lundi 11 décembre 2017

J’AIME HYDRO : de la source à l’embouchure





Les erreurs commises par un mouvement ouvrier véritablement révolutionnaire sont historiquement infiniment plus fécondes et plus précieuses que l’infaillibilité du meilleur « comité central ».

Rosa Luxembourg


En mémoire de mon père André,
qui lui aussi a aimé HYDRO,
et même parfois haï…

L’entrain de la jeunesse est inexplicable. Vous pouvez jeter des bâtons ou de la boue dans le courant, cela ne fera qu’en élever le niveau. Vous pouvez l’endiguer, mais pas l’assécher, car vous ne pouvez atteindre sa source. Si vous stoppez tel ou tel cours, il ne tardera pas à glouglouter et à nouveau là où vous l’attendez le moins, et à emporter tous les barrages. La jeunesse s’accroche au bonheur comme à un droit inaliénable.

Henry David Thoreau
JOURNAL



Les membres d’une tribu autochtone qui refusent toute compensation et déclarent que les sépultures de leurs ancêtres qui seront bientôt inondées derrière un barrage sont d’une valeur « inestimable, incalculable » défient la logique de l’analyse coûts-bénéfices et celle-ci, en retour, n’en tient aucun compte.

James C. Scott
Petit éloge de l’anarchisme
p.206


Comment faire du théâtre documentaire un pur divertissement tout en y instruisant le public ? En prenant la route en Leaf avec Christine Beaulieu pour y sillonner les routes reculées d’un pays que tu découvres encore. Pour constater que notre indépendance face au pétrole, combinée à celle de l’électricité produite telle qu’elle est aujourd’hui,  n’était pas encore pour demain matin. Mais « si on s’y mettait », comme le chantait Ferland en 1971…

Gagner à naître, avoir faim d'exister
Prêcher le beau et se déshabiller
Perdre une guerre pour gagner bien d'autres choses
Oh! boy, le beau portrait...

1962
Parti Libéral du Québec

1971: Lancement du " projet du siècle "

Hydro-Québec donne le coup d'envoi à l'aménagement du complexe La Grande, à la Baie-James. Elle confie la gestion du projet à la Société d'énergie de la Baie James, qui deviendra par la suite une filiale à part entière de l'entreprise. Après la mise en service de la centrale Laforge-2 en 1996, La Grande demeurera longtemps le plus vaste complexe de production du monde.

The late René Lévesque dreamed of a 
state-owned electricity company.  
(ANTOINE DESILETS)  

Peut-être bien qu’on aurait jamais eu besoin d’inonder les territoires du Nord du Québec, là où la Terre-Mère s’éreinte à vouloir y conserver ses racines depuis des siècles…




Christine Beaulieu, en compagnie de ses deux Mathieu, Gosselin et Doyon, sous l'excellente mise en scène de Philippe Cyr, nous a offert une prestation des plus remarquables sur la scène du Théâtre de La Bordée le 1er décembre dernier. Avec fougue et fragilité, ses mots magnétiques, tirés d’entrevues qu’elle a menées de long en large, et de fond en comble, lors de sa traversée électrique du Québec, sont parvenus autant à nous émouvoir qu’à nous éclairer sur ce qui s’appelle l’avenir. 





Sa manière énergétique/poétique de nous adresser ainsi la parole a touché la majeure partie de nos 36 cordes sensibles pendant les quelques trois heures trente, qui ont passé tel un éclair de lucidité...


On reconnaît facilement l’âme des personnages, celle qui fait de ces hommes et de ces femmes qu’ils sont soit des êtres de résilience, de conciliation et de paix, ou au contraire, de combat, d’hostilité et même de violence. À cause de ce lien essentiel et particulier que les Québécois entretiennent avec cet important réseau qui, d’une façon ou d’une autre, les relie tous et toutes et un par un à lui, HYDRO se doit de renouveler son image de propreté et de confiance, surtout quand on lit des nouvelles de ce genre :

http://www.tvanouvelles.ca/2017/11/27/franco-fava-lhomme-de-780-millions

Heureusement qu'il y ait des publicités...de ce genre:

https://www.lesoleil.com/affaires/auto/ode-au-100--
electrique-ebb75b04a083410a817cd51cc72b550e

