samedi 5 décembre 2009

Il était une fois...

Gilles Carle, 1970

En 1953, on parle au lecteur comme à un ami qui fait partie de l’équipe éditoriale: on le tutoie et on lui demande de contribuer modestement au succès de l’entreprise, qui fonctionne par souscriptions. Le premier livre publié à l’Hexagone est lui-même une sorte de création collective: il s’agit de DEUX SANGS, écrit par deux poètes, Gaston Miron et Olivier Marchand, et illustré par trois autres membres de la maison d’édition, Gilles Carle, Mathilde Ganzini et Jean-Claude Rinfret. D’une année à l’autre, les éditeurs se félicitent du fait que le cercle d’amis, c’est-à-dire de lecteurs, est en train de s’élargir. Dès le prospectus de 1958, on affirme triomphalement que " la poésie canadienne est maintenant en orbite ". Pas seulement celle publiée à l’Hexagone: le but explicite de cette maison d’édition est de créer une poésie nationale, voire une littérature nationale. Elle ne se présente donc pas en concurrence avec les autres maisons d’édition, mais cherche à créer un mouvement plus général qui fasse exister collectivement la poésie.


Extrait de L’Hexagone et la poésie du paysL’exposition de la littérature québécoise (1960-1970)
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE QUÉBÉCOISE
Michel Biron
François Dumont
Élisabeth Nardout-Lafarge avec la collaboration de Martine-Emmanuelle Lapointe
Les Éditions du Boréal

C'est Gilles Carle qui avait effectivement illustré la couverture de ce tout premier recueil de poésie publié à L’Hexagone, je ne l'avais pas remarqué lorsque je l'ai exposé au Seuil des froidures il y a quelques jours. Gilles Carle, un autre rapaillé. J’aime bien l’idée de voir se côtoyer au-delà de NOUS ces deux grands Québécois que furent Gaston Miron et Gilles Carle. Aujourd’hui, en regardant l’hommage que lui ont fait ses amis, parents et différentes personnalités d’ici, je n’ai pu rien faire d’autre que de noter quelques-uns des mots qui se sont échappés de leur coeur...


Mais tout d’abord, juste un peu avant la cérémonie, un Paul Buissonneau révolté contre certains journalistes qui avaient descendu La terre est une pizza, une œuvre de Gilles Carle qui avait été encensée au Festival d’Avignon de 1989, je le le cite: " j’espère qu’ils se reconnaîtront, bande de culs. " M. Buissonneau qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, pas plus qu’Armand Vaillancourt, qui lui est venu à la fin de la cérémonie NOUS rappeler un peu à l’ordre…

(Sur l’air de l’Adagio pour cordes no.1 op. 11 de Samuel Barber, interprété par le magnifique quatuor Molinari…)


Un chercheur de beauté
Un pionnier qui transforme le destin d’un peuple
Le père du cinéma québécois
L’un des fondateurs du Québec moderne

Jean Charest, premier ministre du Québec

Gilles Carle, qui s’entourait de gens improbables, de son monde à lui...

Le cinéma Alexander à Rouyn où il a vu son tout premier film, c’était en 1942-43, une comédie d’Abbott et Costello, une parodie western…(J’ai vu le fantôme de Willie Lamothe passer à côté du cercueil à ce moment-là, un fantôme qui en était un " assez gros " )...



Gilles Carle, un aidant naturel, un créateur de pow-wow

JOSÉPHINE BACON: ne jamais baisser les bras...

(Sur un air de Bach: la suite no. 3 en ré majeur…)

BRUNO ROY


Un artiste pour la paix
L’efficacité du style direct
LES MOTS
Leur sonorité
Le cinéma qui donne à VOIR les mots
Un cinéaste qui a profondément aimé les mots
Trouver le mot juste
Un mouvement…

Des gerbes de plantes séchées sur le cercueil, mais de quelle sorte s’agissait-il au juste ? Elles ressemblaient à celles que l’on voit le long des autoroutes durant les mortes saisons froides…)

CHARLES BINAMÉ

La procession au flambeau
NOUS dans cette marée humaine
Fierté de totem
Phare embrasé de ce désir de vivre
Valeureux
Résolu
Indomptable
Pèlerin de la pleine lune
Souverain
Il respire au large des grandes marées


 
ROMÉO SAGANASH
(Dans sa langue innu, qui existe depuis quelques 7000 ans)

Interprète de la nature humaine
Aux antipodes du monde
L’interprète de NOS sentiments

(Des extraits de ses films)

La mort d’un bûcheron
La vraie nature de Bernadette
Les mâles
Les Plouffe
Pouding chômeur
Le diable d’Amérique
Cinéma cinéma


