mercredi 12 juin 2013

L'HOMME ATLANTIQUE (ET LA MALADIE DE LA MORT): Palliatif



 Crédit photo: CNA






« Je suis le fils d'un entrepreneur en construction, poursuit-il. Et j'ai l'impression de faire le même métier que mon père: un contremaître qui construit des maisons... Mais des maisons éphémères qui s'effondrent. Au lieu de travailler avec un plâtrier, un menuisier ou un électricien, je travaille avec un éclairagiste, un scénographe et des acteurs. Je revendique le droit d'être à la fois un gars de shop et un intellectuel.»
CHRISTAIN LAPOINTE 

http://www.lapresse.ca/arts/festivals/fta/201305/25/01-4654421-christian-lapointe-le-facteur-intensite.php



Photo: Martin Chamberland





Vous regarderez l'appareil comme vous regardiez la mer, comme vous regardiez la mer et les vitres et le chien et l'oiseau tragique dans le vent et les sables d'acier face aux vagues.

Marguerite Duras
L'Homme Atlantique



 Illustration: L.L.

Marguerite Duras Christian Lapointe deux voix venues de la mer intérieure-un saut de l’ange dans l’abîme-théâtre-un homme au milieu de la mère-un homme en blanc-une femme en noir-une autre entre les deux-et le metteur en scène...
Où étions-nous ce soir ? Dans un couvoir ? Dans un mouroir ? Dans un isoloir ? Dans le cube avec un œil pour mieux VOIR ? Et entendre...? Le cinéma des autres, c'est aussi le nôtre.



Photo: Yan Turcotte



Le phare, l’eau, le chien, la plage. Des images empruntées au pays sage. Trop sage. Yann Andrea qui revient hanter les pages écrues de L’HISTOIRE DE L’ENFANT. Dans le cœur de l’eau-séant, la désillusion de l’amour. Sa mise en plis, sa mise en pièces. Les fractures du désastre de la vie. Son artère principale pour y prendre le pouls du mourant. Des lunettes soleil. Des chaises de plages. Des écouteurs. Une cigarette au bec. Des souliers dorés aux pieds. Pour ne plus aimer. Pour ne plus pécher. Pour grandir dans une grande cage de liberté.

Au ras des mots Duras, le VOUS sans Lui, l’Elle avec Eux. Le corps mort rend l’âme dans la voix de la femme. La maladie sangui-nerfs du couple sans doigts. L’ouverture de leurs ouïes dans l’Éros amer. Il pleut encore aujourd’hui. Le temps est entrain de ne pas changer. Est-ce que l’Homme Atlantique savait nager ? Je n’ai pas encore vu ses nageoires pousser, trop occupée à regarder les actualités, à contempler la futilité.

Les retrouvailles avec Jean Alibert, de bien trop courte durée, avec qui la répétition a bien meilleur goût. Marie-Thérèse Fortin et Anne-Marie Cadieux, divines nées de la grave Grâce. Christian Lapointe nous a transportés sur les épaules de la fragilité avec une franche solidité. Un autre de ses immortels ravissements. Comblée je fus de m'être à nouveau retrouvée ICI, dans la salle Octave-Crémazie, terrain de jeu convertible où la réflexion s'associe tant bien que mal aux plus douces rêveries comme aux pires cauchemars... 



« Même les meilleurs soins palliatifs ont des limites » 
Véronique Hivon
Ministre déléguée aux Services sociaux
12 juin 2013
Mettre fin à ses jours sur demande





 Jean Alibert et Anne-Marie Cadieux
Photo: Yan Turcotte



« Je l’ai pris et je l’ai mis dans le temps gris, près de la mer, je l’ai perdu, je l’ai abandonné dans l’étendue du film atlantique. Et puis je lui ai dit de regarder, et puis d’oublier, et puis d’avancer, et puis d’oublier encore davantage, et l’oiseau sous le vent, et la mer dans les vitres et les vitres dans les murs. Pendant tout un moment il ne savait pas, il ne savait plus, il ne savait plus marcher, il ne savait plus regarder. Alors je l’ai supplié d’oublier encore et encore davantage, je lui ai dit que c’était possible, qu’il pouvait y arriver. Il y est arrivé. Il a avancé. Il a regardé la mer, le chien perdu, l’oiseau sous le vent, les vitres, les murs. Et puis il est sorti du champ atlantique. La pellicule s’est vidée. Elle est devenue noire. Et puis il a été sept heures du soir le 14 juin 1981. Je me suis dit avoir aimé. »

Marguerite Duras
L’Homme Atlantique








L'HOMME ATLANTIQUE (ET LA MALADIE DE LA MORT)