Parce que le passé, c’est dépassé. Et parce qu’il ne faudrait surtout pas revenir en arrière. Parce qu’il nous faut, dès MAINTENANT, passer à d’autres façons de faire pour réchauffer nos abris personnels et communautaires, pas encore anti-nucléaires. Parce qu’il faut AGIR au lieu de cogiter. Parce que 2020, c’est demain matin. Parce qu’être au courant de toute cette richesse naturelle, qui ne nous entoure pas toujours correctement, ne suffit plus. Parce que la vie ne tient pas qu’à un fil dans un poteau...
Un extrait pour vous convaincre d'aller voir ce documentaire 3D qui poursuivra sa tournée cet hiver...

  



En arrivant à la maison, tout comme Christine Beaulieu l’a fait après avoir décidé d’entamer ce projet qu’Annabelle Soutar lui a soumis: j’ai enfin visionné le fameux CHERCHER LE COURANT, documentaire de Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere, narré par le non moins connu Roy Dupuis, qui traite de cet acharnement du harnachement de nos grandioses et nourrissantes rivières. 


Et quelle ne fût pas ma surprise à 42 :25 minutes d’y reconnaître Martin Roy, un jeune homme qui a croisé mon chemin en 1978. Apprendre qu’il est devenu un ingénieur mécanique qui possède une firme spécialisée en développement durable et efficacité énergétique, ne me surprend guère. Et qu’il ait remporté l’un des prix les plus prestigieux dans ce domaine, non plus. On peut l'écouter en parler:

http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/643183/ingenieur-emerite-rive-nord

CHERCHER LE COURANT
(film entier)



HARNACHEMENT

Les rivières qui nous éclairent
Les lacs qui nous conquièrent
Le fleuve qui nage vers la mer
La crique qui s’éclate en terre

elquidam


LA CHANSON DU BARRAGE

Tenant en ses mains notre terre
Par des fils comme des pantins
Pareille à quelque magicien
Elle donne à l’homme la lumière (x2)


Christine Beaulieu a remporté hier le Prix Michel-Tremblay, remis par le centre des auteurs dramatiques, pour son texte J'AIME HYDRO ! Toutes nos félicitations !

Extrait du mot du jury...

« J'aime Hydro est une œuvre d'exception à plusieurs égards. Non seulement la démarche et le résultat mettent la barre haute en matière de théâtre documentaire au Québec, mais le texte en soi est captivant, instructif et émouvant. (...) Le personnage de Christine prend des allures de véritable héroïne moderne, complexe et en pleine transformation, sollicitant tour à tour notre sensibilité, notre intelligence, notre capacité et notre volonté de nous remettre en question, de nous mettre en action. Cette pièce nous a semblé être une nécessité dans le paysage québécois actuel: tous et toutes devraient la lire ou la voir, pour en tirer autant des bénéfices citoyens que des plaisirs artistiques. »

28 novembre 2017


Je vous le jure. Quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’Amour. Il n’y a plus que l’Amour. Tous les barrages craquent. C’est la noyade, l’immersion. L’Amour n’est pas un sentiment. C’est la substance même de la création. Je croyais jusqu’alors que l’Amour était reliance, qu’il nous reliait les uns aux autres. Mais cela va beaucoup plus loin! Nous n’avons pas à être reliés : nous sommes à l’intérieur les uns des autres.

Christiane Singer
Derniers fragments d’un long voyage
2007

CONDUIS-MOI


Je sais que l’amour est comme les barrages: si vous laissez une fissure par où puisse s’infiltrer un filet d’eau, peu à peu celui-ci ronge les murs, et il arrive un moment où personne ne peut plus contrôler la force du courant. Si les murs s’effondrent, l’amour s’empare en maître de tout; il n’y a plus à se demander ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, si l’on peut ou non garder à son côté l’être aimé…Aimer, c’est perdre le contrôle.

