jeudi 29 octobre 2009

Vue/venue d'ailleurs

Pommes de terre fantômes *


La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire.

Gaston Bachelard, extrait La Psychanalyse du feu

Le danger avec la Littérature est qu’il te devient subitement impossible de sortir de ta tanière: ou bien tu le lis ce roman ou bien tu l'écris. Le danger avec la littératwitture et la faceboukure est qu’il te devient absolument possible de choisir entre tes affaires professionnelles ou tes niaiseries sociales. Le bien-être avec Blogger, Wordpress, Over-blog & cie est qu’ils te permettent de rester VIVANT tout en faisant le mort depuis plus de six mois. Et le plaisir avec le Théâtre, la Chanson, la Musique et les Expositions est qu’il croît superbement avec l’usage que tu en fais comme tu le ferais d'un bon anti-douleur.


Écrire, lire ou assister à des événements dits culturels, non pas toujours pour le divertissement en tant que tel voir la détente, mais pour la Culture, celle d’ICI, celle qui te fait sortir presque clandestinement des murs gris de ta prison dorée de banlieue plate, qui détruit les pièges à froidure que tu t'installes/instaures à ton insu. La Culture d’ICI, celle qui te fait goûter à autre chose que des recettes de gras de fêlures d’âmes en peine ou à des drinks imbuvables venus de pays exotiques que tu ne verras probablement jamais de ta vie, ou encore à des trucs à faire, ou à ne pas faire, pour tâcher d’éviter à ta redondante paranoïa qu'elle ne s'accentue davantage devant le tas de mots mal écrits et d’images coulourées que ton écran platte lui projette pratiquement à tous les soirs que le mauvais dieu t’amène. La Culture en direct, pour en re: re: re: mettre toujours un peu plus dans le plein de ta gueule de marin d'eau plate ou dans le fin fond de ton oeil/burin, parce qu'il n'en peut plus de tout te permettre de VOIR.


Tant qu' il y aura de ce " trafic " d'intoxiqués dans les rues piégées et achalandées du grand cirque ambulatoire qu’est devenu l’autoroute électronique, moins nous serons blindés contre les viroses de quidams pré-dada-dicta-teurs qui surf & turf dans le vague inutile de l'asile des impuretés. La Culture, c'est vrai, n'est pas toujours donnée à tout le monde (qui t'en parle), mais nous n'avons qu'à l'emprunter...pour un soir.



* la recette est en quelque part dans le merveilleux monde du goût gueule.
* 25 $ de CD, de DVD ou de Blu-ray égalent souvent le prix d’un billet de show de la relève théâtrale ou musicale, ou encore le prix de deux entrées dans un Musée près de chez vous. De temps en temps, quitter son petit écran...pour voir un petit peu plus grand.


mercredi 28 octobre 2009

Reliquats



Grimoires
de mots
gris noirs

Foutoirs
de mots
boudoirs

Blogues
en gris
Blogues
en noir

Blogues
en blancs
Blogues
en sang

Magies
imaginées
Regrets
d'images
innées

Envies de
soucis
Envies de
sursis
Envie de
sue east side
Envie de
sous aussi

Banquets
d'échos
marinés

Invités
prêts à
se faire
dévaliser

Reluquer
le corps
de ce Christ

En dévoiler
ses dessous...
tristes

Partir
sans lui
sans eux

Y voler
les ailes
de ses yeux
Ne plus
penser
à nous
quand
vous
serez
à noël

Raccourcir
de bas mots
les coeurs
à rapiécer

Allonger
le galbe
de leurs
jambes
urbanisées

Étourdir
l'espace
de quelques
heures

Réfléchir
au-delà
même
de la
Peur

Blaser
nos foies
de fiel et
de temps

L'étirer
pour
se tirer
dedans

Reliquats
à naître
un jour
pour jouer
à mentir

Reliquats
pour être
un soir
et jouer
à bénir
Parcourir
le centre
du grimoire
au milieu
de la mémoire

Et prions
sans l'église
pour sauver
la main mise

Être dans
la mouise
pour aller
a-cueillir
la louise

et lire
encore...
dé-lire
un corps...

