vendredi 31 mai 2013

LES ENROBANTES cabaret décolleté pour psychanalyste plongeant: Plus que ÇA, c'est l'euphorie dans la civilisation


Le divan de Freud


De ses expériences sur lui-même, Freud met en avant la bonne humeur, l’euphorie persistante qui ne diffère en rien de l’euphorie normale chez les gens biens portants… « Vous constatez une augmentation de contrôle de vous-même, une vitalité et une puissance de travail accrues…Autrement dit, vous êtes tout simplement normal, et aurez bientôt peine à croire qu’il s’agit de l’action d’une drogue ».


La différence entre une canne de pois et un aquarium ?
Dans la canne les pois sont verts 
dans l’aquarium les poissons rouges…

Pupulus Mordicus
Les Enrobantes




Carl Gustav Jung, illustration from The Red Book.
© Foundation of the works of C.G. Jung.
Reprinted with permission of the publisher,
W.W. Norton & Company, 2009.




COKAÏNE : trouver qq chose pour l’inflammation de l’âme ou pour l'inflation des portefeuilles. (l.l.)

Photo: L.L.




LES ENROBANTES

La joie de satisfaire un instinct resté sauvage est incomparablement plus intense que celle d'assouvir un instinct dompté. 
Sigmund Freud
Extrait du Malaise dans la civilisation


Géant du siècle

1856-1939



Freud qui pense à son petit oiseau qui ne bat plus très fort de l'aile, qui se poudre le nez pour maquiller son malaise, Martha, sa femme, qui fait tout pour qu'il reprenne son envol, Lola, la prostituée, devant laquelle il se révèle mortellement atteint d'humanité. On sourit, on réfléchit, on rit, on pense...

Lorsqu'on embarque dans le train-train théâtral du Pupulus Mordicus on y entreprend un voyage qui nous mène aux confins de l’imaginaire, un trip festif en même temps qu’instructif si je puis m’exprimer ainsi. Avec SA voix singulière, il nous fait des mains (et des pieds) pour que l'on assiste à quelque chose de plus grand que nature. Dans LES ENROBANTES, CABARET DÉCOLLETÉ POUR PSYCHANALYSTE PLONGEANT, nous nous sommes donc retrouvés en une charmante, et non moins pré-occupante cohorte d’acteurs qui traite la psychanalyse comme un véritable entertainment.
Freud, Jung, Klein, les psy, avec le fou, le rabbin et les nazis, plus Lola, Martha, Madame Guste, sortis tout droit (ou tout croche) du cadre rigide de l’avant-guerre, flottants sous des nuées de poudre envoûtante, saoulés des effluves sulfureuses du cabaret, venus enchanter le paysage du Trident sur et sous la ligne du Temps. Magiciens, chanteurs, musiciens, tous ces beaux grands manipulateurs de l’époque qui divertissaient le peuple, ont permis à des gens comme vous et moi de rêver pendant un moment à ce qui reste de beauté et de naïveté dans ce monde délinquant quand il fait sonner les clairons annonciateurs de sa future apocalypse...
Entre les mains et la voix de l’Homme, la Marionnette parle, chante, pleure, crie, chuchote, sacre, gesticule, s’éclate, Elle est magistralement manœuvrée, mais lorsqu’Elle fait tout simplement corps et jambes avec Lui, comme Lola et Patrick l’ont si magnifiquement fait, Elle cohabite alors en parfaite osmose avec Lui. Son message d’harmonie semble encore plus compréhensible pour le Spectateur, et donne donc à réfléchir davantage à nos relations avec autrui, ces autres qui nous sont, ces autres qui nous font...comme un sentiment océanique *.


...Quand on sait où le train va. L'image lancinante des corps gelés empilés dans les wagons ne bougeait plus de son esprit....Il lui semblait entendre le crissement des roues des trains allemands sur les rails. Un son qu'on oublie pas...
Éric Dupont 
La fiancée américaine (p.199)


La pétillante mise en scène de Bertrand Alain doublée de l'ingénieuse scénographie de Vano Hotton nous a transportés bien au-delà des meubles et accessoires, nous étions là, dans le cabaret comme dans le cabinet, entre les rails, au-dessus des nuages...La musique de  Martien Bélanger et Frédéric Lebrasseur, toujours la bienvenue et à point, avant comme pendant la pièce, avec ses instruments du délire...Les éclairages, de Laurent Routhier, empreints de cette aura bleue/dorée, rappelant l'euphorie des embués...Les costumes, de Sylvie Courbron, affriolants, colorés, vivants...Et les Marionnettes, bien évidemment, animées de la pulsion de leur créateur Pierre Robitaille, doublées des émotions de leurs manipulateurs, pour qui le Pupulus Mordicus existe...En gros, c'est ce que j'ai retenu de cette représentation du 9 mai dernier. Quelques jours après, j’ai relu quelques passages que j'avais surlignés en 1975 dans le MALAISE DANS LA CIVILISATION de ce cher Sigmund, 40 ans...déjà...des mots qu'il avait rédigés en 1929...

Photo: L.L.



