lundi 15 juin 2015

TROIS: de l'UN à l'AUTRE

Photo: Ulysse del Drago

L'exercice de la Parole n'est pas neutre. Pour l'humain — défini comme un « animal social » — c'est un acte de création et de relation par excellence :
Ma Parole crée l'Autre, c'est mon pouvoir et ma blessure. Je peux faire l'Autre comme on fait des garnisons, des disciples ou des fidèles, tous bien alignés dans mes systèmes. Je peux faire l'Autre comme on fait des exclus, des marginaux, des murs et des cloisons, contre qui j'appellerai les flics et les prisons. Ma Parole peut aussi faire l'Autre comme un Homme. Mais alors, dès que je l'ai reconnu, il se lève debout de ma Parole et marche libre comme si ma Parole risquait de lui devenir son tombeau. Je crée l'Autre, mais c'est lui qui me fait exister, car la relation est toujours une Parole dépossédée. Croirai-je jamais assez que la parole de l'Autre puisse me construire ? Dans la parole, nous sommes toujours trois. Toi qui me parles, moi qui t'écoute et la Parole qui est aussi Quelqu'un.

Jean Debruynne
PAROLE
p. 68 
Paris 1992
Desclée éditeur



Louise Langlois  au Carrefour International de Théâtre
Merci d'avoir importé en nos murs cette liberté de parole, on en parlera encore dans 50 ans.
7 juin 2015 22 :25



 Il savait qu’on l’attendait
Il savait que l’on ne pourrait plus 
se passer l’un de l’autre longtemps


Avant la pièce, au coin du boulevard des Capucins, une femme en tchador. À ses côtés, un homme en bermudas et sandales. Au bout du nouveau monde, au centre de la ville à « l’accent d’américanisés »,  sans craindre d’être agressés par un agent de la paix, ils respiraient, librement, le même air pollué que NOUS…


Photo: L.Langlois
7 juin 2015

Certains auteurs qui trouvent que les adverbes sont mal advenus dans les dithyrambes n’ont peut-être pas compris que l’adverbe est le mot qui parfois pèse plus lourd que tous les autres lorsqu'il est question de l’appréciation que l’on porte aux différents sujets et objets qui occupent une place plus que prépondérante dans notre esprit le temps d’un de ces moments qui restera GRAVEMENT marquant…



Un-deux-trois GO, partez pas, arrivez ! Allumez VOS lumières pour éclairer les mots venus de cette tête enflammée d’Histoire. Mani Soleymanlou, un être pénétré par cette facilité qui est celle d’engendrer des liaisons AVEC lendemains. Mani, un chat sur un toit brûlant, qui nous aura kidnappés pendant 200 minutes dans une BORDÉE remplie à ras bords de promesses et de fraternité...






UN

Homme seul assis debout
jamais à genoux
qui ne vous prie pas de penser comme lui
mais qui vous fait prendre conscience
que tout le monde n’est peut-être pas pareil
mais qu’il se ressemble sur un paquet
de TROIS petits points… … … … … … … …

UN

Monologue qui parle de la vie qui bat
de la mort qui rôde
de la liberté à venir
du désir de création
du verbe blanc
du sujet rouge sang
et des paquets de compléments, 
avec fenêtres vue sur océans,
ceux-là qui nous séparent
pour un moment
ou pour longtemps




UN

Cent fois plus rassemblant que mille
qui, de toute chose du vivant et des mortels,
refait CONSTAMMENT son recommencement




A., UN ami UNiversel 
Photo: L.Langlois

UN

qui le soir s’étend sur le divan
le vague salé dans l’âme
le mal de vivre au cœur
et qui se soulèvera à nouveau dès l’aurore
pour aller travailler toute sa journée
pour aller repêcher les pâles sourires
de cette société de pauvres et de navrés
les narines remplies de neige artificielle
le cul bien mal assis entre les chaises de bourreaux
dans la galerie moderne des biens meublés
avec la barbe pas faite et la cravate défaite
avec des sandales aux pieds au lieu de baskets
avec des tissus chamarrés et des bijoux volés
avec des ongles peinturés et des cils rapportés




Photo: Jérémie Battaglia



UN pour faire l’amour à DEUX
puis à l’humanité


DEUX

Comme dans le grand dialogue de l’Amitié
sans aucune trace d’animosité 
sans adversité
avec pour seul et unique moment de vérité
le partage des murmures avec l’audience emmurée
(pour la circonstance)

DEUX

L’Histoire revue et améliorée
par celui qui l'avait créé seul 
AVANT…

DEUX

comme ces hommes qui marchent à côté de nous un peu partout, là où nos pas se posent, là où nos regards se croisent trop FURTIVEMENT. Ces hommes qui prennent le taureau de leurs combats par les cornes pointues de l’abondante humanité. Ces hommes bons qui osent nous dire pourquoi les autres ne peuvent pas penser de la même manière qu'eux. Ces hommes qui promènent leur pensée à travers les quarante-trois chaises de banquet, là où l’exil des uns fait parfois le péril des autres. Cette souveraine mise en scène qui nous emmène vers un TROIS absolument foudroyant d’énergie...renouvelable...



