lundi 30 août 2010

Marche ou crève

 POISSON SOLUBLE
L.Langlois
199?


Écrire est une noyade. Une asphyxie dans une mer située en nous. Appelée l’innommable, c’est une mer au fond de laquelle se cachent des poissons étranges et tordus, laids et dérangeants. Écrire est une noyade pour tenter de saisir, sans les laisser glisser ces poissons horriblement magnifiques. […] Ce que l’auteur entend, ce n’est pas sa raison, c’est son nom. Ce nom qu’il pressent au fond de lui-même, le poisson-soi.

Wajdi Mouawad, Le Poisson-Soi


L. Langlois
2010



J’ai soif d’un fer chaud qui m’éclate la cervelle.

Rien ne peut rester devant moi trop longtemps sans que l’envie me prenne de me déboiter la mâchoire et d’en avaler chaque fragment.

Christian Lapointe
L’Oiseau-Tigre
les Cahiers du Théâtre français
Septembre 2009
 


Aux mots du Souffleur, comédien de la férocité humaine, j'ajouterais simplement qu'on entre dans cet espace virtuel un peu comme on entre dans un temple, lieu de réflexion et de ressourcement, lieu où je peux y puiser de l'eau claire comme de l'eau trouble, où je peux y sentir autant l'encens que l'excrément, un lieu qui ne donne pas toujours l'absolution, qui tend à mener à l'action, comme celle qui me fait lever du siège plus ou moins inconfortable de ce petit théâtre pour acclamer l'artiste venu me déranger, l'artiste qui avait autre chose à me proposer que la substance habituelle des grandes tablées.

Louise Langlois, avril 2010, Voir


***



Il faisait chaud hier dans la Cité, une vraie belle journée d’enfer pour faire le farniente, mais surtout pour assister à la représentation du QU’ILS CRÈVENT LES ARTISTES, soirée bénéfice organisée par M. Hanna Abd El Nour et ses fidèles collaborateurs pour le Théâtre de l’Urd. Il faisait chaud, oui, c’est vrai, mais pas encore assez pour les co-signataires du REBUT TOTAL

Une centaine de " sympathisants " s'étaient donc réunis hier soir au CERCLE de la rue Saint-Joseph pour y entendre les textes canons des auteurs/comédiens Christian Lapointe, Sylvio Manuel Arriola et Marie-Noëlle Béland. Pour reprendre les mots du document qui accompagnait l’invitation de Hanna:

Qu’ils Crèvent Les Artistes est une fête théâtrale qui a pour but de financer les trois créations actuelles du Théâtre de l’Urd : le Projet Dante (Divine Comédie), le projet Faust et le Projet Violences (Graines De Sel Dans Les Yeux Cancer De La Langue)…

Financer, un verbe plu$ ou moin$ direct dans le riche vocabulaire des créateurs qui font plutôt dans l'outsider, un verbe fait pour rassembler les adeptes de leur cause, fait pour enlever une partie des bâtons de dynamite qu'ils se font souvent mettre dans la cinquième roue de leurs beaux carrosses cuivrés...

Il fallait être là, OUI ABSOLUMENT, pour que la Création puisse tout de même se faire sans eux, pour que le Spectateur, celui qui aime et soutient ce " genre de théâtre " puisse être à la hauteur et à nouveau comblé par les prestations à venir des acteurs souverains qui l’animeront. C’est probablement pour cette raison qu’un extrait du premier des neufs segments du Projet Faust, recréé par Hanna Abd El Nour, a été lu par Sylvio Manuel Arriola, le plus vrai que vrai; Sylvio avec son corps de verre et sa voix d’or:

" Je puis à l’aise me lover sur moi-même me réchauffer à ma propre chaleur et me reposer. Puis. Je puis à l’aise me sentir dans un état éternellement momentané de nervosité et d’angoisse. Puis. Je puis me sentir comme un trou noir où je veux disparaître où tout disparaît en toute sécurité. Puis. Dans mon estomac un lourd bagage de sons de mots un cheval de Troie. Dans mon foie une brûlure un feu. Dans mon cœur la marque d’une griffure la patte d’un reptile volant la signature d’un monde révolu un signe calligraphique un hiéroglyphe sauvage une lettre orpheline de son alphabet un pentacle magique le moyen d’un passage. Puis un pas du côté. Puis un pas en avant. Puis un pan de mur noir un miroir une image seconde un autoportrait. Puis… "

 
Et c’est peut-être pour la même raison que nous entendîmes pour la première fois le texte percutant du REBUT TOTAL, un manifeste écrit et lu par nul autre qu'un énergique Christian Lapointe (revenu des Pays-Bas), aussi radieux et révoltant que possible...Christian Lapointe, un artiste complet, qui ne se résigne pas qu’à la parole mais au geste qui l'accompagne et l'accomplit.

