vendredi 25 février 2011

POUR NE PAS MOURIR: l'éclatement

LE PROGRAMME
Photo: L.L.



POUR NE PAS MOURIR


NE PLUS RIEN ÉCRIRE...
APRÈS.
ET RAMASSER LE RESTE
DE NOS DÉCHETS
ET DÉCHÉANCES

APRÈS LA TEMPÊTE DU SIÈCLE
APRÈS LA JOURNÉE MULTI DISCIPLINAIRE
APRÈS L’ATTENTAT CULTUREL AU MUSÉE DE SIR SYLVIO ARRIOLA
APRÈS LA MANIFESTATION ATTENDUE DEPUIS PRÈS DE SIX MOIS

DEVENIR FAUST
DEVENIR ROSA LUXEMBOURG
DEVENIR LUCE RAYMOND
DEVENIR ALAIN HAMEL
DEVENIR RÉGIS LABEAUME
DEVENIR MARIE GIGNAC
DEVENIR ERICK D'ORION
DEVENIR HANNA ABD EL NOUR
DEVENIR MARIE-GINETTE GUAY
DEVENIR FRÉDÉRICK CARRIER


DEVENIR
DEVENIR
DEVENIR

MOI

DANS LE HALL DU MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS
SUR LA NEIGE ET LE SANG DES PLAINES D’ABRAHAM
DANS LE VENTRE VIDE DE L’HOMME
DANS SON CERVEAU PASSÉ PAR LE NEZ

DEVENIR
POUR NE PAS MOURIR
DEVENIR
UNE MESSE BLANCHE POUR LE PAPIER
DEVENIR
UNE CELLULE DE BRIQUES ROUGES
DE L'ENCRE NOIRE
UN CORPS SOUS LES PÉRILS

ÉCRIRE POUR DÉPEINDRE
NE RIEN DIRE POUR UN SOIR
MIMER SON ÂME
BRISER LE MIROIR

ENTRER DANS LE FAUST DE L'URD
SORTIR DE NOTRE VIEIL ENFER
ENTRER DANS LE NOUVEAU
AVOIR DU CHARBON ARDENT PLEIN LES YEUX
DE LA LUMIÈRE CRUE DANS LES CHEVEUX
DES DOIGTS MASSÉS SUR LE CRÂNE NU

Sylvio Arriola par Nicola-Frank Vachon

AUTOUR DE L’AUDACE
LA MUSIQUE
DE LA TRANSE DE NOS SOURIRES


POUR RÉFLÉCHIR
DANSER
MOURIR
ÉCLORE
AGIR

POUR RECRÉER
ABOMINER
ÉCRÉMER
ET TUER

POUR PLIER
DÉPLIER
ROMPRE
ACCÉDER


POUR POLIR
ROUILLER
BLANCHIR
NOIRCIR

POUR SUCCÉDER

POUR PISSER
CRACHER
FAIRE CHIER
CRAVACHER
RAVALER

POUR CIRCULER
EXTRAIRE

AVANCER
RECULER
RÉPÉTER
TAIRE

POUR NE PLUS CRAINDRE
DE DÉFROQUER L'ART
POUR MONTER
DESCENDRE
LES ESCALIERS
POUR GÊNER
LES REGARDS
POUR PERCER
LE MYSTÈRE
DES CORPS



Photo: L.L.


POUR REGARDER FONDRE LE BLANC DES YEUX
DANS LES BRUNS BLEUS VERTS JAUNES ROUGES NOIRS
POUR PENDRE LES SQUELETTES DANS LES PLACARDS
POUR FAIRE RELUIRE LE PARQUET DES BEAUX-ARTS
POUR ACCÉDER AU FOND DE LA MISÈRE DES DIEUX
POUR CROISER DES NOMS ET DES MILIEUX
POUR CHIFFONNER DES FEUILLES NUES
ET SE LES FOURRER DANS LE VENTRE CREUX

