mercredi 24 février 2010

VINCENT GAGNON: Le Contrôle V





Depuis samedi dernier, c'est l'écoute en boucle de l'impressionnantiste BLEU CENDRE, un album de jazz aux consonances classiques. Vincent Gagnon, un jeune pianiste de Québec, le secret le mieux gardé de la ville (c'est ce qu'écrit Ralph Boncy, journaliste et animateur à Espace Musique à l'intérieur du livret qui accompagne ce trésor musical, et il a fort raison), est installateur d'ambiances qui a recourt à un quintette composé d'Alain Boies aux saxophones, Guillaume Bouchard à la contrebasse, François Côté à la batterie et comme invité spécial, Michel Côté, un autre aux saxophones, de quoi réjouir le moindre des tympans susceptibles aux notes swinguantes des chabadabada...

C'est sur le blogue de CLS/POÉSIE, à cause de cette superbe note intitulée « PARTIR »,







que j'ai fait la découverte du musicien. Comme je voulais en savoir un peu plus sur ce nouvel envoûteur public, je suis allée me promener dans son espace, on peut y entendre quatre extraits dont le non moins moelleux Seul comme un roi...Il n'en fallait pas plus pour que je passe récupérer l'album chez Sillons le Disquaire...

Et puis, ce matin, j'apprends qu'il est à nouveau récipiendaire d'un autre prix, celui de la Bourse RIDEAU, un prix de 5000$. Il aura ainsi accès au Palais Montcalm pour des activités de création ou de production. De la reconnaissance et de l'encouragement, c'est parfois juste ce que ça prend pour voler un peu plus haut, un peu plus loin....

***

Glissante, poreuse/vaporeuse, prenante, mystérieuse, comme un film de lumière d'ombres, pour tramer le bleu-noir dans lequel on peut y lire des histoires inventées ou vécues, comme un fil de rythmes qui nous mènerait là où on ne veut pas nécessairement aller mais où nous aimerions quand même nous retrouver, malgré l'inquiétude...

L'emmerdeur....du swing, du Hop! la vie, du feu pétillant pour le bleu des cendres gagnon, une brassée de notes jaunes d'oeufs crevés, une poussée d'adrénaline dans le coeur d'un comateux, une émergence, une urgence, un coquelicot au vent, de la vitesse, du confort, un roulement sur le pavé...Faubourg Saint-Jean Baptiste ...une promenade sur les trottoirs craqués, un tour du monde en ville, une pluie reconnaissante, un souffle court, une allumette mouillée qui fait de la lumière pour les fenêtres éteintes, un rat qui rencontre un chat, des feuilles qui tombent dans le cimetière, un verre éclaté...Après l'une...la rencontre de l'improbable avec l'incontournable, une longue nuit claire pour l'angoisse du jour naissant, du rouge aux lèvres, le démaquillage des coeurs, le sursis d'une pensée qu'on pensait destructible, une itinérante aux mains fraîches dans des cheveux défaits, un vieux fauteuil de velours dans le coin d'une chambre d'hôtel en cendres...une note salée, une fracture, un oubli... Seul comme un roi, de la fumée, des restes d'hier sur la table à café, une télécommande, un verre à moitié rempli, des stores ouverts, de la poussière, de la monnaie qui traîne, un chat qui a faim, un chien endormi, le tempo d'une fille disparue, du beau désordre, la danse de la négligence...Chemins croisés...de la grand-route sur des chemins de misère, à faire et à refaire, pour remplir l'espace, pour courir après le lapin, pour ramasser de la poussière, pour nettoyer le frigide air...Clair-obscur...enlever ses chaussures, manger un peu de pourriture, secourir sa faim, préparer sa nuit, marcher sans but, penser aux factures, errer, revenir, se blottir sous les couvertures, s'endormir, essayer de rêver, se réveiller, prendre la voiture, rouler, rouler jusqu'à la bonne aventure, tirer un trait de fumée pour se souvenir, pour se rendormir, pour essayer de rêver...Nocturne...partir aux confins d'un nouveau monde d'échevelés, contrer l'échec, prendre les voiles, quitter le toit qui coule, refaire le plein de bleues nuits, vider ses poches et les cendres du poêle, se chauffer...Blue truck...arrondir les coins, tourner à gauche, filer tout croche, casser la croûte, boire une goutte, avancer, descendre, pisser, reprendre, feindre, coûte que coûte, caresser le doute, décaler l'aurore, passer tout droit, ne plus voir les stop, baisser sa vitre...cracher...Bleu cendre...Mettre le feu aux poudres, étinceler le grisâtre, épousseter la poudre, faire de la place, se ressusciter, empiéter, fortifier, gargariser, étiqueter, brasser, faire du vent, rattraper le tempo, cuire sa peau, friper les cordes de la contrebasse, taper du pied, battre la démesure, ne pas se ficher du piano...Left alone...Prendre ce qu'il reste de meilleur pour créer, voir et dire, ou vouloir dire, effacer les traces des pas qui n'allaient nulle part, monter les escaliers, ouvrir la porte, fermer les rideaux, ouvrir les fenêtres, se retrouver seul pour jouer....solo...et remettre dans le lecteur ce qui jouera perpétuellement en boucle, pour revoir l'emmerdeur... celui qui revient toujours faire son tour...dans ton collimateur....





samedi 20 février 2010

WOYZECK: Les pois lourds de l'Achevé (fragments)

photo: Angelo Barsetti

Chaque homme est un abîme, on a le vertige quand on se penche dessus.
Georg Büchner 
1837


Depuis trois mois, n'avoir avalé que des petits pois,
de la nourriture pour des assiettes vides,
puis avoir trouvé un petit poil de moustache
sur les lèvres de sa femme...

