samedi 3 octobre 2015

BOUSILLE ET LES JUSTES : Blaise Belzile juste avant la révolution






À tous ces jeunes écureuils orphelins qui, au lieu de faire des provisions pour l’hiver difficile qui s'en vient, préfèrent partager les fruits et noix de leur automne avec qui les sauveraient peut-être plus tard de leur famine.

L.L.


JE NE SUIS PAS INTELLIGENT, JE LE SAIS.
PRENEZ-EN DONC VOTRE PARTIE.
Bousille au cœur d’or



Noëlla et Bousille
Photo: Nicola-Frank Vachon


BOUSILLE: (lève la tête et regarde les deux hommes à tour de rôle, consterné): Vous ne pouvez pas me demander de faire une chose pareille.
HENRI: QUOI ?
BOUSILLE: Vous savez bien que ce serait un faux serment…
HENRI: Écoute, toi…
BOUSILLE: (le sang glacé): Le Bon Dieu me laisserait retomber dans mon vice, sûr et certain…
HENRI: (pris d’une rage sourde): Je t’avertis charitablement: le temps de niaiser est fini.

Bousille et les justes
Gratien Gélinas



Ghislaine Vincent




En mémoire de Blaise Belzile et Bruno Maltais


Jeudi soir dernier, 1er octobre, soir de rentrée théâtrale à LA BORDÉE dans NOTRE Saint-Roch. À l’accueil, une gente dame, que nous croisons souvent dans d’autres halls de Québec. Elle nous offre gentiment le programme de BOUSILLE ET LES JUSTES. C’est si bon de se retrouver ICI, en plein milieu du peuple qui migre de son salon de banlieue plate pour aller faire un tour dans le satellite naturel de la Culture québécoise. Juste avant, une visite chez Phil Smoke Meat de la rue Saint-Vallier, l’endroit idéal pour être tranquille, pour bien manger, pas trop cher, pour boire une bière, des fois deux, pour faire nos mises à jour de la saison 2015-2016, qui s'annonce comme l'une des plus cinématographiques ! 

***


BOUSILLE ET LES JUSTES


Pauvre Bousille, pris entre ses saints et ses démons, si tendre et bon, simple comme bonjour, pas compliqué pour un sou, rempli de tout le respect possible envers ses semblables, pauvres, idiots, riches ou mécréants.

Un chien sale te mord, 
un homme froid te bat; 
Une chatte en chaleur te griffe, 
une mère porteuse qui s’en va…

Peu importe la justice, peu importe les lois, 
c’est ce que tu décideras de faire APRÈS avoir triché 
qui comptera…




Mais qu’est-ce qu’il nous a eu avec son air de rien qui disait tout, avec sa pure franchise et sa sainte dévotion. On a entendu à travers l’illumination des spots son cœur se briser, ses poumons se comprimer, ses tempes se battre; on a également senti la peur l’envahir, la peur de l’ombre de l’homme qui le contraint à ne pas tout dire. Que d’émotions, surtout dans le dernier stretch alors que la lumière blanche et crue inonde les chemises blanches des hommes blancs qui veulent tellement laver plus blanc que blanc, qu’à force de frotter si fort sur la peau de leurs victimes, on finit par voir gicler le sang pour sang des grands rebelles muets…


Phil, Henri et Bousille
Photo: Nicola-Frank Vachon


Jean-Philippe Joubert, l’incomparable et si intègre metteur en scène de cette magnifique production, assisté de Caroline Martin, a réalisé, comme à son habitude, un travail de maître. Tout en harmonie, avec beaucoup de mouvements, dont des pas de danse sur la sublime musique de Josué Beaucage. Les éclairages lors de ces parenthèses musicales apportaient une touche de beauté spectrale, le fantôme de Gratien Gélinas devait sûrement rôder dans le coin du grand rideau rouge de LA BORDÉE



Photo: Nicola-Frank Vachon


La scénographie et les costumes, de mesdames Monique Dion et Julie Morel, ont également tiré leur...épingle du jeu. Les pièces ouvertes de l’hôtel Corona, avec la chambre 312 en vedette, ses portes invisibles qu’on pouvait VOIR s’ouvrir et ENTENDRE grincer, apportaient encore plus de profondeur aux divers déplacements. L’imaginaire du Spectateur, ainsi bien entretenu et donc sollicité, ne peut qu'apporter davantage d’agrément à notre mental...



Photo: Nicola-Frank Vachon


Christian Michaud, le Bousille nouvelle cuvée, celui à qui LA BORDÉE a offert de jouer l’une de ses plus belles partitions théâtrales, prend avec humilité et le talent illimité qu’on lui connaît, tout l’espace qui lui appartient dans ce premier rôle mais non sans laisser prendre celui tout aussi important de ses compagnes et compagnons qui sont enchaînés à lui. Simon Lepage/Phil Vezeau, et Eliot Laprise/Henri Grenon, ont été particulièrement éblouissants, dans toute la radiation du mot; investis à 150 % dans leurs rôles de beaux-frères sauveurs de la face/race familiale. Éclatée/éclatante, leur joute, autant verbale que physique, a fait en sorte…qu’on avait affaire à les écouter. 

