mardi 30 août 2011

LES BALLETS RUSSES: L'attaque des Muses

Photo: L.L.



Théâtre, ballet, opéra, peinture, sculpture, cirque, danse, poésie…L’Art attaqué de toutes parts par ses Muses apprivoisées. La Cité qui se fait investir par ses artisans, peintres, sculpteurs, comédiens…Le souffle du quidam dans le microphone qui fait se gonfler l’organza de la robe living pod de Ying Gao




Les reflets cachés d’un néo-monde qui naît encore d’hier. L’aujourd’hui bâti via les secousses d’antan…LES BALLETS RUSSES…toute la beauté imprégnée de la grâce des danseurs et danseuses de cette époque mythique…Mais un costume sans corps dedans n’est qu’un simple morceau de tissu….Avec la musique que l’on pouvait syntoniser au gré des différentes œuvres d’art que sont ces fabuleux costumes de scène, il était plus facile d’imaginer les danseurs qui les avaient jadis habités, qui les ont ensuite immortalisés…Perles manquantes, fils décousus, soie égratignée, dentelles et broderies effilochées: la lourdeur des tissus contre la légèreté du geste…le costume hanté, admiré par les visiteurs casqués...le temps qui s'arrête pour une couple d'heures...


Costume for the Chinese Conjurer
in Parade, 1917,
designed by Pablo Picasso


LES BALLETS RUSSES: un incomparable incontournable pour les inconditionnels de musique et de danse. Des écrans géants ici et là qui permettent d’apprécier cet art sublime qu’est le ballet. Pour ma part, les ballets qui ont le plus retenu mon attention sont les derniers; j’ai pu ainsi voir Satie et Cocteau " parader ", Chanel " collaborer ", Stravinsky diriger et Nijinski danser, tout ça sous l'oeil aguerri de Diaghilev, le maître imprésario de ces folles années. Époque totalement éclatée dans laquelle ses créateurs de génie ont évolué et qui m’auront encore une fois éblouie. La pleine liberté de ce groupe de génies m’a fait me faufiler entre les fibres et les sons de leur monde grandeur nature, ce monde, celui-là où j’aurais tant aimé avoir vécu…



COCTEAU nous entretenant des BALLETS RUSSES








LES SYLPHIDES, PRINCE IGOR, LA BELLE AU BOIS DORMANT, LE FESTIN, LES PAPILLONS, GISELLE, NARCISSE, DAPHNIS ET CHLOÉ, THAMAR, SCHÉHÉRAZADE, SOLEIL DE NUIT, SADKO, LE SACRE DU PRINTEMPS, L’OISEAU DE FEU, LE CHANT DU ROSSIGNOL, CHOUT, LA BOUTIQUE FANTASTIQUE, LES FEMMES DE BONNE HUMEUR, PARADE, ZÉPHYR ET FLORE, LES BICHES, ODE, LE BAL, LE TRAIN BLEU…



Les extraits de ces ballets renommés font et referont à jamais partie d’un monde coloré d’intemporel, un monde par lequel il était plus ou moins facile d’accéder. Mais quand on y pense vraiment, les arts, dits classiques, sont ceux-là qui signent et persistent…


Photo: L.L.



Près de la salle 12, Pavillon Charles-Baillargé
Musée National des Beaux-Arts du Québec
Photo: L.L.

L’exposition de Jacques Payette étant l’un des trois buts principaux de ma visite au Musée, j’entrai donc dans la petite salle 12 de la Prison, là où le gentil et aimable Gardien m’attendait avec le sourire…Des toiles immenses avec de l’encaustique et des " détritus"; de la lumière, du silence; une futaie de bouleaux, de l’avance sur le passé; une découverte, une émotion, un agréable souvenir…Une très séduisante découverte…