* L'expression paraît dans une lettre de Romain Rolland à Sigmund Freud le 5 décembre 1927:
« Mais j'aurais aimé à vous voir faire l'analyse du sentiment religieux spontané ou, plus exactement, de la sensation religieuse qui est (...) le fait simple et direct de la sensation de l'éternel (qui peut très bien n'être pas éternel, mais simplement sans bornes perceptibles, et comme océanique). » 


DISTRIBUTION

Martien Bélanger: musicien
Valérie Laroche: Martha, Lola, un fou
Frédéric Lebrasseur: musicien
Véronika Makdissi-Warren: Madame Guste, Melanie Klein
Patrick Ouellet: Jung, un nazi, un fou et Kieper
Pierre Robitaille: Freud, Charlie, un nazi, un rabbin


L'humour a non seulement quelque chose de libérateur
mais encore quelque chose de sublime et d'élevé. 
Sigmund Freud



« Y paraît que la bite c’est pas la plus grosse qui est la mieux,
y paraît,
et pis moi ça m’arrange ! »
Coluche









Les superbes photos de Vincent Champoux






 La psychanalyse s'arrête quand le patient est ruiné.
Carl Gustav Jung

The Ballad of Sigmund Freud





lundi 6 mai 2013

HAMLET: dans le rectangle de la mort

Photo: Nicola-Frank Vachon



THRONE ROOM


Dead boy dares
Believe in you
Dead boy stares
Afraid that you will see him

Sonic Youth
I love you golden blue
SONIC NURSE



Fantasques guirlandes De romarin, de renoncules D’orties et de marguerites, Faites que jamais HAMLET ne capitule Faites que jamais son VALET ne recule Devant ces 10 doigts d’homme mort pourpres Qui fendent son SILENCE et tracent sa route
Vastes propriétaires de boue enfoncés, Se bornant à prendre le ton du jour, Pour en former de cette écume vidangée Qu’une sale et malodorante fermentation; Insanité qui fera se lisser au sommet de l’opinion, Ardente et agitée, comme peut l’être le typhon, Votre usage " externe " d’une présente société
Soufflons seulement sur ces bulles Pour faire l’épreuve qu’elles crèvent; Soufflons seulement sur elles, pauvres crédules, Pour y faire la preuve, et des " confiseurs " la trêve !
Gemmes rouges, vifs éclats, Noms anciens de ces grenats; Rouge sang des vils scélérats, Rouge cœur de leur stérile célibat; ESCARBOUCLES de toutes ces envies, Quand L’HEURE se pare de faux rubis
Les couronnes des royautés d’autrefois N’ont depuis ces temps-là que peu terni, Car de par le vif-argent de ces dernières Dont l’on peut extraire pour quelques öres, De cet allié fluide qu’est le brillant or, Quelques tiares recyclées pour les néo-rois d’ici
L. Langlois
Extraits Impressions des variations
ELSENEUR Robert Lepage/Ex Machina
Photo: Nicola-Frank Vachon

Le spectre d’HAMLET, revenu pour nous éblouir et nous hanter pendant quelques trois heures au  théâtre de la Bordée, s'est offert toute une scène pour y étaler le talent indéniable de celui qui devait l’interpréter pour la troisième fois: Jean-Michel Déry. Il nous en a faits, comme à son habitude, les heureux privilégiés. Encerclé par une brigade des plus spécialisées dans l’art de la scène, il était sous le commandement prodigieux de Marie-Josée Bastien, dont je garde le souvenir immortel de son ténébreux et sublime RICHARD III, joué en mars 2008 et également présenté à La Bordée. HAMLET, un gâteau de noces sanglantes, coté cinq fourchettes !



1601, presque à la même époque où Québec fût fondée, Hamlet se promène encore dans un autre de ses nombreux décors, farcissant de sa folie feinte les rideaux mortels des chambres sombres du château d’Elseneur. Parmi les péchés vécus ou à venir, dans la pourriture démentielle du Danemark, Hamlet, couché dans la tombe de la jeunesse, au ras de la folie des grandes heures, comme un prince drapé de brouillard et de ténèbres, outrageant la lumière de sa vengeance qui brille au fond de son regard poignard.
En ce soir du 18 avril 2013, autour de cette histoire de vengeance qui n’en finira jamais de nous en apprendre sur le comportement humain, nous nous sommes retrouvés « entre amis », comme si c’était hier. Traduite dans la langue de Jean-Marc Dalpé, Shakespeare vit encore parmi nous, ici-bas, autour des décombres et dépouilles, dans les ronces et les pierres. Il est toujours aussi captivant et sait comment se faire aimer après plus de 400 ans...
Lise Castonguay (Gertrude), toujours aussi vibrante et surnaturelle, Gabriel Fournier (Cornélius), avec sa voix venue des profondeurs, Israël Gamache (Horatio), à nouveau si touchant, Jack Robitaille, spectre géant, Jean-René Moisan (Laertes) électrisant, Réjean Vallée (Claudius) encore une autre fois parfait, Patric Saucier (Polonius) impayable, Simon Lepage (Guildenstern) et Pierre-Olivier Grondin (Rosencrantz), tout deux aussi réjouissants qu'éblouissants, Alexandrine Warren, lumineuse Ophélie, ont su justement très bien servir un Jean-Michel Déry au sommet de son art. Un pur ravissement pour nous Spectateurs qui assistaient à cette dernière pièce de la saison.

Vraiment, la Bordée nous a fait l’un de ses plus beaux cadeaux en nous présentant ce chef-d’œuvre qui n'a pris, ne prend et ne prendra jamais aucune ride. Merci à toute l'équipe de production et aux concepteurs de cet autre inoubliable soirée.

Dead boy dares
Believe in you
Dead boy stares
Afraid that you will see him


HAMLET

Texte: William Shakespeare
Traduction: Jean-Marc Dalpé
Mise en scène: Marie-Josée Bastien
Conception: Marie-Renée Bourget Harvey (décor),

Sébastien Dionne (costumes), Sonoyo Nishikawa (éclairages),
Stéphane Caron (musique)


Photos du spectacle: Nicola-Frank Vachon
TO BE OR NOT TO BE ?