On boit de l’eau de vie pour oublier
qu'on mourra dans l’eau de là

Et de temps en temps,
quand un metteur en scène le lit,
on le fait renaître par ici

WOYZECK

La foi dans le ciel
L’amour dans le sang
Le foie dans le fiel
La danse dans les coqs
Les corps dans les corps
L’alcool qui les tangue
La mort sur les langues

Les pieds pris dans le jell-0
qui
tapent secs sur les carreaux
La vipère au poing qui le frappe
dans le milieu du visage
L’(im) puissance d’un fragment
l’ (im) prudence des amants
(en attendant les couteaux dans le dos)…



WOYZECK

La déchirure des regards obliques
c'est l’invasion des Petits Parasites
Un fils prodigue avale ses paraboles
hic!
Le coeur sensible à abstenir;
Le Docteur prend son pouls,
le Capitaine dit LENTEMENT;
C'est pour l’Éternité

ou c'est pour quand ?...

Mais...

WOYZECK

Avec la brûlure entre ses yeux
et le certain malaise dans sa civilisation
et puis SCHLAKKKKK KKK
........dans le dos

pour blanchir le gris de l’amour
pour vernir de sang séché le jour


L’amour et la mort par en arrière
La culbute de ses pas dans le vide
Le sang qui coule dans la rivière

Le noir de son issue
le rouge le long du couloir
son engorgement dans les craques du plancher
sa voix de disparu

La femme et l’enfant
la femme et l'amant
les mains tendues sur le landau
elle prie au meurtre
elle crie

WOYZECK !

Le vertige du vide
Le rouge et le noir
Le OUI et le NON
La Bête en l’Homme
L'instant d'un mouvement

Et le Chant d'un enfant
vivant

WOYZECK
qui ÉTAIT DES NÔTRES


19 février 2010
Théâtre de la Bordée

***

Je ne connaissais pas Büchner, maintenant je sais qui est Woyzeck. Merci à tous les comédiens de cette prestigieuse distribution, de même qu'à Madame Brigitte Haentjens, qui sont venus s'asseoir sur la scène après cette pièce on ne peut plus exigente, ce fût fort apprécié par les spectateurs qui venaient d'assister LÀ à toute une performance théâtrale, de quoi meubler l'inspiration des poètes pour quelques années encore. Merci pour " l'ensemble " des comédiens, le Jeu ne pouvait que s'en porter mieux. Merci également à M. Hanna Abd El Nour, pour la nourrissante conversation d'avant-match. Nous savons maintenant que WOYZECK a existé et que nous irons beaucoup au théâtre...avant l'été.


les pois lourds









vendredi 19 février 2010

La Voix était pavée pour sa langue

kakemono



Chaque langue voit le monde d'une manière différente.
Federico Fellini

Depuis l'offrande de cette clémente et inoubliable soirée de juin, depuis cet ingénieux décor, où Miles et Moreau se fusionnaient, et dans lequel en un jet s'éclataient les 9 muses du Palais, je découvris le cinéma d'un aigle trapéziste en moins d'une heure et demie. Dans cet espace comblé de par son corps qui avec le Jeu ne firent plus qu'UN, je suis entrée au musée de l'imaginaire d'un jeune magicien où j'y capta par ses ondes stationnaires celles on ne pouvait plus révolutionnaires.

Les Aiguilles et l'Opium
18 Juin 1993


L’ORGASME DU SILENCE
impressions d'après-match

En avant ou derrière ceux qui me le donnaient ce que je ne voyais que pour la toute première fois, cette Poésie essentielle à l’Art, libre & indépendante, cette Poésie visuelle et malléable, & donc souveraine, voix humaine qui recherche sur des notes voilées ce qui y parcourt constamment leur tête étoilée; substance de la reconnaissance de leur errance, venue de près ou de loin, d’on sait où, je pense.

À l’abri d’une foule bondée d’éclectiques, courts applaudissements, futiles prérequis; ambiance mécanique, mirador océanique, jeux savants pour les mains de ces géants. À l’affût d’un complot, quelques scènes érotiques, recréées au cinéma pour y faire vibrer ces débats; fiction d’une censure tournée par Louis Malle, fiction non moins éternelle que cette cage/spirale, ils traversèrent ensemble l’écran transformable et prirent l'ascenseur pour l'échafaud.

Jument luisante de ces lieux fraîchement repeints d’alternatif, extrait d’une scène nécessitée, jouée par Jeanne Moreau, le parfait adage pour l’un de leurs lents exercices de rodage. Promenée dans les ombres abyssales, l’âme morcelée par une murène; l’âme d’un trompettiste, glacée de noir royal, celle de Mister Davis, muse moderne & orphelin parisien, charmé puis baptisé par la Gréco.

Bien réarmés par l'orgasme du silence, nous entrions par la porte de leur 6ème sens; propos ordinaires couronnés de leur musique, gestes névralgiques, la seringue qui les pique quand les faux départs fabriquent sur la cible quelques séances qualifiées de tangibles. Ils se criblèrent alors judicieusement de blanches balles, pour y transférer en nous de cette euphorie théâtrale, pour raisonner l’écho de leur progress devenu accessible.

La fibre diélectrique qui nous fait voir leur libre Savoir y optimalise dans cette passation naturelle du Pouvoir le syndrome individuel quelque peu enclin au Virtuel; syndrome qui rénovera les logiciels de ces connecteurs, sans réel suspense, puisque les tractations se feront attendre dans le silence.

