mercredi 16 décembre 2009

Entracte

photo: Arold Blanchet, 1991



Enfin vu DÉDÉ À TRAVERS LES BRUMES hier après-midi, la fin m'a démolie, l'avant-dernière scène surtout. Brassage de vieilles angoisses qui en ont suscité de nouvelles. Sébastien Ricard, tellement beau-bon et si cher à mes yeux, quasiment plus vrai que le vrai Dédé. J'ai beaucoup aimé les liaisons entre les époques, le recul des années. Où étions-nous, que faisions-nous le 8 mai 2000 ? Ou en novembre 1995 ? Qu'est-ce que la mort d'un homme qu'on aimait bien parmi les autres, mais qu'on ne connaissait pas vraiment, peut bien nous avoir fait vivre, écrire ou mourir, nous, illustres inconnus de lui ?

La nuit dernière, Dédé est passé me voir dans ma chambre, je n'avais pas de réponse pour lui, je n'ai pas osé le déranger, il avait l'air si au-dessus de la situation. Juste une p'tite nuitte, qui m'a dit, t'as rien à me dire, ok, je r'pars en comète filante, on se r'verra...le 7 janvier...

***

Je pense aux années Fortin, à Dédé, au quai de ses brumes, aux référendum perdus, à Belzébuth, à la batterie de son cœur, au rocher percé du sang de sa douleur, à la grande gueule de Montréal qui l’avait avalé tout rond, à cette fin de siècle qui NOUS appartenait, à son indémodable gilet rayé et la tuque qui allait avec, à ses p’tites nuittes de doux malcommode, au bruit griot de ses casseroles, à ses pieds nus dans la neige, au filet gelé dans lequel il scorait ses buts, au petit Bouddha, à son répondeur muet, à son corps défendant qui surfait sur la vague de chair humaine qu’étaient ses fans finis, au cerf-volant de glace dans l’hiver de ses faibles forces, à ses âmes-frères, aux Félix de l’écho de la mort et à nos banlieues mortes…


L.Langlois
extrait de L'Admission





2 commentaires:

  1. Je n'ai pas encore vu le film. Je tiens aussi en très haute estime Sébastien Ricard. Autour de l'anniversaire du décès de Dédé, il y a eu à radio-can une émission sur de la prévention du suicide. Deux des sœurs de Dédé ont témoigné. Cela m'a bouleversé d'apprendre que son geste avait clairement été annoncé à son docteur, qu'il avait vainement cherché à le contacter la veille ou le jour même...

    RépondreSupprimer
  2. C'est pourquoi l'avant-dernière scène m'a tant touchée. Il faut la voir pour comprendre tout ce qu'elle génère comme malaise d'angoisse.

    Sébastien Ricard, que j'ai découvert dans TABOU, une télésérie dans laquelle il tenait avec brio le rôle d'un grand frère perturbé/perturbant. Un acteur émouvant. Aussi dans 15 février 1839. Que j'irai voir dans WOYZECK le...19 février. Avec Paul Amahrani, un autre excellent comédien et le non moindre Marc Béland, ça promet.

    RépondreSupprimer