dimanche 1 février 2015

DANS LA RÉPUBLIQUE DU BONHEUR: Kiss on my bliss

Photo: Alice Chiche

Il y aura des lettres écrites et déchirées
Des occasions perdues des amis fatigués
Des voyages inutiles des déplacements vides
Des heures sans bouger sous un soleil torride, 
Il y aura la peur qui me suit sans parler

Michel Houellebecq
DERNIERS TEMPS





N’AYEZ PAS PEUR DU BONHEUR; 
IL N’EXISTE PAS.

Michel Houellebecq
Survivre in RESTER VIVANT ET AUTRES TEXTES



DANS LA RÉPUBLIQUE DU BONHEUR, là où on y entendrait ad nauseam des chansons kétaines du Noël qui te lave plus blanc que blanc et pas vraiment de mots pour décrire tout ce que j’ai vécu en cet après-midi ensoleillé, enfermée dans la salle Octave-Crémazie du GTQ, à part que…





…deux belles grandes petites filles bien roulées mais mal élevées, qui évoluent au sein d’une famille d’atomisés qui se dorent la couenne en Floride le jour de Noël…de la musique signée Keith Kouna enrobant les voix de la perdition…des fringues, des frasques, du fric, le cul dans la tête et le vice qui versa sur le côté le temps d'une remarquable mise en scène...un pépé radieusement en forme, qui bande encore pas trop mou…son fils astronaute souffleur de neige noire…un mononk chanteur de pomme qui casse le party, sa femme flashbang qui a le don de nous en foutre plein la gueule avec sa lumière aveuglante dans le décor sombre de la foutaise absolue...




Tout ça mixé dans le hachoir Lapointe. Comme un bonbon suret sur le bout de la langue humide du mal humain. Quelque chose qui n’a rien à voir avec le something in the way she moves. Trois générations qui s’assemblent se ressemblent, qui se poursuivent sans relâche avec leur surconsommation désabusée du Gras Commerce Extérieur. Des cadeaux bien empilés dans tous les recoins de la maison decormag, développés dans l’indifférence, qui font que les sourires s’effacent assez vite sur ces beaux visages de plâtre…Et cette COLÈRE qui gronde dans les têtes des dramaturges...


Martin Crimp


Le temps est toujours le bienvenu pour Pépé de feuilleter sa revue porno et d'aller faire un peu de bateau sur les flots de la mer seins titillants, et pour Mémé de s’étendre dans sa chaise de snowbird encabané dans l'été éternel, de se la couler douce-amère au bord de la piscine gonflée à bloc de spacieux patios. Le temps est aussi bienvenu pour Debbie et Hazel: deux sœurs au bord du gouffre sans fin de la compétition, à bout de souffle, un bébé pas de tête dans le ventre de l’une, la jalousie dans le cœur de l’autre, deux futures supervénus qui ne grandissent plus, qui ne grandiront jamais, qui ne se feront plus border par les vagues de chaleur humaine d’une mère en minijupe…


Lise Castonguay et Ève Landry
Photo: Nicola-Frank Vachon


La famille décomposée par Martin Crimp, revisitée par Christian Lapointe, une sorte de débarque programmée dans le grand cirque pas ordinaire du théâtre de ce metteur en scène qui ne cessera jamais de me surprendre. DANS LA RÉPUBLIQUE DU BONHEUR, comme un brûlot piquant qui te réveille la nuit, qui emporte avec voracité, dans sa minuscule bouche, un morceau de ta chair rôtie. C’est pas toujours rose et ensoleillé dans les petits coins de paradis perdus. Quelque chose là-dedans nous a comme tirés à bout portant de notre néant et pourtant... nous sommes encore vivants…

***

Moi à une spectatrice dans l’arrêt de bus à la sortie du GTQ :