Là-bas, de l’autre côté de leur modeste miroir, la sensation d’assister à un projet tenu muet; que des sensations particulières pour les troubles images, aussi sages que le sont les Robert CAUX & LEPAGE. Je ne les reverrai qu’à l’automne avec Hamlet dans Elseneur et plus tard, sans nul doute, au vert printemps pendant les 7 heures que dureront Les sept branches de la rivière Ota, fusion physique, rencontre hermétique, fresque à Hiroshima.

mercredi 17 février 2010

La Réponse

Photo: Sophie Grenier



Un journaliste se donne la peine de vous répondre gentiment que votre opinion devrait se retrouver sur le blogue des arts du Soleil, pour ceci.

Bonjour M. Moreault, 

Je n’ai pas réellement de réponse à votre question, à savoir COMMENT convaincre une partie de la population à déménager ses pénates (et ses fesses) dans les diverses salles de spectacles où l’on y présente de l’art dit conventionnel, mais je tenais à vous écrire pour vous parler de ma propre " conversion", celle du Théâtre…le grand et le petit... 

Il est vrai que la majorité des spectateurs qui assistent aux différents théâtres d'ici sont des têtes grises (avec parfois beaucoup de teinture par-dessus) ;-) et aussi vrai que les jeunes désertent les salles de spectacles (ici, de théâtre, on s'entend ?), et c’est donc vrai que l'on vit dans un monde de plus en plus virtuel, moi y compris.

Même si je fais partie de l'éminence grise des spectateurs qui assistent aux superbes pièces que l’on présente dans les diverses compagnies théâtrales de Québec, j’assiste, de temps en temps, à des spectacles " de jeunes ", car si je me souviens bien, je l’ai déjà été moi aussi, et à relire la nomenclature des spectacles auxquels j’ai assistés depuis ma prime jeunesse, je ne vois pas tellement de titres de pièces de théâtre là-dedans mais plutôt des gros show ROCK’N ROLL, (ceux du Forum entre autres) puis des chanteurs, d’ici et de là-bas (lire France), et des humoristes, et même un Elvis (enstoré). Quand on est jeune, il faut que ça déménage, il faut que ça saute, on veut danser, suer, plaquer, slammer, on ne veut pas rester assis là sans bouger pendant des heures (jusqu’à douze pour LE SANG DES PROMESSES de Wajdi Mouawad) à " ne rien faire ". J’ai été de ceux-là, jusqu’au jour où un certain Magicien est venu changer tout ça…
Il s’appelle Robert Lepage. C’est lui qui m’a réellement donné " la piqûre " du théâtre avec son mémorable et enchanteur LES AIGUILLES ET L’OPIUM. Je dois également donner crédit à M. Jean St-Hilaire, pour ses honorables " critiques " qui m’ont toujours donné l’heure juste sur les pièces présentées ici, à Québec. Même si je n’allais pas voir les pièces qu’il commentait, je lisais tous ces papiers, j’en ai d’ailleurs conservé plusieurs pour mes archives personnelles. Mais je reviens à Lepage…Renversée par ce que je venais de VOIR et d’ENTENDRE, je me suis dit que c’était ÇA le genre de théâtre que je voulais (et veux encore) voir …et revoir. Je devais avoir aux environs de 35 ans, un âge où l’on commence à vouloir… s’asseoir…;-) 
La technologie utilisée par Ex-Machina pour ce spectacle sur Cocteau-Davis a sûrement contribué à cet éblouissement de ma part, mais ce n’est pas seulement la technologie qui fait le travail, la poésie y est pour beaucoup. Le savoir dire de M. Lepage, c’est ce qui m’a le plus touchée lors de ce spectacle d’ombres et de lumières, ce malgré tout le savoir-faire du Magicien…Alors ce fût, tour à tour, LES SEPT BRANCHES DE LA RIVIÈRE OTA (dans la défunte église Saint-Vincent-de-Paul), ELSENEUR, (du Shakespeare quand même !), LA TRILOGIE DES DRAGONS (au pavillon de la …jeunesse ), LE PROJET ANDERSEN, LE DRAGON BLEU et la dernière en lice et non la moindre, la tourbillonnante EONNAGATA. Je serai à Montréal prochainement pour la présentation intégrale de son LIPSYNCH (version 9 heures), un autre happening, une autre belle histoire des pays sages…vu d’en haut…

J’ai eu l’impression que ce n’était pas du théâtre auquel je venais d’assister, mais à de la création, pure et simple. Tranquillement, je me suis apprivoisée à cette forme d’art en fréquentant d’autres sortes de " bars à show hot and cold ", ceux auxquels l’esprit assoiffé de création nouvelle aime à s’abreuver. Wajdi Mouawad en est un autre qui m’a secoué les pleumats comme dirait l’autre et plus récemment, Christian Lapointe, avec ses VU D’ICI et LIMBES. Du théâtre à l’emporte-pièce. Du théâtre tout frais tout net, venu d’ici en cet ailleurs, d’un autre temps où d’autres meurent…Christian Lapointe, un auteur qui écrit fort bien, a fait publier LE SOUFFLEUR, c’était à l’occasion des 10 ans d’existence de son Théâtre Péril, un cahier rempli de notes sur son art, sur ce que devient et deviendra le théâtre de l’avenir, des mots qui sonnent et résonneront encore dans 20-30-40 ans…. J’en ai mis quelques extraits sur mon blogue, ENVAPEMENTS, (voir le lien plus bas), c’était justement pour " répondre " à ce récent rapport sur les pratiques culturelles du Québec.

