samedi 24 septembre 2016

887: de la tête au coeur



Photo: L.Langlois
 Grand Théâtre de Québec
21 septembre 2016


Photo: Érick Labbé


Alzheimer de la grand-mère
Cigarette au balcon de la mère
Mouchoir dans le taxi du père
Ombres chinoises dans la chambre avec la sœur
Passation de la run du Soleil par le grand frère
Nocturne de Chopin sur le piano d’un voisin
Camping de ville sur la galerie familiale
SPEAK WHITE immortel de Michèle Lalonde dans la cuisine
Tranche de viande froide de Fred dans la clef du portable
Néons, tabourets et menu interchangeable du snack bar
TOUT et RIEN cachés ensemble dans la garde-robe de l'enfance
BANG BANG !




De la tête au cœur, c’est ce que notre Robert Lepage interNATIONAL, dans toute son humble splendeur, a tenu à nous dire en ce soir tant espéré…




681-1919, c’était le numéro de téléphone des Langlois à notre maison du 102 rue de Galais (avenue aujourd’hui) de 1961 à 1976. À l’époque des téléphones à roulettes, on donnait un nom aux deux premiers chiffres, (le nom du poste central) et comme il y a toujours de ces beaux et drôles de hasards qui rôdent dans l’espace-temps, le nôtre était…MURRAY. Celui des Lepage commençait également par les chiffres 6, 8 et 1...




La mémoire, cette faculté qui a tendance à aller se faire voir ailleurs une fois que l’âge avance et se perd dans le Chemin de l’Oubli…

elquidam


Rangée C, siège 7, mon nouveau siège au Trident pour la saison 2016-2017. Le jour J est enfin arrivé. Nous sommes le 21 septembre 2016, il y a eu 29 ans hier que mon père est décédé. Je pense à lui et à tout ce qu'il m'a légué en me quittant: son attachement à nos racines, son appétit de l'actualité, sa curiosité infinie...Et en cette veille d’automne, nous nous apprêtons à assister à la très attendue 887 qui rend justement hommage au père du créateur...


Papa et frères
102 rue de Galais
Laval-des-Rapides
1966

19:35, dans la salle Octave-Crémazie du GTQ, les spectateurs aperçoivent Robert Lepage qui s’avance tranquillement sur la scène. Les lumières ne sont pas encore éteintes. Il nous invite à fermer nos téléphones et nos pagettes (s’il en reste encore qui utilisent ce moyen de communication).


Photo: Erick Labbé

Puis il entame son projet, celui de nous parler de lui, de sa famille, de ceux qui l’ont fait lui, à commencer par sa beauté d’homme de père, de son dur métier de chauffeur de taxi qu’il exerçait jusqu’à tard le soir, et de sa mère, reine du foyer, qui a pris soin de cette maison tri générationnelle. Les Lepage, un clan tout à fait fascinant, qui parle anglais et français, qui de Frédéric Chopin à Johnny Farago en passant par Nancy Sinatra nous transporte directement dans le temps d'une adresse retrouvée, celle de l'avenue Murray.



Carroll Rancour et Johnny Farago
1962


 Et en français SVP ;-)


Par les fenêtres grandes ouvertes du 887, nous passons au travers des diverses crises qui ont façonné le Québec de la révolution tranquille. Que ce soit par les extraits de la lecture du manifeste du FLQ lue par Gaétan Montreuil-euille-euille-euille dans la grosse bertha de la télévision de Radio-Canada ou par le bruit que font les méga pétards à mèches courtes éclatés dans le ventre du baril métallique, l’effet de surprise sera toujours aussi saisissant, autant que la première fois où l’on a fait connaissance avec le super cube à tout faire qui abrite à peu près toute la solide scénographie de 887. D'une ingéniosité qui n'a aucunement perdu de son originalité depuis les toutes premières pièces. 

Robert Lepage et la maquette derrière 887

http://ici.radio-canada.ca/regions/quebec/2016/09/26/013-theatre-culturel-quebec-histoire-piece-887.shtml


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JE ME SOUVIENS…
MAIS DE QUOI ?



