mardi 29 novembre 2011

L'ABSENCE DE GUERRE: Les eux brouillés

Photo: www.productionmyarts.com







Romancier,(Steven le Hérault) essayiste (Docteur Ferron) et auteur de téléromans (Race de Monde et l’Héritage), pourquoi Victor-Lévy Beaulieu écrit-il pour le théâtre ? Il répond: - Parce qu’il n’y a que le théâtre qui permette l’inscription de tous les signes dans le sang chaud de la création. Il y a les mots, les comédiens, le metteur en scène, le décorateur, le costumier, l’éclairagiste et le spectateur. Ils sont là en même temps, ce qui est unique dans la création. Et parce qu’ils sont tous là en même temps, ils redonnent au mot SOCIÉTÉ la pleineté de son sens.


Victor-Lévy Beaulieu
2ème de couverture de LA MAISON CASSÉE


David Hare on inspiration & theatre




XVI a)


Serions-nous par un impur hasard que protubérances attirées par un GEL permanent ? Un GEL dit membre haut quand le lucre du jour est un GOUROU du zèle apparemment ?//Héritiers programmés du souffle errant d'un 11 novembre éternel ?// Légataires universels d'un gouffre monétaire ?//Celui d'un 25 décembre D É M E N T I E L ?

LE SEUIL


La fenêtre:

Que notre théâtre tire toujours ses racines du monde. Qu’il aille de l’individu à l’humanité et qu’ainsi il agisse, défonce, affronte. Qu’il ne soit pas que divertissement.

Extrait de la démarche artistique des ÉCORNIFLEUSES 




Après toutes les critiques dithyrambiques des différents médias que j’ai pu lire, voir et entendre depuis trois semaines sur L’ABSENCE DE GUERRE, qu’est-ce qu’il pourrait bien me rester à écrire sur ce qui a probablement déjà été dit et écrit ? ...


...qu’Édith Patenaude, avec son brillant et généreux dynamisme doublé d'une audace providentielle, m’a littéralement transportée entre les murs poreux de la politique, autant de ses joies que de ses désarrois…que Normand Bissonnette, Jean-Michel Déry et Jean-René Moisan, avec leur souffle inégalé m’ont complètement....soufflée…que la lumière crue/ténébreuse des lieux était plus que parfaite, qu’elle faisait corps à corps avec l'ambiance sonore, que cet amalgame d'accessoires accentuait le verbe, le chaos, la bataille, le jeu…Et quel jeu !



Courtoisie Premier Acte

Deux heures quarante qui ont eu l’air de passer comme un pet de l’armée de l'air dans un ciel de coquelicots sanglants…L’intensité avec laquelle les comédiens ont joué a donné l'impression qu'ils ne jouaient pas vraiment mais déjouaient…le temps...de nous le dire... L’INSCRIPTION DE TOUS LES SIGNES, comme l’écrit plus haut Victor-Lévy Beaulieu, oui, et comment ! Édith Patenaude, superbe Écornifleuse, donne autant à la mise en scène que lorsqu'elle joue.



Je me souviens d'elle, c'était en juin (puis en septembre dernier), elle était à pied d'oeuvre dans un autre registre, celui d'IMAGINATION DU MONDE. Osé n'est probablement pas le qualificatif exact qui convient, comme les autres qui suivront, mais disons que la voix de l’Urd Théâtre est certes l'une des plus élevée comme des plus grave, un ton que mes sens ont eu, et auront encore je l'espère bien, à expérimenter. La jeune metteure en scène s’investit à fond, ne semble rien prendre à la légère; elle progresse et s'affirme, un peu comme son public. Elle ira là où ses muses l'interpellent...


D’avoir été assise dans la première rangée du petit grand théâtre de chez Premier Acte, m’aura valu des treize comédiens, qui composaient cette équipe de rêve, quelques regards on ne peut plus pétillants, orageux, ambitieux, ténébreux, éclatants. Nous n’avons pas eu l’impression que nous étions que de simples amateurs de théâtre ce jeudi dernier mais de véritables spectateurs, acteurs sur les bords, surtout lorsque nous nous sommes levés tous ensemble pour respecter la minute de silence du 11 du 11 à 11:11…Un moment franchement émouvant. Quelque chose qui me donne encore la chair d'une poule...pas de tête...