Le théâtre, ce n’est pas du café instant en poudre ni de la petite bière, je le comparerais à un vin de caractère ou à un fromage cru ou encore à une toile sans véritable prix mise aux enchères pour l’âme et le cœur des spectateurs, un paysage en feu de forêt qui se fond dans le frigide air des regards en quête de reposoir…Voilà ce que le Théâtre fait comme besogne dans ma petite tête grise de vieille jeune femme/fauteuil…;-) Peut-être avez-vous reconnu mon nom, à l’occasion je donne quelques opinions dans votre journal, un plaisir de spectateur…

En terminant, je voudrais vous féliciter pour vos " comptes rendus ", ils résument bien, et dans un beau langage à part ça, ce que vous avez vu pour nous, ce que nous verrons peut-être…après. Ce ne doit pas être si facile de remplacer un géant tel M. St-Hilaire, mais je voudrais que vous ne soyez pas vexé si je vous disais que je n’ai plus réellement " besoin " d’un " bon " journaliste pour choisir mon menu théâtral ;-) Ces petits smileys sont bien (mal) commodes pour contrer le sarcastique de l’ironie. ;-) 

Au plaisir,
Elouise Langlois

Copié-collé en italique pour une question sans réponse

Le Mardi 16 février 2010
Mise en ligne à 11h36
Aucun commentaire
Du théâtre rock’n’roll, svp!

Éric Moreault
Moreaultemoreault@lesoleil.com

Dure nouvelle pour les acteurs, metteurs en scène et autres praticiens du théâtre: les jeunes boudent les spectacles en salle. Autrement dit, on peine à renouveler le public, dit un récent rapport sur les pratiques culturelles au Québec. Les diffuseurs de spectacles s’en inquiètent de plus en plus ouvertement et veulent se rabattre sur l’aide institutionnelle… Mauvais réflexe. Et si la solution était ailleurs?

On sera guère surpris d’apprendre qu’ados et jeunes accèdent de plus en plus à la culture par Internet et la technologie. Voilà une réalité dont il faut tenir compte dans les créations. Certains le font depuis des années: Robert Lepage et Marie Brassard, évidemment. Il faut aussi prendre des risques avec l’offre. Une énième reprise du Bourgeois gentilhomme (Molière) va certes faire le plein de têtes grises, mais susciter, au mieux, un haussement d’épaules chez les jeunes.

Bref, ça prend aussi du théâtre plus rock’n’roll et plus pété. Comme L’étape du collectif Nous sommes ici présenté récemment au Périscope. Mais ça ne se fait pas tout seul : encore faut-il «vendre» ce nouveau théâtre auprès des jeunes et des institutions.Le principal intérêt d’un spectacle en salle, peu importe la forme d’art, demeure le dialogue, la rencontre, entre des artistes et le public. Mais comment en convaincre une partie de la population qui vit de plus en plus dans un monde virtuel ?


lundi 15 février 2010

15 février 2010, la suite

Michel Bois *
Ange de combat


En raison de cette difficulté à renouveler les publics, la survie de certaines institutions est en péril. C'est ce qui ressort d'une vaste étude intitulée Enquête sur les pratiques culturelles au Québec, réalisée à partir de données recueillies entre 1979 et 2004.

La suite ici:

http://www.cyberpresse.ca/arts/201002/15/01-949716-les-jeunes-boudent-les-arts-classiques.php?utm_source=bulletinCBP&utm_medium=email&utm_campaign=retention


Quand la vieille souche aura complètement pourrie, restera-t-il quelques racines au vent de nos arts dits classiques ? Comme réponse, un texte de Christian Lapointe extrait du SOUFFLEUR, des phrases qu'il a adressées aux comédiens de LIMBES.