Paulo Coelho
Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j’ai pleuré

http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/810047/seisme-induits-barrage-reservoir-hydroelectrique-humains-tremblement-terre-hydro-quebec





Mon père, qui était l’un des 12012 à une certaine époque, a travaillé je ne sais plus combien exactement d’années pour Hydro-Québec, mais assez longtemps pour qu’il nous fasse manger au chaud tout en faisant partie du Choeur. Avec son inséparable trompette il exécutait même un numéro solo. C’était notre fierté dans la famille, autant Langlois que Charette. Il a conduit des camions pendant des années puis s’est dirigé vers le travail de représentant dans le secteur sud de Montréal. Il nous partageait ses rencontres avec les clients, ses bons coups et ses moyens tourments, les tempêtes de toutes sortes auxquelles il a du faire face, qu'au début des années soixante, il devait rédiger toute sa paperasse en anglais. C'était tout dire des "maîtres chez eux"...

Mon père: le 9e à partir de la gauche


Lors d’une journée d’octobre 1984, alors qu’il devenait de plus en plus angoissé, son cœur s’est soudainement coupé en deux. Un gros infarctus du myocarde est venu interrompre ses activités courantes dont celle du travail. Il n’avait que 52 ans et a dû retraiter avant le temps. Il en a donc profité pour réaliser ce qui lui tenait le plus à cœur : organiser un mariage pour sa fille, voyager en France avec ma mère, devenir grand-père pour la première fois, terminer la construction de sa maison, célébrer une dernière fois avec ses proches lors de l’inauguration de celle-ci, puis s’éteindre dans son lit le 20 septembre 1987. Voilà, à sa manière, il était enfin maître chez lui. Il a plus donné que reçu et c’est ce qui en a fait sa marque personnelle. Il écrivait, lui aussi, dans ses temps libres de bon père de famille...



J'ai beaucoup aimé le passage du spectacle lorsque Christine nous parle de son père, de ce voyage unique qu'ils ont fait ensemble dans le Nord. Parce qu'on se ressemble et que l'on se connaît tous et toutes au fond de nous, dans ce quelque part que l'on habite ENSEMBLE. Cette femme a su nous révéler à nous-mêmes et plus encore, et c'est probablement pour cette raison que J'AIME HYDRO atteint sa cible à tout coup: en plein dans l’œil du cœur...

Illustration: Mathilde Corbeil


Happy Xmas (War is over)
Le Choeur de l'Hydro


Laissez entrer le...
SOLAIRE !
Photo: L.Langlois


J’AIME HYDRO

ÉCRITURE ET RECHERCHE : Christine Beaulieu
DRAMATURGIE : Annabel Soutar
MISE EN SCÈNE : Philippe Cyr
INTERPRÉTATION : Christine Beaulieu + Mathieu Gosselin
CONCEPTION SONORE ET INTERPRÉTATION : Mathieu Doyon
ENVIRONNEMENT SONORE ET DIFFUSION AUDIO EN CONTINU : Frederic Auger ASSISTÉ DE : David Blouin 
ILLUSTRATIONS : Mathilde Corbeil 
VIDÉO : Gonzalo Soldi
LUMIÈRE : Erwann Bernard
SCÉNOGRAPHIE : Odile Gamache
COSTUMES : Julie Breton
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE et RÉGIE : Martine Richard et Mariflore Véronneau
AIDE À LA RECHERCHE : Jean-François Gélinas
DIRECTION TECHNIQUE : Normand Vincent
DIRECTION DE PRODUCTION : Merissa Tordjman
PRODUCTION EXÉCUTIVE : Joël Richard et Bernard Dubreuil
ET UN GRAND MERCI À : Guillaume Arsenault et Jimmy Lakatos
PHOTOS DU SPECTACLE: Pierre Antoine Lafon Simard et Sylvie-Ann Paré


Photo: L.Langlois
1er décembre 2017


L’œil du coeur

Reliance : féminin
Relation interpersonnelle, état de ce qui est relié, connecté.

