mardi 12 novembre 2013

ORPHELINS/ LES MUSES ORPHELINES : Familles recherchées




Le 18 octobre dernier, au théâtre de La  Bordée, j’ai eu le marquant privilège d’assister à la pièce ORPHELINS du Britannique Dennis Kelly. Traduite par Fanny Britt et mise en scène par Maxime Denommée, que j’avais vu en avril dernier, le 15 plus précisément, à la salle Albert-Rousseau dans LES MUSES ORPHELINES, ce n’est que quelques jours après l'avoir vue que j’ai fait le parallèle entre ces deux histoires de familles « bombes à retardement ». Deux histoires qui traitent des liens parfois chaotiques entre frères et sœurs, qui les unissent, ou les désunissent, pour le meilleur et/ou pour le pire. Comme dans une cérémonie officielle, il y avait des fleurs, de la musique et de l'angoisse (cosmique) pour célébrer l'une de nos plus belles dramaturgies québécoises, de celles qui nous rappellent à l’ordre…





ORPHELINS, une peinture qui tourne autour de la peau d'un frère, d'une sœur et de son mari. Étienne Pilon, Liam le frère, est tout simplement explosif dans le rôle du gars floué/fluant au T-Shirt ensanglanté. Changeant comme l’air du temps, constructeur/destructeur de sentiments allant de la violence à la dépendance, fatiguant autant qu’attachant, semant le doute dans la tête de Danny, son gentil beau-frère, interprété magistralement par l'électrisant Steve Laplante, un homme qui est peut-être encore plus révolté que lui. Liam dérange Helen, jouée ici par la superbe Evelyne Rompré. Il dérange, oui c’est ça, il dérange, comme ceux-là qu’on voit retentir en plein milieu d’un souper qui s’annonçait romantique, un vrai casseux de party comme on dit par ici…

En attendant le drame, on rit, mais pas tant que ça, surtout lorsqu'il s’agit de l’Étranger, qui au début apparaît en traître à la patrie et qui finalement ne s’avoue être qu’un pauvre quidam qui passait sur le trottoir des immigrés, un encabané qui essayait tant bien que mal de se déprendre des mains méchantes d'un illuminé. On se brasse la cage, on déterre nos propres morts, on crie au loup pour ne pas se faire abattre par le triste chasseur qu’est le chagrin des opprimés. On en prend plein la gueule de cette pulsion de vie et de mort.





ORPHELINS, de père ou de mère, ou des deux, comme de l’humanité toute entière, le trio disloqué nous en apprend encore plus sur un mal qui se répand à la vitesse grand V dans les mégapoles des surpeuplés comme dans les bleds des éparpillés:  le cœur de la virtualité qui passe par le corps de la réalité. On attend que la révolution arrive mais elle est bien souvent très en retard pour ses grands rendez-vous.

L’auto ou le métro ? Le téléphone ou le texto ? Le farniente ou le boulot ? Le poème ou le brûlot ?  L’ordre ou le désordre ? La paix ou le chaos ? C’est à l’auteur de décider. Pas aux acteurs.  Dennis Kelly sonne l’alarme générale avec ses répliques sismiques qui crevassent les ruelles désertes des cœurs de pierre précieux et fait tomber le masque de la douleur des catcheurs de rêve...



Masque de catch el Santo


ORPHELINS

PRODUCTION : LA MANUFACTURE
TEXTE : DENNIS KELLY
TRADUCTION : FANNY BRITT
MISE EN SCÈNE : MAXIME DENOMMÉE
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE : MARIE-HÉLÈNE DUFORT
DÉCOR : OLIVIER LANDREVILLE
COSTUMES : STÉPHANIE CLÉROUX
ÉCLAIRAGES : ANDRÉ RIOUX
MUSIQUE : ÉRIC FORGET
ACCESSOIRES : PATRICIA RUEL
DIRECTION ARTISTIQUE : JEAN-DENIS LEDUC

DISTRIBUTION 
STEVE LAPLANTE
EVELYNE ROMPRÉ
ÉTIENNE PILOn

*****

 « Y’A PERSONNE DE NORMAL DANS FAMILLE 
PIS VA FALLOIR VIVRE AVEC ÇA »


photo: Le théâtre jean-duceppe






« Prenez garde de vous casser la margoulette dans les montagnes. 
Rapportez-nous vos personnes en bon état. »
Gustave Flaubert Correspondances


LES MUSES ORPHELINES, de Michel Marc Bouchard, créée en 1988, raconte l’histoire d’une famille du Lac St-Jean tricotée serrée, une maille à l’endroit une maille à l’envers. Abandonnée par une mère voyage il y a plusieurs années, elle attend nerveusement son (im) probable retour. Trois sœurs, un frère, occupent l'air pesant d'une maison bien isolée par la chicane, l’amour et…les secrets.
Maxime Denommée, qui interprète le rôle du frère, comme à son habitude, nous a livré une performance sans faille; Léane Labrèche Dor, quelle agréable découverte, nous a pris les tripes avec ses répliques à l’emporte-pièce; Macha Limonchik, un peu plus effacée, a cependant accoté fermement une Nathalie Mallette spirituelle à souhait.


On soulève avec les comédiens le poids lourd de leur secret familial : leur mère toujours vivante à qui l’on a caché l’existence à la cadette des trois sœurs, Isabelle, exquise Léane Labrèche Dor, fille d'un certaine Marc et petite-fille d'un certain Georges. L’angoisse de la lumière crue que ce secret procure aux personnages colorés de ce décor gris latté favorise une mise en scène ravageuse, ravageuse dans le bon sens de la définition. De la parole aux actes, LES MUSES ORPHELINES, c'est comme un fin crochet de gauche sur la margoulette, une grosse vague de critique culturelle dans le clos des renfermés habituels.

Le chant d’adieu des Paloma
la jupe espagnole d'un frère fripé
le fantôme errant des amants
une corrida de sentiments mal usés
une définition du mot dictionnaire


Un dictionnaire est un ouvrage de référence contenant l’ensemble des mots d’une langue ou d’un domaine d’activités généralement présentés par ordre alphabétique et fournissant pour chacun une définition, une explication ou une correspondance.






LES MUSES ORPHELINES

Mise en scène : Martine Beaulnes
Assistance à la mise en scène : Manon Bouchard
Décor : Richard Lacroix
Costumes : Daniel Fortin
Éclairages : Claude Cournoyer
Musique : Ludovic Bonnier
Accessoires : Normand Blais


  

Photo: François Brunelle












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