LES SILENCES OÙ IL FAUT QU’ON AILLE
encaustique sur toile, 2003


Ce sont des gens de tous âges qui se promènent dans les murs enchanteurs du Musée national des Beaux-Arts du Québec; des touristes, et des gens d’ici, que l’on prend parfois…pour des touristes. Je pense à cette jeune Française et à son gamin (qui portait fièrement un gaminet de Spiderman), je les ai pris tous deux pour des touristes alors qu’ils habitent ici depuis deux ans. C’est toujours exaltant de pouvoir s’exprimer dans une langue que nous parlons encore ICI, à l’intérieur des murs d'une ville où il y fait toujours bon vivre…pour y dévaler à pic la Côte Salaberry et aboutir sur la rue St-Joseph, pour entrer dans la Librairie Historia, là où je n'avais jamais encore mis les pieds avant ce 25 août 2011, pour y trouver L'ÉTOILE POURPRE, recueil du poète Alain Grandbois, pour y entamer une pointe de coinversation avec le libraire qui, tout comme moi, avait été voir LES BALLETS RUSSES et n'avait pas acheté le beau livre souvenir de l'exposition mais que le simple livret du visiteur à 6.95$...Une autre belle découverte en cette mémorable fin d'après-midi...Le coeur de Québec qui battait la pleine mesure de sa lenteur, et les Muses, qui continuaient de l'attaquer... tout en douceur...

***

C’est déjà la fin août, les touristes sont donc moins nombreux dans la Capitale, mais on dirait qu’ils sont aussi plus charmants. J’ai bien apprécié avoir rencontré et échangé avec cette jeune famille asiatique venue de Vancouver, but we have to speak in english pour nous understand; mais j’avoue que c’est dans des moments-là que je suis plutôt fière de me débrouiller avec facilité dans la délicieuse langue de Shakespeare, car c’est l’Humain et son sourire qui, d’abord et avant tout, intéresse le quidam que je suis.


Malheureusement, LA PETITE BOÎTE VIETNAMIENNE de la rue de la Couronne était fermée. (Peut-être que la Chef avait eu un de ces empêchements majeurs qui fait que l’on doit fermer pour la soirée). Dommage, nous aurions bien aimé manger de ses petits plats savoureux qu’elle seule sait si bien concocter. Mais, y'a toujours un mal pour un bien: c’est à la porte du resto que j’ai reconnu Vincent Gagnon, ce jeune pianiste de Québec que j’ai vu en concert au Café du palais Montcalm l’automne dernier. Il était accompagnée de Loïc, son jeune fils de presque un an maintenant. Une belle conversation autour de la musique s’en est suivie: nous avons parlé de cet autre album qui devrait sortir bientôt, des musiciens qui l’accompagnent, des frères Côté, frères de l’un de mes voisins, des projets qui s’en viennent avec Keith Kouna, du prochain festival de jazz de Québec, etc…. Oui, vraiment un mal pour un bien que cette porte barrée. Il était également quelque peu déçu lui aussi de ne pas pouvoir s’attabler chez la Chef, mais ce sera partie remise pour lui comme pour moi, mais peut-être pas pour la jeune famille asiatique…


VINCENT GAGNON quintette
APRÈS L'UNE
(au Cercle, rue St-Joseph)





Comme nous étions affamés et pressés, (FALLAIT RESTER CHEZ VOUS TÊTE DE NŒUD jouait à 19 heures) nous avons opté pour le DÉLI-MEX *, là où la cuisine mexicaine authentique est à l’honneur et vous est servie avec le chaleureux sourire de la proprio. En entrée, des crevettes grillées à l’ail servie avec la petite sauce piquante, puis le " mole ", fameux poulet au chocolat. Et pour dessert, une succulente crème caramel. Tout était franchement délicieux…Encore le mal pour le bien…Bien empiffrés, il nous fallait maintenant quitter les lieux à l’accéléré, la pièce commençait dans 15 minutes...




mardi 23 août 2011

LES TUEURS D'OCCASION

En quelque part sur la Côte Nord en août 2011
Photo: L.L.


Mais malgré tout on se souvient
Et c'est avec regret que l'on vous sait parfois muets
Mais ce soir, moi je vous aime
Et je veux que l'on vous chante

Claude Léveillée
Les vieux pianos


Tout n'a pas une fin


Le cœur d'Allain battait pour la liberté, la fraternité, la justice. L'incandescence de ses mots et de ses notes a rendu leur honneur aux femmes et aux hommes auxquels la vie ne fait pas de cadeaux. A chaque rencontre, la chaleur de sa voix profonde, une voix blessée, et la luminescence de ses yeux bleu océan vous saisissaient; il venait simplement, capable de serrer dans ses bras l'inconnu de la veille.

Pierre Laurent
secrétaire national du PCF


Allain Leprest, pacifiste inconnu, n'est pas vraiment mort le 15 août, écoutez-le chanter, regardez-le dessiner...Tout y était. Tout. Et pourtant...






Jack Layton, éternel optimiste, n'est pas vraiment mort le 22 août, écoutez-le chanter, voyez-le danser (le 18 juin 2011)...Tout y était. Tout. Et maintenant...