Le concept a été proposé à l’origine par Roger Clausse (en 1963) pour indiquer un «  besoin psychosocial (d’information) : de reliance par rapport à l’isolement ». Il fut repris et réélaboré à la fin des années 1970 par Marcel Bolle de Bal, à partir d’une sociologie des médias. À la notion de connexions, la reliance va ajouter le sens, la finalité, l’insertion dans un système.
René Barbier
Flash existentiel et reliance




Ce même 1er décembre, SAPIENS, une brève histoire de l’Humanité, de l’historien et professeur d’histoire Yuval Noah Harari, a fait son entrée dans ma bibliothèque. C’est mon frère Martin qui m’a louangé l’ouvrage traduit en plus de 30 langues de cet auteur encensé par Mark Zuckerberg, Barack Obama et Bill Gates. J’ai lu le premier chapitre sur le site de la Librairie Pantoute et c’en était fait : il me le fallait à moi aussi ce bouquin. Et voilà ce que je lis sur la page web de René Barbier, le paragraphe « une inquiétante étrangeté » :

Le silence est un pieu plongé dans l’eau courante. Apprendre que l’eau existe dans ses miroitements incessants, dans sa fuite perpétuelle. Prendre conscience de son secret, qui est celui de tout être vivant, le sempiternel changement dans l’éternel instant. Ressentir la vie électroniquement : "C’est dans le domaine de la vie elle-même que l’électron intervient d’une manière décisive en sa qualité de constructeur, de rapporteur et de messager. C’est l’électron qui bâtit les créatures nouvelles à partir de leurs semences, et qui a fait évoluer les espèces vivantes vers l’homo sapiens. C’est l’électron qui permet aux êtres vivants de naître, de croître, de se nourrir, de se mouvoir, de penser, de faire usage de leur mémoire, de percevoir le monde extérieur et de réagir à toutes les actions des éléments qui constituent l’univers terrestre" .

Alfred Herremann
ingénieur en physique nucléaire


C’est quasiment les mêmes mots que Christine Beaulieu laissait s’échapper sur scène alors que s'achevait notre éminente rencontre. Il n’en fallait pas plus pour que je croie en cette reliance universelle de l’esprit humain, celui qui nous fait avancer ou reculer. Ce sera à nous de choisir notre camp. J’ai bien sûr poursuivi ma lecture de SAPIENS et après quatre passionnants chapitres, je peux dire que ça augure très bien pour la suite. J'espère qu'il en sera de même pour A., qui se l'est procuré lui aussi, en même temps que moi. On peut écouter le professeur Harari lors d’une captivante conférence TED à Londres :


***

AVANT LA PIÈCE


Une surprenante découverte chez MATERIA: Carole Baillargeon avec ses ÉPROUVÉS, ENDEUILLÉS et RÉSILIENTS. Fascinant ce que ces petites bêtes dégagent de leur emballage…Voir le site.


Également, Mireille Racine, qui confectionne des chapeaux aux allures extra-terrestres. De la poésie textile!




Et une rencontre de beau hasard au CROQUEMBOUCHE : la gentille Anissa, que je n’avais pas revue depuis belle lurette. Fraîchement mariée de la semaine dernière et en attendant son entrée à l’Université, elle travaille 40-45 heures par semaine dans cette boulangerie pâtisserie du quartier St-Roch. On s'est volé quelques minutes de notre temps pour prendre des nouvelles des membres de nos familles respectives. Tout va bien pour tout le monde. C’est ce qui compte. En nous quittant, elle nous a fait promettre de revenir dans ce lieu qui sent bon le pain et les viennoiseries. A. et moi avons goûté aux crêpes jambon, béchamel, champignons : un vrai délice ! Pour dessert : le Kouign-amann breton et la tartelette aux prunes, exquises saveurs que nous nous sommes partagées A. et moi avec quelques lampées d’allongé. Le sympathique chef propriétaire, Patrice Soulabaille, n’a pas manqué de me complimenter « la soie » qu’est Anissa. Nous y retournerons, c’est certain. Une fois EST coutume.

  


mardi 5 décembre 2017

TITUS : la malveillance à son meilleur


Photo: Philippe Jobin

"When will this fearful slumber have an end ?"