Crédits

Textes Marguerite Duras
Mise en scène Christian Lapointe
Assistance à la mise en scène et régie Alexandra Sutto
Avec  Jean Alibert, Anne-Marie Cadieux, Marie-Thérèse Fortin
Vidéo Lionel Arnould
Lumières  Martin Sirois

Musique et environnement sonore Mathieu Campagna
Scénographie Jean-François Labbé
Dramaturgie Sophie Devirieux
Costumes Mylène Chabrol
Violoniste Christelle Cotnam
Direction technique Mateo Thébaudeau
Direction de production Catherine Desjardins-Jolin 
Programmation du logiciel vidéo Pierre-Olivier Fréchet Martin
Production Le Théâtre Péril Coproduction Recto-Verso, Le Théâtre français du Centre national des Arts, Le Festival TransAmériques (FTA)













LA GRANDE ET FABULEUSE HISTOIRE DU COMMERCE: À vendre


Photo: Elisabeth Carecchio





SVP ne jamais prononcer le mot VENTE.

Jamais, ô grand jamais. Parce que…………………….Cinq hommes, cinq âmes. Des chambres d’hôtels. Des moquettes muettes. Des lits, des draps, des oreillers, des bureaux, des tables, des fauteuils. Et des plafonniers, pour y asseoir la lumière sur les ombres..........Du ravissement. Du désordre. Une grande pièce meublée de la diligence des remarquables dialogues. Plus de la musique qui se rend jusqu’au cœur du drame. LA GRANDE ET FABULEUSE HISTOIRE DU COMMERCE: avant tout une histoire d’hommes. De la houle sous la braise. Un bijou sorti tout droit d’un écrin rempli de réalité. Une finale poignante d’humanité pour la poignée d’humains qui assistait à cette autre MAN-Œuvre théâtrale.
 ***

Présentée au Théâtre de la Bordée, sur une scène habillée en complets-cravates, la compagnie Louis Brouillard s'amenait ici, à Québec, pour me faire goûter à mon premier Pommerat, et je l'espère, sûrement pas le dernier. Ai principalement apprécié le noir lumineux des changements de décor, cet entre-deux scènes qui nous fabrique un temps d’arrêt, une pause de la parole pour mieux y voir rejaillir l’étincelle des brillants dialogues. Même s’il faut ne jamais prononcer le mot VENTE, les cinq remarquables  comédiens, avec leur indéniable talent, m’ont vendu une partie de leur génie, celui qui nous fait goûter à la magnitude absolue des histoires dites journalières. L’éloquence avec laquelle ils nous ont « récité »  ce poème suburbain de vendeurs de presque rien aura fait le travail auprès de l’amateur comme du professionnel. Un précieux souvenir pour le creux de ma mémoire d’ex-vendeuse...de rêves...

Comme il est plaisant d’assister à ces grandes soirées de théâtre entourée de spectateurs plus qu'attentionnés, de gens du milieu, qui souvent découvrent en même temps que nous ces pièces qui nous marqueront à vie de leur croix de fer, de bois, ou gammée, ces boules d'énergie captivantes qui laisseront des flashes d'intelligence dans le lac profond de nos yeux éblouis, des pièces qui ont été judicieusement choisies par le cœur de battante qu'est celui de Marie Gignac, la directrice artistique du Carrefour International de théâtre de Québec.



Photo: Nicola-Frank Vachon



 …Ce soir, comme bras droits, j'avais la sublime compagnie Linda Laplante et Gill Champagne, et sur la gauche, un autre ex-directeur artistique du Trident, M. Roland Lepage. Je siégeais sur le D-10, une place de choix pour la fausse foubrac que je suis ;-). Vraiment déBORDÉE de contentement.


***

Résumé de la pièce par Patrick Bebi




LA GRANDE ET FABULEUSE HISTOIRE DU COMMERCE

Une création théâtrale de Joël Pommerat
Collaboration artistique 
Philippe Carbonneaux

