mardi 20 avril 2010

Semblables et différents





IL FAUT DES MARCHANDS D’ANGOISSE SI L’ON VEUT QUE RÉUSSISSENT LES MARCHANDS DE BONHEUR.

Jacques Godbout
Le murmure marchand
(p.27)

Ce sont ces mots que j’étais en train de lire dans l’autobus qui m’emmenait au GTQ juste avant de rencontrer Lucien Ratio. (Il fallait que j’aille absolument échanger ce billet de la représentation du 29 avril de CHARBONNEAU ET LE CHEF)…Le jeune comédien, que j’ai croisé la semaine dernière au lancement de la prochaine saison du Trident, s’est assis à mes côtés, un peu de biais, il lisait un texte dans lequel le nom d'Henri Lalonde était surligné en jaune à plusieurs endroits. Tiens, ça a l’air d’un dialogue, mais lequel ? Fallait que je sache. J’avais presque la certitude que c’était lui, mais pour être plus certaine, je lui ai posé LA question, directe sans aucune espèce de préambule: " Êtes-vous Lucien Ratio ? " " Oui. " " Ah!, c’est donc ce soir le grand soir ? " " Oui. " S’en est suivi une courte conversation à propos de cette remarquable pièce de notre répertoire, une pièce que nous attendons, moi comme lui j’imagine, depuis près d'un an…J’ai eu le temps de lui mentionner que je serais présente dans l’Octave-Crémazie la semaine prochaine pour savourer ce texte qui, ma foi, avec tout ce qui brasse ces temps-ci en politique et en religion n’a pas l’air d’avoir tellement vieilli…Lucien Ratio, qui n’est pas seulement un acteur, mais chanteur, il fait partie de DÉCEMBRE EN CHUTE LIBRE





La descente au GTQ pour moi mais pas pour Lucien, qui devait poursuivre sa route ailleurs pour continuer de répéter sa pièce j’imagine…Donc, pas eu le temps de lui causer d’Octobre 70 et de son rôle électrisant de Pierre (Bernard Lortie), de Henri 4 et de son Harald, du Menteur et de son Alcippe, de Cyrano et de son Christian, lui ai plutôt parlé de cet autre Christian (Lapointe) qui, ce soir, lui aussi, avait une première. Il offrait TRANS(E) chez Premier Acte, une pièce quelque peu controversée d'après un certain critique du Devoir…Il est maintenant 00 :34, et à cette heure, Lucien et les 16 autres comédiens de Charbonneau et le Chef doivent, je l’espère bien, être contents que leur première soit enfin passée...

Le soleil brillait par sa présence, le vent était bon, il ne fallait donc pas rentrer…Alors, descendre la St-Jean, arrêter au Copiste du Faubourg pour un autre carnet à moitié prix, puis à la librairie St-Jean-Baptiste, pour piquer une autre de ces petites jases avec Frédéric, qui m'a parlé de la dernière soirée de poésie qu’ils ont organisée David et lui, qui me met au courant du prochain cercle de lecture que M. Dugas veut commencer avec comme thème les auteurs et le suicide, de quoi susciter l’intérêt de la lectrice pour celui que je porte à certains d’entre eux, dont les regrettés Tristan Egolf et John Kennedy Toole (de qui nous avons parlé…dans le dos large de leur mortalité rajeunissante)…Frédéric qui ne manque jamais de nous lancer des belles invitations, cette fois-ci pour le recueil d’un collectif de poésie à tirage limité, relié et imprimé à la main, publié chez éphémère éditions itinérantes…Un collectif composé de Francys Chenier et Sandrine Briand, deux autres jeunes artistes de la relève qui veulent laisser leur trace…Faite de ces beaux hasards, une autre soirée aura lieu le 6 mai prochain à quelques pas de la librairie, elle se passera au bar Le Sacrilège, on y rapaillera quelques deniers de la part des buveurs de bières présents pour financer le théâtre d'Hanna Abd El Nour. C’est ça, la rue St-Jean: des mots, de la couleur, de la vie, de la spontanéité, et du temps, beaucoup de temps…pour y flâner…