Édith Piaf et Claude Léveillée, écorchés vifs, ne sont pas vraiment morts les 11 octobre et 9 juin, écoutez-les chialer...Tout y était. Tout. C'est pourquoi...




LES POÈTES


Les poètes , formant une file considérable qui tournait déjà le coin de la rue, profitaient de ce temps d'attente pour remplir soigneusement le formulaire.

Gonçalo M. Tavares
Monsieur Bretch et le succès
Éditions Viviane Hamy

dimanche 21 août 2011

LES PLEURS DE L'ESCARGOT

Uncle Sam (1877)
Thomas Nast
1840-1902


Je n'ai perso « jamais vu un escargot pleurer un soir de pleine lune près d'un chêne au milieu de la plaine, seul et abandonné de tous parce qu'il a sa coquille brisée! », mais c'est possible, bien possible que cela existe l'éclatement sous nos pieds! Je n'en dirai pas plus.

Jacques Desmarais
TRAIN DE NUIT




À J.D.

Cette semaine en a été une faite de douleur et de deuils: Allain Leprest, 57 ans, poète auteur compositeur, atteint d'un cancer, qui s'est donné la mort le 15 août, a suivi le 16 Paul-Marie Lapointe, un autre poète, qui fut découvert en 1948 par un autre poète, Claude Gauvreau, puis Gil Courtemanche, brillant bouillant journaliste romancier, mort le 19 d'un cancer du larynx. Et hier, le 20, douze personnes sur les quinze montées à bord d'un vieux Boeing 737-200, qui ont péri lors d'un crash à Resolute Bay, au Nunavut. Plus tôt, c'était au tour de Karine Faubert, une jeune étudiante de 21 ans, vraisemblablement assassinée par un ex pour une question d'argent. Et cette jeune famille de Verdun, composée de Joe Yazbeck, Cynthia Beauvais et leur fils Gabriel, âgé de trois ans, morts tous trois asphyxiés en l'absence d'un simple détecteur de fumée...

La liste pourrait se poursuivre ainsi pour une couple de paragraphes. Il n'y a pas à redire, la Mort sortira toujours grand vainqueur au bout des souffles errants. Et bien sûr, plusieurs tristes enterrements sont à prévoir dans les jours qui suivront ces nombreuses pertes de vies offertes à la Mort qui rôde, nonchalante, en rebelle hypocrite. Qu'est-ce que la mort souhaitée d'un dictateur sinon que la renaissance d'un peuple ? Qu'est-ce que la mort blanche d'un poète sinon que le détriment de ses anciens compagnons ? Qu'est-ce que la mort subite d'une nation sinon que le soulèvement populaire d'un nouveau parti ? Qu'est-ce que la mort illustre des soldats fantômes sinon que la légitimité à faire la paix ? Qu'est-ce que la mort lente d'un couple sinon que l'amour qui s'en était allé faire un tour ailleurs ?

Et dire que bientôt, dans la Cité, nous assisterons à des dizaines de pièces de théâtre dans lesquelles nous verrons et entendrons peut-être couler les pleurs d'un vieil escargot, celui-là même qui s'est fait briser sa maison par des maraudeurs excités; celui-là même qui s'est fait briser le coeur par un jeune auteur qui inondait de ses pleurs salés le chant des petites fleurs fanées, pauvres enfants mortes empoisonnées par le sang d'encre noire d'un déplumé.




lundi 15 août 2011

MICHEL CHARTRAND, LE MALCOMMODE: un homme d'exception

Photo: La Presse



À la mémoire de Michèle Gauthier *


Ce soir, c'est le vent frais de l'incertaine nostalgie qui est venu balayer les ondes blanches de mon vieux téléviseur...Un homme se tenait là, attablé avec quelques uns de ses jeunes et vieux amis de combat, et même si on l'a filmé assis, il était toujours debout. Son oeil pétillait autant que lorsqu'il était jeune, son regard noir perçant le voile de notre noirceur...

MICHEL CHARTRAND, LE MALCOMMODE, film documentaire de Manuel Foglia, m'a rappelé combien cet homme au cœur gonflé de justice et d'égalité avait été l'un de ceux qui aura marqué plusieurs générations dont la mienne, celle qui avait 13 ans en 1970. Tout plein de souvenirs, heureux pis malheureux, sont venus remonter le cour de ma mémoire de mi-quinquagénaire, couloir sombre et/ou mi-ensoleillé encombré de la survivance de mes souvenirs.