Ce texte, co signé par plusieurs sympathisants de l'auteur, dont M. Dario Larouche, a vraiment de quoi faire éclater la fibre de nos corps vitreux, vagabonds célestes d'une Arche célèbre, qui voguent encore sur les flots désespérés d'une mer infestée de poissons-soi...Eh oui, comme les artistes, les poissons crèvent...eux aussi...


LE REBUT TOTAL, un texte manifestant le désir d'un changement climatique entre les êtres de feu et de froid que nous sommes, un texte co-signé par QUI dit vrai, des mots qui font prendre conscience de l'urgence à ne pas baisser les bras (et les yeux), ce même si ça semble de plus en plus périlleux de le faire sans réprimandes de la part de certains organismes...

Christian Lapointe a également offert aux quelques résistants restés jusqu'à après le tirage, la lecture du POISSON-SOI, un texte d'un autre Libanais, Wajdi Mouawad, Wajdi comme plusieurs l'appellent...

« Il existe un étrange dialogue entre l’écrivain et l’écriture. Un dialogue se situant dans un autre espace-temps qui paraît lorsque l’imagination largue les amarres pour aller vers la tempête et se plonger dans le chaos des vagues immenses des choses anciennes où se trouve la beauté nouvelle qu’il faut pêcher.

« Cette beauté, je lui donne le nom de poisson-soi.

« Ce dialogue mystérieux a comme principe de base, de contrôler la volonté et de l’empêcher de décider consciemment des éléments qui fomenteront l’histoire à venir. Ce dialogue entre l’écriture et l’écrivain est une plongée. Une plongée en apnée. Une plongée où l’écrivain tente d’aller au plus profond de lui, là où la pression est énorme, pour deviner, dans l’obscurité de l’inconscient, ce qui gît là, ce poisson-soi, qui est l’objet de beauté. Une fois l’animal trouvé, réellement trouvé, le dialogue consiste alors pour l’écrivain et l’écriture, à laisser venir et croire que c’est une nature métaphysique qui est là, puisque entre eux, il sera question de la mort, de la douleur et de l’amour. Puis, par une entreprise chirurgicale dont les mots sont les multiples et savants scalpels, l’écrivain a pour mission de faire émerger ce poisson-soi à la surface houleuse de l’océan. Et de là, le ramener, le temps d’un instant, vers la rive. Le temps d’une marée basse.

« La marée basse où est échoué pour un temps le poisson-soi pêché par l’écrivain, c’est cela, pour moi, le théâtre lorsque ce théâtre est le fruit de l’écriture et la mise en scène d’un seul individu. Le temps que dure la marée basse, c’est ça la représentation, puisque le poisson-soi est là, sur le sable fin, respirant à peine, espérant le retour de l’eau. Les spectateurs, eux, regardent et observent cette méduse qui semble si fragile. Mais aussi, pareille aux méduses, on n’ose pas y toucher, car le poisson-soi est porteur de poison. Puis, la marée remonte et emporte avec elle cet animal dévoilé. La nuit tombe. Le spectacle est terminé.

Wajdi Mouawad


***



Quelques rencontres:

Olivia, une passionnée de théâtre, que je reverrai peut-être lors de cette nouvelle saison qui s'amorcera dans les prochains jours, et sûrement au prochain acte du projet Faust (qui selon Hanna devrait avoir lieu en janvier ou février). Olivia, une jeune femme tout à fait charmante, avec qui le dialogue fût des plus constructifs genre "Je crois que chaque génération passée a eu peur pour celle d’après." ...

Marc Gourdeau, directeur général de Premier Acte, et président du Conseil de la culture des régions de Québec et Chaudière-Appalaches, tout feu tout flamme, fier des neuf pièces qu'il présentera chez lui, dans son grand petit théâtre de la rue Salaberry, ce à compter du 21 septembre prochain.