POUR ABSORBER
RÉGURGITER

POUR VOIR UN HOMME ASSIS
AU MILIEU DES AUTRES
POUR TRAVERSER SA TÊTE À LA NAGE

POUR NE PAS MOURIR AU PRINTEMPS
POUR ASSAINIR LE LITTORAL
ET REVOIR L’OCÉAN

NE VRAIMENT PLUS SAVOIR QUOI DIRE APRÈS
NE QUASIMENT PLUS RIEN VOIR NI ENTENDRE
QUE LE PROCHAIN BROUHAHA DES SILENCIEUX
QUE L'INCENDIE DES TEMPLES DE NOS AÏEUX
QUE LE BLANC PLUS OU MOINS DANGEREUX
QUE LE SOUFFLE INSPIRÉ DES SOLITAIRES

EMBRASER/LUIRE/CUIRE
ASSEOIR/ÉCHOIR/QUÊTER
ENCERCLER/POURSUIVRE/PARLER
FAIRE POUSSER/CUEILLIR/SURVIVRE
ÉBLOUIR/TRAVESTIR/ENCHANTER
TRANCHER/HACHER/NOURRIR

FAIRE TOURNER UN HOMME EN ROND
LE SUIVRE DE LOIN DANS SA PRISON
LUI RASSEMBLER SA RESSEMBLANCE
POUR LUI PROMETTRE DE L'UTOPIE
POUR ATTENTER À SA CULTURE

POUR LE FAIRE REBONDIR EN JUIN
SUR LE TOIT VERT DE SA CITÉ
POUR LE FAIRE ENTRER
PAR LE CERVEAU ET PAR LE NEZ…



S.V.P. NE PAS L'APPLAUDIR mais FAIRE COMME SI...

LUI DIRE SIMPLEMENT MERCI




URD THÉÂTRE
Pour Ne Pas Mourir
Performance In Situ
24, 25 et 26 février, 20h...
Musée National des Beaux-arts du Québec
Parc des Champs-De-Bataille Québec
(QC) G1R 5H3
Parcours : Hall d’entrée – Salle Riopelle – Cellules
15$ (Abonnés-Amis et étudiants : 13$)
Nombre de places limité.
Réservations requises au 418 643-2150

Autour du mythe de Faust Comment fixer à l’œil nu le présent de notre vécu collectif, toujours atroce pour une âme minimalement sensible ? En habitant dans une prison et rêvant ses secrets enfouis, ses fausses promesses. Comment faire entendre les cris de nos inquiétudes ? En signant un pacte pour traverser ce nouveau siècle, puisque nous sommes le devenir actuel de notre destin commun. Pour Ne Pas Mourir est une fête théâtrale qui soumet la création aux tourments d’une mémoire hantée par les contestations de notre histoire humaine. Créateur de rêves éveillés, inventeur d’images, de sons et d’espaces, notre Faust est un alchimiste, le maître d’une cérémonie chargée d’outrance et d’exubérance, mais aussi d’ambition et d’audace. Résistances à la solitude, à la mélancolie et à la cruauté des événements tragiques. Odes à la beauté, à l’amour et à l’éternel féminin. Notre Faust est un " Ange de l’histoire " qui chante, danse et célèbre la vie. Sa parole espère justice. Il faut être là pour vivre une expérience sensorielle hors du commun, absolument oui !

URD THÉÂTRE

Performeur: Sylvio Arriola
Espace et scénographie: Élise Dubé et Danielle Boutin
Lumière: Martin Sirois
Espace sonore: Érick d’Orion
Cinéma et photographie: Elias Djemil
Conseillère dramaturgique: Émilie Martz-Kuhn
Musiciens invités: Frédérick Carrier et Luke Dawson
Coordination: Fanny Hénon-Lévy
Graphisme et outils de communication: Mario Villeneuve
Direction de production: Élise Coulombe
Direction artistique et mise en scène: Hanna Abd El Nour

 

mercredi 16 février 2011

Lucien Suel MORT D'UN JARDINIER: la voix du Nord




Station Underground d' Emerveillement Littéraire






(AVANT LE CHAPITRE 14)

On ne sait jamais rien parce qu’on dit toujours tout.

L.L.
26-12-10


Ta vie est tranquille, lecture écriture jardinage, mais au fond de toi tu sais que l’horloge biologique a pris de l’avance, que la fatigue s’est glissée dans tes muscles et tes os, que tu vieillis rapidement, tu prends rendez-vous chez ton docteur, tu as besoin d’une révision générale, tu n’oublies pas d’emmener un livre pour patienter dans la salle d’attente.

