vendredi 29 mai 2015

BOOM: d'une boîte à l'autre







IN VITRO: en latin « dans le verre », signifie un test en tube, ou, plus généralement, en dehors de l'organisme vivant ou de la cellule. 
(wikipedia)


La lune du 28 mai 2015
Photo: L.L.

1945-1969, années dans lesquelles La Caserne d’Ex Machina s’est retrouvée entubée hier soir avec Rick Miller, artiste multidisciplinaire par excellence, à l’occasion collaborateur de Robert Lepage, dont l’éclatant BIGGER THAN JESUS m’avait tant émerveillée au Périscope en décembre 2012. Une rencontre inoubliable.




Photo: L.L.
28 mai 2015

Bien entassés dans le cube noir de la Caserne, il faisait du bien de croiser à nouveau les festivaliers du Carrefour international de théâtre, parce que c’est la fête en ville pendant les quelques deux semaines que dure cet événement providentiel, magnifiquement bien organisé à chaque printemps par la superbe et si gentille équipe d’électrons libres de mesdames Marie Gignac et Dominique Violette


Illustration: L.L.
2009 ?


Parmi les spectateurs: des metteurs en scène, des comédiens, des comédiennes, des journalistes, des gens connus et des quidams. À mes côtés, une sympathique exilée des Iles-de-la-Madeleine, qui a étudié au Conservatoire de Québec en même temps que Robert Lepage; à ses côtés, un couple de comédiens; à leur droite, Alexandre Fecteau, qui fait partie de la présente édition du Carrefour avec SÉJOUR. Bref, de quoi être bien imprégné de la lumière d'un milieu dans lequel nous aimons tous baigner, chacun à sa manière.


Photo: Craig Francis (via facebook)
28 mai 2015
Avec ma petite face noire à lunettes ;-)



Pour Rick Miller, on peut dire que c’était un public d'avertis devant lequel il s’est donné corps et âme pendant les quelques deux heures dix (avec entracte) que sa performance aura duré. Tout un défi pour lui car il cassait BOOM dans sa version française pour la toute première fois. Il y a eu bien sûr quelques petites hésitations, surtout quand il utilisait la langue de Molière mais vraiment ce n’est rien quand on pense qu’il œuvre sur scène tout fin seul avec une centaine de voix qu’il emprunte aux différents personnages de cette époque assez rock & roll…




L’Histoire, celle avec un grand H, parsemée d’une multitude de clins d’œil faits humoristiques aux humains que nous sommes encore…

1945

Nagasaki/Hiroshima, comme à toutes les fois. La toxicité d’un monde de plus en plus froid, un monde au sang chaud, qui pense que la consommation d’après-guerre mettra un beau gros plaster sur les beaux gros bobos que la 2ème guerre mondiale aura faits. La consommation, les munitions, les maisons, la télévision, les klaxons. Et les bonbons.




100000 viols contre 100000 chansons
100000 écoles contre 100000 avions
100000 pactoles contre 100000 décisions


Une photo originale qui vaut 1000 mots
(archives L.L.)

Les TV dinner, l’alcool, la cigarette, le hoola hop, la pilule, la dope, le sport, le music-hall, toutes ces contradictions, toutes ces recommandations, qui rampent ensemble au pied de la Liberté…

La course à la Lune, les satellites espions, les coups de feu, les coups de Jarnac, les pendaisons, les électrocutions, les émeutes, les révolutions. Et les devoirs et leçons pour petites filles et grands garçons. Voilà comment l’histoire de ce Monde tout entier, emprisonnée dans l’une des cellules du Temps passé, nous a été expédiée in vitro par le père concepteur de cette profitable mise en scène, le plus que sensationnel Rick Miller.

1945-1969, un quart de siècle en plein milieu du 20ème, des histoires de famille, de politique, de  guerre, de sexe, de religion, inlassablement pratiquées pour probablement aboutir à la finale parfaite. BOOM !!!! Le monde entier fait boum





En entendant toutes ces chansons qui nous faisaient remonter à cette époque crooner-rock’n’roll-folk-hippie, je n’ai pu m’empêcher d’avoir une triste pensée pour SILLONS LE DISQUAIRE de la rue Cartier, qui annonçait sa fermeture après 31 ans de service. Que voulez-vous, nous sommes submergés par l’ère fibreuse des jours prochains. Et toujours aussi incertains que ceux de 1961...




