samedi 10 octobre 2015

TROIS NUITS AVEC MADOX : Les possibilités du TOUT ou RIEN



 Photo: Courtoisie Premier Acte




La vie ne m’intéresse pas assez 
pour que je puisse me passer d’écrire.

Vient toujours un moment où on rationalise,
Et toujours un matin au futur aboli.
Le chemin se résume à une étendue grise
Sans saveur et sans joie, calmement démolie.

Michel Houellebecq
CONFIGURATION DU DERNIER RIVAGE



Catherine Simard, Amélie Laprise,
Paul Fruteau De Laclos et Guillaume Pelletier




LE DEUXIÈME TILLEUL À GAUCHE


Qui nous voit? Qui nous manipule?
Qui se pense au-dessus de nous ?
Qui ne se voit qu’en-dessous de tout ?

Les uns à la fenêtre, les autres à la porte.
On sonne, on cogne, on ouvre. Ou pas.
Nous fuyons. Ou nous restons.
Les fenêtres n’existent que pour l’Oeil.


LE DEUXIÈME TILLEUL À GAUCHE, d’une durée d’à peu près un quart d’heure et qui précédait TROIS NUITS AVEC MADOX, amorçait parfaitement cette soirée de JEU d’équipe. Avec des comédiens incroyablement justes, nous avons eu droit à une joute oratoire et gestuelle de premier ordre. Présentée en deux parties, c'est la courte histoire longue d'un couple qui s'observe depuis dix ans via leurs fenêtres respectives. Ils ne se sont pourtant encore JAMAIS rencontrés. Chacun d'eux croit qu’il manipule l’autre. Tellement pathétique et pourtant comique. Je n'ai pu m’empêcher de penser aux divers réseaux sociaux, blogues et autres sites de rencontres qui vous connectent avec des soi-disant autres comme vous. Nous savons tous que c'est un jeu d'espionnage de près et/ou de loin. Mais qu’est-ce qu’on gagne VRAIMENT à jouer à ces jeux de mains jeux de vilains où l’on se fera tirer parfois ou trop souvent la barbichette ? TOUT et RIEN, ces deux grands gaillards tragi-comiques, qui n’en finiront jamais de se chamailler pour les futilités des petites et grandes invraisemblances de ce monde de plus en plus cloîtré en lui-même, pourraient peut-être en avoir long à nous dire sur ce sujet, mais passons, nous devrions plutôt aller jouer une partie de billard, de cartes, de tock ou de dards avec...MADOX...


LES DARDS
Claudine Bouzonnet-Stella
Bibliothèque municipale de Lyon


De la pluie, c'est le dimanche. Dans le bar du météodépendant Bruno, à l’autre bout de notre monde, l'autre monde se lève...La nuit dernière, il a joué aux dards avec MADOX, celui qui dort encore dans la chambre attenante au bar. Il attend que quelque chose se passe. Il a mal au ventre ou dans ce coin-là. C'est son hernie ou peut-être que c’est une appendicite qui se profile à l’horizon, qui sait ? Grubi, tout courbé, le corps enduit d’imperméables, fait sa glorieuse entrée. Son chapeau rond sur sa tête aux yeux fous, il dit à Bruno que la nuit passée, il a joué lui aussi avec MADOX, mais aux dés…Clara, la fille de joie un peu folle, débarque au bar, elle crie à tue-tête qu’elle part demain…avec MADOX ! César se pointe lui aussi, il dit avoir promené MADOX toute la nuit dans son taxi…Pour Njiami, le balayeur, c’est la même chose. Ils ont tous été avec MADOX en même temps mais pas au même endroit. Fou ? Mad ? Absurde ? Incohérent ? Absolument…Résolument…