Lucien Suel
MORT D’UN JARDINIER P.137
Éditions LA TABLE RONDE (Folio)






Par le restant d’horticultrice que je suis (à temps partiel) et pour l’admirable poète-jardinier qu’est Lucien Suel (à plein temps), les hauts et les bas de ses mots d'envergure. Une écriture exceptionnelle découverte en 2009 via Thomas Vinau, auteur qui publie lui aussi sur la blogosphère et qui avait sur sa liste de liens le nom de l'auteur de Guarbecque. Un clic, une visite, un flash, une lumière: ses http://anoir-eblanc.blogspot.com/ et http://academie23.blogspot.com/
m'ont éblouie; nous sommes linkés depuis ce temps.

MORT D'UN JARDINIER, son premier roman, entamé au cours de l'été dernier a fini par se faire avaler au complet il y a quelques jours. La digestion se passe bien. Comme impressions, j'ai passé mon gros râteau à mots dans le jardin de Lucien, ils défilent plus bas, agrémentés par quelques photos et musiques issues des 23 chapitres que constituent cette « ode à la vie »... face à face avec celle de la mort. Les chapitres 19, 20 et 22, vents dominants auraient été retranscrits en entier tellement ils sont...entiers. Je cède donc la place aux mots de l'artiste multidisciplinaire...


NICK CAVE
The Mercy Seat





Like my good hand I
tatooed E.V.I.L. across it's brother's fist
That filthy five !
They did nothing to challenge or resist.


un geai braille, éclair bleu --- le rouge-gorge tourne dans l’autre sens --- l’immensité de son chant --- dans le jardin, des courbes de niveaux --- son potentiel noir et nu de germination --- des oignons de Mulhouse --- une sueur froide et malsaine --- des œufs dans la paille chaude sous le ventre des poules ---

BIO-tiful !

LA CHANSON DE CRAONNE










dans le train du mystère
la parade des vélos fleuris

un craquement dans la profondeur de la mare
ton premier mort sur son lit de mort





frites purée nouilles bifteck pommes de terre à l’eau soupe pudding tartines gâteau de riz saucisses côtelettes foie de veau harengs roussette cabillaud pâté de lapin pâté de tête pâté de foie pâté fin omelette œufs sur le plat biscuits cuiller gâteau tartine carrés glacés tarte port-salut vache qui rit oranges bananes figues séchées bière café lait citronnade vin blanc doux bordeaux mousseux champagne demi-sec eau froide

+++


les souris cachées sous la dernière gerbe qui essaient d’échapper aux dents de la fourche --- le soldat allemand dont ton père utilise le casque fixé au bout d’un manche pour vider la fosse des cabinets dans le jardin

LE CHANT DU DÉPART

« la trompette guerrière a sonné l'heure des combats »

http://www.youtube.com/watch?v=feh7Anvwd_w&feature=related


La voix du Nord
L’Écho de la lys



CRAONNE, 1917

deux cochons morts côte à côte, sac de boyaux fumant dans l’air froid du matin d’hiver --- mégots balancés par les fenêtres ouvertes --- l’odeur puissante de la porcherie

BASIN STREET BLUES

MEZZ MEZZROW LOUIS ARMSTRONG



pommes de terre au four œuf à la coque carottes râpées salade de pissenlits tarte aux maroilles flamiche aux poireaux chicons au gratin ficelles picardes soupe de légumes hémisphère cérébraux des noix sang noir des mûres sauvages eau du robinet vin bière whisky genièvre une fibre animale coincée entre bridge et gencive

+++

des corbeaux se déchirent la gorge dans le crépuscule --- dans la nuit de novembre --- l’homme au cœur de bœuf sanguinolent (Captain Beefheart) --- des poèmes dadaïstes --- des chansons de Bob Dylan


RAINY DAY WOMEN
(extraits)


Well, they'll stone you and say that it's the end
Then they'll stone you and then they'll come back again
They'll stone you when you're riding in your car
They'll stone you when you're playing your guitar
Yes, but I would not feel so all alone
Everybody must get stoned



la rumeur de l’autoroute --- la mobylette du facteur --- l’amour suprême de Coltrane --- l'horloge sur le mur