Frédérick Carrier, poète/chanteur/slammeur, du groupe Zéphyr Artillerie, qui a magistralement bien orchestré l'ambiance musicale de cette soirée d'enfer.

Et bien évidemmment, Hanna Abd El Nour, le plus que sympathique MC de cette soirée parfaite de mots, de silence et de musique...qui sait comment prendre soin de son grand petit public. Sans oublier Tadeusz Kantor, qui sûrement devait rôder dans quelques uns des recoins lumineux de la Conscience des Lecteurs et, je l'espère, des Spectateurs...



À noter qu'aucune caméra ne devait se faire aller le flasheux au Cercle; Hanna nous avait bien avertis: vous pouvez prendre des photos mais je casserai votre caméra après ;-) parce qu'...il est strictement interdit de photographier, d’enregistrer ou de filmer pendant le spectacle.

Sylvio: toujours pas trouvé d'aspirine, seulement un peu d'hémoglobine...pour la gueule de l'Artiste qui a perdu une dent...)

Nous préférons la vérité à de fausses réalités fabriquées pour nous laisser croire que tout ira bien.





Illustrations: L. Langlois


lundi 23 août 2010

D'une rive à l'autre

Notre-Dame-du-Portage



"Le paysage de mes jours, faisait-elle dire à l'empereur Hadrien, semble se composer comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instincts et de culture. Çà et là affleurent les granits de l'inévitable; partout, les éboulements du hasard. Je m'efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d'or, ou l'écoulement d'une rivière souterraine, mais ce plan tout factice n'est qu'un trompe-l'oeil du souvenir."

Marguerite Yourcenar



LE FLEUVE AU SENS LARGE DU MOT...

L’heure à laquelle nous décidons de partir importe peu, ce qui compte c’est de finir par partir pour arriver là où la destination nous mène. Dans ce cas-ci, c’était celle de suivre le Fleuve par La Route des Navigateurs, celle qui longe ses deux rives, pour le voir s’élargir de plus en plus à chacun des kilomètres que le F-250 nous faisait l’embrasser du regard, pour emmagasiner le plus d’images possibles, celles qui défilent beaucoup trop vite au goût des passagers…pour faire émigrer dans nos têtes remplies de fatigue de ce frais repos. Pour faire le vide, le saut, les guides et les beaux…

La Pocatière, là où la région des Chaudières-Appalaches y perd son nom pour celle du Bas Saint-Laurent. Nous roulions depuis une bonne grosse heure sur la 20 lorsque le détour sur la 132, la Route des Navigateurs, se fit prendre…

La Pocatière, là où nous avions déjà visité le Musée François-Pilote, un musée qui traite de la paroisse rurale d’autrefois sous tous ses aspects, avec des collections d’objets scientifiques et de sciences naturelles. Cette fois, nous nous sommes arrêtés à La Pocatière que pour nous sustenter. Comme nous étions pressés d'arriver à Rimouski, nous avons opté pour un restaurant de facture rapide, le combo pizza-César du Mike's a fait l'affaire.

Au hasard d'une conversation, entendu à la table derrière nous, le nom prononcé de Katerine Mousseau, fille du peintre automatiste Jean-Paul Mousseau et de la comédienne mythique Dyne Mousso (de son vrai nom Denise Guilbault et donc soeur de Muriel, muse incomparable de Claude Gauvreau). Katerine, elle aussi comédienne, a fait sa marque dans deux des télé romans les plus populaires de Pierre Gauvreau, le premier, LE TEMPS D'UNE PAIX, se déroulait dans Charlevoix et le second, CORMORAN, dans le Bas Saint-Laurent. Ces deux oeuvres, avec L'HÉRITAGE, BOUSCOTTE, et le trop bref BLEU DU CIEL, tous trois de Victor-Lévy Beaulieu, auront certes contribué à quelques uns de mes déplacements dans ces deux magnifiques régions...Le bleu du ciel et ses gros nuages blancs étaient au rendez-vous, la température était donc parfaite pour rouler...