LES COMÉDIENS DE LA FÉROCITÉ HUMAINE


Il faut se dire que ce qui semble pouvoir apparaître de cette matière n’apparaîtra jamais.
Pas totalement du moins.
Que partiellement.
Comme nous le dit si bien Yeats, c’est à chaque coup de pinceau que le peintre ravage et dévaste ce qu’il avait rêvé de faire.
C’est donc avec joie que nous saccagerons ce que nous rêvions de pouvoir faire, ATTEINDRE.
Loin de moi l’idée de nous décourager.
Je crois même que c’est encourageant de savoir que nous n’y parviendrons pas.
Cela ne doit pas cependant nous faire baisser les bras.
Au contraire.
Sachant maintenant que la montagne à gravir est trop immense, nous pouvons nous lancer corps et âme POUR ATTENTER à l’ascension de celle-ci.
L’auteur a rêvé pour nous d’un monde onirique d’une richesse incommensurable.
Il tient maintenant à nous de ne pas l’obstruer de toutes nos " idées ".
Il y a toujours et partout dans cette œuvre, LA QUESTION DU CONTREPOINT.
C’est peut-être de ça qu’il faut être le plus à l’affût.
J’ai attenté à une écriture cyclique des thèmes déjà abordés par l’auteur.
Il m’a semblé important que nous parlions du monde dans lequel nous vivons maintenant.
Il doit en être de même pour la forme de l’objet.
NOUS SOMMES LÀ POUR CRAINDRE DE FAIRE CE QUE NOUS AVONS À FAIRE.
Aller au-devant de cette peur.
Entrer dans la peur, dans la crainte.
Évider chaque parcelle de doute pour vaincre la crainte que nous avons de nous-mêmes.
Il va de soi que nous vaquons à des occupations diverses.
Notre objectif est le même.
Faire renaître différent de lui l’autre qui est en dedans de soi.
METTRE À MORT EN SOI L’AUTRE SEMBLABLE À CELUI QUE L’ON CONNAÎT DE NOUS.
Enlever le beau.
Faire apparaître le laid.
Le sale.
Ce soi qui est au fond.
Là.
Oublié.
Oublier ce qui fut appris.
Apprendre à désapprendre.
Brûler son corps.
Renaître de ses cendres.
S’extraire du regard de l’autre.
Et non pas se regarder mais devenir œil.
Ne vous laissez pas être le demi de vous-mêmes.
Être interprète, c’est être au service.
Être au service, c’est devenir le monstre qui sommeille en vous.
Le monstre de vérité.
Qui ne se reconnaît pas lorsqu’il s’entend et se voit.
Qui ne se reconnaît pas d’avoir été trop longtemps enfoui par le politiquement correct et les masques de l’intelligence sociale.
Pour le reste, comme à l’habitude, j’ai la conviction profonde que résident, dans le texte que l’on joue, toutes les indications dont nous avons besoin pour faire, dire et comprendre ce que nous avons à faire, dire et comprendre:
Il faut être capable de rester sans bouger dans la lumière
Il faut que le corps et l’esprit soient à demi affamés
IL FAUT DANSER ENTRE ABSENCE ET PRÉSENCE
Il faut bien observer
Il faut penser
Il faut essayer de se souvenir
Il faut se dénuder
Il faut être la vie onctueuse
Il faut connaître les conséquences de nos actes
Il faut savoir que l’aide est en soi-même
IL FAUT MOURIR EN CETTE DEMEURE (LE THÉÂTRE)
Il faut aimer cette demeure
IL FAUT BRÛLER TOUT
Il faut apprendre à lire
Il faut chercher un grand raffinement
Il faut savoir qu’il n’y a personne ici, seulement que nous deux (le moi et l’anti-moi)
IL FAUT SAVOIR QUE RIEN NE PEUT ÊTRE CERTAIN
Il faut savoir que jouer est le métier qui me sied
Il faut le rythme
Il faut tout inventer
IL FAUT PERDRE LA RAISON
Il faut porter son meurtrier
Il faut perdre la tête
IL FAUT SAVOIR QUE L’INSTRUCTION NOUS MANQUE
Il faut / ne faut pas élucider les problèmes
Il faut parler et voir à la fois
Il faut parler clairement
Il faut être la bouche d’un oracle
IL FAUT SAVOIR QUE LES MOTS SONT L’EMPREINTE D’UN SOUVENIR
Il faut devenir homme-bestial
Il faut être plein de grâce et illuminé
IL FAUT ADRESSER UN CHANT
Il faut être telle une âme purifiée
Il faut être et avoir un esprit que la noblesse a rendu simple comme le feu
Il faut atteindre une beauté pareille à l’arc qui se tend
Il faut revivre non pas une mais maintes fois
Il faut rêver notre passion
Il faut faire des miracles
Il faut appeler au loin d’une voix ample
Il faut faire don de la vie
Il faut être telle la marmaille
Il faut voiler de lumière la solitude qu’impose la mort
Il faut scruter là où il n’y a rien
Il faut être sans cesse avide
Il faut ne pas douter
Il faut se délivrer
IL FAUT SAVOIR QUE TOUS LES POUVOIRS SONT ENTRE VOS MAINS
IL FAUT REGARDER LA MORT EN FACE
IL FAUT SAVOIR QUE LE MIEUX C’EST: TANT QUE C’EST IMPRÉVU
IL FAUT ÊTRE COMPÈRES

Il faut savoir qu’une bouche essoufflée peut rappeler à la vie
Il faut appeler le surhumain
Il faut savoir que les images engendrent de nouvelles images
Il faut que la mort de dieu ne soit qu’un jeu
Il faut lancer un appel des fabuleuses ténèbres
IL FAUT ÊTRE COMME UNE MEUTE DE LOUPS
Il faut savoir que nous serons juste assez pour prendre ce travail en main
Il faut s’abstenir de blâmer
Il faut que l’esprit trame sans cesse quelque chose
Il faut prendre / ne pas prendre tout sur soi
Il faut avoir l’esprit clair
Il faut tout sacrifier
IL FAUT ÊTRE CONSCIENT QUE LA TOMBE EST AU PROCHAIN TOURNANT
Il faut toucher à l’abandon de soi
Il faut être comme sortis de quelque temple
Il faut voir et nommer les visions diurnes et nocturnes
Il faut la connaissance de soi-même
Il faut livrer son âme
Il faut savoir reprendre son souffle et parler
Il faut que tous et chacun soient persuadés
Il faut savoir que le rêve prouve la foi
Il faut ne pas échapper à la honte
IL FAUT SAVOIR QU’IMPORTE PEU QUE DES CHOSES SE CONTREDISENT
Il faut aspirer à quelque chose que le savoir ne peut expliquer
Il faut que les paroles réclament
Il faut savoir qu’il y a autre chose qui sommeille en dehors du savoir
Il faut laisser l’irrationnel surgir
Il faut danser à chaque instant
Il faut aimer sentir le cœur qui bat
Il faut la rigueur
Il faut que tout soit nourri avec le cœur
Il faut changer le monde
Il faut être portés par une tragique joie
Il faut / ne faut pas se réjouir de notre sort
IL FAUT RETROUVER UN CORPS
IL FAUT ATTENTER AU RITUEL DE L’INNOCENCE
IL FAUT QU’ÉMERGENT LES MOTS

Il faut vaincre la mort
l faut que le corps réclame sa mort
IL FAUT SE DEMANDER QU’EST-CE QUE LA JOIE
Il faut être incorruptibles
Il faut apprendre à danser
Il faut voir à tous les travaux de l’esprit et de la foi
Il faut se moquer de la tombe
Il faut n’avoir peur de rien
Il faut faire du bruit, du grabuge et du tapage
Il faut que l’on puisse entendre ce que vous direz
Il faut que vous commenciez peut-être à comprendre
Il faut renaître sous une forme inhumaine
IL FAUT SAVOIR, COMPRENDRE ET ÊTRE PLEINEMENT CONSCIENTS QUE NOUS SOMMES EN TRAIN DE TOUT DÉVASTER
Il faut aller à l’encontre de sa propre mort
Il faut avoir l’esprit clair et lucide
IL FAUT AVOIR BEAUCOUP À DIRE
IL NE FAUT JAMAIS DÉTOURNER LE REGARD
IL FAUT UNE DANSE MACABRE
IL FAUT FOUILLER DANS SA MÉMOIRE