I'M A POOR WAYFARING STRANGER



Sur tes phalanges repliées des mots de quatre lettres


LOVE
HATE
EDEN
HELL
FUCK
SHIT
DICK
CUNT
HOLY
BEAT
WORD
NAME


dans le musée Paul Delvaux des gares illuminées des jeunes femmes aux seins nus des squelettes crucifiés --- cent pour cent coton --- le tour de tes illusions --- anges ou démons --- un Indien sous la tente de sudation --- dans le bol de fumigation --- des cholestérols importuns ---

des milliers de lapins --- des troupes de chevreuils --- des taupes et des écureuils --- plusieurs truies et leurs porcelets --- des tourterelles par centaines --- une escadrille de corbeaux --- des goélands...

Un short et un T-shirt de SONIC YOUTH

un gros ver blanc --- une larve qui se nourrit d’épluchures pourries --- le mystère du sourire --- les œuvres complètes de Philip K. Dick (avec un petit buvard et un sachet de pommes)

Quatre anges DANS LE JARDIN

Louis Armstrong sous les ormes
Don Cherry sous les érables
Miles Davis sous les lilas
Dizzy Gillespie sous les pruniers

« Dors min pti quinquin min pti pouchin min gro rojin »

dans les lacets du temps --- ta vie rêvée
du bois à fendre



Illustration: L.L.

la levée d’un semis de cornichon pour être plongé dans les abîmes de perplexité --- courges courgettes cornichons concombres potimarrons citrouilles melons pâtissons potirons coloquintes contre les radiations inconvenantes ---


les vents dominants --- le glouglou de la cascade --- sur le noir de la nuit piégé dans les vitres --- un nuage de bulles ---


encore tellement de livres à lire "par coeur" --- avec les plus beaux mots --- laitue blonde de la passion --- mâche ronde --- verte à cœur plein --- dans l'herbe du jardin LE MANQUE --- le diaporama de l'amour...


une limace à tête de chat


la litanie des os
un bon pique-bœuf consciencieux
le long serpent des morts



une haie vive --- troènes, sureaux, aubépines, prunelliers, fusains, charmille, symphorine --- la fuite éperdue des lapins et des compagnies de perdrix --- un homme couché au milieu du jardin --- sa tête, le moyeu de cette roue, de ce rayonnement --- neuf disques noirs pour effrayer les pigeons --- le rouge-gorge qui gratte dans les copeaux sur le sol humide --- la nécrose qui envahit ton cœur --- la dernière larme qui a coulé sur ton visage --- un lapin qui détale --- une voix qui crie ton nom ... ... ... ... ... ... ... ...

+++

Voilà, les mots de l'oeuvre ont parlé pour moi, ne reste plus qu'à les faire recommencer... ailleurs... Merci pour toute cette beauté encastrée...dans le coeur de mon jardin.


Louise Langlois
Le Seuil des Froidures

http://leseuildesfroidures.blogspot.ca


 


Poème en picard pour reconnaître Patismit et quelques sonorités proches des nôtres...http://www.dailymotion.com/video/x39xdx_lucien-suel

mardi 15 février 2011

LAMIES

Lilith


Lamie: myth.: monstre femelle à queue de serpent qui dévore les enfants. Dans la mythologie antique, ce sont des serpents ailés à tête et à buste de femme. Leur pouvoir de séduction les rendait extrêmement dangereuses. (Larousse)



LAMIES


Petites voix que l’on tait, sœurs,
mais qui irriguent avec lourdeur
la région sombre de nos coeurs;
Qui, sans " hauts-parleurs" se noient,
depuis cette lente douleur dans le foie;
Ce qui ne s’est jamais su mais qui se voit…
Petites voix qui, sans leur simple rigueur,
ruissellent, comme l’ont fait par bonheur,
celles de nos amants, géniteurs d’épousées;
Comme de fines maraudeuses d’accouplées,
voix suralimentées par 1000 mots-moteurs
Mots-clefs qui roulent à 100 à l’heure
dans les phrases blindées de par l’intérieur;
Mots calcinés, sortis tout droit de leurs émois,
par la main chaude et gauche des Embraseurs
Mots d’usines à papier, recréés silencieusement
pour les copyright de la Société des Temps;
Tas de tant de feuilles rouges des froissées
dans le plus parfait des secrets magouas**
Mots venus des limbes roux des lamies,
filles-mères enceintes d’Ève et du Serpent,
qui révélèrent à qui nous sommes, enfants:
Caïn et Abel en Judith,
qui étaient à Rome bel et bien vivants,
comme le fût Satan juste après la Pomme,
un peu avant votre Jument…
saleuh !