Rivière Ouelle ...et une pensée pour Nancy Michaud, cette jeune femme qui y a trouvé la mort il y a un peu plus deux ans maintenant, assassinée par un gars de la place. Un village qui a pourtant l’air si paisible. Avec tout ce bleu qui remplissait le ciel, on n’a pu s’empêcher de penser qu’un tel crime ait pu avoir lieu ici, dans ce volcan tranquille

Kamouraska ...là où il y a des joncs au bord de l’eau…Kamouraska, en partie à cause d'Anne Hébert et Claude Jutra, pour cette belle et grande histoire de froidure et de passion, pour cette région humide et sanglante qu’on appelle le cœur. Et probablement ces jours-ci pour Guylaine Tremblay et cette autre histoire de femme assassinée…Un pur enchantement pour l’œil que de revoir les inspirants tableaux naturels que forment les villages de Saint-Denis, Saint-Germain et Saint-André. Comment s’empêcher de ne pas faire des oh! et des ah! à chaque tournant...Et le Fleuve, qui devient soudainement plus large (d’esprit), qui se colore autrement, qui nous offre son spectacle unique, ballet de flots verts bleutés…Un rêve…



Le cimetière de Notre-Dame-du-Portage



Notre-Dame-du-Portage (banlieue chic de Rivière-du-Loup) et son église de pierres, ses presbytère et cimetière, là où on y tourna quelques unes des scènes mémorables de ce magnifique et si instruisant CORMORAN. Dans la boutique d’art, située à l’arrière de l’église, la charmante rencontre avec Gisèle Belzile, une artiste peintre de la région, de qui nous avons acheté une carte, celle avec le geai bleu...Pour jaser des Belzile, de Rimouski, de Trois-Pistoles et de VLB, bien évidemment...

Rivière-du-Loup...la grosse ville du coin, avec ses centres d’achats, ses petits et moyens hôtels, sa chute, ses excursions à la baleine sur un fleuve qui prend le nom de mer…et ses intemporels couchers de soleil, toujours aussi absolument délirants, fondant dans l’œil des souvenirs irréversibles de la beauté des ondes…

Cacouna, au pays du porc-épic et des MalécitesL’Isle Verte, et ses marais rouges, qui renferme en ses terres l’un des descendants de Mémère Charette, mon cousin Yves, dit Ti-Bi, amant de la Nature et du patrimoine, toujours en train de rénover sa maison et sa vie…Trois-Pistoles, et son non moins illustre conteur et seigneur Victor-Lévy Beaulieu, qui vient justement de nous pondre un nouvel ouvrage: Ma vie avec ces animaux qui guérissentTrois-Pistoles, où nous sommes presque passés tout droit ce coup-ci: nous avions raté le panneau de la Route des Navigateurs…Trois-Pistoles, qui aura toujours une place spéciale dans mon cœur, et dans mes mots, à cause de cette admirante amitié entre l’Auteur et son Interlocutrice privilégiée...



Rimouski, sur la Promenade de la mer


Saint-Simon, Saint-Fabien, le Parc national du Bic, l’entrée en Rimouski, terre de l’orignal, demeure du chien. La promenade de la mer, semblable à celle de la promenade Samuel-de-Champlain à Québec: 2,5 km entre l’Hôtel Rimouski et l’Île Saint-Barnabé. Des couchers de soleil aussi délirants que ceux des Trois-Pistoles, et en particulier celui de ce 17 août, incomparable et apocalyptique parce qu'unique, et que nous ne sommes pas prêts d’oublier. M’être levée 2 fois de table afin d’immortaliser ce light show naturel, non mais, faut être un peu dingue des cieux, et des anges métalliques qui le peuplent en ces soirs d’orage. Le repas, exquis et entrecoupé de ces séances de poses + le sourire de l’accueil de la serveuse, sa jovialité contagieuse: tout pour que cette journée divine ait été des plus réussies…L’Accueil, un bien simple mot, mais grand, pour définir tout le bien-être procuré aux deux oiseaux de passage que nous fûmes ce soir-là…



Coucher de soleil de Rimouski


Pointe-au-Père, lieu du naufrage de l’Empress of Ireland, où l’on peut y visiter le sous-marin Onondaga. La visite audio-guidée, qui est faite sur un ton plutôt divertissant, nous en apprend sur la vie à bord des quelques 70 sous-mariniers qui y vivaient comme dans un cloître. (Avis aux claustrophobes: la visite dure 45 minutes, juste assez pour éviter une crise.) L’endroit est bien ventilé mais vrai que c’est étouffant dans certaines pièces. La visite vaut largement les 14.50$…et en prime une conversation des plus intéressantes avec Albéric Gallant, le sympathique animateur avec sa barbe de marin (qui a vraiment la gueule de l’emploi), qui vous racontera les déboires qu'ont essuyé les rescapeurs du seul sous-marin que l'on peut visiter au Canada (à ce jour).