Dans les coulisses de la gang du bon et attendrissant humain qu'est le chef de l'opposition George Jones, tout était parfait, ou presque. Parce que tout y était avec ces petits riens, détails intelligents et inventifs d'une scénographie dépouillée et symbolique: de la cigarette en feu aux habits gris des jeunes loups, des cafés chauds servis au public à l'entracte aux œufs brouillés à la sauce Chili, des dossiers en dés-ordre d’hier aux journaux salissants du jour, des cellulaires sonnants à l’écran géant, du Jack Robitaille premier ministre aux anges déchus de la crème anglaise…



En ces années de turbulence mondiale, où l’on ne sait plus trop si l’Euro-(pe) existera encore à Noël prochain, en ces jours gris corrompu qui précèdent la partielle de la bonne aventure, où l'on ne sait plus trop pour quel quidam voter, d’avoir pris quelques deux heures quarante de notre temps (si (peu) précieux) pour assister dans un petit théâtre rempli à ras bord à ce ballet d’émotions denses, aura valu toutes les peines que ce monde aura à subir dans les jours qui viendront...après les élections. Et peu importe le reste, l’Histoire nous le fera bien sentir et savoir…un jour ou l’autre…


Photo: L.Langlois


En ce beau jour triste doux de la fin novembre 2011, A. et moi, se promenant lentement dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, là où y habitent sans doute quelques uns des jeunes comédiens que nous aimons applaudir ici et là, dans la Cité... le quartier Saint-Jean-Baptiste, là où nous avions fait plus tôt la connaissance de l’une des trois tours Martello restantes *, la numéro 4, celle qui se trouve sur la rue Lavigueur, celle qui, au contraire des deux autres érigées sur les Plaines, n'est plus ouverte au public. On ne pouvait pas mieux tomber. Tout comme les briques rouges de cette façade de maison que des hommes laissaient tomber dans le conteneur à déchets. Une belle préparation mentale pour la pièce de résistance à laquelle nous devions nous attabler, ou plutôt nous attaquer, quelques heures plus tard ce, après avoir avalé goulûment la succulente poutine tunisienne du Frites alors! de la rue Crémazie O. puis le velouté chocolat chaud des Halles du Petit Quartier...Faut bien se mettre un peu de gras sur les os, c'est que c'est bel et bien l'hiver qui est à nos portes...



L'ABSENCE DE GUERRE, une pièce idéale pour clôturer la première moitié de saison. Il y aura donc entracte théâtrale jusqu'au 10 janvier. La seconde période commencera à la Salle Multi du Complexe Méduse, ce sera au tour de SEPSIS, du Théâtre Péril de Christian Lapointe de nous convoquer à une autre de ses grand-messe aux CENT paroles. Y seront présents Sylvio Arriola, Rachel Graton, Jocelyn Pelletier, Eric Robidoux, Israël Gamache et Joanie Lehoux, ces deux derniers se relèveront du succès mérité de L'ABSENCE DE GUERRE.


LA PRESTIGIEUSE DISTRIBUTION

MARC AUGER (renifleux par excellence des pets secs de la numéro 2) VINCENT CHAMPOUX (cameraman délirant) JEAN-MICHEL DÉRY (beautiful & so serious Oliver) GABRIEL FOURNIER (impénétrable garde du corps) LAURIE-ÈVE GAGNON (éblouissante Lindsay) ISRAËL GAMACHE (marvelous Andrew) CATHERINE HUGHES (élégante aux superbes yeux) MARIE-HÉLÈNE LALANDE (Jane wonderfullwoman number 2) JOANIE LEHOUX (flamboyante Mary) JEAN-RENÉ MOISAN (époustouflant Linus Frank) JESSICA RUEL-THÉRIAULT (la femme discrète aux milles visages) CLAUDIANE RUELLAND (la «Y est midi moins quart et la femme de ménage est là pis a fait rien qu'compter les naufrages ») NORMAND BISSONNETTE (LE seul et unique, et si sublime, George Jones) JACK ROBITAILLE (premier ministre entre les entrailles des médias))

PRODUCTION: LES ÉCORNIFLEUSES
TEXTE: David Hare
TRADUCTION: Daniel Benoin
MISE EN SCÈNE: Édith Patenaude
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE: Caroline Boucher-Boudreau
ÉCLAIRAGES: Jean-François Labbé
SCÉNOGRAPHIE: Gabrielle Arseneault
ENVIRONNEMENT SONORE: Mathieu Campagna







samedi 19 novembre 2011

LAURIER-STATION-1000 RÉPLIQUES POUR DIRE JE T'AIME: Décortication à la courtepointe des couteaux






Les couteaux ont une lame et surtout un manche,
afin qu'on puisse les utiliser sans risque.