Inspiré de LA JUMENT DE LA NUIT
de Victor-Lévy Beaulieu

Claude É. LaRousse
23 mars 2005


* Le Magoua est une variété régionale du français québécois basilectal parlée entre Trois-Rivières et Maskinongé. Comme ethnonyme, Magoua désigne les descendants des anciens coureurs de bois, ces Indiens Blancs, qui ont squatté la région dès 1615, soit bien avant que la France ne songe à une présence militaire en ces lieux. Le premier fort avec des habitations bourgeoises n'y sera construit qu'en 1634, reléguant les Magouas dans les faubourgs. (wikipedia)

jeudi 3 février 2011

ROMÉO ET JULIETTE: Who were they ?

Photo: Nicola-Frank Vachon *


ALL LIGHTS ON WHO ARE YOU



Frère Laurent 

---Ces joies violentes ont des fins violentes, et meurent dans leur triomphe: flamme et poudre, elles se consument en un baiser. Le plus doux miel devient fastidieux par une suavité même, et détruit l’appétit par le goût: aime donc modérément: modéré est l’amour durable: la précipitation n’atteint pas le but plus tôt que la lenteur.

William Shakespeare
Roméo et Juliette
Acte II, Scène VI
La cellule de frère Laurent




Le souffle des amants morts vivants…
le même que celui d’il y a 400 ans…
de la lumière noire nuit baignant autour d’un cube d’espoir…
toutes les lumières...
pour le dépouillement des sentiments…
les seins gorgés de la Nourrice…
les chemises tachées par le sang…
le blanc pur des nouveaux mariés…

les masques ridés des danseurs à lunettes….
42 heures de rigidité et de doux sommeil…


de la servitude à la libération,
l’Amour au pied des anges…
la voix grave et solennelle du Prince…
l’eau claire dans l’œil de Juliette,
son altitude dans le regard…
et dans celui de sa mère…


Quatre femmes et sept hommes pour interpréter cette histoire de poison et de passion...Olivier Lépine a fait saigner ses acteurs, et leurs cœurs, les décoiffant d’une main, les déshabillant de l'autre...les alimentant du feu de sa passion, une qui ressemble à celle d’un grand metteur en scène…Shakespeare à nouveau réhabilité, cette fois-ci à La Bordée, là où on semble prendre toujours plaisir à donner aux spectateurs de cette authenticité.

Une prise de vue exceptionnelle pour les mots sûrs brillants de Shakespeare; une pureté pour les yeux lecteurs; un enchaînement d’enchevêtrements sur le plancher d'où on y mène la danse... la beauté des corps; des sons pour âmes en deuil, celle de Josué Beaucage (Who are you)...un décor encastré pour la chambre de Juliette...sa fenêtre et une porte, celle d'en arrière...pour entrer dans l’éternité de ce joyau de la littérature anglaise…

En attendant la mort…le poison errant de leurs amours suspendus dans le temps…et de la neige…enchanteresse pour les flancs en sang et saupoudrer la tête et les épaules des comédiens qui jouèrent pendant trois heures dans cette brise d’antan, haleine fraîche d’un vieux printemps…

Roméo, jetant la bourse à l’apothicaire

---Voici ton or; ce poison est plus funeste à l’âme des hommes, il commet plus de meurtres dans cet odieux monde que ces pauvres mixtures que tu n’as pas le droit de vendre. C’est moi qui te vends du poison; tu ne m’en as pas vendu. Adieu, achète de quoi manger et engraisse. […]


Acte V, scène première
Mantoue. Une rue




DISTRIBUTION


Juliette: Alexandrine Warren
Roméo: Steve Gagnon
Frère Laurent: Jacques Leblanc
La Nourrice: Linda Laplante
Mercutio: Israël Gamache
Benvolio: Eliot Laprise
Pâris: Frédérick Bouffard
Tybalt: Jean-René Moisan
Lady Capulet: Marie Gignac
Capulet: Normand Bissonnette
Montaigu: Réjean Vallée
Le Prince: Gabriel Fournier
Balthazar: Claudiane Ruelland
Samson/Frère Jean: Maxime Perron