Photo: Orange Noyée


TROIS

Une trilogie marquante de l'ORANGE NOYÉE
comme celle des DRAGONS de Lepage
et du SANG DES PROMESSES de Wajdi

TROIS

une universelle remontée théâtrale pour le milieu culturel québécois, une histoire naturelle parvenue au cœur d’un homme dont l’exil nous rappelle celui de tous les autres. QUARANTE-TROIS êtres humains devant nous, forts comme des bœufs, légers comme des plumes, articulés de manière à permettre leur pleine rotation l'UN par rapport à l'AUTRE, qui ne semblaient pas vraiment « jouer », qui furent plus-que-parfaits dans cette performance haut-de-gamme qui demandait beaucoup de mouvement et d’agilité, autant verbale que gestuelle. Même Jacques Parizeau, qui était à ce moment exposé dans le Salon Rouge du Parlement, a du se retourner une couple de fois dans son cercueil drapé de son linceul drapeau fleurdelisé ! Lorsque l’Innu Marco Collin se lève et parle (enfin), on comprend à quel point c’est important pour Mani Soleymanlou, celui qui a conçu cet incommensurable « accident », que la Parole est sans doute le plus bel instrument pour interpréter toute cette musique qui est en chacUN de nous tous.





« Je pense que le théâtre, à sa petite échelle, peut permettre de faire un premier pas vers l’élimination des fractures générationnelles. Il faut opérer un rapprochement entre les générations d’Innus, mais aussi entre les deux peuples. La blessure des Amérindiens, il faut trouver un moyen de la guérir, peut-être en trouvant dans les échanges entre les générations de nouvelles manières de dialoguer avec la majorité québécoise. »

Marco Collin

TROIS

C'est tout le monde 
qui se retrouve 
dans NOTRE assiette

Mon souhait le plus cher en sortant de LA BORDÉE: que tous les Québécois, nouveaux arrivants comme « de souche », assistent un jour à ce monumental moment de fraternité, qu’ils aient l’honneur et le bonheur de connaître des hommes comme Mani SoleymanlouEmmanuel Schwartz et les quarante et un autres qui firent de ce moment unique l’un des plus beaux cadeaux que le CARREFOUR INTERNATIONAL DE THÉÂTRE DE QUÉBEC nous ait offert. Merci du fond du cœur, on vous revaudra bien ça…l'an prochain. En espérant peut-être voir la suite: ILS ÉTAIENT QUATRE.




Et pour ne jamais oublier les beaux visages des QUARANTE-TROIS, les superbes photos d'Ulysse del Drago: 

http://3900.ca/Quarante-TROIS


TROIS

http://www.carrefourtheatre.qc.ca/programmation/trois/




imagine







Parmi les spectateurs, Jean-Denis Beaudoin, ma Bête Noire préférée, révélation de la saison 2014-2015, avec qui j’ai eu le plaisir de converser sur sa prochaine création intitulée ÉPICERIE (qui était d’ailleurs présentée aux CHANTIERS), une pièce que nous verrons au cours de l’hiver prochain chez PREMIER ACTE. Également Maxime Robin, le sosie d’Emmanuel Schwartz ;-), accompagné de la belle Marianne Marceau, dans les toilettes, Édith Patenaude, dans la salle, Lise Castonguay, et sans oublier notre cher voisin moscovite qui...n’est pas un Français même s'il en a l'accent…;-) Et le crayon, que quelqu'un a laissé tomber, que j'ai ramassé...en souvenir...




Photo: L.L.


Avant de rentrer chez nous, un petit détour « exotique » dans Limoilou chez SOUPE & CIE, pour manger un succulent et piquant potage indien, mais aussi pour se retrouver, pour se mettre à jour dans nos quotidiens, et surtout pour parler de ce rassemblant et inoubliable voyage aux pays de Mani. Comme pour boucler la boucle de la libre expression: deux jeunes femmes qui s’étreignent et s’embrassent librement et amoureusement sur le trottoir presque désert de la 3ème avenue. Quelle belle vie, quand on y pense.

http://soupecie.com/



La preuve qu'il y a des montagnes à Téhéran !




LES CHATS PERSANS: Une histoire d'exil qui a mal tourné pour de jeunes Iraniens:

http://www.france24.com/fr/20131112-iran-etats-unis-rock-the-yellow-dogs-brooklyn-new-york-teheran-chats-persans-film-video
















MAIS APRÈS LA GUERRE IL NOUS RESTE À FAIRE...
LA PAIX



JE ME SOUVIENS


1 commentaire:

  1. via facebook le 16 juin 2015

    Bonjour Louise,
    Merci tellement pour ce si beau témoignage.
    Je suis très touché par vos mots.
    Au plaisir.
    Mani

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