Combien encore parmi nous peuvent dire à leurs enfants, petits-enfants, arrières-petits-enfants, qu'ils ont été de ceux-là qui furent piqueteurs sur la ligne dure de la bataille avec les grévistes d'Asbestos, de Louiseville, de Murdochville, de la Presse et autres crises syndicales ? Plus tellement. Plus tellement....




Bonjour M. Foglia,


Je viens tout juste de voir votre film à Télé-Québec: superbe ! J'ai vraiment apprécié être retournée dans ce Québec des avant prochaine fois, un Québec qui on dirait bien n'appartient plus tellement à la génération de mon père. Mon père, André, un des non plus ou moins célèbres 12012, qui a travaillé dur pour Hydro-Québec. De camionneur des man hole au bureau enfumé des inspecteurs, ce pendant trente-deux longues années, assez pour en avoir fait un premier infarctus. Mon père qui fût de l'UN, du PLQ, du RIN, du PQ, et même du NPD, était également un sympathisant modéré du FLQ. Mon père adoré qui m'a initiée à la politique et qui aimait beaucoup le bouillant syndicaliste qu’était Michel Chartrand, m' aura lui aussi fait vivre les belles heures sombres et/ou mi-ensoleillées de notre évolution tranquille.


Ces images m'ont rappelé que notre peuple fait et fera toujours partie de ce monde rempli de grogne, de folie, de joie de farces et d'attrapes. Ce monde, farouchement apprivoisé qui fait du piquetage, du travail au noir, de la traite des blanches, qui tricote mal ses bas de laine; ce monde, assommé à grands coups de pelles, de matraques et d'épées dans l'eau chaude l'eau frette; ce monde, asphyxié par les gaz, étranglé par la beauté, étripé par la peur; ce monde assoiffé de bière, de fun, de pleurs, de rage et de peine. Ce monde encore une fois tout à refaire.


De l'enfance à l'adolescence, pour aboutir à l'adulte que je suis devenue avec le temps, je me suis souvenu qu'il y eut un début, un milieu et probablement une fin pour ce monde fait d'un temps dit nouveau. De voir ces hommes et ces femmes attablés en amitié avec Michel le vétéran, a enflammé une partie de mon cœur saignant sous ma plume. Ça m'a ramenée à cet après-midi d'avril 2000 quelques, jour où j'ai eu l'immense plaisir de serrer la grande carpe de cet homme exceptionnel, c'était lors d'une séance de signature dans un Salon du Livre à Québec; laissez-moi vous écrire, cher M. Foglia, que sa chaleur humaine brûle encore dans la mienne.


Il était très émouvant de revoir ce Grand Frère de la lutte sociale, éternelle, lui, qui à plus de 90 ans fumait encore son gros cigare, buvait le vin du bon vivant et sacrait encore comme à ses quarante. Ce fût très accommodant de le voir revivre ainsi dans la maison de son avant-dernier repos. Merci M. Foglia pour ce renouement de Fraternité conjugué aux bienfaits et malheurs de l'Intégrité, ça fait du bien de constater, en ces temps de déchirures internes, jusqu'où la parole entraînante d'un seul homme peut nous mener...Au grand bal masqué de ses amis fidèles et/ou infidèles. ;-)


Merci d'avoir si intelligemment capturé la lumière " chrétienne " de ce regard flamboyant ainsi que celle de ses belles et nourrissantes saintes colères. Avec Victor-Lévy Beaulieu, père d'un certain Malcomm Hudd, Michel Chartrand demeure pour moi un être d'exception, un cultivateur de rêve (s) qui me laboure l'Essentiel et l'Indéracinable.


Michel Chratrand en compagnie de
Raymond Cloutier et Victor-Lévy Beaulieu
aux Trois-Pistoles, en 1995.

Photo: Groupe CNW/Victor-Lévy Beaulieu

Note de VLB: « Ne pouvant répondre à tous les médias qui me demandent un mot ou un témoignage sur Michel Chartrand, je vous envoie le texte ci-dessous écrit à l’occasion des 90 ans de celui que je considère comme l’un des trois grands hommes politiques de notre époque, les deux autres étant Jacques Parizeau et Camille Laurin. Bonne lecture. »


Cher camarade,


Ce petit mot pour vous dire tout simplement que si je peux encore espérer devenir quelqu’un dans la vie, c’est à vous que je le dois. Peu d’hommes québécois m’ont marqué comme vous l’avez fait. Je me souviens que mon père fermait la radio quand vous y étiez interviewé tellement il avait peur de l’idée de liberté que vous incarniez si totalement. Je me souviens aussi de la grève au magasin Dupuis & Frères, des abeilles qui y volaient joyeusement grâce à vous, en ce temps où le syndicalisme était un vrai combat mené par des chefs qui n’avaient pas peur de mettre leurs culottes. Comparé aux moumounes qui dirigent aujourd’hui les mouvements syndicaux, crisse que c’était stimulant de vous entendre et de vous voir agir, sans compromis ni compromissions, pour l’établissement d’un Québec indépendant et socialiste!