Il faut ne pas laisser la peur nous dicter comment agir
Il faut être serein et calme
Il faut des visions à la fois du futur et du passé
IL FAUT QUE VOTRE ŒIL NOUS REGARDE
IL FAUT ÊTRE EN QUÊTE DU RÉEL
IL FAUT DÉLAISSER CE QUI N’EST QU’APPARENCE
IL FAUT JOUER LE RÔLE QUI NOUS EST PRESCRIT

Il faut faire don de sa vie
Il faut apprendre à écouter
Il faut leur apprendre à écouter
IL FAUT ÊTRE ENTRE CIEL ET TERRE
IL FAUT QUE CHEZ NOUS CE SOIT LÀ OÙ NOUS SOMMES
IL FAUT VOIR DANS LE NOIR
IL FAUT FAIRE UN
IL FAUT JETER UN REGARD FROID SUR LA VIE ET LA MORT


Ces notes ne sont pas poétiques, elles sont réelles et concrètes.

Christian Lapointe, Le Souffleur
Lettre adressée aux comédiens qui jouent LIMBES
Samedi 16 mai 2009


* Michel Bois: artiste, encadreur, professeur, journaliste, inspirateur des Issues et récemment rédacteur en chef de Magazine'art.

dimanche 14 février 2010

Le Lauréat





Le Prix John-Hirsch *, accompagné d'une bourse de 6000$, a été remis à Christian Lapointe. Pour le Spectateur, qui a vu deux de ses mises en scène en 2009 (VU D'ICI et LIMBES) et qui se prépare pour TRANS (E) en avril prochain, la satisfaction d'apprendre une nouvelle comme celle-là a de quoi le réjouir, mais ce n'est pas autant pour le prix que pour l'argent mais plutôt pour la reconnaissance d’un artiste qui va et voit plus loin que la plupart de ses semblables, qui ne jongle jamais trop longtemps avec les différents périls qu’occasionnent sa vision.

Peu après avoir lu LE SOUFFLEUR, le cahier publié à l'occasion du dixième anniversaire du Théâtre Péril, je m'étais dit qu'il faudrait bien que je blogue quelques-uns des extraits qui m'avaient le plus collé…au cerveau, mais le malheur/bonheur étant qu'il y en ait tellement plus que la limite (non permise) a fait que j'ai fixé mon attention sur celui-ci, en partie parce qu'il parlait de ce Moi virtuel...

C’est non seulement à la disparition de la pensée que nous assistons mais il en sera de même pour toute chose. C’est à la disparition de notre espèce comme des êtres d’écoute et de grâce que nous assisterons. La chute d’un temps où l’on s’adresserait encore à ses proches, où l’on pouvait demander de l’aide quand elle était nécessitée. Chute imminente d’une époque où il était encore permis de croire que nous ne deviendrons pas des machines. Mais voilà. Plus le temps avance et plus il faut gratter pour trouver ce qui nous reste d’humanité. Quand la pornographie sera ce qui nous restera de plus humain, le théâtre, s’il survit, (pas celui convenu, sans langage propre à lui-même, pas celui prêt-à-porter mais celui qui brise les images attendues et qui nous fait nous voir tels que nous sommes et qui nous laisse entrevoir le monde et sa complexité) s’il résiste et ne se retrouve pas que dans la mémoire de quelques vieux séniles, il sera comme une prière, un chant pour le salut de l’être, un salut pour l’espèce ou ce qui en restera. Car nous nous dirigeons vers une époque où nous serons en proie au cyber. Dotés d’interface il nous sera de moins en moins possible de faire de véritables rencontres humaines. Nous présenterons de plus en plus nos Moi virtuels. Dans un cadre où l’être humain évoluera affranchi de son corps, de sa voix et de toute sa sensibilité, le théâtre paraît presque improbable. Qui voudra dès lors sortir de chez lui pour être aux côtés de véritables êtres de chair suant et crachant? Amener les gens à sortir du nid où tout le faux-semblant sera à portée de main, au bout du doigt, à un clic de souris près, sera un de nos grands défis. Aussi, il nous sera de plus en plus donné d’utiliser la cybernétique et la technologie de pointe pour fabriquer notre théâtre. De tout temps les artisans de notre art se sont servis des nouvelles inventions pour continuer d’aiguiser leur pratique. La technologie contre laquelle nous nous acharnerons sera paradoxalement une alliée. To beat the enemy you have to speak his language. Elle nous permettra aussi, la technologie, d’arriverà réaliser les rêves de nos prédécesseurs.

Christian Lapointe
Le Souffleur



* Pour plus de détails sur le Prix.




samedi 13 février 2010

Le jour de l'Ouverture

Lemming des toundras




À quel point sommes-nous que des petits lemmings qu’on lance en bas d’une piste et de stupides testeurs d’accident ? Je veux dire, ce sont nos vies.

Hannah Campbell-Pegg
lugeuse australienne
12-02-2010

À Nodar Kumaritashvili, de la Géorgie,
mort à 21 ans lors d’un entraînement officielle,
le jour de l’Ouverture des XXIème Jeux d'hiver.
À Vincent Lamoureux et Hugo Pereira, du Canada,
morts tous deux lors d'un accident de voiture.