 -            Vous avez aimé la pièce ?
-       -  Je ne sais pas.
-         Connaissiez-vous Christian Lapointe avant ?
-        - Non.
-        - Ah…
-         - Je pense qu’il y a comme de la propagande là-dedans.
-         - Plutôt une simple constat de notre réalité, avec un gros soupçon de     révolte…

Ne lui ai pas énuméré les objets avec lesquels j'avais joué auparavant (VU D’ICI, LIMBES, TRANS (E), SEPSIS, L’ENFANT MATIÈRE, L’HOMME ATLANTIQUE, ORPHÉE 21), mais simplement signalé que j’avais à nouveau retrouvé l’effet Lapointe, sa déconstruction habituelle, sa vision. Puis la 801 se pointa. La dame dû y monter pour retourner dans sa triste et sécurisante banlieue. Puis ce fut mon tour avec la 800. Le même scénario qui se reproduit pour la même race de monde. Assis à mes côtés, deux jeunes beautés mâles arabes qui se parlaient en…arabe. Et dans mon sac, les SOUMISSION et RESTER VIVANT de Michel Houellebecq. Pas osé les leur exhiber, plutôt sorti le programme officiel du MOIS MULTI 2015 (4 au 28 février) pour prendre connaissance des différents shows et installations qu’on y présentera avec entre autres ARTHY, l’installation robotique  qui m’expliquera pourquoi je ne suis pas un artiste génial. Les deux jeunes Arabes paisibles sont descendus dans Limoilou. Aucune espèce d'échange entre nous, aucun mot, aucune espèce de sourire, et pourtant…






Devant l'entrée des artistes, Normand Bissonnette et David Giguère, deux des comédiens de la pièce fument dehors dans le froid glacial du dernier jour de janvier 2015. Qui sait, peut-être rêvent-ils de Playa Blanca ;-) Dans moins d’une demi-heure ils seront Papa et Oncle Bob sur les planches en sable du Trident pour nous jouer l’un des plus beaux tours d'observation de cette race humaine que nous sommes, sûrement l'un des plus percutants de cette saison 2014-2015. David Giguère, également un excellent auteur qui chante aussi. Voyez et entendez sa superbe HONTE:








BLNC THTR, une arène remplie d’espace, qui fait beaucoup de place à l’imaginaire du Spectateur, qui lui lance quelques bombes assourdissantes à la tête afin qu’il n’oublie pas que les guerres de mots qui font des morts ne se délivreront jamais de notre monde de sangs dessous les autres. Nous sommes et serons toujours aux premières loges du divin désastre avec le génie de Christian Lapointe. Nous n’en n’aurons jamais fini avec ce puissant pouvoir créateur et c’est bien tant pis pour ceux qui en auront toujours un peu peur…


Photo: Pedro Ruiz



Pour Oncle Bob et Madeleine: un beau bec sul' kisser !!

And if you insist on knowing my bliss
I´ll tell you this
If you want to know what the reason is
I´ll only smile when I lie, then I´ll tell you this





DANS LA RÉPUBLIQUE DU BONHEUR

CONCEPTION

Texte: Martin Crimp
Traduction: Philippe Dijan
Version québécoise: Christian Lapointe
Scénographie: Matéo Thébaudeau et Jean Hazel
Costumes: Virginie Leclerc
Éclairages: Martin Sirois
Musique: Keith Kouna
Dramaturgie: Sophie Devirieux
Projections: Lionel Arnould
Coiffures: Sébastien Ouellet
Accessoires: Julie Lévesque

DISTRIBUTION 

Normand Bissonnette: Papa
Lise Castonguay: Maman
Denise Gagnon: Grand-Mère
David Giguère: Oncle Bob
Ève Landry: Madeleine
Joanie Lehoux: Hazel
Roland Lepage: Grand-Père
Noémie O’Farrell: Debbie

PHOTOS: Nicola-Frank Vachon








                      http://vimeo.com/102826203




Un beau gros char pour Hazel

Ce réservoir peut être un souvenir pour vous et votre famille, même passé à la prochaine génération avec sa qualité exceptionnelle. 






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