Du quai de Pointe-au-Père jusqu’à celui de Forestville, un beau tour de bateau à bord du catamaran CNM Évolution, le traversier le plus rapide au Québec. En 55 minutes, Forestville est à votre portée. Pour se faire fouetter le visage au vent du large, y sentir le sel (en avoir plein les lunettes) et y faire des rencontres des quatre coins de la province, rien de tel que cette traversée.




Quitter le Bas-Saint-Laurent pour accoster sur la Côte-Nord, dans mon cas pour la première fois (il était temps), mais pas pour celui qui m’accompagnait. E., qui a maintes et maintes fois roulé sur cette 138 faite de côtes vertigineuses, se retrouvait après plusieurs années d’absence en pays de reconnaissance. Immédiatement après le débarquement, il m'a pointé du doigt l'arboriduc, ou le floom...

L'arboriduc, aussi connu sous le nom de " dalle humide " ou " floom " a été érigé en 1942 par la compagnie Anglo Canadien Pulp and Paper Milles ltd. Son rôle était d'acheminer les billots de bois vers le port pour être chargés sur les barges. Cet arboriduc se situe à l'embouchure de la rivière du Sault aux Cochons, d'où provenait le bois qui pouvait flotter sur plusieurs kilomètres. Les bûcherons coupaient leur bois dans les camps de la compagnie et on le plaçait dans la rivière. Étant donné que les camions étaient peu utilisés à cette époque. Le flottage de bois sur les rivières était le moyen le plus accessible et le plus performant. Des milliers de billes de bois parcouraient le trajet dessiné par la rivière du Sault aux Cochons sous la supervision des draveurs. Avec l'arrivée de nouveaux moyens de transport et l'impact écologique qu'avait le flottage du bois, on a cessé toute activité à l'arboriduc et il est devenu un vestige rappelant l'industrie du bois d'antan.
(wikipedia)



Le "floom"

Forestville, per sylvam, par nos forêts…c'est la devise de la ville mais aussi le titre d'un CD de Marco et les Torvis...

Un jeune goéland argenté qui traînasse près d’une table à pique-nique brune, espérant peut-être y trouver là quelques subsistances qu’auraient laissé tomber sans hasard des humains qui se sont arrêtés à cette halte avant nous pour très certainement y admirer le pays sage de cette terre de mous conifères…

La route, très bien entretenue, nous filions tout croche vers Port-Neuf-sur-mer, Longue-Rive, Les Escoumins, Essipit, Les Bergeronnes…Des villages plus ou moins riches, des parterres plutôt secs...Mais de la route, de la belle, longue et étroite route, avec un ciel surchargé de nuages gris mauves, et des lacs de toutes les grosseurs, du roc, des arbres, des arbres et encore des arbres…Et le Fleuve, qui veille sur eux…et sur nous…Et le Pilote, mon Chevalier servant, qui tient bien la barre de son F-250 blanc, le conducteur de char de feux roulants qui est le plus prudent des chauffeurs sans gants blancs...;-)


La 138


Nous avançons vers Tadoussac, là où la rivière Saguenay se jette dans le Fleuve, où les baleines-mères viennent vous voir de près…C’est le temps d’une autre traversée, une plus courte cette fois, quelques 10 minutes environ, le temps de revoir quelques passagers du CNM dont un de Montréal avec qui nous avions conversé de voyages, de villes, de futur, d'auto-amphibies et de beauté…

Baie Sainte-Catherine ou l’entrée en Charlevoix ... Baie-des-Rochers, Port-aux-Quilles, Saint-Siméon …c’est le temps d'une patate frite et d'une guedille aux œufs dans le vinaigre. C’est aussi le temps de pisser, de fumer. Et d’admirer le Géant d’eau qui est toujours aussi fidèle au poste sous nos yeux, qui nous défile le courant de son coeur depuis je ne sais trop combien d’années…Port-au-Persil, Port-au-Saumon, Saint-Fidèle…porte d’entrée de cette " Male Baye "…

On peut noter également que Champlain donne peut-être l'origine de ce nom de lieu charlevoisien lorsqu'il sent en 1626 " Du cap de Male Baye (cap à l'Aigle) jusqu'à la rivière Plate (rivière Malbaie) trois lieues, cette rivière est dans une anse qui assèche de basse mer " . On est donc amené à penser, pour cette raison, que cette baie était "mauvaise" pour le mouillage ou l'abri des bateaux.