Je rêve de vivre au moins jusqu’à 90 ans comme vous, ne serait-ce que pour écœurer ce monde que vous avez combattu, celui des poules mouillées, des crosseurs politiques en chef et en sous-chef, des arrivistes, des magouilleurs, des défaiseurs de pays, des traîtres à la nation et à la culture québécoise. 
Merci d’avoir été là et d’y être toujours. Vous êtes un formidable exemple, le seul à m’être aussi essentiel.


5 mai 2010


P.S. Moi aussi, je rêve que Victor-Lévy Beaulieu puisse vivre jusqu'à au moins 90 ans, qu'il fasse du pays de son père un monde pour mes frères.





* Mon père connaissait Pierre Gobeil, journaliste à la Presse, la mort de Michèle Gauthier avait été un autre de nos sujets de conversations enflammées. Un de plus.



jeudi 11 août 2011

LES VALEURS REFUGES

Quelques fois il me reste de ces roses-là.
Pour toi.

Photo: L.L.


I heard it in the wind last night
It sounded like applause
Chilly now
End of summer
No more shiny hot nights
It was just the arbutus rustling
And the bumping of the logs
And the moon swept down black water
Like an empty spotlight

Joni Mitchell
FOR THE ROSES





Mon portefeuille est peut-être vide mais ma bourse est pleine
de petits mots cassés en deux:

am our li vre
bé bé ter re
heu re cœ ur  

Il y eut des jours moins roses que des roses épanouies ou que des orages se succédant. Et des averses plus compromises que des vents d’avant. Il y eut aussi un grand calme fait de sable qui ne servait plus qu’à se faire marcher dessus. Et des arbres. Qui étaient plus démunis que leurs fruits. Et des oiseaux. Qui n’avaient pas toujours le goût de chanter (pour chanter). Bref, des années faites de la folie la moins onéreuse qui soit, de celle qui se fait expédier en colis express à des milliers de milles, mais pas toujours prêtes à être développées.

Avant le déluge, après des décennies de royautés, des rois partirent on ne sait trop où. Le danger apparut. Les montres arrivèrent. Les chiens sales se mirent à chialer pour rien. Les roses se cachèrent des auteurs qui se piquaient d'elles depuis la terre grasse de leur fertilité. Un grand prêtre conçut la pilule anticonceptionnelle. Les trains arrivèrent à pleine vapeur. Les hommes crurent mourir devant des peaux de pêches plus ou moins mortes.

Les chattes et les violettes se désagrégèrent. On arrosa les pelouses jaunes. On peintura nos plafonds. On tapissa nos murs. Nous installâmes des miroirs à deux faces. La vie se plastifiait. Les sons provinrent de l’électricité. Puis les grosses automobiles roulèrent à tombeau ouvert, les frigidaires se mirent à ronronner, les gâteaux chimiques à lever et les sillons du labour, désormais faits à la machine, creusèrent les ornières nourrissantes.

En même temps que les meurtres se multiplient au Mexique, on boit, on fume, on fait de ces choses qui ne devraient pas se faire. Ah! l’or des profiteurs. Quand l’odeur de la finance se finance à celle de l’essence et que l’argent a ses pour et ses contre. Contre qui et pour quoi ? Pour lui, pour eux mais pas pour toi. On encourage les courtiers de la guerre des nerfs, ceux-là qui ont le droit au plaisir autant que vous. On augmente et/ou on rapetisse au fur et à mesure. La décadence d’un grand peuple que celle qui erre ici sur terre. Et on a pas fini de se faire descendre dans la rue. Attendez que les jeunes lions, les bras chargés de roses, reviennent pour manger les crétins…

Nos textes ouverts, avec leurs débits de boissons cachés au creux de nos foies malades d’un lendemain de fête nationale, ont peut-être fait du bien à notre conscience mais pas à nos grosses têtes. Nos textes, publiés ou non, nos mots, encombrements majeurs, inutiles et utiles à la fois. Je ou vous me comprenez sans doute là-dessus. On demandera toujours du feu au pyromane. Et de l’eau au pompier. La grande dépression, maladie universelle du XXIe siècle, afflue de partout. C’est du pareil au même, du déjà entendu. Mais la vie continue constamment de nous rappeler qu’elle existe pour mieux japper à la mort.