Isaac Asimov



 
QUELQUE FOIS SI DRÔLES
…OUI, SI DRÔLES…
QUELQUES FOIS SI SEULES,
PARFOIS, ELLES LE VEULENT
OUI, MAIS SI SEULES…
VOUS ÊTES MA MÈRE
JE VOUS RESSEMBLE
FEMMES, JE VOUS AIME



Pour la mémoire de Lili Boisjoli:

DAME DE CŒUR





Au Trident, la semaine dernière, Médée poignardait ses deux fils, et jeudi soir passé, au Périscope, une mère battait sa fille. LAURIER-STATION, 1000 répliques pour dire je t’aime, d'Isabelle Hubert, a rempli sa mission: en piquant de son mouvement libre les cœurs ici présents, l'auteure a fait éclater la petite bulle qui contient les perles de sa broderie...parce que chaque courtepointe porte la marque spécifique de son créateur*.


Nous étions tous et toutes là, ensemble et séparément, à se faire raconter cette histoire d’entre les femmes. Au beau milieu d’Elles, Martin, le seul homme de la troupe, celui-là par qui la bonté est née, touchant et beau Nicolas Létourneau. Avec un humour nuancé, il reliait faits et gestes de ce soir de tempête de neige en mai.


La mise en scène de Jean-Sébastien Ouellette, créée par cet ostensible réalisme, " obsédé modifié " (et pratiquement non subventionnée) fait observer autant les petits coups de couteaux plantés dans le large dos des femmes (des couteaux qui ne volaient pas si bas que ça quand même), que les légers coups de pinceaux sur la toile d'un quotidien bien senti: répliques tendres, secousses dures, passion, misère, doutes, espoirs. Les divers accessoires, cadeaux de deuil frais légués pour la postérité de l'âme (courtepointe (invisible), carrousel de diapositives, lettre d'adieu, souliers jaunes, boîte de carton) n'apparaissent nullement comme du simple matériel de marché aux puces à liquider mais comme les souvenirs physiques de l'être cher...qui doivent bien finir par devoir servir à quelque chose…un jour…


[J’ignore encore pourquoi la chanson FEMMES, JE VOUS AIME m’est venue en tête après la représentation, alors que je marchais dans l'air du retour à la maison. Peut-être à cause de la belle tourmente de l’adolescence, celle où avec mes petites cousines maternelles j’écoutais inlassablement les albums d’un jeune et beau chanteur français aux cheveux bouclés qui nous aura fait passer directement de nos quatorze/quinze ans à nos cinquante et quelques]…[ou peut-être simplement à cause de toutes ces femmes que j'ai reconnues dans LAURIER-STATION...]

Aujourd’hui, ce soir, dans les bras chauds et réconfortants des anciennes plages de vinyle noir (via YouTube) je me dis que ce n’est pas par hasard SI j’apprends que la chanteuse Joni Mitchell a retrouvé sa fille, une enfant qu’elle avait aban-donnée en adoption alors qu’elle n’avait que 19 ans. Étant raide pauvre et encore qu'une illustre inconnue, elle avait préféré la confier à une autre famille que la sienne. J'ai bien sûr pensé à Cassidy...Je me suis dit: qui ne connaît pas une fille qui décide un jour que la vie ne peut pas essentiellement ressembler à celle que sa mère a vécue ?


Cette trame de désespoir dans le chant bruyant de la balayeuse de sweet Cassidy, prenante Krystel Descary ...Cassidy, avec tous ses secrets, ses silences...et ses longs cheveux...avec son mal au ventre, sa bière aux lèvres, son corps au frette…un body pas tout à fait comme celui de sa mère, Carolanne, beautiful et exubérante Joëlle Bond...Carolanne, qui l’a mise au monde lorsqu'elle n'avait que seize ans...Carolanne avec son petit violon bien ajusté dans ses pantalons de strech…Parce qu’il y a eu des rires à travers toute souffrance, parce qu’il faut bien survivre à ses blessures…

QUELQUES FOIS
SI DURES
QUE CHAQUE BLESSURE
LONGTEMPS ME DURE
LONGTEMPS ME DURE


De l’air dans les poumons
Du sang sur les tampons
Du sucre pour les cafés fades
Du sel entre les larmes séchées
Des fleurs sous la neige de mai


...Every breathe you take







Toute éparpillée, tantôt forte, tantôt déstabilisée, occupée à combattre tous ses dons de perfection, la Anne-Sophie de Véronique Côté: tout simplement belle comme une fleur…imparfaite. Avec la Nathalie de Sophie Dion, rebelle et fougueuse Scarlet, elles forment un duo d’enfer (et de paradis) de sœurs dépareillées. Une connivence faite de rivalité et de soutien, qui nous fait penser à toutes ces petites chicanes entre amies. De la réalité connectée directe au quotidien. Du franc-parler. Du direct dans le cœur...