Mais le 30 mai 2015:

Larme au coin de l’œil pour l’intemporelle Joni Mitchell, cœur bondissant pour les rocailleux Cocker et Joplin, funky high pour Sly, tous ces artistes qui un jour m’ont transportée sur une autre planète que celle que je voyais se transformer le long des jours sans haine ni peine alors que l’on pouvait flâner je ne sais plus combien d’heures dans un magasins de disques de la banlieue plate sur la rue Cartier, celle de l’Île Jésus, ou du centre-ville grouillant de Montréal, et plus tard dans celui de la rue Cartier, en passant par ceux de la Californie et de la Colombie-Britannique. Dire que pendant que je vous tape ces mots sans fin via Internet, Jim Morrison et ses Doors passent par la même porte en me pétant les tympans avec leur immortelle THE END …again…and again… Sorry Jim, the music is never over…




1968



C’est ce que Rick Miller a fait chavirer comme émotions dans ma petite tête pendant ces quelques deux heures passées en son enrichissante et sublime compagnie. L’ovation qu’il a reçue était amplement méritée. Les baby boomers que nous sommes devenus l’en remercient de tout cœur. THANK YOU/MERCI. Et regardez son petit côté givré et comment il nous aime ! ;-)





Au sortir du show, l’air était encore doux et humide. En marchant sur la rue St-Paul, en Basse-Ville, on pouvait entendre les bruits qui provenaient de la Haute, là où étaient venus des centaines de festivaliers qui célébraient la nouvelle mouture de OÙ TU VAS QUAND TU DORS EN MARCHANT ? Vivement la Ville quand elle se pare de ses plus beaux atours; l’Art de la rue lui sied tellement bien entre ses vieux murs. Rien de plus consolant dans ce monde qui coule à pic…à coups de cœur…





Dans l’abribus, sur la rue des Capucins, il y avait une belle jeune fille. Noire comme la nuit, elle était assise seule. Lui ai demandé si la 800 venait de passer. « Oui, mais va y’en avoir une dans 5/6 minutes ». Elle le savait grâce à l’application sur son téléphone. Me suis alors réjoui de la liberté dont elle semblait jouir. Une autre consolation. Elle entrerait en même temps que moi dans le bus, s’assoirait à l’arrière parce que c’était SON choix. Nous étions dans la même boîte elle et moi. J’eus alors une pensée pour Dany Laferrière, qui avait reçu son épée à quelques milliers de kilomètres du Québec et d'Haïti. L’Académie Française le faisait immortel en ce jour de gloire. Un immortel vêtu de son habit guindé, le sourire encore plus éclatant que d’habitude. 


Photo: Thomas Samson (AFP)


Assise à l’avant, aux côtés racés d’un homme élégant, un Noir. Il écrivait sur une tablette. Un roman ? Une lettre ? Son histoire ? Ou peut-être qu'un simple texto à sa douce, ou à son amant. Décidément, c’était jour de consolations pour la blanche baby boomer que je suis depuis...1957...;-)



La famille



Et ce chauffeur de taxi qui me demande si je venais de terminer mon shift, à qui je dis que j’arrive de voir un super bon show d’un homme qui est ami avec Robert Lepage. Et voilà qu’on se met à parler de ce « fou », c’est lui qui l’a surnommé ainsi. C’est qu’il en connaissait des choses à propos de son génie et de la misère de faire luire enfin son Diamant. On s’est dit que ça finirait bien par arriver. ..


***

Et la lune qui brillait encore…comme l'autre mois avant...
La dernière  consolation du jour. Mais devant l'écran, ces images qui accompagnent un EVE OF DESTRUCTION, celui de Barry McGuire. On ne peut pas toujours passer par-dessus de ce qui nous enseveli... 






CRÉDITS:
http://www.carrefourtheatre.qc.ca/programmation/boom/




BLOOM pour Rick


À côté de l'abribus, rue des Capucins
Photo: L.L.
28 mai 2015

mercredi 27 mai 2015

LA CHATTE SUR UN TOIT BRÛLANT: Quelque chose de Tennessee...et de Maxime







L’amour ne sauvera peut-être pas le monde 
mais peut-être que l’amitié...

L.L.