Un seul petit destin sur sept milliards pour chaque être humain. Et je le désespère. On devrait cesser de se destiner. La société se meurt à petit feu avec ce qu’elle ne possède pas dans ses petites mains de grands manipulateurs. Le super LOL de l'Homme onomatopée ;-), laissez-le vivre tranquillement son CULTE des architectes du Passé, des avocats du Présent et des Médecins du Futur. Le CULTE, pour le Cumulatif de l’Unité Latérale des Textes Équitables. Ne craignez rien, il se sortira tout seul de ce foutu pétrin. Vous vouliez sa liberté ? Alors, donnez-la-lui maintenant et au plus sacrant. Plus d’affaires "d'œil pour œil dent pour dent ". Tôt ou tard, la paix finira bien par s’installer dans la cour de ses miracles. Ce sera la fin de sa mauvaise habitude, celle qui lui fait résonner le spectre ancien d’une belle et grosse grande guerre, celle qui sème sur des pavés désunis le sang des cœurs battants de ses frères incapables d'avenir.

On apprend à travailler pour ne pas respirer l'air vicié de l’autre. On y travaille fort. Mais pas encore assez. Alors, on respire tranquillement une autre sorte d’air. Aussi vicié que l’autre. On voit par en arrière. On pense aux autres fois, celles qui façonnèrent l'après. Avant…avant…avant…avant-hier, pour ne plus jamais prononcer le mot d'après…PLUS JAMAIS.

(Quand les bourses ne savent plus nager, elles plongent !)

Elquidam
1977-2011





vendredi 5 août 2011

LE ROSSIGNOL ET AUTRES FABLES: chant de nuit pour Oiseaux de feu


Les Muses
Alfred Laliberté
(1878-1953)

L'Éloquence, la Musique, l'Architecture, la Sculpture, la Peinture, la Poésie lyrique
(à l'ouest de la patinoire du Carré d'Youville, Québec)

Photo: L.L.




Quand deux ou trois personnes s'assemblent, ce n'est pas pour autant qu'elles sont déjà ensemble. Elles sont comme des marionnettes dont les fils sont en différentes mains. Sitôt qu'une main les manipule tous, il leur survient une communauté qui les fait s'incliner ou se sauter dessus. Et les forces de l'être humain, elles aussi, sont là où vont finir ses fils dans une main souveraine qui les tient.

Rainer Maria Rilke
Notes sur la mélodie des choses XI
(traduit de l'allemand par Bernard Pautrat)
Éditions Allia





Les diamants naturels sont composés de carbone qui se trouvait dans le manteau depuis la formation de la Terre, mais certains sont constitués de carbone provenant d'organismes, tels que des algues. C'est ce que révèle la composition isotopique du carbone. Ce carbone organique a été enfoui jusqu'au manteau terrestre par le mouvement des plaques tectoniques, dans les zones de subduction. (wikipedia)  


Ma vie est un beau conte de fées.
Hans Christian Andersen



 
"Tsing-pe !"


(The Franks write: " Probably nonsense, but Dal, Nielsen, and Hovmann say that it may be a variation of the Chinese ch’in p’ei, or as you please " .)


***



Lièvres, Renard, Rossignol, Canards,
Grenouilles, Chats, Chiens, Dragons;
Ils y étaient tous...en compagnie de l’Eau…

L’Eau, l’Arbre; la Lune et les Étoiles;
le Soleil, la Vie, la Mort;
et nos plus ou moins humbles compagnies
Empereur, Pêcheur, Cuisinière, Émissaires,
Bonze, Chambellan, Courtisans, Courtisanes,
Chanteuses, Chanteurs, Chœur, Chef, Orchestre,
Musiciens, Musiciennes Techniciens, Techniciennes,
Acrobates, Marionnettes et... Manipulateurs…

L’or, l’argent, les ombres, la lumière; la noirceur…

De Pointe-Lebel à Québec,
en passant par la Chine, la Russie et le Danemark,
un théâtre entier, pour le reste du monde