élire
un art...
et vivre
au Nord.


The Paper Shop
20 novembre 2006



* photo originale réalisée par Sophie Bernier
   montage L.L.

vendredi 23 octobre 2009

Un serpent sous la neige

Photo Steve Deschênes, Le Soleil




Pour leurrer le monde, ressemble au monde ;
ressemble à l'innocente fleur, mais sois le serpent qu'elle cache.

William Shakespeare
Extrait de Macbeth


Yann Perreau à Québec, à la salle Octave-Crémazie, pour la première fois remplie. Il entre en scène, il est fin seul, presque une effraction, on se demande qu’est-ce qu’il vient faire là. Puis sans convention ni fla-fla, dans son complet 3 pièces cravate, il nous interprète, a capella, l’homme-canon de Richard Desjardins, majestueux ! Il est en "voix" de nous faire parvenir le reste de ses émois, de nous éblouir comme il en a l’habitude, que ce soit dans un petite place de campagne ou bien ici, dans l'espace urbain du Grand Théâtre « à Péloquin »...Il profite de l’occasion pour nous présenter Alex Nevsky, jeune auteur compositeur qui ne se prend pour personne d’autre quand il accouche ses mots sur les envolées de son piano. Et sha-la-la-la…ding-dong, nous sommes conquis. Tout était prêt pour une nouvelle transe du Roi Serpent. Le fanal allumé, arrivé par en arrière, comme un voleur, il déambulait dans l’allée de droite avec ses musiciens acolytes. Nous l’avons vu de près, il souriait.

Un serpent sous les fleurs, comme un sensuel non stop dancing de zigzag latéral, ou encore comme une belle et dynamique danse en ligne droite. Depuis la poésie humide d'un doux regard sensible au trouble naissant d’un égard, Yann Perreau chante et joue contre joue, dense, effeuille ses dessous fous, charmeur, étreint le serpent, et pique pique et colégram. Fanal, réverbère, candélabre, plein de vie pour " l’œil du prince ", la scène, non pas comme une arène de gladiateurs mais comme une aire de jeux pour saltimbanques heureux, une nouvelle voie de lumière pour nos âmes de lierre. Et de la sueur réelle du cou lisse du chanteur entre les mains chaudes d'une spectatrice...médusée.


Même les civils
Ont mis leurs ailes
En escadrille
Jusque chez elle
Même que ma ville
À soir est belle

*** 

À la sortie, le verglas avait verni la sloche des trottoirs, du bruit pour nos bottes. Et la neige, sur les feuilles mortes, et sur celles encore vertes des arbres de la ville, presque plus personne dans les rues pour voir ça, on se serait cru dans un film de science fiction. Il n’était pas tout à fait minuit, et sous le lampadaire de nos coeurs il y avait un IL.


" Oui, Yann, la vie n’est pas toujours cruelle dans le pays d’où tu viens. Et en février prochain, il y aura encore de la neige à Québec et toujours de cette franche lumière...dans ton fanal. »



mercredi 14 octobre 2009

LES ARBRES

Photo: Marc Garneau
Voir



Hier soir, dans une forêt enneigée de la Norvège, une tempête. Une mise à jour des mi-amours. Deux soeurs unies par l'errance, un regard sur leur liaison. La définition de leur filiation. Les craquements de leur maison. Une résilience. Un abandon. Une renaissance. Un paquet de motons. Et le bois qui les réchauffe, les construit, les névrose, les déplie. Qui leur donne et qui leur prend...la graine, les racines, les feuilles, la sève, le noyau...et l'Intense...de leurs coeurs au centre d'un grand repos ravageur.

Dans les coulisses de nos petits contretemps, l'installation de la Création. À même l'essence de nos tourments, leurs larmes, leurs cris, leur indifférence, et l'angoisse, « Mais laquelle ? La mienne...»