QUOI ?


Chapelet de la bonne Sainte-Anne



Ghislaine Vincent, la sainte-mère de cette trâlée d’orgueilleux, qui crie autant qu’elle prie, (qui avait d’ailleurs joué le même rôle en 1986 ici-même à LA BORDÉE), était fréquemment accompagnée de Jean-Denis Beaudoin, le prodigieux et spirituel Frère Nolasque. Ces désopilantes grenouilles de bénitier, provoquaient allègrement les rires dans la salle avec leurs sempiternelles répliques de « plus catholiques que le Pape ». L’énergie naturelle avec laquelle ils les déployaient, a opéré; elle créé ce magnétisme unique qui n’existe qu’ICI, entre le Public récepteur et l’Artiste émetteur.



Simon Lepage (Phil)
 et Jean-Denis Beaudoin (Nolasque)
Photo: Nicola-Frank Vachon



Et que dire de celle de Valérie Laroche/Aurore Vézeau, la police de Phil son mari, qui en gère et en mène assez large dans cette famille surprotectrice? Qu’elle est sur le 220 à peu près tout le temps que dure la pièce, une véritable boule d’énergie. Pourtant, si elle savait tout ce qui se trame dans son dos étroit de petite épouse parfaite. Et que dire de la candeur de Danielle Belley, la Colette Marcoux d’Aimé Grenon, celle par qui une grande partie du drame arrive ? Que dans toute cette blancheur de cygne tachée du rouge de la honte, apparaît au-dessus de sa tête de madone harcelée une auréole d’épines de roses fanées.




Et Laurie-Ève Gagnon/Noëlla Grenon, toujours aussi juste, belle et touchante, qui ressemble le plus à Bousille en fait, celle qui ne se révoltera jamais, qui endurera le harcèlement et la violence de son cher époux mais jusque où et quand se dit-on ? Et Maxime Perron/l’avocat d’Aimé (le fils accusé du meurtre d’un rival amoureux) ? J’ai bien aimé son jeu naturel, et j’espère (dans une suite imaginaire) qu’il la défendrait lors d’un futur divorce. Non, mais on a le droit de rêver un peu que cette femme puisse accéder enfin à un peu plus de respect…un jour. Mais comme elle est enceinte et si bonne, j’imagine qu’elle demeurera muette et fidèle…jusque avant la prochaine révolution…pas trop tranquille j'espère (hein Marcel ? ).........
QUOI ?





Oui, Gratien Gélinas, aurait été pas peu fier de voir comment sa pièce, créée en 1959, a bien vieilli. Parce que les odeurs nauséabondes de l’intimidation, du harcèlement, de la malhonnêteté et de l’hypocrisie subsistent encore dans notre monde remplis de névrosés, de narcissiques, de violents et de dépravés de toutes sortes. La preuve: une tuerie de plus cet après-midi dans un collège américain, en Oregon cette fois. Chris Harper Mercer, un jeune homme de l’âge de Bousille, qui apparemment demandait à ses futures victimes si elles étaient chrétiennes avant de les abattre de sang-froid. Il avait écrit ces mots laissant présager le drame qui a suivi:




 « C’est la seule fois que je passerai aux nouvelles. 
Je suis si insignifiant. »






« Le peuple québécois s’est défini par opposition au reste du Canada par deux choses: la langue et la religion. Il y a un terreau fertile pour qu’il y ait des problèmes avec les minorités religieuses. »

Haroun Bouazzi
Association des Musulmans et des Arabes pour la laïcité du Québec
2 octobre 2015

(Avec 140 commentaires dans le Journal de Montréal !!!)



Autres sortes de dieux du carnage



Mais c’est pas si grave que Blaise Belzile ait été un pécheur, 
puisque lundi prochain 
LE MONDE SERA MEILLEUR
(with...NO RELIGION)




And they ask what hate is
It’s just the other side of love
Some people want to give their enemies
Everything they think that they deserve
Some say why don’t you love your neighbours
Go ahead, turn the other cheek
But there’s nobody on this planet that can ever be so meek
And I can’t bleed for you
You have to do it your own way
And there’s 
NO RELIGION,
NO RELIGION,
NO RELIGION,

HERE TODAY


Photo: Nicola-Frank Vachon

BRAVO !



4 commentaires:

  1. via facebook
    le 4 octobre 2015

    Merci énormément du commentaire ! Très bel article, comme d'habitude

    Simon Lepage

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  2. via facebook le 4 octobre 2015

    Merci.

    Jean-Philippe Joubert

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  3. via facebook le 4 octobre 2015

    Wow merci beaucoup Louise, c'est très touchant xx

    Christian Michaud

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  4. via facebook le 4 octobre 2015

    Salut Louise!
    Wow, merci pour le beau texte1
    !
    à Bientôt!

    Jean-Denis Beaudoin

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