Avec
Patrick Bebi, Hervé Blanc, Éric Forterre,
Ludovic Molière, Jean-Claude Perrin
Lumières 
Éric Soyer assisté de Renaud Fouquet
Scénographie Éric Soyer
Costumes Isabelle Deffin
Créations sonores 
François Leymarie
Recherches sonores 
Yann Priest
Musique 
Antonin Leymarie *
Construction décors et accessoires 
Vano Hotton, Thomas Ramon - À travers Champs
Création vidéo 
Renaud Rubiano
Direction technique
Emmanuel Abate
Régie lumière 
Renaud Fouquet Régie son et vidéo Yann Priest Régie plateau Lorenzo GraouerÉlodie Prud’homme
Répétitrice textes, aide-mémoire 
Léa Franc
Documentation 
Évelyne Pommerat
Interviews dans le Béthunois 
Philippe Carbonneaux, Virginie Labroche-Cornil Production Compagnie Louis Brouillard








dimanche 9 juin 2013

UN ENNEMI DU PEUPLE: Marge de manoeuvre



http://www.canvashotel.no/

« NOUS NE SOMMES PAS DÉPRIMÉS 
NOUS SOMMES EN GRÈVE »
Henrik Ibsen
1883 



« Le pire ennemi de la vérité,
c'est cette putain de majorité libérale »

"Doktor Stockmann"
Ingo Hülsmann
Photo: Arno Declair
Jamais été aussi éloignée des comédiens que ce soir et pourtant, jamais été aussi près de moi-même. Thomas Ostermeier m’a conquise, Ibsen re-conquise. Jamais autant pensé à ce qui se passe par ici en ce moment même, dans notre belle complice cité légionnellosée, nickelée, poudrée du faux fard des masques à rats démocRATisants, des cruci-fixés, des mono-divisés, remplie d’achats landés, top photographiée, pas assez conscientisée, nourrie du monoxyde des VUS et de celui des radios XXXyzzzzzzzzzzzzzzzz, médiatisés à la langue trop bien pendue pour ne pas être assez défendue…Jamais été aussi près et aussi prête…

L’Allemagne, via la Norvège, venue nous visiter pour nous dire qu’il est peut-être encore temps de changer la couleur de ce régime de bananes stériles, issues de variétés domestiquées, de mettre de côté la coke diète de ces porcs qui nous dégraissent de nos derniers deniers, porcs frais qui déroulent leur joint-ventures devant des ass semblés appelés à se multiplier…
Nous sommes un peuple de porcs lâches (sic) qui ne disent pas ce qu'ils pensent: il n'y a pas un seul bon mot allemand pour désigner ce qui est entre les jambes.
(extrait de Das zwischen den Beinen,
Ce qui est entre les jambes)


Der deutsche Mann hat ein Problem, für das ich mich als Deutscher schäm.
Wir sind ein Volk von feigen Schweinen, die nicht sagen, was sie meinen.
Es gibt kein einzges gutes deutsches Wort für das zwischen den Beinen.

JOINT VENTURES
http://fr.wikipedia.org/wiki/Joint_Venture


MARGE DE MANŒUVRE, n. f.
Domaine : économie d'entreprise.
Définition : moyens dont dispose l'entreprise pour lui permettre de réagir aux variations de son environnement.
Anglais : organizational slack.
Source : APFA.

Vue sur le port...et ses nuages (pas toujours roses !)  
Avenue Royale, Beauport, juin 2013
Photo: L.L. 

Aucune espèce de divinité à implorer devant l’autel théâtral allemand. Aucune générosité de la part des anges directeurs des sociétés à densifier. Que la merde des mouches pour boucher les trous de cul-pabilité des prêt-à-tout-manger qui avalent les restants avariés de génocides à venir.

Jamais été aussi pré occupée par les mots centenaires que ceux qui ne cessent de gruger l’os troué de l’Humanité. Par le sang chaud des peaux trempant dans l’eau intoxiquée de la Vallée du Moulin, je suis encore et autant sous anesthésie aujourd’hui que je l’étais hier et que je le serai demain. L’opération est à veille de commencer. Ibsen/Ostermeier, un théâtre à vivre pour éloigner la mort. Un théâtre sans béquilles où l’on vacille, boite, chute, mais pour mieux se relever…(Je dois vous quitter, faut que j’aille voir le docteur; mon kyste est mûr pour se faire vider la cervelle du pus qui l'empoisonne).




Photo: Christophe RAYNAUD DE LAGE 
WikiSpectacle





(Aperçus parmi la foule venue en grand nombre au GTQ en ce soir unique du 27 mai 2013: Kevin McCoy, Édith Patenaude, Edwige Morin (qui était ma voisine immédiate de gauche dans la corbeille), Jean-Michel Girouard, Jean-Philippe Joubert, Samuel Matteau).


