samedi 4 juin 2011

LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS: Mise aux poings


Photo: L.L.





LES ÉTRANGERS SE RESSEMBLENT.

LES ÉTRANGLÉS SE RASSEMBLENT.



pour Monsieur Oscar Éric Simard,
qui erre encore dans un coin du garage...




MOULIN À PAROLES


UN GARS LE VENDREDI SOIR, SOUS LA PLUIE. DE LA PLUIE dans ses cheveux et sur ses vêtements. De LA PLUIE. Et ENCORE de LA PLUIE. COMME À TOUS LES vendredis soirs DE SA VIE, IL CHERCHE UN LIT POUR LA NUIT; IL CHERCHE peut-être aussi UN AMI…il LE TROUVE et LE GARDE EN HALEINE PENDANT CINQUANTE MINUTES, une brève éternité...
CE TEXTE EXALTANT, DE BERNARD-MARIE KOLTÈS, FAIT DE SOUFFLE, DE SANG, DE SUEUR, DE BLEUS, DE GRIS, DE NOIR, DE FUREUR, DE NUIT, DE PELOUSES, D’ARBRES, D’AMOUR, DE SOIF, DE POINGS, DE RÉVOLTE, DE BEAUTÉ. DE BEAUCOUP DE BEAUTÉ. OUI, DE grande et éloquente BEAUTÉ. LE GESTE TAILLÉ DANS LA PAROLE D'UN HOMME QUI S’EN VA FAIRE SA NUIT…AVEC LE TEMPS…






EN CE SOIR DE COMBUSTION SPONTANÉE DE DÉBUT JUIN, DANS LE DÉFUNT GARAGE BÉRUBÉ, DANS LA 2ÈME RANGÉE, ASSISE ENTRE NFV ET UN HOMME D’ÂGE MÛR, IL FALLAIT TOUT DE MÊME beaucoup S’AIMER POUR ainsi SE COLLER, " C’EST ÇA QUI FAUT " M’A CONFIÉ UNE SPECTATRICE ENCORE SOUS LE CHOC DE CE CONCERTO POUR UNE VOIX...


AU BOUT DE CETTE PHRASE SANS FIN, IL FALLAIT admirer LE REGARD ILLUMINÉ PAR les sens injectés dans TOUS LES PORES DE LA PEAU DE L’ACTEUR. Avec cette LUMIÈRE qui traversait le dedans DE SA BOUCHE PLEINE DE MOTS VITRÉS…. SON MAQUILLAGE BLEU MAUVE ASSORTI À SON ÂME EN CHAIR, son cœur en verre ÉMIETTÉ...pour ENTENDRE LE SON DES VÉHICULES QUI CIRCULAIENT SUR LE CHEMIN SAINTE-FOY...pour entendre LE CHANT DE L’ARABE sur la rue DES PUTES... pour IMAGINER LES ARBRES, LES OMBRES... pour repérer UNE FILLE inconnue SUR UN PONT EN ROBE DE NUIT…JUSTE AVANT LES FORÊTS…

DANS LE DÉCOR NATUREL DU GARAGE BÉRUBÉ TOUT SE PRÊTAIT TOUT À FAIT À CETTE SCÉANCE/PERFORMANCE DU MERVEILLEUX COMÉDIEN QU’EST SÉBASTIEN RICARD. La mise en scène sobrement efficace de madame Brigitte Haentjens nous a encore une fois transportés dans un autre monde, celui de l'Autre et de son ailleurs d'ici. Avec les mots crus et justes d’un auteur mort prématurément: Bernard-Marie Koltès. Koltès que je ne connaissais pas vraiment, mais pour qui j’irai sûrement faire quelques pas de doigts agiles dans la littérature qu’il a créée il y de cela quelques décennies…