Après toutes ces années de travail sans relâche à offrir à son public des pans de murs géants de sa créativité, on est à se demander où s’arrêtera le génie de cet homme au talent multidimensionnel ? Et voilà que je me plais à imaginer un scénario à mon tour…


Photo: Érick Labbé


Nous sommes quelque part en 2018, l’ouverture officielle du DIAMANT est maintenant chose du passé. Les invités ont été unanimes, ils jubilaient tous : le DIAMANT est ce qu’il y a de plus innovateur comme salle de spectacles, nous avons eu l’impression de voyager à bord d’un vaisseau spatial, d’avoir effleuré la Lune et quelques exo planètes, de s’être dématérialisés. Mais il y avait encore de ces quelques réfractaires qui s’étaient invités sur le trottoir de l’ex Y.M.C.A. Opposés, non pas au projet lui-même mais aux diverses subventions gouvernementales dont Ex Machina avait bénéficié, ils ont vite réalisé qu’ils ne pèseraient pas lourd bien longtemps dans la balance du progrès tant les critiques des divers médias encensèrent le nouveau bijou de la Capitale. Certains d’entre eux se repentaient (silencieusement, afin ne pas perdre la face devant les impénitents) d’avoir osé insulter l’audace et l’intelligence de ce génie issu de notre cité, homme né sagittaire à quelques rues de son tout nouvel univers inondé de la mémoire des ondes courtes de la ionosphère qui procuraient jadis à son père dans le taxi de nuit les belles chansons américaines, encore inconnues des gens d'ici, que l'on traduirait sans en payer les droits d'auteur...




Cœur de viande froide
pour une mort imminente
;-)





Et par ici, un homme de Bromont, Paul Bienvenue, qui possède une impressionnante collection de voitures hippomobiles, traîneaux et carrioles de toutes sortes. Le Musée de la Civilisation de Québec en a d'ailleurs monté une exposition en 2015-2016. Mon conjoint a eu le privilège de visiter son musée personnel jeudi dernier. Je n’ai pu m’empêcher de penser à ce dont Robert Lepage nous avait entretenus la veille pendant les quelques deux heures que dure son mirobolant 887 sur notre identité, notre mémoire collective et personnelle et donc aussi sur notre oubli volontaire ou non des événements qui ont marqué NOTRE histoire. En écoutant M. Bienvenue, j'ai eu comme un regain de positivisme face à toutes ces disparations spontanées de notre patrimoine culturel. N'oublions jamais d'où nous sommes venus et où nous nous en allons...
    




Entrevue Patrice Roy et Robert Lepage




SPEAK WHITE




 LE FORT ET LE FAIBLE

LE LOUP ET LE LAPIN
poème de Jean Remy

Jean Lapin trottinait, broutant dans la clairière,
quand d'aventure, il rencontre un grand loup,
Hâve, hargneux, tout prêt à faire un mauvais coup,
Et Jeannot aussitôt s'assied sur son derrière:
Tu feras mieux, dit-il, de faire à ma manière
D'un peu d'herbe et de thym,d'une feuille de chou,
Au lieu de te plaire au carnage;
Ami, prends ce parti, crois-moi,c'est le plus sage.
L'autre répond:Petit végétarien,
Tes beaux sermons ne me servent de rien:
J'ai faim, je ne puis pas attendre;
Ta chair me plaît, elle me paraît tendre;
Borne à ton oraison,
Elle n'est pas de saison;
Je ne me nourris pas de recettes pareilles
Ventre affamé n'a pas d'oreilles
Le proverbe a raison.
Il faut fuir le méchant qui s’endurcit au crime;
Vous le prêchez en vain: Jean Lapin fut victime
De ses bons sentiments, car le loup s'en moqua
Et le croqua

Jean Rémy


***



Le nouveau jardin du GTQ
(parce qu'on ne se nourrit 
pas que de culture) 


Et le piano carré rouge
au dessus du Conservatoire de Musique

Photos L.Langlois
21 septembre 2016





1 commentaire:

  1. via facebook le 26 septembre 2016

    Tu as absolument raison. Nous avons été voir la pièce samedi dernier à Québec et nous avons vraiment apprécié.

    Serge Côté

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