DÉCORTICATION

 

Des ondes humaines pour les chambres de motel de région
Des fleurs projetées sur les tapisseries de banlieues beiges
De la bière, des hommes, du hockey,
et du fun au noir
dans la misère...à boire

Des téléromans pour femmes à mères…
Des réseaux sociaux pour petites araignées,
qui tissent parfois trop vite leurs fils de virtualité…

De la télépathie dans les cellulaires
Des appels d'urgence non retournés
De l’angoisse à la pelletée
Des amis pas encore retrouvés…

Parfois, c’est just too late


Mais des fois, c’est just too much update
Et parfois, c’est pas mal outside
Et des fois, c’est pas toujours inside

Mais une fille,
(dans la chambre du boutte)
attend fin seule
que le vert du printemps
lui peinture sa vie en blanc...



COMPAGNIE DRAMATIQUE DU QUÉBEC


Texte: Isabelle Hubert
Mise en scène: Jean-Sébastien Ouellette
Assistance à la mise en scène, régie
et direction de production: France Deslauriers
Décor et accessoires: Vano Hotton
Costumes: Jennifer Tremblay
Éclairages: Caroline Ross
Musique: Andrée Bilodeau et Patrick Ouellet
Conception vidéo, tournage et montage: Marilyn Laflamme
Animation vidéo: Frédéric Lacroix
Graphisme: Elena Fragrasso
Direction administrative: L'ANNEXE
Construction des décors: Hugues Bernatchez

* L'encyclopédie canadienne


Photo et montage: L.Langlois


dimanche 13 novembre 2011

LA MÉDÉE D'EURIPIDE: au coeur du noeud de l'Étrangère

Deux fils
Photo:l.l.



JASON


Tu en conviendrais si tu n'étais pas aussi obsédée par les coucheries. Vous autres, les femmes, vous estimez que tout va bien tant que vous avez votre homme entre les jambes. Qu'il vous échappe et c'est la guerre !

LA MÉDÉE D'EURIPIDE
Marie Cardinal

MÉDÉE

Amies, mon acte est décidé: le plus vite possible je tuerai mes fils et m'enfuirai loin de ce pays pour ne pas, par mes lenteurs, exposer mes enfants à périr par une main plus hostile. Il faut absolument qu'ils meurent. Puisqu'il le faut, c'est moi qui les tuerai, qui les ai mis au monde. Allons! arme-toi, mon coeur! Que tardons-nous ? Reculer devant ces maux terribles, mais nécessaires! Va, ô malheureuse main, prends un glaive, prends; marche vers la barrière d'une vie de chagrins. Ne sois pas lâche. Ne te souviens pas de tes enfants, que tu les adores, que tu les as mis au monde. Allons! pour cette journée du moins, oublie tes fils : après, gémis! Car si tu les tues, pourtant ils t'étaient chers; et je serai, moi, une femme infortunée! (Elle rentre dans le palais.)



Henri Berguin
MÉDÉE
Garnier
Εὐριπίδης
Μήδεια



Dans la mythologie grecque Merméros et Phérès sont les fils de Jason et de Médée. Ils furent tués encore enfant, soit par leur mère Médée, qui voulait ainsi se venger de l'infidélité de Jason avec Glaucé (la fille de Créon, roi de Corinthe), soit par les Corinthiens eux-mêmes, qui les massacrèrent en représaille (Médée ayant tué Glaucé et sa famille).
(wikipedia) 

Au sein nu du choeur des femmes amies
 Festin de mains et de larmes à mères
Poison d’or sur corps d'entre-déchirés
Silence d’argent d'armes tranchantes
Meurtres dans l’œuf des vies nouvelles



En grec, analogia signifie proportion. Le terme désigne une similitude entre des choses ou des idées de nature différente. Une analogie est une ressemblance.


***

Trois jours plus tard, je suis encore sous le choc brutal de la finale poignante de LA MÉDÉE D'EURIPIDE. Les mots n’apparaissent pas toujours aussi facilement sur mon écran que je le voudrais, mais doivent-ils toujours être aussi apparents pour décrire l’Innommable ? La Médée d'Euripide, surtout celle de Linda Laplante, tragédienne d'exception de la Cité, a en-chanté, avec toute la passion et le talent qui l’habite, une autre de ces histoires de femme trompée qui n’en finissent jamais avec leur vérité et…celle de leurs maris...