Extrait lu par François Bon


Nous sommes peut-être au bord d’une nouvelle révolution, ou peut-être en plein cœur, on ne le sait pas encore; c’est ce que j'ai ressenti ou cru ressentir ce soir dans ce texte révélateur, dévastateur. Des mots qui donnent soif et affament, des mots de choix, des mots empreints de milliards de solitudes, des mots qui réveillent la multitude, des mots qui pratiquent à haute voix la voltige des acrobates du verbe, des mots qui ont longé en incognito les remparts gris de l’âme de Koltès. Le regard révolutionnaire de la voix de l'Acteur, (et non, ce n'était pas du lipsynch) explosé dans l’Invisible de nos yeux s’est déposé sur nous; NOUS, petite foule de quelques 70 spectateurs québécois de tous âges, agglutinés les uns aux autres, qui étions venus comme ça pour y entendre la parole d'un homme à travers celle d’un Autre, étranger familier qui aura traversé tout seul à la nage, avec le temps de le dire, les vagues rouges des plaies fantômes de l’âme.


Après les 50 minutes de ce long souffle aérien du Comédien, lorsqu'il s’est complètement éteint, il y eut comme un silence de mort, assourdissant, ça aura pris un couteau pour trancher l'air qui circulait dans le garage, ça aura pris quelques 20 à 30 secondes avant que les Spectateurs ne se lèvent d'un trait pour applaudir à tout corrompre. J’ai vu les yeux du Comédien reprendre leur vraie couleur, j’ai vu son regard changer, comme s’il redevenait enfin lui-même, ou peut-être bien qu'il était encore cet Autre? Il était visiblement heureux de ce qu’il venait d’accomplir comme travail. Il venait de donner entière satisfaction à son public subjugué. Il fallait être assis LÀ, aujourd’hui, et non pas ailleurs…Entre la Parole et le Geste, subsisteront toujours ces restants de bonheur encore chauds, ceux d’une humanité passablement absorbée par son déclin.

La griffe écrit dans le sang
et ses messages les plus doux
sont ceux de l'agonie.


Ces mots sont ceux de Claude Gauvreau, POÈTE fantôme toujours vivant, qui m’accompagne souvent les soirs de grandes performances…



LA ZONE DU VENDREDI SOIR

(Pour l’Étranger qui marche seul à tes côtés dans ta ville la nuit)

Un couteau rouillé en plein coeur de la forêt dénudée
pour la défendre d'une fourchette qui voulait la manger.
Et une cuillère en argent pour nous la réchauffer.
Et des pieds dans les plats.
Et des mains dans sa Voix.

--- Où t'étais quand t'es venu par ici ? 

--- Là-bas, dans le garage de G. Bérubé.



Des mercis exponentiels à Sébastien Ricard pour son incandescente présence, elle nous aura encore une fois comblés de tous ses bienfaits créateurs. On ne servirait jamais à grand chose si on ne trouait pas la peau d'un salopard.

À la sortie, au comptoir du garage, une bénévole du Carrefour nous offrait bien humblement une publication sur LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS. Des mots, encore des mots, ceux des amis, artistes, artisans qui ont côtoyé l'oeuvre de Koltès de près ou de loin...des mots pour simplement ne pas l'oublier...


Louise Langlois
Nuits de vendredi à samedi à dimanche


TOUS CES MOTS COULEUR DE SILENCE
TOUS CES MOTS VENUS DE LA PLUIE
D'UNE AURORE QUI POINT À PEINE
TOUS CES MOTS QUE JE N'AI PAS DITS
TOUS CES MOTS JAMAIS ENTENDUS
CACHÉS AU PLUS PROFOND DE MOI
MAIS QUI RÉSONNENT À PRÉSENT
LE TEMPS VENU DE LEUR EMPLOI


DANS LA NUIT TIÈDE
AU BOUT DE L'AUTRE RUE
UNE LAMPE S'ALLUME
MORT QUI VIENT
ET JE RESTERAI SEUL
QUAND IL FAUDRA VEILLER TON CORPS
JUSQU'AU LEVER DU JOUR
LES FEUILLES FRAÎCHES SUR TON FRONT


Bernard Delvaille
Oeuvre poétique
LA TABLE RONDE (p.469)


LA PLUIE
Bérurier Noir





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