De la lumière au clair-obscur, du gris à l'impatience de l'azur, le jeu des mains sur les bûches de la galerie, le jeu des mots de l'Artiste dans son jardin. Les mots qu'il greffe pour nos lendemains. La crise, l'émotion, le goulag, le oui-ja.. les fantômes lointains. L'invention d'une histoire tel que nous la vivons...pour un moment... de pleine réflexion.

À la gauche des familles en combustion, à la droite de leurs peccadilles, la chaleur cheminante de leurs infusions, l'éclatement de leur grand rassemblement, la réunion de leurs mille et un pas perdus. Nul besoin de faste pour décorer notre vision, LES ARBRES seulement y ayant largement collaboré. Avec le bruit de leur âme au Nord dans celui du vent qui la mord, ils ont défait nos cheveux et viré nos sangs de bord.


Les Arbres


Texte d'Édith Patenaude avec la collaboration de Krystel Descary
Mise en scène de Krystel Descary et d'Édith Patenaude
Avec Krystel Descary, Jean-René Moisan, Édith Patenaude et Guillaume Boisbriand

lundi 12 octobre 2009

Pi, le tourment de la circonférence

Pi des dimensions non entières
220 X 300 mm
frédéric dumond écrivain, vidéaste, plasticien




Un poème se déploie au sein des premières décimales du nombre Pi, interrompant leur continuité. Le texte remplace les décimales, se substituant à elles. Planche originale tirée à 10 exemplaire numérotés, signés.


Je me demandais aussi pourquoi L'histoire de Pi, * du bookerprizé Yann Martel traînait encore sous le pied de ma lampe de chevet, ce depuis le 19 janvier 2005, la réponse plus bas...

* À noter: j'ai reçu ce livre en cadeau de la part d'une soit disant amie, non pas grecque mais bien pure québécoise, une grande gueule à qui je n'adresse plus la parole aujourd'hui, et qui connaissait très bien mes préférences en lecture, dont l'oeuvre du plus prolifique auteur que le Québec ait connu, celui-là même qui m'a fait parvenir le message ci-contre et qui demande sa diffusion. Un vrai cadeau de grec que ce Livre de Pi, que je n'ai jamais terminé finalement l'histoire était trop square, mais venu de la part d'une vraie gougoune qui nourrissait son âme à coup de bouillons de poulet pour essayer d'en guérir, je ne me suis plus posé trop de questions sur la culture à bon marché...


OPINION




Le gros nez rouge de Guy Laliberté

et un imposteur nommé Yann Martel


Je n’ai pas regardé très longtemps le show des étoiles de Guy Laliberté. Le gros nez rouge de clown qu’il s’obstinait à porter avait l’air d’une verrue au milieu de son visage. Et la fameuse goutte d’eau qui se promenait de l’espace à la Terre ressemblait à un monstrueux spermatozoïde solitaire et schizophrène qui avait l’air de se demander ce qu’il faisait là, à fortiller mollement de la queue.

Quant au conte dit poétique de Yann Martel, quel ramassis de lieux communs, d’angélisme juvénile, dont ne se dégageait pas la moindre sonorité. Yann Martel plutôt que Claude Péloquin? Et pourquoi donc? Parce que Claude Péloquin, authentique poète, n’est que québécois et français et porte en lui une culture qui est foncièrement la nôtre? Yann Martel, lui, a abandonné son héritage québécois, a choisi d’écrire en anglais parce que quand on est ambitieux et sans vergogne, seule la langue anglaise est vraiment une langue de culture, donc une langue qui rapporte gros.

Contrairement à son père Émile Martel qui a écrit en français quelques romans qui ne sont guère rendus jusqu’au lecteur, et une quinzaine de recueils de poésie qui lui ont tout de même mérité le prix du gouverneur général du Canada, Yann Martel a préféré vendre son âme au diable. Son Histoire de Pi en a fait un grand écrivain canadian, même s’il s’agit d’une bluette dans lequel un invraisemblable tigre nous entretient d’un Dieu maladivement judéo-chrétien et digne de la théologie du pape Benoît le seizième! De la boursoufflure de renommée, engraissée grâce à la complaisance intéressée des médias.

