux côtés de véritables êtres de chair suant et crachant? Amener les gens à sortir du nid où tout le faux-semblant sera à portée de main, au bout du doigt, à un clic de souris près, sera un de nos grands défis. Aussi, il nous sera de plus en plus donné d’utiliser la cybernétique et la technologie de pointe pour fabriquer notre théâtre. De tout temps les artisans de notre art se sont servis des nouvelles inventions pour continuer d’aiguiser leur pratique. La technologie contre laquelle nous nous acharnerons sera paradoxalement une alliée. To beat the enemy you have to speak his language. Elle nous permettra aussi, la technologie, d’arriverà réaliser les rêves de nos prédécesseurs.

Christian Lapointe
Le Souffleur



* Pour plus de détails sur le Prix.




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