Tout y était,
même ceux qui n’y étaient pas…


***

L’Opéra, cet art suprême qui renferme et éclate tous les autres: le Chant, la Danse, le Théâtre, la Musique, la Poésie; non, rien de comparable jusqu’à maintenant, rien et puis tout en même temps…Parce qu’encore une fois, Robert Lepage et ses prestigieux collaborateurs, avec leur incontestable imaginaire, sont venus faire rayonner ici, dans la vieille Capitale, ville natale du célèbre metteur en scène, les mots d’un auteur danois, Hans Christian Andersen, qui comme le metteur en scène affectionnait beaucoup le théâtre, les marionnettes et les pièces de Shakespeare, également les notes versatiles d’un grand compositeur russe, Igor Stravinsky, celui-là même qui composa la musique de cet envoûtant Rossignol

Silhouettes, ombres chinoises dansant agilement derrière l'écran, marionnettes humaines agitées par des chanteurs manipulateurs qui prirent place dans le grand bassin d’eau, LE véritable palace. Une autre spectaculaire scénographie de Carl Fillion, une autre de plus qui restera marquée à jamais dans l’esprit assoiffé de nouveauté du Spectateur…

Avant et après, pour toujours: l'esprit de l'Ouest avec les Shakespeare, Cocteau, Andersen, entremêlé à celui de l'Est avec Eonnagata, La Trilogie des Dragons, Les Sept Branches de la Rivière Ota, Le Dragon Bleu, toutes ces histoires qui s’imbriquent pour former un univers peuplé de voix célestes accouplées à une gestuelle aérienne. L’éclat des couleurs des costumes avec celui des maquillages on ne peut plus parfait aura fait baver nos yeux secs. L’or des voix mêlé à l’argent des gestes, le bleu scintillant de la toile filet, ensemble parfait pour cet art appelé opéra.

Toutes ces émotions firent que nos mains battirent à tout rompre le talent de l'ingénieur et de ses acolytes pendant les quelques quinze minutes que dura l’ovation réservée aux protagonistes collaborateurs du Rossignol et autres fables. Mis à part quelques bâillements de ma voisine de gauche (plus un léger coup de mouchoir), je n’oublierai jamais le grand respect de la salle Louis-Fréchette en ce soir du 3 août 2011, ni non plus la sublime finale avec le Pêcheur, magnifique Adgaras Montvidas, ni le chant enchanteur du Rossignol de la jeune soprano colorature, Julia Novikova, des traces de lumière d'étoiles pour ces voix humaines.

Il nous aurait sûrement fallu une autre paire d’yeux pour tout voir; mon voisin de droite, sympathique monsieur Lafrance venu de la Côte-Nord pour assister et profiter de ce tout premier Festival d’Opéra de Québec, a eu le même commentaire. Il fallait l’avoir entendu me dire combien la finale l’avait ému, tout comme avoir vu l'eau luisante de son regard ébloui par autant de grâce et de beauté. Le but avait été atteint, celui d'émerveiller tous les Spectateurs, les pro comme les néophytes.

Au hasard de notre intéressante conversation, c’est M. Lafrance qui m’appris combien avait été courageux Francis Roberge, le jeune interprète acrobate de LA TEMPÊTE, qui à la suite d’un malencontreux accident sur scène à Wendake, est tout de même revenu jouer le lendemain...avec des béquilles. Le théâtre a de ces histoires qui parfois font frémir et les metteurs en scènes mais également les Spectateurs. Francis a d’ailleurs été l’un des interprètes pour le développement de cet opéra. Christian Michaud, excellent comédien, que j'ai bien hâte de revoir en 2012, en fût un également.

Je reviens sur cette finale poignante dans laquelle le Pêcheur nous chante d’où provient le chant de l'oiseau: à l’avenir, lorsque j’écouterai le chant d’un oiseau, n’importe lequel oiseau, je saurai que cette voix vient du ciel, non pas plus loin. Curieusement, en ce matin du 4 août, date anniversaire de la mort d’Andersen (1875), ce fût celui de la Corneille que j’entendis. Certes son chant n’est pas aussi mélodieux que celui du Rossignol, mais c’est SA voix, celle qui lui a été donnée par la Nature, c'est la sienne seule, et pas celle d’un autre. Au loin, probablement chez l’un de mes voisins de banlieue tranquille, celle de mésanges, moineaux et autres petits oiseaux se fit entendre; le concert unique de cette journée du 4 août 2011 pouvait bel et bien commencer…