 TITUS ANDRONICUS

Nos filles et nos gars
Déguisés comme des rois
Violés, étêtés, alanguis
Avec ou sans cœur
Sans père ni mère
Soldats d’Orphelins
Désespérément furieux
Ceints d’ennemis
Abandonnés dans le lit

Frères d’armes Sœurs de sang
Enfants d’enfers mort-nés
Qui déterrent haches de guerre
En affûtant couteaux et pierres

Au milieu de la sécheresse des déserts
Où se collectionnent des mondes
Qui torturent à chaud les catacombes



TITUS ANDRONICUS II

Like un rôdeur dans les walking dead
Faisant avaler des Pogos de chairs rôties
Foutant la merde dans la gueule du Mal

Autour des lanceurs d’alertes maximales
Aux lents demains des sans mains ni langue
Avec les lances, les épées et les poignards
Les cris et le chant des tambours battants

Depuis la fureur des longues dictatures
Par l’élévation de l’ampleur des murs
Tous les crimes commis et châtiments
Devenus des farces plates sans attrape





TITUS ANDRONICUS III

Par le sang royal des sacrifiés de l’errance
En face d’un public conquis d’avance
C’est la Rome nouvelle en direct format 3D

C’est le cœur haché dans la main coupée
Par-delà l’abîme du temps et de la mort
Produit d’humanité brute, banalité du mal

Et pour la suite du monde :
VENGEANCE, MEURTRE et VIOL
Porteurs de bouquets empoisonnés

Shakespeare was not in love




Il n’est pas nécessaire d’établir un complot en bonne et due forme pour obtenir les effets pratiques d’un complot. Plus de régimes ont été forcés à capituler, petit à petit, parce que l’on a appelé la « démocratie irlandaise », soit la résistance silencieuse et obstinée, la défection et la férocité de millions de personnes ordinaires, que par des avant-gardes révolutionnaires ou des foules en émeute.

James C Scott
Petit éloge de l’anarchisme
p. 52

L’émeute est le langage de ceux que l’on n’écoute pas.

Martin Luther King


" I will be as harsh as truth and as uncompromising as justice. On this subject, I do not wish to think, or speak, or write with moderation. I am earnest. I will not equivocate, I will not excuse, I will not retreat a single inch, and I will be heard. "

William Lloyd Garrison *




* L’œuvre de Garrison est rapidement tombée dans l'oubli, même si de son vivant Abraham Lincoln, Victor Hugo et John Stuart Mill en ont fait l'éloge, Henry David Thoreau s'en est inspiré, et que, par la suite, Léon Tolstoï la situait en lien direct avec sa philosophie chrétienne, qu'elle donnait une impulsion à certains des premiers mouvements pour les droits des femmes, et que Martin Luther King en a été non seulement le continuateur mais en fait l'imitateur, en joignant l'agitation politique à la « vision » d'un idéal moral.



Pour faire écho à la chanson A MORE PERFECT UNION des TITUS ANDRONICUS, que j'ai découvert tout à fait par hasard en tapant Titus dans YouTube, je tombe sur une citation de William Lloyd Garrison, qui me renvoie à wikipedia (que ferait-on sans lui ?) et j'apprends que Henry David Thoreau, Léon Tolstoï et Martin Luther King ont été inspirés par son "idéal moral". Autre hasard: j'avais choisi les citations de King et Tolstoï dans le PETIT ÉLOGE DE L'ANARCHISME de James C Scott, que l'excellent libraire Christian Girard m'avait suggéré il y a quelques années. Quant à celle de Thoreau, elle provient de LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE, essai émanant de son emprisonnement en 1846 pour refus d'avoir payé ses impôts, geste de protestation contre l'esclavagisme.Disons que ces lectures ont de quoi inspirer quelques Écornifleuses...en quête d'une liberté vraie... 


Il ne pourra y avoir d’État réellement libre et éclairé que lorsque l’État reconnaîtra l’individu comme une puissance supérieure et indépendante, d’où dérivent intégralement ses propres puissance et autorité, et qu’il le traitera conformément à ce statut.

Henry David Thoreau
La désobéissance civile








LES ÉCORNIFLEUSES : LA QUÊTE D’UNE LIBERTÉ VRAIE.

Pour expirer le sale, le faux et la méchante boule dans la gorge…
J’en ai contre le système qui préfère l’accumulation à la profondeur. J’en ai contre l’Étau qui se resserre, contre nos institutions qui n’ont pas de vision, j’en ai contre l’asphyxie qui est partout. Je manque d’air, je manque d’oxygène, je manque de temps, je manque de joie, de foi.