Non, pas vraiment encore réellement descendue de cette scène dans laquelle Médée chante avec douleur la perte anticipée de ses deux fils. J'y ai vu là le nœud de la pièce, le nœud découlant du sein de la sainte-maternité, l'objet d'un grand amour bien identifié. À ce moment précis, on pouvait entendre se couper les souffles courts d’un public hypnotisé. Non, on ne peut pas ne pas avoir eu une ou plusieurs pensées à l’endroit de ce père qui, il y aura bientôt trois ans, sous l’emprise dont ne sait trop quelle folie meurtrière, a exécuté, de sang froid à chaud, ses deux blondes progénitures, que certains ont comparé à de petits anges. Non, on n'a pas pu ne pas y penser. Impossible. Beaucoup trop de ressemblance avec l’histoire de la Médée d’Euripide...

" Quand le pire est trop grand, il finit par occuper tant d'espace qu'on n'a plus la place pour réfléchir. " [...]

Comme nous l'a rappelé récemment le dramaturge Wajdi Mouawad, les Grecs de l'Antiquité écrivaient des tragédies pour tenter d'organiser leurs pensées face à la souffrance. Ils ont aussi construit toute une mythologie d'une complexité pratiquement aussi riche que la nature humaine. Et ces mythes comptaient parmi leurs héros le personnage de Médée, une mère qui tue ses enfants pour attaquer en fait leur père, Jason, l'homme de sa vie, qui l'a répudiée pour une autre.[...]

Suis-je la seule à trouver que Médée était un peu là, sous la neige, par ce jour affreux de février?

Marie-Claude Lortie
La Presse
21 avril 2011
extrait de MÉDÉE ET PIEDMONT


Hugues Frenette, en Jason, mari éploré par le dénouement tragique de son histoire avec Médée, aura tout de même procuré quelques rires, discrets cependant, à son audience muette. Et comme toujours, via sa voix touchante de survivant, a rendu son interprétation dans toutes ses grosseurs. Il était accompagné par une distribution des plus distinguées:

Lise Castonguay Précepteur
Denise Verville Nourrice
Gill Champagne Égée
Richard Thériault Créon
Véronique Daudelin Coryphée
Guylaine Jacob Choeur
Danielle Le Saux-Farmer Choeur
Noémie O’Farrell Choeur



La mise en scène a été confiée au Bolivien Diego Aramburo, celui-là même qui avait magistralement orchestré le splendide MACBETT joué au Trident en novembre 2009. Une fois de plus, il aura greffé à la chair fraîche de ses brillant (e) s interprètes les gestes qui font variablement danser les mots de feu sacré, récités en espagnol par l'Étrangère, et chuchoter ceux plus poétiques par le Choeur des cordes raides de la voix féminine de toutes ces histoires mythiques de rois, magiciens et déesses. Des histoires qui vous apprennent par choeur que ce qui vous tracassait autrefois ressemble drôlement, ou tragiquement, à ce qui vous casse encore la tête...actuellement.

Après tous ces siècles des siècles de lumières et de couleurs, les coeurs fendus en deux des mères enrobées d'amour/haine n'auront d'aucune manière véritablement changé: durement perforés par l'abandon des leurs ou la misère des autres, capables et incapables de percer le mystère de la chair de leur chair avec les armes blanches de la fuite...

Jean Hazel, guide-scénographe de cette pièce indémodable, du dessous de ses piliers millénaires au piédestal du rideau de sang, aura fait brillamment parler le bruit des murs sans cloisons; pendant près d'une heure trente de lente douleur éclairée à la lueur du drame des drames, il aura fait se téléporter l'an 431 de Corinthe directement dans celui de Québec 2011. Les éclairages, sobrement éclatants, création de Denis Guérette, enveloppés par l'ambiance sonore de David Arze, ajoutèrent à la profondeur du chant émouvant des femmes amies, faisant frissonner les superbes costumes de Maude Audet, dont cette robe de rigueur et d'ombres...

Il n’y a pas plus beau présent que celui de l'affolant, affriolant ou reposant génie des artisans de théâtre qui confectionnent, soir après soir, pour un public, averti ou non, des moments uniques, empreints de la grâce des éternels retours...

LA MÉDÉE DE PASOLINI



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