Guillaume Pepin, le brillant metteur en scène, une belle découverte, assisté de la charmante Edwige Morin, qui avait présenté la pièce au même endroit l’an passé, c'est-à-dire au deuxième étage du Pub L'AUTRE ZONE sur la 3ème avenue à Limoilou, avait tout à gagner en nous présentant cette œuvre indigène. Parce que ça fait du bien de sortir de notre terroir habituel. Ses comédiens ont réussi à nous transporter dans le bout d’un monde où il fait aussi clair-obscur que partout ailleurs. Et de découvrir ces jeunes comédiens, inconnus de nous jusqu’ici, n’a fait que rehausser le plaisir d’y assister. Jocelyn Paré (Bruno), Nicola Boulanger (Grubi), Paul Fruteau De Laclos (César), Nadia Girard (Clara) et Guillaume Pelletier (Njiami) ont tous été à la hauteur de ce texte délicieusement …absurde du Roumain Matéï Visniec. En espérant vivement croiser à nouveau leurs couleurs uniques dans d’autres tableaux aussi vivants.


Guillaume Pépin



Mad-ox/bœuf fou
Mauvaise conscience ?
mad max ? 
En tout cas...



Aucun gagnant ni de perdant aux jeux que joue MADOX, personnage que nous ne verrons jamais durant la pièce mais que nous voyons...Mais voyons donc ! Sont-ils tous si cons que ça ? Je crois bien que NON. Ils sont seulement des hommes qui attendent que quelque chose se passe…en quelque part...

Il pleut toujours le dimanche.
Il pleut toujours. POINT FINAL.


Décor naturel
Photo: L.Langlois


Avons grandement profité de cette heure et quart que dure le show pour nous évader de notre cage pour entrer dans celle du perroquet et de la poupée de Clara. Aussi pour voir cette montre qui fait kling kling klang ou quelque chose du genre. Pour entendre ce grand train de nuit aux cent wagons qui passera ce soir dans notre salon…Parce que c’est toujours l’heure de partir, de courir ou de pourrir, il y a autant de poésie ICI que LÀ-BAS. En fait, Bruno, Grubi, Clara, César et Njiami habitent de l’autre bord, à côté du deuxième tilleul à gauche, là où ou la vie court encore après la mort...


Photo: L.Langlois


Ce soir, Miguel Fontaine et Vincent Nolin-Bouchard, deux finissants de la cohorte de 2015 du Conservatoire d’art dramatique de Québec, nous accueillaient chaleureusement à la porte du Pub L’AUTRE ZONE. Deux jeunes hommes à la communication irréprochable, articulés, affables, et beaux en plus. Nous les verrons probablement un jour sur l’une de nos scènes ici, ou encore à la télé. Leur ai promis d’aller voir au moins une des pièces des prochains finissants, car après tout, ce sont eux et elles que nous irons applaudir à tout rompre un de ces soirs de découverte.


Dans la toilette du 2ème étage
Photo: L.Langlois



L'auteur, Matéï Visniec, possède la clef des possibilités de l’Imagination. Rien de tout cuit dans le bec avec cette écriture de la folie des petits jours. Des corps pris dans des cages, my body is a cage...Un grand train de nuit qui s’échouera sur une plage remplie de sable et de vide avec sa locomotive qui nous entraîne en quelque part pour nous faire plonger au cœur de l’imaginaire de l'auteur. Avec des mots qui courent plus ou moins vite les uns après les autres, avec leur construction puis leur démolition, un peu comme on aime démolir les vieux murs d’une maison inondée de mauvais souvenirs, dans laquelle on avait pris les malsaines habitudes de la sédentarité. C'est le passe-temps favori du Grand Ménage chez ceux et celles qui prennent de l’âge. Et de voir se côtoyer dans cette assistance les jeunes et les aînés, pour faire autre chose que d’y boire la lie des Grands Saboteurs de notre siècle, aura procuré autant de jouissance à mon esprit qu’une envolée d’outardes en octobre...




Visniec aime bien les surréalistes, les dadaïstes, les récits fantastiques, la poésie, le grotesque; c’est peut-être en partie pourquoi je me suis prise à aimer immédiatement son TROIS NUITS AVEC MADOX. C’est à souhaiter que LA TRÂLÉE nous fasse à nouveau savourer de ce théâtre humanitaire. Les superbes éclairages et les bruitages ayant largement contribué à faire de cette soirée originale une création hors norme, ont imprimé dans ma mémoire une ambiance louche comme j'aime en vivre depuis que je fréquente le théâtre auquel PREMIER ACTE nous convie saison après saison.