Le flânage, certes la plus belle des activités de plein air que je connaisse à ce temps-ci de l’année…et tout au long tant qu’à y être…Déambulation vers le côté est à droite; y’a du monde, mais pas trop, juste assez pour avoir le temps d’observer quelques visages d' ( in) connus ici et là, pour lécher des yeux quelques devantures de vitrines fleuries, dont celles des librairies que je préfère, et entre autres, la Pantoute…Y entrer dans son réconfortant refuge, entendre de loin cette voix devenue familière avec le temps, celle de Christian G., jeune mais éminent conseiller de littérature acidulée qui connaît mes moults goûts après ces quelques 5 années de fréquentations…;-) mais ne plus me souvenir du nom de ce nouvel auteur pas plus que du titre de l’ouvrage qu'il m'a suggéré avec toute la passion qu'il l'habite.…On y reviendra…c’est sûr et certain... un de ces mardis prochains …

Continuer, monter à la Librairie Générale Française pour y cueillir ce petit livre de 107 pages d’Alberto Cavallari, La fuite de Tolstoï…. Sur la quatrième de couverture: Tolstoï a quatre-vingt-deux ans. Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1910, il quitte la propriété familiale de Yannaïa Poliana. Sans prévenir sa femme ni ses enfants, il s’enfuit seul dans l’hiver glacial. Après quatre jours d’errance, il échoue dans la petite gare d’Astapovo, où il meurt une semaine plus tard. Comment expliquer cette fuite ? Alberto Cavallari mène l’enquête grâce aux journaux des rares témoins directs et à Tolstoï lui-même qui, dans la gare, écrira sur son geste. C'est Louis Hamelin qui, dans le Devoir du 27 mars dernier, m'a incité à me procurer ce titre réédité par les éditions Christian Bourgeois (extrait):

Dans cette maison des journaux, tout le monde écrivait secrètement des observations, des notes, des carnets, des cahiers, que d’autres ensuite finissaient par connaître. Cette " toile d’araignée de mots écrits, au centre de laquelle évolue l’auteur de Guerre et Paix, n’est pas sans évoquer l’actuelle Toile de blogueurs et une culture du dévoilement obligatoire avec ses postures qui déguisent les stratégies de diffusion en exigence de vérité, Cavallari: " Tout cela créait une pelote enchevêtrée de "vérité " qui ne faisaient que du mal, et tressaient des fils coupants de soupçons, de jalousies, de pensées sincères ou de pensées artificieuses, souvent écrites pour manœuvrer les pensées d’autrui. Tout alimentait ce culte des "vérités " secrètes devenues publiques, qui épaississaient le filet du mariage-prison."...

Payer. Mais avant de partir, recevoir un cadeau: une belle petite brochure intitulée, MA LIBRAIRIE INDÉPENDANTE…avec des textes inédits de Jean-François Beauchemin, Robert Lalonde, Nicolas Dickner, Marie-Hélène Poitras, Jean-Jacques Pelletier et nul autre que Michel Tremblay. Tremblay qui a écrit LES BELLES-SŒURS, la pièce québécoise la plus jouée au monde, des mots qui actuellement font vibrer les cordes vocales du chœur chantant des comédiennes qui l'interprètent et apparemment avec beaucoup de brio…Tremblay qui, avec ce texte inédit intitulé POE, saura toujours me surprendre, il est question ici d’un jeune de 13 ans qui ne lit que des BD et qui soudainement après avoir reçu son premier livre sans images en cadeau de la part de sa libraire préférée, découvre toute la densité des mots….oubliés …

" Vous aviez raison ! Vous aviez raison ! J’ai tout vu ! J’ai tout entendu! J’ai tout senti ! Paris, les bruits dans les rues, les cris des femmes qui se font tuer, l’inspecteur Dupin dans sa redingote, le singe, le singe qui tue, je l’ai vu, lui aussi, pis…je l’ai senti ! J’vous jure que je l’ai senti! Ça sentait le zoo! J’avais pas besoin d’images! C’est la première fois que ça m’arrive ! J’ai faite comme vous m’avez dit, j’ai essayé d’oublier les mots que je lisais…pis ça a marché! Merci! J’sais pas comment vous remercier, mais je vous jure que j’vas continuer!" [ ] Mais faut pas me demander d’abandonner les bandes dessinées, par exemple! Jamais je ne les abandonnerai! "

Remercier le courtois commis. Sortir. Marcher. Errer. Découvrir deux nouvelles rues qui se croisent et que je ne connaissais pas encore: Mont-Carmel et des Grisons, là où un charmant B & B y a élu domicile…Trouver une sculpture de rue, une moitié de cintre. Me pencher dessus. Le ramasser...pour marquer cette journée au fer...rouillé. Rentrer. Ouvrir La fuite de Tolstoï, la commencer... 

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