 
Tous ces jeunes sur les routes,

dans les parcs, dans les bois,

qui se démarquent et se noient
sur leurs luges, souls déluges

Qui se pendent seuls dans leur cave,
qui s’étouffent de rêves dans leurs lits,
avec une seringue, de l'alcool ou du vomi

Qui se meurent d'amour et d'amitié,
de chagrin, de solitude,
de femmes, de mecs, de pères,
de sida, de rhum ou de riz,

qui plongent pour un moment
dans le continent de l’autre vie

Tous ces enfants partis à la guerre
pour mettre le feu dans les rues,
pour mettre en joue la vie et son feu,
celle qui ne fait pas si peur,
celle qui ne fait pas tant de bruit,
pour mettre de la poudre dans les yeux des voyeurs,
de la poudre dans le fond des barils d'angoisse
déjà remplis à ras le bord de noirâtre mélasse

Ces jeunes gens qui bravent la chair de l’ennemi
qui ravagent l'aube de leur ennui,
ces braves petits cœurs aplatis
de déveines, de vins et de taudis,


ces enfants tout petits d’Haïti
de Géorgie ou d’ici,

seuls dans mon beau gros grand pays,
qu’ils soient bien au moins ici ce matin
avec leurs deux trous dans le flanc droit
ou leur nuque brisée sur le blanc froid...

Quand un jeune meurt dans la Nature,
ce sont nos cœurs qui se fracturent,
nos coeurs qui tremblent et s'emmurent,
s'effondrent et se torturent

La vie qui les largue au carrefour des virages à droite


On dit que la vitesse tue,
mais ce n’est que de la lenteur qui mue.
de l’Avenir qui meurt tout croche entre nos bras déçus

Ce matin,
en ouvrant la porte pour prendre mon Soleil,
elle était là, sa vie se tenait sur ce FIL*,
au lendemain de l'Ouverture,
dans le ventre du Boa,
la Corneille coassa...

Écrit à frette en ce matin du 13 février,
au lendemain des grandes festivités
Et des morts alités….
 

* Fédération Internationale de Luge


 
 

mardi 9 février 2010

Jules et Jim





C'est dimanche au soir, et on se rue dans les bars...à salades. Rien n'est plus rafraîchissant qu'une fille qui vous regarde dans le fond des yeux sans savoir vraiment ce qu'elle veut. On se dit que lundi matin arrivera bien assez vite, alors faudra se dépêcher pour lui en faire voir de toutes les couleurs...Et puis, faudra aller aux toilettes pour se refaire une beauté, faudra aussi aller refaire le bilan de ce dernier week-end: est-ce que je la revois, ou bien est-ce que je la laisse poirauter un peu, le temps qu'elle aille se refaire une E-beauté. Non mais, c'est vrai qu'elle ne paraît pas réellement son âge, cette bonne femme-là, de combien déjà ?

Bof ! le temps que j'aurai pris à prendre pour le calculer elle sera sans doute entrain de se prendre une troisième coupe de vin, dans le même bar, là où j'étais avec elle il y a quelques heures. Elle sera sûrement avec un autre jules, un autre qu'elle aura tôt fait d'enrenardé, et si c'est pas avec lui, bah ce sera avec un autre, Jim...

C'est fou ce que les week-ends peuvent passer vite dans ces petites villes de province, là où on croit que le temps s'arrête, le temps d'une virée, le temps d'un furtif baiser, le temps d'une tiède main poignée, le temps d'une rencontre " frenchisée " ...

Ça me rappelle Gérard U., à Rosheim, (prononcez Rossem) dans le Bas Rhin, en Alsace...Y'avait bien les tartes flambées que Jeanne A. nous servait avec le plus beau des sourires alsaciens, mais les regards, ceux-là qu'on flambe dans la prunelle noisette d'un plus-que-pur étranger, quand le coeur se met à oublier qu'on est à plus de 6,000 kilomètres de chez soi, loin de nos petits coeurs québécois...Les coeurs qui se pressent à sec avec les bonnes âmes soeurs, celles qui se fondent autour du lit...

Rosheim...Oui, pour un soir seulement....Avec l'alcool qui flambait les tartes et le rire des femmes, sans la proximité de nos corps, avec le simple regard du hasard et de celui de la quadruple mort...Remonter le temps, puis le défaire, et ne pas rester, surtout ne pas rester...

Être repartis sans s'être touchés, ne jamais avoir dit jamais, parce qu'on croit un jour qu'on se reverra ...ailleurs...Avoir su seulement comment se taire...enfin; ne pas avoir eu à regarder la forme des lèvres, ni celle des ongles, que celle des mains qui se croisent le temps d'une poignée...amicale, sans aucune espèce de désir d'aller plus loin, que la simple joie qu'on a eu de s'être rencontrés pour la première...et probablement la dernière fois...

***

C'est dimanche soir mon lapin, ma petite Beauté, et tu vois, c'est déjà le temps d'aller retrouver Alice et Lewis dans le pays de leurs merveilles...Le vin australien ne m'est jamais plus enivrant que lorsque je sais d'avance que j'irai me retrouver sous les couvertures avec les mots losangelisants de John Fante, comme ceux que j'ai lus tard hier soir en pensant à toi, ceux que tu avais lus il y a de cela fort longtemps...Cette oeuvre qui trop tardivement me tisse à lui, et à toi, et au Jeune Libraire qui me la prescrite...avec tout mon assentiment...Cette oeuvre qui me concentre sur celle qui se détisse des autres, cette oeuvre qui me raplombe l'Elle, et qui me donne de quoi me nourrir... sans trop avoir à manger....