   
Parce que c’est de vie dont on parle ICI.
Et surtout parce que c’est de mort aussi.

DEDANS DEHORS
VIVANTS OU MORTS

Faire une trêve dans la Nuit
pour faire un trou dans l’ennui





 SOUS LES RÉGIMES TOTALITAIRES, 
LES ÊTRES HUMAINS DEVIENNENT DES ÎLES.
LA MÉFIANCE GÉNÉRALE BRISE TOUT LE TISSU SOCIAL.



Herta Müller
Romancière roumaine, 
une autre qui a fui le régime Ceausescu
Prix Nobel de littérature en 2009





Entre les deux oreilles, il y a parfois du vent fort qui sile,
le même qui souffle sur le Phare où Grubi habite la nuit,
le même où les mystères s'enroulent de réalité ordinaire,
le même où la Folie se rive aux parois poreuses du Doute.

TRAVAILLER LA NUIT, C’EST CHIANT
(MAIS PAS TOUT LE TEMPS)






Photo: SI LES OBJETS POUVAIENT PARLER






Les vêtements, maquillages et coiffures des attifés m’ont semblé sortis tout droit d’une cage à moyens moineaux. Pantalons, chaussures, bottes, imperméables superposés, gants, et le chapeau rond de Grubi, tous agencés parfaitement aux corps et âmes de ces personnages plus grands que nature. Le fait de jouer dans un lieu autre qu’une salle de théâtre habituelle contribue à faire de ce spectacle « extérieur », une sorte de parade de la parole. Et comme la troupe finissait ce samedi 10 octobre, j'espère qu'ils célèbrent en grand en ce moment. Il est minuit 51 dans la Basse-Ville de Lelièvre...Écoutez et voyez...  





Au restaurant LA SALSA, l’aimable et jeune serveur, qui ressemble comme deux gouttes de tabasco à Lucian Bute, nous dit qu’il se le fait dire à peu près trois fois par soir. Bute est Roumain, tout comme Visniec, mais notre serveur ne l'est pas, c'est un Poulin. On rigole avec ça. 



« SPÉCIAL MAMI »
Photos: L.Langlois




Notre « spécial Mami », assiette de dégustation salvadorienne, est tout simplement exquise. L’ambiance est chaleureuse, les gens ont l’air heureux d’y entrer. C’est qu’on se prépare tranquillement à accueillir l’hiver ICI, alors il nous faut repérer de nouvelles adresses où la bouffe ne coûte pas trop chère. Faut bien faire vivre les restaurateurs, qui en arrachent un peu ces temps-ci. Faut faire rouler nos petites économies et profiter de ce temps béni pour fréquenter les rues et ruelles de NOTRE Limoilou. La 3ème avenue entre autres est tout à fait plaisante à marcher, très conviviale. On essaiera d’y revenir plus souvent…comme partenaires...




Bruno: Il t'a montré des photos ?
Grubi: Lui, enfant avec...
Bruno: ...un pot plein de mouches à la main.
Grubi: Oui... je crois que c'est le même mec.

(Silence. Ils boivent leur café en regardant par la fenêtre)






3 commentaires:

  1. via facebook le 11 octobre 2015:

    Quel plaisir de vous lire aujourd hui! Merci beaucoup pour ce beau retour. Vous avez su cerner des enjeux esquissés dans ma vision... mais bien sur il a fallu faire des choix. Je suis content que vous ayez vu toutes ces couches présentes dans le texte. Hier soir nous étions à fêter effectivement notre dernière au restaurant L affaire est ketchup sur St Joseph lorsque j ai reçu votre message. Ce fût une belle surprise. Au plaisir de vous relire et de notre côté nous nous remettons au travaille sur de nouveaux projets. Bon dimanche pluvieux! ;-D
    Guillaume Pepin

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  2. via facebook le 11 octobre 2015:

    Bonjour, un très grand merci!
    Nicola Boulanger

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  3. via facebook le 11 octobre 2015:

    Merci beaucoup !!! :-)
    Jocelyn Paré

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