Édith Patenaude in le programme 

LANTISS, Université Laval
Photo: L.Langlois
Nous serons toujours au poste pour voir du théâtre qui ose, surtout celui des Écornifleuses. Le 28 novembre dernier, nous avons encore une fois été servis comme des rois et des reines. Peut-être un peu mêlés au premier tiers par tous ces rôles défendus avec justesse et caractère. Il suffisait d’être à l’affût des complots. Déplacés au Pavillon Louis-Joseph Casault de l’Université Laval pour cause de délai prolongé aux rénovations du Périscope, j’ai bien apprécié le fait de me retrouver en terrain inconnu pour assister à cette cérémonie théâtrale d’une envergure phénoménale. La beauté de toute cette intensité déployée, à majorité féminine, a provoqué des instants dont nous ne sommes pas prêts d’en oublier l’horreur et la cruauté. 

Photos: Charles Fleury et Érick Labbé

Shakespeare l’a écrit ainsi et on l’a joué comme ça: Huit filles en garçons, deux hommes en femmes, aucun transgenre, pas encore du moins mais ça viendra sûrement un soir, je n’en doute plus un seul instant. Ils et elles nous ont transportés sur les pierres magiques d’une épopée foudroyante où le gargantuesque côtoyait quotidiennement la folie des hommes. Toutes ces machinations antiques, qui ont fait tant de mal à ceux et celles qui en subissaient les coups et contrecoups, ont prouvé aux pauvres humains que nous sommes devenus que c’est encore loin d’être terminé. Malgré toutes les atrocités que la guerre et les conflits divers font apparaître dans les villes, déserts et forêts de notre monde technologique, nous apprenons        L   E    N    T   E     M    E         N            T               les leçons des ANDRONICUS, SATURNINUS et autres tyrans de ce monde de connectés permanents. Un monde fait sur mesure pour la vitesse et qui fait parfois malheureusement de certains d'entre nous leurs indignes descendants. 
Toute la clarté de la lumière faite sur mesure pour cette histoire outrageusement nécessaire aura comblé mes attentes et j’espère aussi les vôtres. Nous ne mangerons peut-être plus jamais de POGOS pour le restant de nos jours (et ça ne sera sûrement pas dommage), nous préférerons davantage les shish taouk de Bachir et les délices d’Ariana. Bravo aux comédien(ne) s et aux artisan(e)s qui ont élaboré ce spectacle tant attendu par les amateurs du grand Will. Des femmes et des hommes qui se sont donnés corps et âmes devant nos yeux ébahis et quelque peu voyeurs en ces instants d’infamie suprême.
Une excellente critique:




L’autonomie et la liberté sont, au même titre que l’entraide, 
au cœur de la sensibilité anarchiste.

James C Scott
Petit éloge de l’anarchisme
p. 148

TITUS 
VALÉRIE MARQUIS : SATURNINUS, empereur
MYKALLE BIELINSKI : BASSIANUS, frère cadet de Saturninus
JOANIE LEHOUX : TITUS ANDRONICUS, général romain notoire
MARIE-HÉLÈNE LALANDE : MARCUS, frère de Titus
MARIE-HÉLÈNE GENDREAU : LUCIUS, fils aîné de Titus
ANGLESH MAJOR : LAVINIA, fille de Titus, fiancée de Bassianus
GUILLAUME PERREAULT : TAMORA, reine des Goths puis impératrice
DOMINIQUE LECLERC : AARON, Maure, amant de Tamora
CAROLINE BOUCHER-BOUDREAU : CHIRON, fils cadet de Tamora
VÉRONIQUE CÔTÉ : DÉMÉTRIUS, fils benjamin de Tamora


TEXTE : William Shakespeare
MISE EN SCÈNE et ADAPTATION: Édith Patenaude
APPUI DRAMATURGIQUE : Joanie Lehoux
CONSULTANT À LA DRAMATURGIE SCÉNIQUE : Patrice Charbonneau-Brunelle
TRADUCTION : André Markowicz
MUSIQUE : Mykalle Bielinski
STYLISME : Noémie O’Farrell
ASSISTANTE AUX COSTUMES : Gabrielle Doucet
LUMIÈRES : Jean-François Labbé
DIRECTION TECHNIQUE et RÉGIE : Marylise Gagnon
COMPAGNIE : Les Écornifleuses

TEXTE ENTIER



Plonger toute la place dans l'obscurité 
(rayée par des traits de lumière spectaculaires 
à travers les trous dans le matériau) 
corrigera ce déséquilibre.