Y'a jamais rien eu de plus beau que les mots qui m'arrivent sans que j'en aie eu le moindre pressentiment...Comme ceux aussi simples que complets de Fante, comme ceux que tu m'envoyais il y a quelques années, comme ceux que les oiseaux rares aimaient dé-plumer, comme ceux qui avaient le goût d'un porto vieux de 30 ans, comme ceux qui goûtaient les fromages crus d'antan, comme l'éclat solitaire d'une dent en or de joviale octogénaire, comme la lueur principale d'une nuit hivernale, comme celle de l'un de nos rêves incompris; comme le son rétro-actif de nos musiques favorites, comme le petit point oublié dans une vieille tapisserie de Belgique, comme le sang brutal qui bout dans le corridor oublié de nos veines d'avinés, comme nos peurs médiévales, comme celles de se les réciter....

Ces mots qui sont encore pris dans le fond de nos gorges éprises; ces mots qui ne se non-diront jamais, ces mots qui ne passeront pas toujours leur temps à se contredire; ces mots qui ne se composeront que pour les chemins de nos contrées imaginaires...

***
Ce soir, dans mon Pommier Gelé: plus aucune pommes...qu'un immense collier de lumières décoratives qui illuminent le reste de mes souvenirs d'anciens Noëls... Simon avait raison...Simon me l'avait écrit:

" Je suis certain que l’Esprit des Fêtes te prendra dans ses bras à un moment ou un autre dans les prochaines semaines. Qu’on le veuille ou non on a tous une petite épiphanie… une chanson, une odeur, un goût, et on est multipliés par autant de fois qu’on a eu de Noël…"

Comment ne pas te voir ce soir...Dis-moi comment?

The Paper's Shop
10 décembre 2006

Commentaires

cruelles incognita avait dit:

C'est toujours jeudi ;
C'est toujours Télé-Patrie;
Télé-par-ici ;
Dans l'Autre al-cove bien meublé;
Le plaisir est dans les doigts
La tête est geysers de clairs obscurs et mot durs
Pas faciles de ne pas voir
Les paires d'Elles doubles
Gong dans le coeur / chin dans les doigts

Simon avait dit:

Se voir ou s'entrevoir
immobilisé par le frimat
les pieds en glace
et les cheveux en glaçons;
je suis content
d'avoir eu raison.

Les Restes leur avait répondu:

Ce matin, c'est l'Éveil parfait, c'est la Prise soudaine de l'Inconscience pour la Lutte de la survie; le dernier Combat sera semblable au Premier, celui qui m'a a donné le souffle, celui qui m'a permis de te respirer encore..pour quelques temps...Oui Cruelle, ce sera toujours JEUDI dans ma tête, jeudi, jour de fête, jeudi jour de quête. jeudi soir de sortie..geysers de mots épris qui auront encore tant à dire, qui auront encore tant à s'écrire, sans pour autant faire souffrir...merci Simon...pour tes flocons...et ton frimaS ;-)



vendredi 5 février 2010

ROUTE: Pour l'amour de Kate Murray

Photo: Patrice Laroche (Le Soleil)


L'asphalte est un matériau connu depuis l'antiquité. Il a été utilisé très tôt pour étancher les jardins suspendus de Babylone, et la bible raconte que Noé en aurait fait usage pour assurer l'étanchéité de son arche (Gn 6, 14). [ ] L'asphalte permet de réduire considérablement l'usure des chaussées et par conséquent la poussière due à la circulation. 
(wikipedia)


À force de faire fausse route, on finit peut-être par trouver la vraie...

San Francisco...entre les bras et la tête d’un athlète revenu d’une partie de football sans fin…La traversée de l'Amérique... Des mots chauds dans le cadre d'une glace en forme de side-car...

Assis dans le coin de sa chambre d'hôtel, sur une simple chaise comme décor, avec des murs blancs, un homme parle... Des animations et des photographies tapissent le regard avide du Spectateur. Les stores, la lumière, l’éclairage, celle des soleils de matin gris pâle, celle du visage d'un Jack estampé sur la vitre de la fenêtre fermée...Thomas/Jack, seul en piste, pieds nus, transportant dans SA voix son texte/souffle ininterrompu de souvenirs inépuisables. Une rencontre dans le cadre flottant d’une muse retrouvée dans l’antan, Kate Murray. Et la main de l'Auteur, que l'on tient dans la sienne, avec ou sans son consentement...

Tant d'autres choses à dire sur cette pièce émouvante, tant de choses à parler. Tant de choses à retenir pour un éventuel retour d'un mot de lui. La ROUTE, celle qui se tient droit devant toi et tout croche derrière celle qui te serpente dans les aller-retour d'un questionnement sans fin...La route et son asphalte, faite pour avancer sinueusement dans l'instant d'une virée folle, faite pour monter dans un autobus rempli, pour être en plein dans le party, pour boire et danser toute la nuit, pour avaler tout son verre pilé, pour embrasser ses lèvres de poker face bon marché. La route, faite pour voyager dans un autobus magique, faite pour enchanter tous les bons jack que cette planète aura enfantés...sur son pavé. ROUTE, un moment réconfortable...pour y avoir circuler en toute liberté. Merci Thomas Gionet-Lavigne pour ce voyage en première classe.



ROUTE

Texte & interprétation: : Thomas Gionet-Lavigne
Production: La Compagnie Thomas
Mise en scène: Hugo Lamarre
Musique: Alex Thériault
Projections: Lionel Arnould
Scénographie/éclairage: Jean-François Labbé
Affiche: Marie-Michèle Dion-Bouchard

Merci à PREMIER ACTE, qui nous offre toujours du théâtre touchant.