Quand Yann Martel a annoncé publiquement qu’il considérait le premier ministre du Canada, Stephen Harper, comme un inculte et qu’il fallait l’initier à la littérature en lui faisant parvenir régulièrement des livres, tous les chroniqueurs québécois ont applaudi. Quel événement médiatique!

Le problème, c’est que tout ce monde-là s’en est tenu à l’événement, personne n’ayant eu la curiosité de se demander quels étaient les livres que Yann Martel faisait parvenir à Stephen Harper. Jusqu’à ce jour, il y en a soixante-huit: quelques-uns du Canada anglais, dont ceux de sa marraine internationale Margaret Atwood, et deux seulement du Québec: Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy (dans la traduction anglaise) et The Dragon Fly of Chicoutimi de Larry Tremblay! Tous les autres ouvrages sont étrangers: de l’angélique Petit prince de Saint-Exupéry au vieillot Bonjour tristesse de Françoise Sagan, rien d’autre qu’une littérature dite humaniste, universaliste, pour ne pas dire multiculturaliste, dont le Québec français, je le répète, est absent. Si c’est insultant pour les Québécois que nous sommes, ça doit l’être aussi pour Stephen Harper qui, à juste titre, se glorifie de maîtriser suffisamment le français pour être en mesure de le lire.

Voilà pourquoi il faut considérer Yann Martel comme un imposteur et dénoncer l’idéologie qui est au cœur de son entreprise. Car ce qu’il défend, c’est la même chose que ce que défend le gouvernement fédéral, un multiculturalisme auquel on voudrait convertir les Québécois, mais dans lequel ils ne tiendraient aucune place. C’est sans doute pour cette raison que le gros nez rouge de clown de Guy Laliberté a largué Claude Péloquin. Quant on est à la tête d’une multinationale dont la langue d’usage, même au Québec, est l’anglais, qu’est-ce qu’on s’en fiche du français, de la culture qu’il porte, même si elle est l’une des plus créatives au monde!


Bien davantage que Stephen Harper, c’est Yann Martel qui a besoin d’être éduqué. Aussi, les Éditions Trois-Pistoles lui feront-elles parvenir tous les mois un ouvrage littéraire québécois et souhaitent que tous les éditeurs d’ici en fassent autant, car si on a le droit de renier le monde dont on vient comme le fait Yann Martel, le mépris dans lequel on le confine ne peut être considéré que comme une trahison.


Victor-Lévy Beaulieu
Trois-Pistoles, le 12 octobre 2009

jeudi 8 octobre 2009

Les tenailles d'OCTOBRE




c’est l’interprétation confuse des centrales d’ordinateurs cachés aux creux de notre cerveau qui nous détruit en ouvrant toute grande la porte de l’odieux possible des monstres qui ravagent nos vies y déposent leurs crottes qui fermentent et dont l’odeur ammoniaquée nous fait perdre la tête "….je luttais contre les voix de Bob qui s’insinuait en moi, occupait mon cerveau comme les armées colonisatrices de Wolfe envahissant les plaines d’Abraham, me comptait de la liberté de mon âme qui, obsédée, tournait en rond dans sa cage et se brisait les ailes aux barreaux renforcés de ronces, c’était un somnifère (aaaaaaaaaaaaaaaaa !!!) que cette voix de Bob collant en moi comme de la glue, enrayant les bielles et les roues des mécanismes de ma pensée

victor-lévy beaulieu
la nuitte de malcomm hudd
Montréal
12 mars 1968---15 février 1969