CHANGES

Pretty soon you're gonna get a little older
Time may change me
But I can't trace time
I said that time may change me
But I can't trace time



David Bowie



 
 


UN ENNEMI DU PEUPLE
Auteur: Henrik Ibsen
Mise en scène: Thomas Ostermeier





Adaptation: Florian Borchmeyer
Avec: Thomas Bading, Christoph Gawenda, Moritz Gottwald, Ingo Hülsmann, Eva Meckbach, David Ruland, Stefan Stern

Scénographie: Jan Pappelbaum
Costumes:
Nina Wetzel
Musique:
Malte Beckenbach, Daniel Freitag
Dramaturgie:
Florian Borchmeyer
Lumières:
Erich Schneider
Dessins muraux:
Katharina Ziemke
Production: Schaubühne Berlin


http://www.schaubuehne.de/
http://www.fta.qc.ca/fr/spectacles/entretien/2013/entretien-avec-thomas-ostermeier

L'EAU

Hommage à l’eau de la part d’un ancien capitaine...



La parole est à vous
MAINTENANT


jeudi 6 juin 2013

LES REINES: de coeur et d'esprit


Photo: Stéphane Bourgeois et Hélène Bouffard



Le privilège du Spectateur ? Qu’il ait la joie d'assister à une pièce qui sera jouée dans la Tour Martello 4, celle qui se situe sur la rue Lavigueur dans le quartier Saint-Baptiste, celle qui n'est pas accessible au public en temps normal, là où cette vue imprenable sur la basse-ville y est absolument magnifique…là où plusieurs artistes de Québec l'habitent, la vivent et la jouent...


Photo: L.L.


Le privilège du Spectateur ?
S’être assis sur une chaise droite, ou sur l’un des bancs haut perchés, ne pas avoir eu froid aux doigts ni...aux yeux, s’être senti comme au moyen-âge, avoir à nouveau frôlé les bras fantômes de Shakespeare autour de nos petites têtes grises, avoir entendu les battement de cœur du vent de 1485 à travers les effets sonores de Meriol Lehman, avoir vu scintiller la couronne d'Élizabeth et frissonner les jupes d'Isabelle et Anne Warwick, s’entasser les souliers des reines mortes, être investi de la parole poignante et du regard intensément troublé de la Duchesse d'York, trouvé la détresse en même temps que l'enchantement, gravi et descendu l’escalier étroit de la tour, rencontré des gens attentionnés et passionnés, avoir conversé avec l’aimable maman d’un comédien photographe, avoir échangé avec les comédiennes, le metteur en scène, la codirectrice du Carrefour International…Que de privilèges en un même soir pour l’amateur que je suis devenue au fil du temps...

Photo: L.L.
En sortant de la Tour Martello 4

Nos vies sont en ligne,
Nos images sont cousues, arrangées…
et
Nous sommes les reines de rien...
Frédéric Dubois





Édith Patenaude, Marie- Hélène Lalande, Laurie-Ève Gagnon, Joanie Lehoux, Valérie Marquis et Anne-Marie Côté (mon coup de cœur de la soirée), nous avaient donné rendez-vous avec l’Histoire, celle qui s’écrit les soirs de tempête, dans le plein du janvier glacial. L'efficace mise en scène de Frédéric Dubois nous a bel et bien déménagés avec elles, dans les fournaises de leur enfer. La mort d’un roi nous rappelle qu’elles furent aux pieds de l’amour, qu’elles firent la fête, qu’elles moururent sans véritable couronnement. Leurs enfants leur ayant survécus, elles revinrent ici, sur la rue Lavigueur, pour nous révéler le secret de leurs tombeaux. Le temps leur a bien arrangé cette chose qu’on appelle éternité.

Je ne vois rien de plus à écrire sur ce chef-d’œuvre de notre théâtre québécois. Merci à tous les concepteurs et conceptrices de cette autre soirée magique mais surtout historique. Nous nous sommes retrouvés dans les bras de la mère, sous ses racines et territoires, de l’aube claire jusque dans la nuit la plus noire…


LES REINES


Texte: Normand Chaurette
Mise en scène: Frédéric Dubois
Comédiennes: Anne-Marie Côté, Laurie-Ève Gagnon,
Marie-Hélène Lalande, Joanie Lehoux, Valérie Marquis,
Édith Patenaude
Éclairages et direction technique: Charlotte Legault
Régie: Olivier Bourque
Costumes: Yasmina Giguère
Maquillages et coiffures: Marilou Bergeron
Environnement sonore: Mériol Lehmann
Répétitrice: Alexandrine Warren
Production: Les Écornifleuses,
avec la participation du Théâtre des Fonds de Tiroirs
Remerciements: André Chagnon et les Compagnons de la Tour
Le Théâtre Périscope, Alexandrine Warren, Jeanne Lapierre,
le Théâtre de La Bordée et tous les autres prêteurs de souliers.


Photo: L.L.