lundi 30 avril 2012

L'ODYSSÉE: des hommes et des dieux



HOMÈRE

 « ILS SE SENTENT INVINCIBLES
     ET ILS LE SONT »


Lorsqu'il fut de retour enfin
Dans sa patrie le sage Ulysse
Son vieux chien de lui se souvint
Près d'un tapis de haute lisse
Sa femme attendait qu'il revînt

Guillaume Apollinaire
La chanson du Mal-Aimé

TON TOIT
TES LOIS

Fantastique, sublime, le décor, costumes, la scénographie, le jeu, le texte, TOUT quoi, rien ne clochait; le radeau, les câbles, les voiles, le vent, les éclairs, TOUT était parfaitement fait pour nous emmener voguer au-dedans de cette histoire qui n’en finira probablement jamais. L'ODYSSÉE, suspension dans le temps, long voyage qui commence et recommence, aventures, amours, guerres et...paix...

Qu’était-ce donc cette Chose que nous avons vue et entendue ce soir, mon cher voisin ? La magie d’une histoire venue d’une contrée où à peu près nul de nous n’étions allés auparavant ? Un souffle de beauté surf and turf émergeant de l’étreinte des larmes dans les yeux de Pénélope ?  Ou de celles du Cyclope ? Le chant envoûtant d’une histoire qui nous captive depuis sa naissance ? Le massacre des hommes pour l’amour d’une femme ? Le cadeau divin d’une déesse suspendue dans le bleu du ciel ?

Sophie Dion et Christian Michaud
Photo: Steve Deschênes, LE SOLEIL


DES FEMMES: ANTICLÉE mère, EURICLÉE nourrice, PÉNÉLOPE épouse, CALYPSO amoureuse,  CIRCÉ ensorceleuse, MÉLANTHO traîtresse, NAUSICAA soignante, ATHÉNA protectrice….DES FEMMES…oui, encore ELLES, toujours. Celles par qui le sang parle. Celles en qui Celui a cru. Celles qui l’ont dévêtu. Celles qui l’ont nourri. Celles qui l’ont entendu. DES FEMMES avec lesquelles des hommes n’ont pas toujours vécu. DES FEMMES qui ont soupesé l’épée, le pieu, la lave et l’enfer. DES FEMMES qui ont donné des noms aux dieux puis aux hommes.

ITHAQUE, terre d’Ulysse et de Pénélope, là où le mythe s’est gravé dans nos mémoires d'éponges. La scène, ce soir, qui nous a emmenés dans le ventre plein de l’Histoire. Les applaudissements effrénés du Spectateur qui ont nourrit le sourire enjoué de l’Acteur. L’ODYSSÉE, monument universel pour aller se recueillir une fois de temps en temps pour se rappeler que le futur des hommes en Ulysse est plus près de nous que l’on pense…



Au début du XIXe siècle, la Grèce est en esclavage. Quarante guerriers jeunes, forts et braves se dirigent vers TRIPOLITSA pour la libérer de leurs bras, leurs armes et leurs sang. Ils se sentent invincibles et ils le sont. L'écho de leurs pas chante la liberté. Des années, des siècles d'esclavage s'achèvent dans leur marche . « Où allez vous , mes braves ? » demande le vieux révolutionnaire qu'ils rencontrent sur leur route. « A la conquête de Tripolitsa » rugissent les braves, une, deux, trois fois, de plus en plus fort . « Où allez vous, mes fils ? » se demande le vieil homme seul, couvert de la poussière soulevée par leur marche.

« Où allez-vous ? »


Irène Papas







                                                                                                                                                                                       

Nicolas Létourneau, PRÉTENDANT EURYMAQUE, COMPAGNON ELPÉNOR, ÉOLE; Fabien Cloutier, PRÉTENDANT AMPHINOMOS, COMPAGNON PÉRIMÈDE, POSÉÏDON, TIRÉSIAS; Jean-Pierre Cloutier, PRÉTENDANT LIODÈS, COMPAGNON EURYLOQUE, ALKINOOS; Éric Leblanc, PRÉTENDANT IROS, COMPAGNON ANTICLOOS, EUMÉE; Denise Gagnon, ANTICLÉE; Danielle Belley, EURICLÉE, NAUSICAA; Éva Saïda, MÉLANTHO, CALYPSO, CIRCÉ; Paule Savard, ATHÉNA; Sophie Dion, PÉNÉLOPE; Christian Michaud, ULYSSE; Steve Gagnon, TÉLÉMAQUE, POLYPHÈME; Jean-Michel Déry, PRÉTENDANT ANTINOOS, COMPAGNON POLITÈS, LAËRTE;      

La distribution, avec une affiche de comédiens et comédiennes  « on ne peut quasiment espérer mieux », doublée du jeu dansant et acrobatique des scènes qu’ils ont eu à vivre et mourir, a une fois de plus fait luire leur aura. Ils et elles étaient tous et toutes aussi bons les uns que les autres, et ce soir, comme les autres soirs, je les ai vu (e) s en confrères et consœurs de travail, compagnons et compagnes de théâtre, et peut-être davantage. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais il m’a semblé qu’il y avait de l’électricité dans l’air, une clarté additionnelle dans leur façon de jouer avec leurs talents respectifs. Tous pour un, un pour tous; à mon avis, c'est ce qui a toujours fait toute la différence entre une pièce...et une autre...

Bravo aux équipes des costumes, maquillages et éclairage, elles ont largement contribué au plaisir que nous avons eu à nous délecter de la solennelle mise en scène de Martin Genest, une magnifique finale de saison. Ce fût un autre de ces moments magiques passés entre les bras de la mythologie grecque, une de plus en cette saison dûment remplie de femmes au passé pas si lointain que ça...



Merci au TRIDENT qui nous a encore une fois comblés avec son grand théâtre. Il fallait d'ailleurs entendre les commentaires à chauds qui sortaient des bouches tenues au silence pendant un peu plus de deux heures: merveilleux, sublime, du vrai théâtre. Ils traduisaient le ravissement complet, la satisfaction et le bonheur, celui de ne pas être sorti de chez soi pour rien en ce soir frisquet de fin avril.

Bekim Fehmiu et Irene Papas
L'ODYSSÉE de Franco Rossi

L'ODYSSÉE de ce soir m'a ramenée tout droit à celle du tendre souvenir de la mini-série présentée en quatre épisodes à la télévision de Radio-Canada en...1970. C'était quelque chose. La magnifique Irene Papas en Pénélope et le ténébreux Bekim Fehmiu en Ulysse, beaux commes des dieux nous avaient ensorcelés avce leur histoire d'amour (c'était au temps du LOVE STORY d'Erich Segal). Il y avait également Renaud Verley, leur fils Télémaque, qui faisait battre nos petits coeurs d'adolescentes à chaque fois qu'il rabattait du cil. Ah! c'était les beaux jours. C'était avant OCTOBRE...


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