***

1er octobre: En science gén. on a fait des expériences. 1. Feu & papier 2. Nitrate d’argent. 2 octobre: Congé cet a.m. Partons chez Mémère. 3 octobre: Eu du fun au football. Fait du yoga. 4 octobre: Allée voir RED avec Papa ce soir. Très bon. Violent. 5 octobre: Allée sur rue Cartier. Acheté un disque " J’ai marché pour une nation " Pagliaro. 6 octobre: Janis Joplin est morte le 4 octobre. Cause drogue. Et Jimi Hendrix lui ça fait 2 semaines. 7 octobre: Pétition pour mettre pantalons pour aller à l’école. Ferguson prend sa retraite. 8 octobre: Contestation pour pantalons à notre école. 9 octobre: Parents sortis. Acheté encens. Hockey. 10 octobre: Allés voir Raymond au football. Écoutons l’affaire Cross F.L.Q. Pierre Laporte enlevé. 11 octobre: Allons à St-Hilaire. Acheté des pommes. Écris roman. Fun. 12 octobre: Action de Grâces. Les Berger, bon: Loto-Québec. 13 octobre: Mes dents me font mal un peu à cause du plombage. 14 octobre: Parler de la bibliothèque en lecture. 15 octobre: Vu beau film avec Michel Simon: " Le vieil homme et l’enfant ". 16 octobre: Ça va mal au Québec: guerre? Les soldats venus. Parlé de ça en géo. 17 octobre: On part dans le Nord. Allés dans le camp. Faite feu. Part avec Line. Lisons. 18 octobre: Eu téléphone de chez Mémère: le petit camp a pris en feu. Tout brûlé. Pierre Laporte a été assassiné par le F.L.Q. Très grave. Line et moi avons été faire de l’équitation. Eu du fun. Mon cheval s’appelait Catin. Galopait. 19 octobre: Parlé de l’atome en science. Fait critique des peintures en arts. Eu un A. Une dent s’est déplombée. 20 octobre: En arts plastique fait du fusain. En éducation physique, couru 300 verges en 68 secondes. 21 octobre: Je garde. 22 octobre: Vu deux gars de l’armée avec mitraillettes. Papa allé chanter à Sorel. Beau film: l’Imcompris. 23 octobre: Allée à la bibliothèque "Les patins d’argent ". Avons eu peur de deux gars. Lit. 24 octobre: Mangé au Woolworth. 25 octobre: Allée à la messe d’onze heures et ½. Heure raculée. Écoute élections: Drapeau élu. 26 octobre: Lu beaucoup ce soir. Très bon. 27 octobre: Fun avec microscope en science. Danser en éducation physique. 28 octobre: Maman m’a coupé les franges de ma veste en crinkle. Allée chez grand-maman. Baigner. Canadiens 2 Toronto 6. 29 octobre: Lu en étude: « V comme victoire ». Je garde. Je lis mon livre. 30 octobre: Allée sur rue Cartier. Acheté cadeau à Papa: chandail gris avec un zip. Nicole venue ce soir. Allons dehors. Parlons. Eu fun. 31 octobre: Martin passé Halloween. Raymond en a eu beaucoup. Nicole venue ici. Eu du fun. 7 novembre: Acheté un disque: Green eyed lady. Nicole et Sylvie aussi. 16 novembre: Hier soir grand-maman Langlois est morte. Mémère est arrivée. 3 décembre: James R. Cross a été retrouvé à Montréal-Nord. 14 décembre: Eu le câble pour T.V. couleur. 26 décembre: Allée m’acheter un microsillons de Grand Funk, 6.00$. Allée messe de 4 heures. 29 décembre: Allée faire un chemin de croix. 31 décembre: Fêtons le jour de l’an. Buvons du champagne.

Louise Langlois

Laval-des-Rapides
1970

***


Vers la fin de septembre deux comédiens m’avaient demandé de leur écrire une pièce courte d’une vingtaine de minutes. Je tombais sur un entrefilet dans le journal intitulé: " Méfiez-vous des ordinateurs pour la formation des couples. " Je commençais à rédiger la pièce quand survint Octobre; un octobre pas comme les autres; un octobre qui fit battre les cœurs, un octobre qui fit résonner les têtes, un octobre blanc, un octobre rouge, un octobre que nous n’avons pas fini de comprendre. 