Merci à tous ceux et celles qui ont participé de près ou de loin à cette somptueuse soirée OPÉRAémotionnelle, jamais je ne vous oublierai. Merci également à Patrick B. qui un jour de salon du livre m’avait gentiment dédicacé la copie de son " LES HABITS NEUFS DE L’EMPEREUR ", recueil dans lequel le conte du ROSSIGNOL était inclus. Histoire de m’imbiber de ce que je m’apprêtais à voir et entendre quelques jours plus tard, c’est avec grand plaisir que je l’ai relu, et deux fois plutôt qu’une. Pour me souvenir de cette soirée exceptionnelle, et pour en apprendre davantage sur cette nouvelle aventure d'Ex Machina, je me suis procuré le livre LE ROSSIGNOL, RENARD ET AUTRES FABLES, un splendide ouvrage publié en collaboration avec les éditions ALTO. Écrit par Bernard Gilbert, directeur de production chez Ex Machina, le livre contient de nombreuses photos et esquisses. Un must pour la mémoire qui parfois pourrait me faire défaut dans les années à venir…

LE FESTIVAL D’OPÉRA DE QUÉBEC, je l’espère vivement, se doit de revenir annuellement à Québec; je pense que la Cité a besoin de ce genre d’événement pour ajouter une couleur de plus à sa palette culturelle. Ajouté au Carrefour International de Théâtre et plus tard à un futur DIAMANT, fruit des étoiles qui brillera de par les quelques 58 multiples facettes ingénieuses que voudra bien lui sculpter le diamantaire Lepage, les amateurs d’opéra et de théâtre n’en seront que plus comblés.

Metteur en scène: Robert LEPAGE
Chef d’orchestre: Johannes DEBUS

LE ROSSIGNOL

Le Rossignol: Julia NOVIKOKA, soprano
Le Pêcheur: Edgaras MONTVIDAS, ténor
La Cuisinière: Elena SEMENOVA, soprano
L’Empereur de Chine: Ilya BANNIK, basse
Le Chambellan: Nabil SULIMAN, baryton
Le Bonze: Yuri VOROBIEV, basse
La Mort: Svetlana SHILOVA, soprano
Premier émissaire japonais: Adam LUTHER, ténor
Deuxième émissaire japonais: Réal TOUPIN, basse
Troisième émissaire japonais: Vincent A. KARCHE, ténor
Choristes-solistes: Carole CYR, Rachel PELLETIER-TREMBLAY, Keven GEDDES

AUTRES FABLES

Ragtime: OSQ

Trois pièces pour clarinette seule no 1, 2, 3: Stéphane FONTAINE
Clarinette, Pribaoutki: Svetlana SHILOVA, soprano
Berceuses du chat: Svetlana SHILOVA, soprano
Deux poèmes de Constantin Balmont: Elena SEMENOVA, soprano
Quatre chants paysans russes: Choeur de femmes de l'Opéra

RENARD

Adam LUTHER, ténor,
Edgaras MONTVIDAS, ténor,
Nabil SULIMAN, baryton,
Ilya BANNIK, baryton


LE CHOEUR DE L'OPÉRA DE QUÉBEC

L'ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE QUÉBEC

Version originale russe avec surtitres


LE DIAMANT


La beauté de son brillant est due au fait qu'il possède un haut indice de réfraction de la lumière et un grand pouvoir dispersif: en pénétrant, les rayons de lumière sont réfléchis à l'intérieur de la pierre à l'infini et la lumière blanche se disperse, retourne à l'intérieur transformée en un éventail de couleurs. Les diamants (comme les gouttes d'eau) fonctionnent comme des prismes en freinant, plus ou moins en fonction des longueurs d'onde (violette au maximum, rouge au minimum), de façon à ce que les couleurs soient dispersées sous forme d'arc-en-ciel.

(Wikipedia)



 
À la claire fontaine m’en allant promener/J’ai trouvé l’eau si belle que je m’y suis baigné.Sous les feuilles d’un chêne, je me suis fait sécher.Sur la plus haute branche, un rossignol chantait.Chante, rossignol, chante, toi qui as le cœur gai.Tu as le cœur à rire… moi je l’ai à pleurer.J’ai perdu mon amie sans l’avoir mérité/Pour un bouton de rose que je lui refusai…Je voudrais que la rose fût encore au rosier/Et moi et ma maîtresse dans les mêmes amitiés. IL Y A LONGTEMPS QUE T’AIME JAMAIS, JE NE T’OUBLIERAI