Cap-à-l’Aigle ...enfin ! et sa Petite Plaisance, une auberge de 6 chambres âgée de 120 ans tenue par Anne et Chantale, deux femmes des plus sympathiques dont l’une est la chef-cuisinière. Petite Plaisance, le nom est si convivial pour cet endroit de villégiature où règne le confort de la paix… Petite Plaisance, à cause d’une certaine Marguerite Yourcenar, qui avait ainsi nommé sa résidence de Northeast Harbour dans le Maine, USA. Ici, dans celle de Cap-à-l’Aigle, comme les deux propriétaires l’ont écrit sur leur site internet: on vous offre tous les luxes de l’essentiel. La spécialité de la maison: vivre l’instant présent pour essayer de rattraper celui d’après. Ici, on ne met pas les petits plats dans les grands parce qu’ils sont tous grands… Ce fût vraiment plaisant d'ÊTRE ici en la compagnie du bonheur et de sa simple tranquillité...

La rue Saint-Raphaël... là où on peut y prendre une belle grande marche, une qui vous fait aller le cardio assez vite merci étant donné ses pentes assez abruptes. Une rue peuplée de charmantes auberges, de belles maisons et même d’une église (anglicane) la Saint-Peter-on-the-rock. Une table simple mais personnalisée, un excellent magret de canard pour moi et cette tarte bavaroise aux pommes comme dessert, un vrai péché. Une petite chambre, la Tentation, pour relaxer dans le fauteuil moelleux de velours rose cendre, pour y lire dans le lit le HARIKOTS d’Alain Larose pour la seconde fois, pour le trouver encore plus meilleur et beau…et s’endormir en rêvant…au Fleuve…

Au matin, dans la verrière, le petit déjeuner vous est servi, vous n’avez donc pas à vous lever de votre chaise confortable pour remplir vos tasses, verres et assiettes, Chantale le fait gentiment à votre place. L’omelette au jambon fromage et la confiture de rhubarbe sur ce pain rôti parfait: un autre souvenir gustatif inoubliable. Anne à la cuisine et Chantale à l’accueil, deux vraies magiciennes qui vous transportent dans un autre temps, au cœur de la Route des Lilas.




La route 362...longer le bord de cette eau profonde, marcher sur le petit pont pour presque la toucher, prendre le pouls du Fleuve et de l’air qui l’entoure, faire respect à cette Nature qui nous comble par sa beauté millionnaire…Faire la preuve qu’il vaille tellement la peine de voir, ou revoir, ce coin pittoresque de notre Belle Province...

Pointe-au-Pic… le rail qui passe à côté du Café de la gare ... Monter les quelques 140 marches de l’escalier panoramique pour atterrir au Manoir Richelieu, là où on y croise de la " belle société ", là où on y fait la connaissance d’une Maryse Gauthier, pétillante et volubile horticultrice qui prend soin des fleurs du Casino depuis 15 saisons…Maryse, qui habite Cap-à-l’Aigle et qui enfourche à chaque matin son vélo (de 500$), qui fait du triathlon (à 52 ans), qui embrasse la vie à pleine bouche…Les gens que l’on rencontre lors de nos voyages, petits ou grands, laissent des traces indélébiles sur nos vieilles mémoires de touristes enchantés, pour agrémenter les jours plus sombres qui suivront l’été…

St-Irénée, Cap-aux-Oiesla 362 en plein ciel de Charlevoix, en plein soleil de villageois, pour simplement admirer le paysage, pour se rincer l’œil de toute cette suie que les villes y déposent dedans. Faire le plein de pureté. S’extasier et...avoir faim…mais ne pas toujours manger…
Les Éboulements…l’escarpement à je ne sais plus trop combien de pourcentage 18% (?)…Le monument, pour que l’on se souvienne qu’ici, la mort a un jour emporté 44 des 48 personnes qui avaient pris place dans un autocar de la compagnie Mercier, des gens de l’âge d’or qui s’en allaient paisiblement fêter l’Action de Grâces à l’Île-aux-Coudres…Elle, cette Île qui vous fait face à face avec sa terre de tremblements…Se faire offrir des cartes d’Antoine Paquet, jeune artiste peintre de la région, par un garçon qui veut que l’on finance son école de hockey. Lui en prendre deux (pour 5$), lui dire au revoir et surtout...bonne saison...