Robert Gurik
Préface Les tas de sièges
26 mars 1971

LA FEMME --- Tu vois pour ça on a pas besoin d’anglais. Remarque c’est tout c’qu’on peut faire si on l’parle: s’faire fourrer. (Les yeux ailleurs.) Un jour, j’l’aurai mon commerce et puis ma p’tite fille, elle passera pas par où j’suis passée. (Ils se séparent. Le soldat se reboutonne. Elle baisse sa jupe.)
LA FEMME---- T’as fini ?
LE SOLDAT--- Ouais.
(Il remet son casque. Elle va chercher sa mitraillette, la ramasse. On entend des coups de feu, elle s’écroule.)
LE SOLDAT, affolé --- Stop ! Who fired ?
UNE VOIX, des coulisses--- She had a gun ! Did I get her ?
LE SOLDAT---Yes, you did.
(Il se penche sur la femme et prend le cinq dollars qu’elle avait mis dans son corsage.)
LA VOIX---Anyway, she was an F.L.Q. : deep down the’re all F.L.Q.’s those bastards ! There is only two solutions with them : either you fuck them or you kill them.
LE SOLDAT---Well, we did both.
(Le soldat se retourne vers le mur et se met à vomir.)

Dernière scène de FACE A FACE
Robert Gurik
1971

***

Mais la mort d’un homme
Assassiné dans son cachot
Ne doit pas être,
Ne peut pas être inutile.
Un nouveau temps viendra peut-être,
Un nouveau temps,
Pour qui l’homme
Ne sera jamais plus une simple marchandise.
Un nouveau temps viendra peut-être,
Un nouveau temps
Pour qui l’homme
Ne sera plus une simple marchandise.
Mais comment savoir à l’avance ?
Mais comment savoir
S’il reste encore de la liberté ?

Victor-Lévy Beaulieu
Montréal-Nord, 1977
Cérémonial pour l’assassinat d’un ministre oratorio

***

Géographiquement, nous habitons un pays fêlé. Le fleuve y perce une brèche longue de mille kilomètres qui fige la mémoire et conditionne l’esprit. Cette majestueuse masse d’eau est la représentation la plus absolue qu’on puisse trouver de l’indépendance que nous ne nous sommes pas encore donnée. Les habitants de la vallée du Saint-Laurent à la fois le vénèrent et le craignent; ils chantent ses marées et pleurent ses tempêtes. Ceux qui y naviguent sans en connaître les pièges risquent de devoir faire appel à la garde côtière canadienne pour lui échapper.
Quand on se tient debout sur l’une de ses rives, il nous arrive de rêver qu’on puisse le traverser en volant, sans peine et sans misère, à la manière des lâches. Car la lâcheté est aimable; tout nous y porte naturellement.


Dans les années soixante, faisant preuve de courage, un petit groupe d’hommes et de femmes ont voulu le franchir à la nage, se donnant en exemples au peuple endormi. Mais l’aventure a mal tourné: certains s’y sont noyés, les autres ont été emportés par des courants d’eau tiède pour aller finalement s’échouer sur l’île de Cuba.

… …

Les arbres effeuillés de cette fin d’automne teignent d’un gris foncé la côte de la rive sud. Le pays tout entier appelle l’hiver pour que la mort vienne mettre un terme à cette lente agonie.

Alain Beaulieu
FOU-BAR
1997


samedi 3 octobre 2009

Chez le Libraire

La rue des Navigateurs
(photo: Neko Likongo)

" Je suis un indépendantiste et je sais ce que c’est le Canada, lance-t-il. Je vais donner un exemple. Au printemps, CBC et Radio-Canada nous ont cassé les oreilles avec Vimy. Ils veulent nous montrer que c’est grâce à cette guerre qu’on a une armée et une unité nationale. Nous partions pour défendre les intérêts de l’empire britannique. Pendant ce temps-là, en 1916 les francophones perdaient leurs droits linguistiques. Et la même chose est arrivée en Ontario l’année suivante… Mais là, je parle comme Pierre Falardeau. "

Roger Auger, auteur et libraire
La Liberté, 23 mai 2007


Le monde est petit, c'est vrai, et surtout à Québec. Au 20 de la rue des Navigateurs, (c'est l'édifice blanc sur la photo plus haut), y vit un libraire, avec quelques uns de ses livres anciens. Je n'avais jamais encore remarqué cette librairie. Probablement parce que le temps n'était pas encore venu d'y mettre les pieds, ou plutôt d’y faire entrer mes yeux.