CONCEPTEURS

Mise en scène: Olivier Lépine
Assistance à la mise en scène: Édith Patenaude
Décor: Marie-Renée Bourget Harvey
Costumes, maquillages et coiffure: Maude Audet
Éclairages: Caroline Ross
Musique: Josué Beaucage
Assistance aux mouvements: Katrine Patry



***


Opinion

Malaise dans ma civilisation

En cette semaine de prévention du suicide, quoi de plus approprié que d’avoir vu, ou revu, ROMÉO ET JULIETTE ? Curieusement, le théâtre de la Bordée était bondé de jeunes gens, des étudiants qui ont à peu près le même âge que Roméo et Juliette. Certains d’entre eux ont été quelque peu irrespectueux durant le spectacle, non seulement envers les comédiens mais envers nous, spectateurs. Ils bavardaient beaucoup, riaient au mauvais endroit, surtout vers la fin. Navrant. J’ai été franchement mal à l’aise lorsqu’un des mauvais garnements a sifflé Juliette alors qu’elle ôtait une partie de ses vêtements. Je me suis imaginé leur réaction si ces mêmes individus avaient vu TRANS(E) en avril dernier chez Premier Acte alors que les deux protagonistes étaient entièrement dévêtus…

J'ignore s'ils venaient tous de la même école, mais je sais, pour avoir parlé avec certains d'entre eux qui étaient assis dans mon coin, qu'ils étaient de St-Damien de Bellechasse, sur la rive-sud de Québec. J’ai d'ailleurs eu une bonne conversation avec eux, autant les garçons que les filles (qui craquaient littéralement pour Roméo). Ces jeunes n’ont pas même chuchoté un seul mot de toute la représentation; heureusement, ils ont compensé pour ceux-là qui ont franchement manqué de discipline. Je me suis dit que des pièces de cette envergure, pour des novices, n’étaient peut-être pas le bon choix. J’avoue que ça peut être un peu long et difficile à suivre. Serait-il alors préférable de leur faire voir des pièces disons plus courtes ou plus actuelles, avec des sujets qui les touchent de plus près, quoique le suicide, ou tout simplement n'inviter que ceux et celles qui sont attirés par le médium qu'est le théâtre ? Les autres pourraient faire une "critique" de show rock, (ou de partie de hockey), surtout pour les gars qui, je le sais par expérience, n'aiment pas tellement aller s'asseoir trois heures d'affilées au théâtre. J'ai d'ailleurs posé la question aux deux jeunes hommes assis à ma droite rangée C, ils m'ont avoué que ce n'était pas LEUR choix mais qu'ils n'en n'avaient pas d'autres. Pour les filles, c'était une autre affaire: à l'entracte, nous avons eu le temps de parler des comédiens, de leur jeu, de l'émotion envisagée pour la fin de la pièce, des messages, voire des critiques, qu'elles pourraient envoyer, via facebook, à leurs favoris, qui sont souvent très réceptifs à ces impressions...

En terminant, j'aurais peut-être une petite suggestion à faire: ajouter, AVANT l'entrée en scène des comédiens, de ne pas seulement fermer ses téléphones et télé-avertisseurs, mais nos belles grandes bouches: les comédiens nous parlent alors écoutons-les ! Je ne condamne pas ceux qui ont trébuché mardi après-midi, car à cet âge-là on manque encore un peu de pratique quand on sort dans le " grand monde ". Et qui peut savoir si parmi eux ne s'y trouvait pas un futur Christian Lapointe ou un ancien Cocteau ? Je parierais que s’ils avaient su ce qu’ils font subir au public, mais surtout aux comédiens, qu’ils se seraient immédiatement excusés auprès d'eux. D’ailleurs, à la sortie, j’ai pu entendre quelques commentaires, négatifs, sur ces petits contrevenants, des jeunes qui jugeaient eux-mêmes leurs pairs. Je souriais tout bas en me disant que ce serait entre EUX qu'ils régleraient leur propre " conte ". Voilà, c'était mon opinion personnelle, en espérant que les consignes du silence s'ajustent...avec le temps...