Baie Saint-Paul…La rue Saint-Jean Baptiste, et le célèbre 125, là où un certain jeune auteur du nom de Patrick Brisebois y a déjà vécu quelques années. La rue Saint-Jean Baptiste, une rue remplie de cadeaux, de toiles d’artistes, et d’araignées… ;-) Des touristes à profusion, des terrasses bondées, des restos, des bars, partout partout…Baie Saint-Paul, là où encore une fois nous ne nous sommes pas arrêtés…faute de stationnement…De retour sur la 138 pour rentrer chez nous via LA CÔTE DE BEAUPRÉ

Saint-Tite-des-Caps, Saint-Joachim, Saint-Ferréol-les-Neiges, Saint-Anne-de-Beaupré…arrivés là, à côté de la célèbre Basilique, prendre la Route de la Nouvelle-France, l’avenue Royale (anciennement Chemin du Roy), pour se croire en plein 18ème. Toutes ces belles demeures ancestrales, les caveaux à légumes (il y en a une trentaine entre Saint-Tite-des-Caps et Boischatel)…L’Ange-Gardien, Château-Richer…un court mais nourrissant arrêt CHEZ MARIE, boulangerie artisanale. Marie Mercier, qui tient ce commerce depuis quatre générations de femmes, qui cuit son pain dewow et qui revenait de la veille de l’Abbitibi... Marie, qui n’avait vu que de la forêt, de la forêt et encore de la forêt…per sylvam

Comme nous avions le goût de manger du maïs frais pour souper, on fit un arrêt, le dernier de ce court mais heureux voyage, chez l’un des précieux maraîchers de la Côte-de-Beaupré. Provisions de bleuets (des géants), de maïs (une douzaine), d’un petit panier de tomates de jardin et d'une bonne bière froide et blanche aux mûres de la brasserie de Québec La Barberie. Apercevoir de loin la Chute Montmorency, la voir se garrocher entre les bras de notre Fleuve, l'envier...De retour sur la 138, on le revoit de près; il est certes plus étroit qu’à Forestville mais toujours aussi magnifique parce que toujours aussi essentiel.

Québec...arrondissement de Beauport, les deux bouquets de géranium étaient encore plus radieux qu'avant notre départ, le soleil les ayant fait dédoublement fleurir. À notre connaissance, il n’avait toujours pas encore plu. C'est la sécheresse. N., notre fils cadet, dormait encore dans sa petite chambre toute à l’envers, Le Lapin était donc demeuré seul et au frais dans le sous-sol... Il était 15:30, le voyage était terminé. Beauté a eu droit à quelques bleuets frais. Il avait l'air heureux de me revoir et moi donc...

665 kilomètres plus loin…

Attirée par les philosophies orientales, Yourcenar avait une conscience aiguë de la vie humaine, animale, biologique. "À Seal Harbor, devant l'océan, j'ai été témoin auprès d'elle d'une sorte d'extase, se souvient Yvon Bernier. Elle était debout sur le rocher, comme une figure de proue, entourée de sa cape et de son châle, regardant le grand large avec un sourire énigmatique. Pendant quelques instants, j'ai eu l'impression étrange qu'elle s'était minéralisée." Elle dérivait sur l’infini du temps.

Yvon Bernier 13 juillet 2002 Le Devoir


http://museeyourcenar.chez.com/petite_plaisance_094.htm


PHOTOS: L.Langlois


samedi 14 août 2010

IL FAUT LIRE...ÇA----->


Photo: L.L.



Pour les lecteurs plus et/ou moins avertis, un billet aigre-doux publié dans le
CARNET D'ÉRIC SIMARD. Éric qui émerge d'un lent et doux silence de plus de six mois pour nous entretenir en long et en large du merveilleux monde de l'Édition. Ce serait-y pas de la faute à Papineau par hasard ?