M. Roger Auger, qui l'habite depuis 1981, m'accueille gentiment. Le local est plutôt exigu, bien " encombré " par tous ces vieux livres rares. M. Auger est spécialisé en canadianna. Mais ce n'est pas tant les livres pour une fois qui retiennent mon attention, mais l'homme qui se trouve derrière eux. Il aura fallu prononcer le seul nom d'un auteur que nous aimons beaucoup tous les deux pour que la conversation s'anime et revienne toujours tourner autour du pot de ce célèbre personnage qu'est l’unique Victor-Lévy Beaulieu. Ah! ce cher Victor-Lévy Beaulieu (et non pas Victor Lévy-Beaulieu, comme l'a mal tapé la journaliste du Devoir il y a une couple de semaines) nous n'en reviendrons donc jamais, toujours aussi fringant et fidèle sur nos tables de chevet de rebelles...

Quelle verve possède ce M. Auger, il est tout ce qu'il y a de plus passionnant pour une lectrice pas toujours avertie. La conversation, j'allais écrire la conversion, truffée d'anecdotes littéraires toutes aussi surprenantes les unes que les autres, a presque pris des airs de cours de littérature 101. Nous avons bien sûr évoqué quelques souvenirs du bon vieux temps, parlé de quelques auteurs d'ici, dont Jacques Côté qui, par un autre de ces beaux hasards, se trouve être son voisin. Jacques, alors étudiant en musique, avec qui j'ai travaillé il y a quelques 30 ans chez un disquaire de grande surface, aujourd'hui discontinué. Jacques, de qui j'ai lu Les amitiés inachevées, et dont l'action se passe ici-même, dans la vieille ville, un roman qui m'avait beaucoup touchée à l'époque, qui parlait du suicide. Jacques, de qui je n’ai pas encore lu Les tours de Londres, ce roman qui traîne avec les autres dans l'armoire, et qui attend...son tour...

Oui, ce monde est petit, si petit...Nous avons également parlé de librairies, celles d'occasions comme celles qui s'installent dans et devant nos effoirés de salons, pour en venir à une conclusion probante: nous ne fréquentons plus ces endroits où il faut payer un droit d'entrée pour y acheter de la marchandise d’étalés. M. Auger ne privilégie dans son antre que les livres ayant attrait avec la pensée, celle qui malheureusement déserte de plus en plus l'aire pollué des grands salons du bon marché.

Nous n'avons pas eu le temps de parler du E-book, mais comme son ère semble être arrivé, je me demande si ce gadget, apparemment fort pratique pour ceux qui ne veulent pas trop encombrer leurs salons high-tech, et qui selon les analystes du bon marché devrait être déposé par tonnes de copies en dessous des milliers de sapins artificiels à Noël prochain, finira par détrôner le livre conventionnel, comme le polycarbonate et l'aluminium le firent pour le vinyle ?

Le livre, tel que vu, lu et senti jusqu'à aujourd'hui, celui qui se prend encore effrontément ou tout doucement entre les paumes humides de nos mains d’effeuilleurs éhontés, finira-t-il par disparaître ? Pour l'immédiat, si l'on se fie au nombre impressionnant de bouquineries que la ville de Québec compte sur son petit territoire, je serais plutôt portée à croire que non. Il y aura toujours des chercheurs de trésors... 