CHLOÉ STE-MARIESon dernier rêve…
Il y avait 4 grands chefs
Tout le monde parlait de la mort
Sauf toi et moi, qui étions heureux…
L’ARBRE QUE TU ES
Brûle brûle la chandelle de l’amour

 
LES COMÉDIENS

Donald Pilon, Micheline Lanctôt, Anne Létourneau: « Il flirte avec les anges »
Carole Laure: « Il a orienté ma vie », Suzanne Valéry: « Merci pour la belle tempête de neige » Raymond Cloutier: « MERCI », Daniel Pilon: « À toujours »
Luc Senay: « T’as l’air d’un bouffon, je t’engage »
Piere Curzi: « Il nous a donné les clefs de notre destin »
ARMAND VAILLANCOURT: « on veut une enquête publique !! »

L’encens et l’eau, un rituel amérindien
L’aspersion

« IL ÉTAIT UNE FOIS DES GENS HEUREUX »

Des porteurs…de lumières, qui l’emportent vers son ÎLE…

RAOUL DUGUAY: « La vie quotidienne, les choses simples,
les gens ordinaires, l’écho et le miroir de la voix du peuple »

LOUISE LAPARÉ: « Il n’avait pas d’amertume »

MARTINE CARLE: « Nous t'aimerons toujours »

***

Pendant ce temps, à St-Côme dans la région de Lanaudière, il y avait une autre funéraille, c’était celle de Madame Rose-Aimée Simard Rivest, une dame qui était âgée de 87 ans. C’est elle qui tenait la petite épicerie familiale, ancêtre des dépanneurs, à même les dépendances de sa maison à Notre-Dame-de-la-Merci, située à environ un mille à pied de chez ma grand-mère Charette. C’est elle qui nous voyait souvent apparaître de la ville les vendredis soirs ou samedis matins de bonne heure, pour y acheter des boîtes de tomates, du café, de la farine, ou des cigarettes Peter Jackson pour Mémère. Mais c’était surtout les pétards à mèches courtes qui nous intéressait, nous venions en faire grande provision pour passer à travers la fin de semaine. Elle n’a pas toujours voulu nous en vendre, nous étions trop jeunes, alors c’était matante Françoise qui nous les achetait. Madame Rivest, comme on l’appelait était la mère de Ti-Guy, notre ami d’enfance loin dans sa campagne, un Ti-Guy qui en menait pas mal large quand il s’amenait par chez nous, dans la Grand-ville. Un souvenir impérissable de l’été 1978: celui de s’être baignés avec lui après l'avoir vu se jeter tout nu dans la piscine du bloc appartement qui était alors fermée, d’avoir vu la police s’en venir, d’être sortis en quatrième vitesse de la piscine, d’être entrés dans l’ascenseur tout trempes, puis dans l’appartement de celui chez qui nous étions venus passer la soirée pour fêter je ne me rappelle plus trop quoi, de s’en être sauvés encore une fois, d'en avoir tellement rit après, dégoulinants de la folie de jeunesse que nous étions, young and foolish…Gilles Carle aurait certainement adoré notre Ti-Guy nationaleux, parce que c’était un vrai, un vrai de vrai, comme Gilles Carle l'était.


Merci pour vous qui faites ce pays.

 


Sélection de films de Gilles Carle À VOIR sur le site de l’ONF:

2 commentaires:

  1. Mots de condoléance
    ( que l'on peut encore envoyer à l'adresse suivante:
    www.protocole.gouv.qc.ca/gillescarle )

    Pour tous ces merveilleux souvenirs empanachés de ma prime adolescence, depuis la poursuite endiablée dans un champs de blé d'Indes d’un Québec plus que québécois, depuis le RED pilon que j'ai vu pour la première fois au cinéma avec mon père le 4 octobre 1970, pour Willie, Carole et J. Léo, pour Léopold, Normande, Bernadette, Ovide et Maria, pour tous les « rapaillés » que votre amour a su infiniment bien faire tourner dans ce monde qui n’appartenait qu’à NOUS. Pour tout l’or du monde. Pour LE Cinéma. Et pour vous, très chère et si vaillante Chloé, qui avez tout mon respect, je tiens à offrir mes plus sincères condoléances en ce deuil qui je l’espère saura marqué d’une pierre blanche notre destin. En souhaitant qu’il provoquera le Grand Réveil d’un peuple en voix d’apparition…Pour l’Ange et la Femme que vous êtes, merci d’être là, avec nous, pour l’action que vous menez au nom des oubliés.

    Louise Langlois
    Québec, Québec

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