(extrait d'un article sur un autre TITUS)

ET DANS TES PROFONDEURS 
ENFERME UN TRAÎTRE 

Un autre TITUS, celui d'Amadeus...


***

AVANT-MATCH

Arrêt à la librairie La Liberté dans la Pyramide: ORGASME À MOSCOU d’Edgar Hilsenrath pour moi et LE POIDS DE LA NEIGE de Christian Guay-Poliquin pour A. Guay-Poliquin, qui s’est vu mériter le prix du Gouverneur Général la semaine dernière dans la catégorie roman l’a ainsi remporté sur LE PLONGEUR de Stéphane Larue. Dommage pour le HellRider, mais on ne peut pas toujours gagner n’est-ce pas ? Ensuite, un souper au Shish Kebab express pour une longue conversation avec A. Du bon bla-bla-bla comme il faut s’en permettre une fois de temps en temps, pour y broyer les petits os fatigants du quotidien pognés dans la moulinette du bonheur. Ça fait donc du bien.




APRÈS-MATCH

La joyeuse rencontre dans l'escalier sans marche avec le beau et si aimable Philippe Durocher, qui est en train de nous concocter le 4e BEU-BYE. On a très hâte au 21 décembre. Et puis, l’achat d’un pot de préparation pour biscuits aux canneberges et chocolat des Écornifleuses, ceci afin de contribuer à leur prestigieuse compagnie qui fête ses 10 ans d’existence. C'est modeste comme montant mais c'est de bon coeur. Et surtout, longue vie à vous mesdames, je vous aime…


Photos: L.Langlois

Ce sont les savants qui écrivent l'histoire ; aussi leur est-il naturel et agréable de croire que l’activité de leur corporation anime le mouvement de l’humanité entière.

Léon Tolstoï
GUERRE ET PAIX

Les rêves petits-bourgeois contrariés sont habituellement l’étincelle initiale de l’agitation révolutionnaire.

James C Scott
Petit éloge de l’anarchisme
p. 156
TITUS 1999
(le film complet dans la langue de Shakespeare)


un peu de littérature

le nom de Shakespeare a été utilisé à tort et à travers
par les Anglais
les Américains et les Arméniens
mais ils n’ont rien compris à Shakespeare.
moi seul ai su le comprendre.
je ne dis pas cela pour me vanter
me prendre pour un autre.
se prendre pour un autre est très facile
à la portée de tous.
je dis ça parce que ça m’énerve
que tout le monde aime Shakespeare
ou Cervantès
ou Rabelais
alors que personne ne les lit
vraiment.

lors de soirées littéraires ils s’exclament :
-ah! Hamlet! Ah! Don Quichotte! Ah! Gargantua!
mais ce sont
de fieffés menteurs.
ils ont lu vingt pages de chacun de ces livres et
se sont endormis dessus.

ce que racontent ces auteurs a si peu d’importance :
ils avaient du style
et de l’humour.
si on parle encore d’eux c’est grâce à ça
ce que pas grand monde ne semble comprendre.
le style est intuitif et
instinctif et
ne s’apprend pas à l’école.

on dit que les mouettes passent leur temps
à nous chier sur la tête mais
qui peut avouer s’être fait chier sur la tête
par une mouette ?
cela sonne un peu métaphorique mais ainsi sont les stylistes
extrêmement rares.

j’avoue que j’aimerais devenir un bon styliste mais je ne déjeune plus.
je me lève très tard et mon premier repas est souvent composé
de viande hachée et de cornichons marinés.

c’était de l’humour.
voilà pour Shakespeare
donc

Patrick Brisebois
CARCASSES AU CRÉPUSCULE


Patrick Brisebois, 
éternel jeuneauteur