 Frank Merlo & Tennessee Williams


Le débat des ébats
Les amants dans la salle d’attente
Les bras croisés autour de l’amour
La déflagration des couples

Le bonheur dans le placard
Le Jack dans le fond de l'armoire 
Le parfum délicat de la chair contre la chair
La résistance des fureurs
L’accoutumance de la froideur

Tout ça dans le ciel du Mississippi

Et la bonne à tout faire
(surtout le ménage de la mère)





Dans la chambre du fils cadet...
Photos: L.Langlois

***

Il y a quelques semaines, au Théâtre de La Bordée, c’était l’anniversaire du Big Daddy de Tennessee. Conviés pour fêter la virulence de son cancer et ainsi assister à la dernière pièce de la saison, nous nous sommes retrouvés dans les beaux draps de la famille Pollitt pendant quelques deux heures et demies. En compagnie de Brick et Maggie, couple moderne des années soixante en mode séparation (comme des millions d’autres le seront après eux), nous avons passé une bonne partie de la soirée entre leur chicanes de famille et leurs multiples gorgées de Jack Daniel's. Évoluant dans un sublime décor nous transportant au cœur même de la chaleur des champs de coton du Mississippi, ils nous ont tout donné...et plus...On les écoute nous parler de cette somptueuse production:





Jean-René Moisan, magnifiquement insolent et touchant en Brick brisé par la mort de son grand ami, Sophie Thibeault, sa chaude et dévorante moitié Maggie, qui essaie tant bien que mal de le reconquérir de toutes les manières, se sont dit les vraies affaires tout en se gardant une belle petite gêne pour la dernière scène. Bien entourés par les membres imminents de la famille Pollitt, dont la superbe Big Daddy, brillamment interprété par un Patric Saucier en père supérieur, marié depuis quarante ans à sa Big Mama, formidable et toujours aussi intense Marie-Ginette Guay.


                                        Photo: Erick Labbé, Le Soleil 


Quant au reste de la distribution, nous n'étions pas en reste: Vincent Champoux en Gooper frère aîné capitaliste, Valérie Laroche, Mae, son épouse tout aussi calculatrice et véritable usine à bébés, Jean-Nicolas Marquis, diablement drôle dans son rôle de diacre, Michel Nadeaudocteur Baugh, discret au début mais qui se révèle dans toute sa splendeur vers la fin, et Cynthia Trudel, une vraie « bonne » chanteuse qui a fait vibrer la corde sensible de cet été summertime, un été qui nous semble toujours aussi sublime qu'éternel. Norah Jones, avec sa version nous met ici dans l'ambiance de cette autre belle soirée de La Bordée.





C’est le grand et toujours aussi grisant Maxime Robin qui a dirigé de main de maître cette histoire de chaude marmaille du Sud. Il fait partie de cette élite de metteurs en scène originaires de Québec qui nous en font voir de toutes leurs couleurs, dont celles du large spectre des sentiments de l'arc-en-ciel. C'est toujours une fête de faire partie de ses invités. Il sait absolument comment s'y prendre pour que nous ayons toujours envie de voir sa dernière création. Et non, oh que non, nous sommes encore loin d'être au coton avec lui. Tout le contraire de ces prisonniers du pénitencier d'État du Mississippi en 1911. 

(wikipedia)


Y'a comme un immense champs de coton là-dedans...


En ce soir du 30 avril, au retour de la pièce, nous apprenions la mort de Ben E. King, celui-là même qui créa la célèbre STAND BY ME, que j'ai tant aimée quand elle était interprétée par nul autre que mon Beatle préféré. Pas pu m'empêcher de faire un lien avec la Chatte...Peut-être à cause de cette belle grosse lune qui flottait dans le superbe décor de Marie-Renée Bourget Harvey...Peut-être aussi aussi à cause de cette photo que caressait Brick...


When the night has come
And the land is dark
And the moon is the only light we'll see
No, I won't be afraid
Oh, I won't be afraid
Just as long as you stand, stand by me

Ben E. King
1961

FRIENDSHIP



LA CHATTE SUR UN TOIT BRÛLANT

Texte: Tennessee Williams
Adaptation: René Dionne
Mise en scène: Maxime Robin
Assistance à la mise ne scène: Charlotte Legault
Décor: Marie-Renée Bourget Harvey
Costumes: Maude Audet
Lumières: Keven Dubois
Musique originale: Frédérick Brunet