***

Je venais juste de commencer à lire Fou-Bar, d'Alain Beaulieu, un autre auteur comme Jacques Côté, qui vit, écrit et enseigne ici, dans la Capitale, que j'apprenais, via son site web, qu'il vivait une " rupture " avec tout ce qu'il avait écrit jusqu'ici. Etant déjà fort aspirée par l'histoire d'Harold et de Nadine, je me suis donc dit qu'il faudrait que je trouve dans une bonne librairie son dernier lit, son fils perdu, son joueur de quilles et la Cadillac blanche de Bernard Pivot, pour y alimenter ce feu de mots qui consume les soirées de l'automne pluvieux… Encore des mots, toujours des mots. Cela ne suffira jamais.

***

Mais on est de cette race-là. On peut en faire la généalogie. Comme on est devenu des Franco-Manitobains, on ne voit plus ce lien culturel. Quand on était jeune, à l’école, on était de cette même civilisation. Dollard était notre héros. Champlain était notre fondateur. Il y avait un continuum avec l’ancien temps. Mais il y a une cassure et nous ne sommes plus ce grand peuple de Canadien Français. Et cette dérive s’accentue encore aujourd’hui. "

Roger Auger, franco-manitobain et défenseur de la Langue française



vendredi 2 octobre 2009

RECONNAISSANCE: Ici et Maintenant

photo: Guillaume Simoneau




L'on m'a dit aussi que vous vous fardiez. Fort bien ! Dieu vous a donné un visage, et vous vous en fabriquez un autre.

William Shakespeare
Hamlet

Je fais partie de ce grand théâtre.
Lino


Ne plus savoir quoi écrire parce qu’avoir trop vu. Ne pas savoir anéantir parce qu'avoir voulu bâtir. Ne pas savoir mourir parce que ne pas avoir voulu partir…

***


HAMLET, encore une fois, comme l’ultime revenant de Shakespeare. Lui qui passera toujours à travers le Temps, au-delà des hommes et de leurs tourments. Lui qui revient enrober de son essence l’esprit du Père via le Fils. Et boire au sein de la Mère.


Des comédiens, avec leur ego gros comme des regrets. Et un spectre aussi large que celui du jeune metteur en scène qui veut nous larguer sa passion en plein visage. Lui, fils suspendu dans les profondes limbes, gravilévitant autour de la scène, à moitié presque mort, qui a su faire retenir nos souffles coupés ensemble tout le temps que la pièce dura pour l’en détacher.


Une mise en scène signée Michel Nadeau, avec ses mots ainsi que ceux des comédiens qui interprétèrent sa RECONNAISSANCE . Une histoire, un décor, des éclairages, tous parfaitement en accord pour ce voyage d’une durée de deux heures et quart. Avec Maria, qui veut faire naître, mais qui n’enfante pas, qui ressusciterait un ange et qui aime son Nicolas, qui lui rêve d’escalades, de précipices, de voyages et de liberté, d’être ICI et MAINTENANT. Avec la jeune actrice qui veut partir ailleurs pour que l’on fasse sa reconnaissance, qui ne restera pas pour le réveil de son beau au bois dormant, François, qui appelle et crie PAPA! PAPA! Ce dernier qui entrera volontairement dans un coma pour y déloger du sien, rendu au stade 3, son enfant retenu prisonnier dans cet endroit froid depuis des mois. Mais était-ce si froid ?


Je sais que tout ne me reviendra pas, et je le reconnais, car je ne le veux pas. Laisser retomber la fine poussière entre les spectres, ne pas abandonner la vie au détriment du coma. Il n’en fallait pas plus pour que les fantômes de cette opération réussissent à agiter à nouveau l’Émoi et y reconnaissent la fragilité de son état.


Merci à M. Michel Nadeau, le concepteur de cette magnifique pièce, et à la troupe du Niveau Parking, valeureux collaborateurs, et plus spécialement à messieurs Steve Gagnon, Hugues Frenette et Sylvio Manuel Ariola, qui encore une fois m'ont fait passer un de ces moments inoubliables. Oui, je vous aurai dans la mémoire longtemps...